Intervention de Marcel Vidal

Réunion du 30 mars 2006 à 15h00
Engagement national pour le logement — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture, amendements 277 1908

Photo de Marcel VidalMarcel Vidal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour aborder la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Certes, ce titre ambitieux est bienvenu au regard des questions qu'il nous revient de traiter. Mais force est de constater que, avant l'apport des nombreux amendements déposés au cours des différents débats, le texte initial, lui, se révélait en deçà des attentes. Au-delà même de la teneur de son titre, sans nos apports successifs, nous pouvions légitimement craindre plus un effet d'annonce qu'une véritable révolution.

Néanmoins, je le dis sans esprit partisan, à l'exception de quelques avancées qui permettront de mobiliser certains biens fonciers de l'État, il reste beaucoup de progrès à accomplir, la situation présente étant extrêmement préoccupante.

Je ne doute pas que M. Borloo partage, au même titre que la plupart de ses prédécesseurs, de vraies ambitions pour le logement en France. Encore faut-il qu'il veille à ne pas détruire ce qui fonctionne et à ne pas oublier les avancées passées.

Je regrette également au passage que le présent projet de loi oublie ou s'éloigne des principaux objectifs et même de l'esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. En effet, celle-ci visait notamment à assurer un meilleur équilibre des territoires, à encourager la mixité et à développer les parcours résidentiels.

Exit l'article 55 de la loi SRU et le quota de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants ! Le Président de la République lui-même ne semblait pas favorable à l'amendement tendant à intégrer dans ce quota de 20 % les logements vendus et construits dans le cadre d'opérations d'accession sociale.

Si, sur le plan philosophique, je ne suis pas un inconditionnel de la mise en oeuvre des quotas, les municipalités qui n'avaient pas pris la mesure de leurs besoins en la matière ou n'avaient pas engagé d'efforts pour atteindre cet objectif se réjouiront de ce recul. Celles qui avaient compris, sans dogmatisme, que le logement social était un élément stratégique essentiel au bon fonctionnement des parcours résidentiels apprécieront !

J'en reviens au texte de loi, dont l'élaboration a déjà suivi un long cheminement : près de trois ans de travail avec trois ministères successifs. Il subira encore, ici même, une avalanche d'amendements, dont l'un, qui concerne l'avenir des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, a suscité de nombreuses inquiétudes et de multiples réactions.

L'amendement n° 277, qui a été depuis rectifié, a été perçu comme un coup d'arrêt au développement de ces sociétés nées au début du siècle dernier, en 1908 précisément. C'est sur ce point que portera l'essentiel de mon intervention, le temps de parole accordé à chaque orateur étant limité.

Près d'un siècle plus tard, il serait bien dommage de constater, alors même que les situations critiques en matière de logement sont toujours aussi prégnantes dans nos sociétés, que notre assemblée cautionne la dislocation de ce qui, sur l'initiative de quelques philanthropes, et surtout du sénateur radical du Pas-de-Calais, Alexandre Ribot, est devenu, au fil du temps, plus qu'une institution, une véritable entreprise globale agissant dans le cadre de l'intérêt collectif et des problématiques de logement des plus modestes.

À l'heure même où l'on souhaite et où l'on organise la décentralisation des politiques du logement, où les EPCI signent avec l'État les conventions de délégation des aides à la pierre, peut-on se priver d'un allié de poids, de partenaires locaux bien ancrés dans les centres urbains comme en milieu rural, et qui, de surcroît, sont de formidables relais pour les pouvoirs et les collectivités locales ?

Par ailleurs, comme le rappelait notre collègue et ami Michel Delebarre, président de l'Union sociale pour l'habitat, si « le principe d'une adaptation législative nécessaire des sociétés anonymes de crédit immobilier, voire d'une réforme, peut être accepté, et même souhaité par la chambre syndicale des sociétés du Crédit immobilier de France, comme par l'Union sociale pour l'habitat, la logique de l'adaptation ne peut pas remettre en cause l'ancrage des crédits immobiliers dans le mouvement HLM ».

Cette organisation est le fruit d'une histoire, de multiples adaptations. Elle est aujourd'hui reconnue par les collectivités locales comme un modèle performant. Voudrait-on la sacrifier pour agglomérer cet ensemble de sociétés dans un groupe d'un autre niveau, centralisé ? Faut-il des monstres industriels pour répondre à des problématiques sur mesure ? Non, je ne crois pas que céder à la mode des géants, des multinationales puisse permettre aux crédits immobiliers de faire mieux. Bien au contraire, nous prendrions le risque de stériliser un ensemble de synergies positives.

Aussi, je me suis personnellement réjoui, au terme des débats, de l'évolution de l'engagement du Gouvernement qui a adopté des positions traduisant une modification sensible de son avis initial.

Il faut savoir que les sociétés anonymes de crédit immobilier ne sont pas de simples prêteurs immobiliers ou d'ordinaires promoteurs. Depuis cinq ans, chaque SACI développe, en région, ses missions sociales et les intègre progressivement, de manière systématique, dans les politiques locales de l'habitat.

Près de cent conventions partenariales signées à ce jour sur l'ensemble du territoire entre les SACI et les collectivités locales, qu'il s'agisse des régions, des conseils généraux, des communautés urbaines, des villes ou des communes, témoignent d'actions concrètes, utiles et reconnues. Ces actions couvrent des champs tels que l'accession très sociale, l'accession en zone rurale, la revitalisation de l'habitat à destination de propriétaires très modestes, la participation aux actions de renouvellement urbain, l'adaptation des logements aux personnes dépendantes en raison du vieillissement de la population ou d'un handicap, la sédentarisation des migrants, la lutte contre les logements insalubres.

En 2005, 50 millions d'euros ont été localement consacrés par les SACI aux missions sociales permettant de financer près de 250 millions d'euros d'opérations au bénéfice de plusieurs milliers de ménages très modestes.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement a choisi de relever le plafond des ressources des ménages donnant droit au prêt à taux zéro jusqu'à 7 000 euros, le montant même de ce prêt se révèle aujourd'hui très insuffisant. Un rapport récent de l'association départementale d'information sur le logement, l'ADIL, de l'Hérault note cette évolution et met en exergue la quotité décroissante du prêt à taux zéro dans le montant des opérations d'accession. Ce dernier ne représente désormais plus que 11 % du coût de l'opération, contre 16 % en 1999.

Le boom de l'immobilier, la croissance du prix du foncier expliquent sans doute ce net recul. Sur la même période, le rapport indique que le nombre d'opérations d'accession sociale financées à l'aide d'un prêt à taux zéro a été divisé par deux. Les conséquences sont simples : les personnes les plus modestes sont exclues de l'accession sociale.

Or ce sont justement les sociétés de crédit immobilier qui viennent au secours des accédants les plus modestes et qui, en retenant des critères plus sélectifs, doublent le montant du prêt à taux zéro pour les ménages dont les revenus n'excédent pas deux fois le montant du SMIC.

Enfin, il faut souligner que ces sociétés sont les premières à mettre en oeuvre et à organiser une véritable mixité sociale. Sur le terrain, les propositions qu'elles formulent aux élus locaux sont toujours animées par l'objectif de travailler au profit de l'intérêt collectif. Elles jouent aussi un rôle de conseil, d'accompagnement. Elles sont des acteurs responsables et luttent, chaque fois que possible, contre toute dérive inflationniste et spéculative.

Par expérience et par culture, les sociétés anonymes de crédit immobilier jouent un rôle essentiel et mènent un combat antispéculatif en sensibilisant et en accompagnant les élus de terrain ; elles proposent des aménagements mixtes réalisés sans surenchère foncière.

En conclusion, je souhaite indiquer que les sociétés anonymes de crédit immobilier, par le biais de leur chambre syndicale, ont ainsi confirmé au Gouvernement leur engagement à participer de façon récurrente et encore plus active aux grands chantiers que constitue l'engagement national pour le logement. Elles attendent la concrétisation législative de leur évolution statutaire, la mise en adéquation de leur objet social avec la réalité de leurs missions sociales et le maintien de leur ancrage dans le logement social. Cette évolution ne peut se faire sans la préservation de leurs filiales concurrentielles qui constituent la source actuelle et future de financement de leurs actions.

Je note, à titre d'exemple, que les SACI se sont engagées à venir en aide à l'État en 2006 en consacrant 50 millions d'euros, dans le cadre de leurs missions sociales, à des opérations réalisées en liaison avec L'ANAH. En France, quel autre organisme privé de taille équivalente offre un tel appui, un tel support à nos politiques de logement ?

Finalement, les échanges à propos des sociétés anonymes de crédit immobilier auront sans doute permis de combler un déficit de notoriété, déficit paradoxal tant le travail avec les pouvoirs publics locaux est significatif.

Au cours de nos débats, nous aurons pu mettre en exergue des actions d'intérêt collectif menées, de longue date, par les SACI. Nous aurons pu mesurer la qualité de leur gestion. Il est assez rare que l'on relève ici les situations d'organismes qui ont su gérer leur développement sans faire appel à l'aide de l'État, donc au contribuable. Je ne rappellerai pas les divers secours apportés en son temps au Crédit Foncier.

Il est en conséquence de notre devoir d'apporter une réponse concrète aux attentes des SACI et à leurs propositions pour ne pas enrayer des processus de production au coeur de nos régions, ce qui leur permettra de poursuivre honorablement des ambitions sociales définies à l'origine voilà près d'un siècle.

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