Intervention de Roger Madec

Réunion du 30 mars 2006 à 15h00
Engagement national pour le logement — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi important, je voudrais revenir sur la politique conduite par le Gouvernement en matière de logement. Malgré les apparences, elle reste insuffisante.

Monsieur le ministre, vous vous flattez d'avoir mis en chantier 400 000 logements en 2005. Cela reste largement en deçà des besoins des Français et je vais vous en expliquer la raison.

Tout d'abord, je veux souligner que, contrairement à ce que vous affirmez, cet effort n'est en aucun cas sans précédent. Au contraire, il marque un recul historique. Selon la Fondation Abbé Pierre, l'effort de la collectivité publique en faveur du logement est au plus bas depuis vingt-cinq ans. En 2000, il avait atteint pour la première fois 2 % du PIB. Force est de constater que, depuis 2002, on est repassé en dessous de ce seuil symbolique et que ce chiffre n'a pas cessé de baisser. Aujourd'hui, l'effort de la collectivité publique est retombé au niveau de 1980.

Le volume actuel des constructions est insuffisant. Il permet, certes, de faire face à la demande nouvelle des ménages qui progresse chaque année. En revanche, il ne rendra pas possible la résorption du déficit, estimé à 900 000 logements, accumulé depuis des années.

Cette insuffisance de constructions est encore plus criante en matière de logement social. Alors qu'en France les demandeurs de logements sociaux sont au nombre de 1, 2 million, le rythme de constructions dans ce secteur a chuté de 25 % entre 2000 et 2005. Alors que, jusqu'en 2002, l'on construisait en moyenne deux tiers de logements sociaux, cet équilibre a été rompu. Dans le même temps, les constructions de logements à destination des ménages qui peuvent se loger sans aide publique ont été plus que doublées. Il y a là une véritable injustice.

En premier lieu, tous les indicateurs montrent une fragilisation et un appauvrissement des demandeurs de logements sociaux. En effet, 70 % d'entre eux ont des ressources qui correspondent aux plafonds des PLAI et des PLUS, qui sont les plus bas. Pourtant, ce sont les logements les moins sociaux qui constituent votre priorité, monsieur le ministre. Le rythme de construction des logements PLS devrait en effet quadrupler d'ici à 2009, aux termes du plan de cohésion sociale. Parallèlement, le nombre de logements très sociaux n'aura même pas doublé en dix ans. Et les maires qui ne souhaitent pas accueillir les populations les moins favorisées ou les plus fragiles pourront continuer de le faire en toute impunité.

En deuxième lieu, l'application de l'article 55 de la loi SRU ne donne pas lieu au rééquilibrage attendu entre les communes. L'objectif de rattrapage triennal est, certes, globalement atteint. Mais ce sont les villes qui étaient déjà proches de l'objectif de 20 % de logements sociaux qui poursuivent leur effort de construction. Les communes qui, dès le départ, avaient très peu de logements sociaux n'en ont construit qu'un faible nombre. Elles sont apparemment exonérées d'atteindre le seuil des 20 %.

Ainsi, la fracture territoriale ne fait que se renforcer un peu plus au détriment de l'objectif de mixité sociale.

En troisième lieu, les aides publiques ne profitent pas aux plus nécessiteux, loin s'en faut. C'est le cas du fameux « amortissement Robien ». Avec ce dispositif, la collectivité publique peut dépenser autant pour la construction d'un logement locatif privé que pour celle d'un logement social. C'est un paradoxe choquant quand on sait que les loyers pratiqués sont très proches des cours du marché.

De surcroît, la hausse des prix du foncier qu'entraîne ce dispositif pénalise la construction de logements sociaux. Quant à la progression des loyers qu'il suscite, il est pour le moins surprenant qu'elle soit cautionnée par des aides publiques. Malheureusement, la création d'un nouvel amortissement, dit « Borloo populaire », ne renversera pas cette tendance.

À l'autre bout de la chaîne se trouvent les aides personnelles dont bénéficient les locataires aux revenus les plus faibles. Celles-ci constituent le parent pauvre de la politique du logement. Elles n'ont été revalorisées qu'une fois en deux ans et demi. Pourtant, la situation des locataires ne fait que se dégrader.

L'année dernière, les dépenses courantes de logement ont progressé de 6 %, soit trois fois plus qu'en 2002. Quant aux loyers, leur augmentation est nettement plus forte que celle des revenus des ménages. Ces six dernières années, ils ont progressé de 30 % tandis que les revenus n'augmentaient que de 26 %. En outre, ces hausses de loyers ont plus fortement touché les personnes habitant dans le parc social.

Enfin, il suffit de prendre un exemple pour se rendre compte de l'importance que peut avoir l'aide au logement pour les personnes les moins favorisées. Un ménage avec deux enfants qui touche 1, 5 fois le SMIC consacre près de la moitié de son budget à ses dépenses de logement si ce dernier se situe dans le parc privé. Pourtant, le Gouvernement refuse de prendre en compte cette réalité. Ce sont 6 millions de personnes qui dépendent de ces aides. Et les diverses mesures restrictives qui ont été adoptées ont abouti à l'exclusion de 200 000 personnes de ces allocations si importantes.

Les locataires les plus modestes sont ainsi les victimes de l'austérité budgétaire. En revanche, les accédants à la propriété, qui pourtant ne sont pas les plus en difficulté, voient relever les plafonds de ressources du prêt à taux zéro et de nouveaux outils de défiscalisation leur sont proposés.

Certains seraient en droit de penser que le Gouvernement est plus généreux avec les propriétaires qu'avec les locataires les moins riches.

Vous donnez la priorité à l'accession à la propriété alors que les ménages en difficulté éprouvent la plus grande peine à se loger et à payer leur loyer. À ceux qui peinent à être locataires, vous dites : « devenez propriétaires ». Vous le savez, nombre de demandeurs de logement ont des ressources largement inférieures aux plafonds retenus pour les logements les plus sociaux et ne vivent qu'à l'aide des minima sociaux. Il leur est donc impossible d'accéder à la propriété.

La question du logement est trop grave pour recourir à des solutions un peu faciles. Après le chômage, le logement constitue en effet la plus grande source d'inquiétude des Français dans leur vie quotidienne, ce qui est bien naturel, puisque sans logement on ne peut pas vivre décemment. C'est en ce sens que nous abordons la discussion de ce texte, et c'est dans cet esprit que nous demandons une application plus rigoureuse de l'article 55 de la loi SRU, qui impose la solidarité entre les communes.

Le Sénat a fait preuve d'ouverture en adoptant, lors de la première lecture, certaines propositions formulées par les membres du groupe socialiste, notamment en matière foncière. Je souhaite que cette ouverture se poursuive au cours de la deuxième lecture.

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