Intervention de Jean Desessard

Réunion du 30 mars 2006 à 15h00
Engagement national pour le logement — Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Je ne vois pas comment vous pourriez faire autrement ! Je rappelle que, lors de mon intervention sur le CPE, j'avais dit que, si tel n'était pas le cas, cela vaudrait préavis de licenciement. Je pense que vous allez devenir raisonnable et que vous allez le retirer, mais il s'agit d'un autre débat !

Ces personnes en CDD ou en CNE n'ont pas accès à l'emprunt. La France connaît une crise du logement, certes, mais, plus précisément, une crise du logement locatif, et encore plus précisément une crise du logement social accessible. Il faut donc faire de vrais logements sociaux, pas seulement des logements pour les classes moyennes, comme les PLS, qu'il faudrait enlever de la classification « logement social ».

Je vous rappelle que l'article L. 411 du code de la construction et de l'habitation dispose que les logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées.

Par ailleurs, il est indiqué dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre que la relance de la production se fait essentiellement au bénéfice des logements sociaux aux loyers les plus élevés, donc les moins sociaux.

Lors du dernier budget, 300 millions d'euros sont partis en avantages fiscaux pour le dispositif « Robien », sans condition de plafond de ressources, et 515 millions d'euros ont été affectés au nouveau prêt à taux zéro. Seulement 60 millions d'euros ont été alloués aux PLAI, dont le nombre stagne à moins de 8 000 par an, et ce alors qu'il y a de plus en plus de ménages à bas revenus : 21, 3 % en 2002 contre 11, 8 % en 1988.

Aujourd'hui, on démolit les logements des classes populaires, au nom de la mixité sociale. Cela revient à déloger les pauvres des quartiers populaires, comme si les problèmes sociaux étaient dus au fait que les pauvres vivent entre eux. Au lieu de lutter en vain contre la concentration de la pauvreté, la vraie politique consisterait à lutter contre la pauvreté elle-même.

La mixité sociale consiste à construire des logements sociaux dans toutes les villes. La preuve de l'hypocrisie, ou de l'ambiguïté, de l'UMP à ce propos, c'est le démantèlement à l'Assemblée nationale de l'article 55 de la loi SRU : malgré les beaux discours incantatoires de Jacques Chirac, les députés ont fait feu de tout bois pour en atténuer la portée.

En ce moment, à Poissy, à Argenteuil, à La Duchère, on démolit. Ces démolitions ne visent qu'à cacher la misère, car la règle du « un pour un » - un logement social construit pour un détruit - n'est pas respectée, comme le reconnaît d'ailleurs l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Et le programme quinquennal de l'ANRU, validé en août dernier, aggrave le déficit social puisque, pour 60 000 démolitions, il ne prévoit que 57 000 constructions nouvelles !

« L'haussmanisation » de Paris, à la fin du XIXe siècle, avait chassé les pauvres du centre-ville. Les classes populaires frondeuses avaient répondu à leur façon.

Savez-vous comment on avait appelé la Commune de Paris, en 1871 ? « La révolte des exilés ». Ce nom faisait référence à la rancoeur, à la rage de ces ouvriers chassés du centre de Paris, obligés de se réfugier dans les collines de Belleville, et qui s'en étaient pris, en l'espace de quelques mois, à la propriété des « bourgeois ».

Les émeutes de novembre 2005 ont été l'oeuvre de ces nouveaux exilés, ceux qui sont relégués toujours plus loin à la périphérie des villes. Avec cette politique, vous voulez les rejeter encore plus loin, et on ne se souviendra d'eux qu'à l'occasion de leurs explosions de colère.

Certes, toute destruction n'est pas à bannir, mais elle doit intervenir seulement quand les habitants du quartier y sont associés et l'approuvent.

Aux riches, vous garantissez des centres-villes hors de prix, débarrassés des « sauvageons ». Aux classes moyennes supérieures, vous promettez la petite couronne, le foncier pris sur les pauvres. Aux classes moyennes inférieures, vous faites miroiter d'illusoires maisons à 100 000 euros en grande périphérie, en leur mentant sur les charges et les traites, ainsi que sur les coûts sociaux et environnementaux de ce mitage organisé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion