Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la discussion de ce soir revêt, aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, une importance toute particulière.
Non seulement parce que, pour la première fois depuis qu’il existe des livres blancs, le Sénat est invité à débattre du document fixant la stratégie de défense de notre pays, mais aussi parce que le présent Livre blanc était nécessaire et attendu.
En effet, un peu plus de dix ans après la réforme qui a réorienté notre défense vers les missions de projection et opéré le tournant fondamental de la professionnalisation, le temps était venu de réévaluer les objectifs et les moyens de notre politique à la lumière des évolutions rapides d’un environnement qui, en matière de sécurité, n’est malheureusement pas devenu plus sûr.
La nécessité d’actualiser plus régulièrement notre stratégie de défense et de sécurité est au demeurant soulignée par le Livre blanc. C’est pourquoi il en propose la révision avant chaque loi de programmation militaire.
Je crois qu’il faut également saluer la méthode suivie, depuis le mois de septembre dernier, pour l’élaboration de ce document.
Quoi qu’en disent ceux pour qui les concertations ne sont jamais suffisamment larges et sincères, mais dont on ne se souvient guère qu’ils les mettaient particulièrement à l’honneur lorsqu’ils étaient aux affaires, la préparation du Livre blanc a témoigné d’une ouverture inégalée, qu’il s’agisse de la composition même de la commission, des consultations qu’elle a menées et des échanges réguliers auxquels elle a procédé avec le Parlement, au travers des commissions de la défense.
Saluons également l’approche novatrice de la démarche, élargie à la sécurité nationale dans son ensemble. Je n’y vois d’ailleurs, pour ma part, aucun signe d’un quelconque tropisme « sécuritaire », comme on a pu le lire ici ou là. Il s’agit simplement de constater que, face à des risques multiformes, les réponses ne peuvent se limiter au seul domaine militaire. Le Livre blanc en tire les conséquences pour renforcer l’efficacité de nos politiques.
Au terme d’une analyse pertinente de notre environnement international, plus complexe, moins prévisible que par le passé, il fixe des orientations stratégiques sur lesquelles je me limiterai à formuler quelques observations.
J’aborderai tout d’abord l’importance du renseignement, qui ne constitue pas une nouveauté, puisque le précédent Livre blanc en avait déjà souligné le caractère essentiel.
Cette priorité est très clairement confirmée au travers non seulement d’une accentuation des capacités humaines et techniques, notamment spatiales, mais également d’une organisation remaniée, plus à même de donner l’impulsion politique nécessaire et de veiller à une bonne répartition des moyens.
Le rôle fondamental de la dissuasion est maintenu. Un large consensus s’est exprimé à ce sujet au sein de la commission du Livre blanc. Cela n’exclut pas un ajustement du format de nos forces et notre souhait d’œuvrer au désarmement nucléaire, à condition, bien entendu, que soit consolidé dans le même temps le régime international de non-prolifération.
À juste titre, la protection du territoire et des populations est prise en compte de manière plus complète, dans toutes ses dimensions, y compris les moins évidentes. Je pense aux attaques informatiques, thème sur lequel la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées rendra un rapport d’ici à quelques jours.
La détermination des moyens affectés à la fonction d’intervention comptait en revanche, me semble-t-il, parmi les questions les plus difficiles posées aux rédacteurs du Livre blanc.
Elle touche directement au niveau d’ambition politique et opérationnelle que nous entendons nous fixer. Elle implique de définir ce que nous voulons pouvoir accomplir seuls et ce que nous réservons à des opérations multinationales. Il faut trouver le juste équilibre entre les capacités requises pour le combat de haute intensité, sur lesquelles il serait dangereux de faire l’impasse, et celles qui sont plus couramment utilisées dans les missions de stabilisation, qui, au demeurant, deviennent de plus en plus exigeantes et exposées.
Enfin, et il ne pouvait en être autrement, ces choix devaient être effectués à la lumière d’hypothèses de ressources financières réalistes.
La redéfinition des contrats opérationnels, le resserrement de notre dispositif en Afrique, l’énoncé de critères qui pourraient nous rendre plus sélectifs dans le choix de nos interventions extérieures, si tant est que cela soit possible, témoignent des contraintes fortes que la commission du Livre blanc a voulu concilier en la matière.
Ce Livre blanc tient compte de la situation générale de nos finances publiques et de la nécessité impérative de les redresser. Je ne l’en blâmerai pas, car une stratégie découplée de perspectives de financement crédibles serait des plus fragiles. Par ailleurs, la capacité d’un pays à peser sur le cours des événements et à rester maître de son destin dépend aussi, on l’oublie trop souvent, de la santé de ses finances.