Séance en hémicycle du 26 juin 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • menace
  • militaire
  • stratégique

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le Livre blanc sur la défense.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre de la défense

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons en partage une responsabilité sacrée : protéger la France et les Français de toute agression.

Nous avons aussi un devoir : contribuer à la sécurité de nos alliés et au respect des règles internationales et des droits de l’homme.

Dans cette perspective, la France déploie une diplomatie active, constructive, destinée à apaiser les tensions du monde. Elle est dotée d’un outil de défense dont les concepts et l’organisation doivent être adaptés en permanence.

En juillet 2007, le Président de la République a confié à une commission réunissant des parlementaires, des militaires, des représentants de l’administration et des personnalités qualifiées la rédaction d’un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le 17 juin, il en a dévoilé les conclusions.

Penser les engagements de notre pays pour les quinze prochaines années, dans un contexte international fluctuant, était une tâche délicate. La commission placée sous la présidence de Jean-Claude Mallet l’a conduite avec discernement.

Pourquoi l’entreprendre ?

Parce que la France doit demeurer une puissance politique et militaire.

Parce que vingt ans après la fin de la guerre froide, la paix demeure un bien fragile et précieux.

Parce que depuis 1994 et le dernier Livre blanc, le monde a changé.

Au rythme de la mondialisation, les données de la sécurité nationale et internationale ont évolué. La hiérarchie des puissances elle-même s’est modifiée. La révolution imposée à notre appareil de défense par l’effondrement de la bipolarité n’est pas achevée.

Dans la perspective de la loi de programmation militaire que je vous présenterai, il était nécessaire de retracer les lignes de force du paysage stratégique et de notre sécurité.

Le monde est-il devenu plus dangereux ? Pas nécessairement, mais il est devenu moins stable, moins prévisible, plus complexe.

Délitement de certains États, affrontements ethniques et culturels, fanatisme religieux, crises sanitaires, catastrophes naturelles, attaques informatiques, internationalisation des mafias, prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, vulnérabilité des approvisionnements énergétiques et alimentaires : tout cela dessine un large spectre de menaces en évolution constante.

Cet élargissement du « cône des possibles » se traduit par une dissémination accrue des armements. D’ici à 2025, le territoire européen sera à portée des missiles stratégiques développés par de nouvelles puissances.

Il inclut aussi la menace terroriste, devenue d’autant plus redoutable qu’elle joue à son profit des nouvelles technologies de l’information et qu’elle pourrait, un jour prochain, s’emparer d’armes nucléaires, radiologiques, bactériologiques ou chimiques. Hier ponctuelle et contingente, cette menace est devenue – le Livre blanc le constate – une « menace structurelle ».

La France est à présent placée devant un large arc de crise : une zone allant de l’Atlantique à l’océan Indien, où ses intérêts stratégiques se concentrent.

Comme la plupart des pays européens, elle est aujourd’hui plus vulnérable qu’elle ne l’était dans les années quatre-vingt-dix. En effet, à l’époque, l’équilibre de la terreur couvrait et dissuadait la plupart des scénarios conflictuels.

Dorénavant, le spectre des menaces est élargi ; les conflits à venir se déclencheront de manière moins prévisible qu’autrefois. Ils prendront des formes imprévues : le risque extrême prend aujourd’hui la forme de la « surprise stratégique » que reconnaît le Livre blanc.

Une alliance qui se renverse, des comportements diplomatiques qui changent, un mode d’agression qui se réinvente, un groupe de fanatiques qui échappe aux règles de l’affrontement classique, et la surprise stratégique survient, comme la France en a déjà fait la cruelle expérience, dans des périodes d’impréparation, de déni stratégique.

Le 11 septembre 2001, la surprise stratégique plongeait les États-Unis dans la stupeur. La surprise stratégique, c’est le défi que nos sociétés sont le moins capables de prévoir, et c’est justement celui qu’elles doivent dorénavant se préparer à affronter.

Pour cela, il faut intégrer dans notre raisonnement des risques, des attaques, des dangers qui ne relèvent plus exclusivement de l’action militaire traditionnelle.

L’élargissement de notre horizon stratégique et la multiplicité des menaces ont plusieurs conséquences.

La première, c’est que nous devons assurer à la France les garanties les plus larges.

Face aux scénarios extrêmes, la dissuasion doit demeurer la garantie ultime de la sécurité et de l’indépendance de la France. Elle a pour seule fonction d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Les deux composantes, sous-marine et aérienne, sont maintenues, comme le prévoit le Livre blanc.

Face aux scénarios de conflits extérieurs, notre stratégie de projection doit être musclée. Si nous pouvons être menacés de loin, nous devons être capables de frapper loin.

Le passage à la professionnalisation des forces a été réussi. Il reste maintenant à le compléter et à l’affûter en termes d’organisation et d’équipements. Nos objectifs sont clairs : être capables de projeter 30 000 hommes, 70 avions de combats, un groupe aéronaval et deux groupes maritimes.

Face aux scénarios de crise intérieure, dont le terrorisme de masse constitue l’un des points saillants, nous avons décidé d’inscrire nos choix dans le cadre global d’une « stratégie nationale de sécurité », associant étroitement sécurité et défense.

Au regard des événements du 11 septembre 2001, nous avons intégré les enjeux du « front intérieur ». Dorénavant, dans leurs missions de protection, les forces armées, les forces de police, de gendarmerie, de sécurité civile se verront assigner des objectifs opérationnels conjoints.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette stratégie nationale de sécurité exige une réorganisation des pouvoirs publics.

L’ordonnance du 7 janvier 1959 résulte d’un contexte historique et stratégique radicalement différent du nôtre. Sa révision est nécessaire. Un Conseil de défense et de sécurité nationale sera créé. Il sera présidé par le Président de la République. Il dotera l’État, au plus haut niveau, d’une enceinte où des sujets tels que la programmation militaire, la programmation de la sécurité intérieure, la politique de dissuasion, la lutte contre le terrorisme ou la planification des réponses aux crises majeures pourront être abordés. Le Conseil national du renseignement en sera une des formations. Au Premier ministre reviendra la charge de diriger l’application de l’ensemble des décisions qui y seront prises.

La deuxième conséquence, c’est que nous devons disposer d’un préavis, en prenant la menace en compte le plus en amont possible. Dans un monde rapide, le temps gagné décide de tout.

La fonction « connaissance-anticipation », nouvellement identifiée par le Livre blanc, vise à nous donner le préavis nécessaire à l’action. Cette fonction repose en grande partie sur le renseignement spatial, qui fera l’objet d’un effort important.

Elle repose aussi sur le renseignement humain. Nos services doivent être plus efficaces et mieux coordonnés. Pour cela, nous avons décidé le regroupement des services de renseignement du ministère de l’intérieur au sein de la nouvelle direction centrale du renseignement intérieur. Mme Michèle Alliot-Marie pourra vous en parler tout à l’heure.

Nous avons également décidé de créer le poste de coordonnateur du renseignement. Placé auprès du Président de la République, il sera chargé d’animer et de coordonner les travaux de l’ensemble des services de renseignement.

La troisième conséquence, c’est que nous devons conserver notre aptitude à monter en puissance et à nous réadapter si la situation l’exige.

L’imprévisibilité de la menace nous impose, en effet, de déployer un dispositif de veille technologique poussé. Elle suppose, dans le domaine industriel, le maintien des bureaux d’études et la réalisation de démonstrateurs précurseurs d’une série de matériels qui pourraient être lancés en fonction des besoins.

Dans tous les domaines – prévention, intervention, protection –, nous devons demeurer à un niveau de crédibilité qui garantisse notre capacité de réaction.

La quatrième conséquence, c’est le développement de la notion de résilience. Elle est au centre de l’analyse du Livre blanc. Elle désigne la capacité du pays à maintenir ou à rétablir au plus vite son fonctionnement normal en cas de crise majeure.

Accroître cette résilience implique de développer nos moyens de surveillance des espaces français, de renforcer la capacité de réaction des pouvoirs publics, de mettre les dispositifs de communication et d’alerte massive au centre de la gestion des crises et, enfin, d’assurer la protection des populations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec une dissuasion qui garantit la préservation de l’essentiel, avec des moyens de renseignement qui nous permettent d’anticiper, avec des capacités de projection qui nous permettent d’agir plus vite et plus fort, avec des outils qui assurent le fonctionnement optimal des pouvoirs publics et la protection des citoyens, notre dispositif peut être considéré comme complet.

Toutefois, il serait insuffisant sans l’adhésion de la nation, et pour cela le Livre blanc suggère plusieurs pistes.

L’une d’entre elles, c’est bien entendu l’intervention du Parlement.

Si le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions est adopté, le rôle du Parlement sera renforcé. Vous serez systématiquement informés de l’envoi de militaires français en opération et consultés par un vote dès lors que se posera la question de leur maintien au-delà de quatre mois dans des opérations extérieures.

Le Parlement sera par ailleurs informé des accords liant la France à des partenaires étrangers s’ils peuvent conduire à engager les moyens de défense de notre pays au bénéfice d’autres États.

La sécurité, mesdames, messieurs les sénateurs, est une affaire collective. Nous partageons plus que nos valeurs avec l’Union européenne et avec les pays de l’Alliance atlantique. Le renforcement des liens que nous entretenons avec l’une et l’autre est indispensable.

L’Europe est une puissance, mais qu’est-ce qu’une puissance sans réels moyens militaires ? L’Union européenne doit donc prendre ses responsabilités en matière de sécurité et de défense. Certes, des progrès ont été réalisés depuis dix ans, notamment depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo. L’Union possède des instruments, des procédures et une expérience en commun acquise dans dix-sept opérations de plus ou moins grande ampleur.

Cependant, le Livre blanc énumère des domaines d’intervention prioritaires, qui concernent avant tout la protection des citoyens européens. Il s’agit du renforcement de la coopération contre le terrorisme et le crime organisé, de la mise en place de capacités européennes de protection civile, de la coordination de la défense contre les attaques informatiques et de la sécurisation des approvisionnements en énergie et en matières premières stratégiques.

Tout cela est utile, mais reste insuffisant. Pour être efficace, l’Europe doit prendre l’initiative et s’employer à prévenir les menaces avant qu’elles ne surviennent, là où elles prennent naissance, c’est-à-dire parfois hors de son territoire.

Je crois que, pour être pleinement respectée, l’Europe doit comprendre qu’avec un effort cumulé de recherche six fois inférieur – et inférieur de moitié en matière de défense – à celui des Américains, elle ne peut être que l’ombre d’elle-même.

Faire de l’Union européenne un véritable acteur de la sécurité internationale et de la gestion des crises, susciter la rédaction d’un Livre blanc européen de la défense et de la sécurité, multiplier les synergies industrielles : tels sont, notamment, les objectifs que nous nous fixons.

À cet égard, la présidence française de l’Union européenne doit constituer une étape importante pour relancer la défense européenne. Nous allons proposer à nos partenaires des priorités.

Tout d’abord, nous voulons une actualisation et une concrétisation des missions militaires que les Européens se sont assignées, telle que la capacité, par exemple, de déployer 60 000 hommes en soixante jours.

Nous voulons ensuite avancer concrètement avec les pays qui veulent s’engager, ce qui signifie renforcer nos moyens par des coopérations pilotes et des mutualisations entre États membres : la projection de forces avec les Britanniques par hélicoptères ou groupe aéronaval, le transport aérien avec, notamment, l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique, et le domaine spatial avec les Italiens et les Allemands.

Nous voulons enfin que l’Union européenne soit véritablement en mesure de conduire des opérations civiles et militaires. Or, le système actuel, fondé sur cinq états-majors nationaux devant être réorganisés à la hâte à chaque opération, atteint vite ses limites. L’Europe doit disposer d’une capacité de planification et de commandement permanente et crédible.

Quant à l’Alliance atlantique, il faut aborder le sujet avec rigueur et pragmatisme.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Livre blanc le rappelle : l’Alliance atlantique est aujourd’hui seule en mesure de conduire des opérations militaires de grande envergure et d’assurer la sécurité de l’espace euro-atlantique. Sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne, six seulement ne font pas partie de l’Alliance. Tels sont les faits avec lesquels nous devons composer !

Le Président de la République a déjà eu l’occasion d’exposer la démarche française : au regard des avancées de l’Europe de la défense, la France se montre ouverte, sous certaines conditions, à l’idée de retrouver sa place dans le dispositif militaire de l’Alliance atlantique, sauf pour les questions nucléaires.

Par ailleurs, comme l’a affirmé le Président de la République, la France garderait en toutes circonstances une liberté d’appréciation totale sur l’envoi de ses troupes en opération. Elle ne placerait aucun contingent militaire sous commandement de l’OTAN en temps de paix.

Pour nous, une Europe de la défense renforcée va de pair avec une OTAN rénovée, c’est-à-dire plus souple, plus flexible et dont les moyens militaires puissent être mobilisés par l’Union européenne.

Dans cet esprit, nous contribuerons à la rédaction d’un concept stratégique qui sera débattu lors du prochain sommet de l’OTAN, organisé conjointement par la France et l’Allemagne à Strasbourg et à Kehl.

La France insiste aussi, avec son partenaire allemand, sur la nécessité de respecter la Russie. Cette grande nation européenne, sortie de soixante-dix années de dictature communiste, s’est engagée, pas à pas, sur le chemin de la démocratie. Elle contribue de façon constructive aux équilibres du monde.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la contrainte budgétaire pèse sur les choix à venir, comme elle a pesé sur la réalisation du modèle d’armée 2015. Il aura manqué 24 milliards d’euros de crédits d’équipement sur la période allant de 1997 à 2007 pour réaliser les acquisitions et l’entretien prévus initialement par les programmations.

Dans le même temps, les effectifs du ministère n’ont pas évolué à la baisse, alors même que des efforts financiers d’amélioration de la condition militaire accompagnaient la professionnalisation.

De ce déséquilibre résultent des conséquences que nous connaissons tous : retards dans le renouvellement des matériels et allongement des phases de conception, de développement et de fabrication. Des matériels anciens, parfois à bout de souffle, restent en service, générant à leur tour un surcoût de maintenance.

Ainsi, nos avions ravitailleurs accusent plus de quarante-cinq ans d’âge, tandis que nos blindés légers et nos hélicoptères Puma approchent les trente ans. Leur remplacement simultané dépasse nos possibilités, et pour cause : l’urgence, aujourd’hui, c’est aussi de respecter notre objectif d’équilibre budgétaire à l’horizon de 2012, ce qui suppose que la progression des dépenses de l’ensemble des administrations publiques soit plafonnée à 1, 1 % par an.

Compte tenu de l’augmentation tendancielle des pensions et de la dette, cela signifie une stabilisation en valeur de toutes les autres dépenses de l’État, sans compensation de l’inflation. Cet effort de 1, 1 % par an que nous nous imposons est considérable ; le ministère de la défense y contribuera naturellement, par le biais de réductions d’effectifs marquées.

Les réformes à venir – y compris celles qu’induira la RGPP, la révision générale des politiques publiques – se traduiront par une baisse des effectifs de 54 000 hommes. D’ici à six ou sept ans, le format global des forces armées, civils et militaires compris, sera de 225 000 hommes. L’armée de terre en comptera 131 000, l’armée de l’air 50 000 et la marine 44 000.

Nous ne sacrifierons pas notre outil militaire à des impératifs financiers. Nous n’hypothéquerons pas notre sécurité de long terme à seule fin de franchir un cap budgétaire. §Le Livre blanc ne consacre en aucun cas une politique de renoncement.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Il pose au contraire les bases de la seule politique durable qui soit : celle qui repose sur un double réalisme, militaire et budgétaire.

Ainsi, la France consacrera à sa défense un effort financier majeur et cohérent avec les choix retenus pour ses capacités. La loi de programmation militaire pour la période allant de 2009 à 2014, qui vous sera prochainement soumise, attestera cette volonté de donner à la France l’outil militaire rénové qui répond à ses besoins.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Les crédits de défense ne baisseront pas.

Dans un premier temps, jusqu’en 2012, ils augmenteront à hauteur de l’inflation. Des ressources extrabudgétaires exceptionnelles seront accordées pour financer la « bosse budgétaire » que nous connaîtrons à partir de l’année prochaine.

Dans un second temps, à partir de 2012, le budget de la défense progressera de 1 % par an en volume, c’est-à-dire 1 % au-dessus de l’inflation. D’ici à 2020, l’effort total consenti pour financer la priorité donnée à la défense atteindra les 377 milliards d’euros.

Cet effort sera rendu possible au premier chef par les marges de manœuvre budgétaires que la réduction des effectifs doit nous donner.

Aujourd’hui – je rappelle des chiffres que nous avons souvent cités –, administration et soutien accaparent 60 % de nos moyens en personnels, contre 40 % pour les forces opérationnelles. Notre objectif est d’inverser ce ratio, pour atteindre une répartition comparable à celle du Royaume-Uni, c’est-à-dire 60 % pour les forces opérationnelles et 40 % pour l’administration générale et le soutien.

D’autres marges de manœuvre naîtront de la restructuration de nos capacités de soutien. Aujourd’hui, ces capacités sont éclatées et dispersées. La nouvelle organisation reposera sur quatre-vingt-dix « bases de défense », réparties dans quatre cents communes ; elles pourront mutualiser leurs moyens de soutien au profit de 2 800 personnes par base en moyenne.

Cette réorganisation se traduira par un certain nombre de fermetures ou de transferts d’unités militaires. Ces mesures seront complétées par un large dispositif d’accompagnement qui comportera un volet social au profit des personnels militaires et civils de la défense touchés par ces transferts et un volet territorial ayant pour objectif principal la création de nouveaux emplois.

Les communes les plus touchées feront l’objet d’un accompagnement personnalisé ; des contrats de site ou des conventions d’aménagement seront proposés. Un dispositif de soutien au financement des communes dont le budget sera fortement déséquilibré est également prévu. Enfin, 320 millions d’euros de subventions d’investissements y seront consacrés.

Les marges ainsi dégagées seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel et surtout du budget d’équipement, qui passera ainsi, dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, de 15, 5 milliards d’euros à 18 milliards d’euros par an en moyenne.

La trajectoire financière retenue maintiendra la France dans le peloton de tête des pays européens, avec le Royaume-Uni.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut peu de temps pour réviser une stratégie, il faut une ou deux décennies pour concevoir et fabriquer un armement, mais la qualité morale et professionnelle de nos forces armées vient de très loin : ce sont des siècles d’histoire et de traditions qu’il faut pour créer un état d’esprit, une cohésion, une abnégation aussi remarquables que ceux dont font preuve nos armées. Celles-ci font partie des meilleures du monde et je tiens, devant vous – et avec vous, j’en suis sûr –, à rendre ici hommage au courage des hommes et des femmes qui frôlent quotidiennement la mort, loin de leurs familles et de leurs foyers.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Leur engagement est porté par des valeurs et des idéaux. Quant à nous, nous avons des devoirs à leur égard. La France ne baisse pas sa garde, car la paix n’est jamais acquise, elle n’est pas une donnée permanente de l’histoire. Notre indépendance n’est pas négociable et la liberté n’est pas dissociable du fil de l’épée. Notre sécurité exige notre vigilance. Ce Livre blanc éclaire notre responsabilité.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, la discussion de ce soir revêt, aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, une importance toute particulière.

Non seulement parce que, pour la première fois depuis qu’il existe des livres blancs, le Sénat est invité à débattre du document fixant la stratégie de défense de notre pays, mais aussi parce que le présent Livre blanc était nécessaire et attendu.

En effet, un peu plus de dix ans après la réforme qui a réorienté notre défense vers les missions de projection et opéré le tournant fondamental de la professionnalisation, le temps était venu de réévaluer les objectifs et les moyens de notre politique à la lumière des évolutions rapides d’un environnement qui, en matière de sécurité, n’est malheureusement pas devenu plus sûr.

La nécessité d’actualiser plus régulièrement notre stratégie de défense et de sécurité est au demeurant soulignée par le Livre blanc. C’est pourquoi il en propose la révision avant chaque loi de programmation militaire.

Je crois qu’il faut également saluer la méthode suivie, depuis le mois de septembre dernier, pour l’élaboration de ce document.

Quoi qu’en disent ceux pour qui les concertations ne sont jamais suffisamment larges et sincères, mais dont on ne se souvient guère qu’ils les mettaient particulièrement à l’honneur lorsqu’ils étaient aux affaires, la préparation du Livre blanc a témoigné d’une ouverture inégalée, qu’il s’agisse de la composition même de la commission, des consultations qu’elle a menées et des échanges réguliers auxquels elle a procédé avec le Parlement, au travers des commissions de la défense.

Saluons également l’approche novatrice de la démarche, élargie à la sécurité nationale dans son ensemble. Je n’y vois d’ailleurs, pour ma part, aucun signe d’un quelconque tropisme « sécuritaire », comme on a pu le lire ici ou là. Il s’agit simplement de constater que, face à des risques multiformes, les réponses ne peuvent se limiter au seul domaine militaire. Le Livre blanc en tire les conséquences pour renforcer l’efficacité de nos politiques.

Au terme d’une analyse pertinente de notre environnement international, plus complexe, moins prévisible que par le passé, il fixe des orientations stratégiques sur lesquelles je me limiterai à formuler quelques observations.

J’aborderai tout d’abord l’importance du renseignement, qui ne constitue pas une nouveauté, puisque le précédent Livre blanc en avait déjà souligné le caractère essentiel.

Cette priorité est très clairement confirmée au travers non seulement d’une accentuation des capacités humaines et techniques, notamment spatiales, mais également d’une organisation remaniée, plus à même de donner l’impulsion politique nécessaire et de veiller à une bonne répartition des moyens.

Le rôle fondamental de la dissuasion est maintenu. Un large consensus s’est exprimé à ce sujet au sein de la commission du Livre blanc. Cela n’exclut pas un ajustement du format de nos forces et notre souhait d’œuvrer au désarmement nucléaire, à condition, bien entendu, que soit consolidé dans le même temps le régime international de non-prolifération.

À juste titre, la protection du territoire et des populations est prise en compte de manière plus complète, dans toutes ses dimensions, y compris les moins évidentes. Je pense aux attaques informatiques, thème sur lequel la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées rendra un rapport d’ici à quelques jours.

La détermination des moyens affectés à la fonction d’intervention comptait en revanche, me semble-t-il, parmi les questions les plus difficiles posées aux rédacteurs du Livre blanc.

Elle touche directement au niveau d’ambition politique et opérationnelle que nous entendons nous fixer. Elle implique de définir ce que nous voulons pouvoir accomplir seuls et ce que nous réservons à des opérations multinationales. Il faut trouver le juste équilibre entre les capacités requises pour le combat de haute intensité, sur lesquelles il serait dangereux de faire l’impasse, et celles qui sont plus couramment utilisées dans les missions de stabilisation, qui, au demeurant, deviennent de plus en plus exigeantes et exposées.

Enfin, et il ne pouvait en être autrement, ces choix devaient être effectués à la lumière d’hypothèses de ressources financières réalistes.

La redéfinition des contrats opérationnels, le resserrement de notre dispositif en Afrique, l’énoncé de critères qui pourraient nous rendre plus sélectifs dans le choix de nos interventions extérieures, si tant est que cela soit possible, témoignent des contraintes fortes que la commission du Livre blanc a voulu concilier en la matière.

Ce Livre blanc tient compte de la situation générale de nos finances publiques et de la nécessité impérative de les redresser. Je ne l’en blâmerai pas, car une stratégie découplée de perspectives de financement crédibles serait des plus fragiles. Par ailleurs, la capacité d’un pays à peser sur le cours des événements et à rester maître de son destin dépend aussi, on l’oublie trop souvent, de la santé de ses finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Cela étant, le Livre blanc reconnaît très clairement le besoin de renforcer notre effort de défense au-delà d’un simple ajustement sur l’inflation, alors même qu’il se place dans la perspective d’une diminution notable des effectifs et d’une réduction du volume d’équipement.

Ce besoin financier avéré n’est pas étranger aux retards pris après le brutal décrochage de la législature 1997-2002, retards que la remontée très significative opérée à partir de 2003 ne pouvait en aucun cas rattraper. Il est aussi lié à la nécessité de renouveler, sur une même période, la quasi-totalité de nos matériels majeurs, renouvellement dont nous mesurons mieux aujourd’hui le coût élevé.

L’arbitrage retenu repousse à 2012 la reprise d’une progression en volume, chiffrée à 1 % par an jusqu’en 2020.

Ma première remarque porte sur les conséquences de cette stabilisation programmée pour les trois prochaines années, alors que les économies de structure ne seront pas immédiates et que les dépenses inéluctables en matière d’équipement progresseront fortement. Le Livre blanc évoque la possibilité de mobiliser des « financements exceptionnels ». Monsieur le ministre, pourrez-vous nous donner tout à l'heure des précisions à ce sujet ?

Ma seconde remarque vise à souligner l’ampleur du défi que représentera la mise en œuvre de cette nouvelle politique.

Sa cohérence d’ensemble repose, en effet, sur une accentuation notable de l’effort d’équipement, qui serait en moyenne supérieur de 2, 5 milliards d’euros par an à son niveau actuel, et sur une amélioration non moins notable de la performance de notre organisation, qui devra dégager les économies de nature à financer ce surplus, tout en en limitant autant que faire se peut l’incidence sur nos capacités opérationnelles.

Tous ces éléments sont indissociables. Seule une progression du budget d’équipement permettra de financer les renouvellements les plus urgents, s’agissant notamment de nos avions de transport, de nos hélicoptères, de nos blindés légers.

En ce qui concerne l’organisation du ministère et des armées, il faut reconnaître que les restructurations de grande ampleur n’ont pas manqué au cours des dix dernières années, notamment à la suite de la professionnalisation. Cependant, des marges de progrès subsistent, au travers d’implantations moins dispersées et de structures de soutien moins cloisonnées.

À mon sens, l’une des premières conditions de la réussite de la réforme résidera dans le respect absolu des engagements financiers contenus dans le Livre blanc, tout particulièrement en matière d’équipement. Nous serons très attentifs à leur traduction dans le futur projet de loi de programmation militaire.

Une deuxième condition tient aux modalités qui seront retenues pour mener à bien la nouvelle étape des restructurations. N’oublions pas que, dans une armée professionnelle en permanence engagée dans des opérations, souvent dans des conditions difficiles, la motivation des hommes revêt un caractère essentiel. Elle suppose non seulement des conditions de vie et de travail en rapport avec les exigences qui leur sont imposées, mais aussi, de manière plus générale, une perspective de nature à entraîner l’adhésion. Faute de quoi, des difficultés pourront apparaître en matière de recrutement et de fidélisation des personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Enfin, la recherche, l’innovation technologique et les savoir-faire industriels spécifiques font partie intégrante de la posture de défense d’un pays. Ils constituent aussi l’un des points forts de notre économie. Il faudra constamment conserver cette préoccupation à l’esprit tout au long de cette réforme.

Je voudrais terminer en évoquant la dimension internationale de notre stratégie de défense et de sécurité. Le Livre blanc y consacre toute sa deuxième partie.

Ce volet de notre stratégie n’est pas le plus facile à élaborer, car, par définition, une grande partie de sa mise en œuvre nous échappe et reste tributaire des intérêts, des priorités ou des possibilités de nos partenaires au sein des différentes enceintes agissant dans le domaine de la sécurité.

Nier cette réalité reviendrait à conférer un caractère artificiel, pour ne pas dire purement incantatoire, à toute option qui s’en remettrait à des capacités multilatérales encore hypothétiques, en lieu et place d’un effort national. Pour autant, il reste nécessaire, dans ce domaine, de ne pas renoncer à toute ambition, de fixer un cap et de se mettre en situation d’entraîner nos partenaires autour d’objectifs concrets et réalistes.

Le Livre blanc a su éviter les écueils en abordant de manière objective et directe la question essentielle de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique.

Je me réjouis que la volonté de faire de l’Union européenne un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale soit définie comme « une composante centrale de notre politique de sécurité ».

Il s’agit tout d’abord d’une nécessité politique, car l’Europe doit pouvoir disposer d’une capacité d’action autonome, ne serait-ce que pour ne pas se trouver impuissante, comme elle l’a été au début des années quatre-vingt-dix face aux dramatiques événements des Balkans. Il s’agit aussi de rationaliser nos efforts, aujourd’hui dispersés et redondants dans tous les domaines.

Dans quelques jours, la présidence française de l’Union européenne nous donnera l’occasion de formuler des propositions, dans un contexte rendu certes plus difficile par le résultat du référendum irlandais.

Dans de nombreux domaines, des avancées sont souhaitables. Je pense à la mutualisation de la formation ou du soutien pour des équipements communs à plusieurs pays européens, comme l’A 400M, ou encore à la coordination de l’emploi de certaines capacités critiques, comme les avions de transport ou les hélicoptères. Il faudra aussi mieux coordonner les réflexions capacitaires des différents États, afin de favoriser très en amont la définition en commun d’équipements répondant aux mêmes besoins. Enfin, la question des capacités autonomes de l’Union européenne en matière de commandement des opérations continuera de se poser.

Le Livre blanc se place clairement dans une optique de complémentarité entre l’Europe de la défense et l’OTAN fondée sur la « valeur ajoutée respective de chaque entité ».

S’agissant de la place de la France au sein de l’OTAN, le Livre blanc expose les raisons, aujourd’hui largement reconnues, pour lesquelles cette question ne se pose plus du tout dans les mêmes termes qu’il y a une quarantaine d’années. Il souligne aussi en quoi un positionnement qui paraît vouloir nous différencier des vingt autres pays européens membres de l’Alliance atlantique peut avoir une incidence sur nos projets en matière de défense européenne.

Si les implications techniques d’une participation pleine et entière aux instances de l’OTAN semblent relativement limitées, du fait de la place effective que nous occupons déjà dans cette organisation, il ne faut pas, en revanche, sous-estimer la résonance politique qu’aurait une telle décision.

Ce débat nécessite un réel effort d’explication auprès de l’opinion publique, française comme internationale. À cet égard, le Livre blanc énumère un certain nombre de principes qui ne devraient pas être remis en cause : la liberté d’appréciation des autorités politiques françaises et la liberté de décision sur l’engagement de nos forces.

Il faut aussi faire en sorte qu’une telle option ne soit pas ressentie comme un abandon de toute ambition en matière de défense européenne autonome. Dès lors, on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’avancées significatives dans ce domaine au cours des prochains mois, alors que le Président de la République avait en quelque sorte lié l’évolution de notre position au sein de l’OTAN à des progrès sur l’Europe de la défense.

Enfin, je tiens à souligner que la modification de notre statut dans l’OTAN ne saurait constituer un objectif en soi, alors que l’évolution du rôle de l’Alliance atlantique suscite des interrogations fortes quant à son champ d’action géographique, ses domaines d’intervention et son mode de fonctionnement. Nous ignorons aujourd’hui comment ces questions pourront être abordées dans le cadre du nouveau concept stratégique que l’Alliance atlantique doit adopter en 2010.

Pour conclure, je dirai que ce Livre blanc marquera une étape significative dans l’évolution de notre politique de défense et de sécurité.

Grâce à la qualité et à la clarté de ses analyses, il nous permet de définir les priorités stratégiques les plus adaptées au monde d’aujourd’hui et à ses évolutions prévisibles à l’horizon de quinze ou vingt ans. Il pose les bases d’une meilleure organisation de l’État en vue d’appréhender, de manière plus globale et plus pertinente, les enjeux de défense et de sécurité.

L’ajustement du format de nos armées tient compte des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, tout en s’efforçant de préserver les missions prioritaires. Souhaitons qu’il s’opère de manière à garantir la cohérence entre les responsabilités que nous souhaiterons assumer sur le plan international et la mise en place des moyens correspondants. Ce Livre blanc fixe un cadre, et la loi de programmation sera la prochaine étape essentielle. Nous attendons qu’elle en traduise fidèlement les orientations.

Ne nous leurrons pas, mes chers collègues, nos alliés, nos partenaires, comme nos adversaires éventuels, seront parfaitement informés de nos capacités comme de nos carences ou de nos faiblesses. Le défi auquel nous devons faire face au travers des restructurations, des nouveaux contrats opérationnels, des efforts consentis pour le renouvellement des matériels, est tout simplement celui de la crédibilité de notre défense. Or, ce défi, nul ne peut le relever à notre place.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui ont été adoptées en conseil des ministres et dont les grandes lignes ont déjà été exposées mardi dernier, devant des cadres militaires et policiers, par le Président de la République.

Ce travail, qui définit la doctrine militaire de notre pays pour les quinze ans à venir, était indispensable, car la situation internationale a été considérablement bouleversée depuis 1994, année de parution du dernier Livre blanc.

Les problèmes géostratégiques ne se posent donc plus dans les mêmes termes. La chute du mur de Berlin, la disparition du pacte de Varsovie, les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l’organisation Al-Qaïda sont passés par là. Il faut incontestablement adapter nos armées à la situation nouvelle. Pour ce faire, il faut analyser, définir les menaces et les conflits auxquels pourraient être confrontées nos armées, et, par conséquent, établir des priorités.

Pour autant, les analyses et les conclusions qui découlent de ce travail sont-elles toutes pertinentes ? La nouvelle doctrine de défense que vous nous exposez est-elle cohérente ? Nous ne le croyons pas.

Elle souffre d’abord d’une grande ambiguïté. En effet, les conclusions du Livre blanc, qui s’appuient pourtant sur un remarquable travail d’analyse et de prospective, donnent la désagréable impression de confirmer, pour les justifier, les exigences en matière d’économies qu’impose la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Vous expliquez les restructurations et les réductions drastiques d’effectifs de nos armées par les nouvelles données stratégiques qui fonderaient une nouvelle doctrine de sécurité et de défense. Or tout le monde sait que la logique strictement comptable de la RGPP a tenu une place primordiale dans cette réflexion.

L’un des objectifs visés au travers du Livre blanc a ainsi été de tenter de mettre en cohérence les missions et les moyens de nos forces, de définir un format d’armées et un contrat opérationnel en ayant toujours à l’esprit la contrainte budgétaire. Ce n’était pas là le rôle d’un travail d’élaboration conceptuelle.

Mardi dernier, le Président de la République a donc tenté de convaincre des cadres militaires et policiers que le moins, c’est-à-dire les économies, étaient nécessaires pour disposer d’un instrument militaire plus efficace à moindre coût et déployer de nouvelles ambitions.

Dans le même temps, il faisait le constat que notre pays n’avait plus les moyens, techniques, logistiques et politiques, d’assumer une vocation mondiale.

À ce constat réaliste, mais fataliste, les réponses que vous apportez sont-elles les bonnes ? Elles sont en tout cas paradoxales.

Aux nouvelles menaces identifiées, comme la prolifération nucléaire, la dissémination des armes et des conflits, les cyberattaques, le terrorisme, les pandémies, les crises sanitaires ou les catastrophes climatiques, vous répondez par une réduction drastique des effectifs et des moyens.

En effet, 54 000 emplois civils et militaires seront supprimés en six ans, plus d’une trentaine d’implantations devraient disparaître, nos grands programmes d’armements seront retardés, comme ceux des frégates multimissions, des avions Rafale, des missiles Scalp.

La décision de reporter à 2012, pour des considérations strictement budgétaires, la construction pourtant nécessaire d’un second porte-avions sera également lourde de conséquences sur nos capacités et aura une incidence directe sur le rang de la France en tant que puissance militaire de premier plan.

J’observe, d’ailleurs, que les Britanniques ne s’y sont pas trompés, car, lassés de nos tergiversations sur une construction en coopération, ils ont finalement décidé de lancer seuls deux bâtiments de ce type.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Quelle révision de l’histoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Au total, ce sont ces suppressions de garnisons, d’emplois, et ces étalements dans le temps de nos programmes d’équipement qui vont, bien plus que les analyses du Livre blanc, définir le format et le contrat opérationnel de nos armées.

Ces économies, en particulier celles qui sont liées à la réduction des effectifs, nous sont présentées comme étant la condition nécessaire pour financer la modernisation des équipements et permettre de réaliser les ambitions militaires qui correspondent à notre nouvelle stratégie. Nous contestons que les économies réalisées sur le fonctionnement et le soutien permettent réellement de tenir cet engagement.

En effet, la plupart des suppressions de postes aboutiront à des externalisations qui concerneront essentiellement les missions de soutien. Je pense par exemple non seulement à l’administration et à l’habillement, mais aussi à l’entretien des véhicules blindés, à la fabrication des armements ou aux infrastructures.

Dans ces conditions, prétendre que les externalisations de services coûteraient moins cher à l’État est une contrevérité. L’expérience des Britanniques donne, à cet égard, l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire !

Les économies attendues de la restructuration de nos armées résulteront notamment d’une densification des implantations et des unités. De cette restructuration découle le concept de « base de défense », qui va fondamentalement façonner la future carte militaire et qui consistera à mutualiser les fonctions de soutien dans une logique interarmées.

Tout cela, à nos yeux, se fait sans prise en compte de la synergie entre les unités, sans véritable réflexion sur la spécificité de leurs missions et dans une concertation à géométrie variable, suivant la sensibilité politique des élus.

C’est ainsi que le ministre de la défense a annoncé, lundi, la création de onze « bases de défense », plaçant devant le fait accompli les populations des sites concernés et leurs élus, sans grands égards pour les lourdes conséquences économiques et sociales d’une telle décision.

Pour illustrer le sentiment d’inquiétude qui se fait jour dans de nombreuses régions, je prendrai l’exemple du Nord. Mercredi, à Cambrai – je salue au passage mon collègue Jacques Legendre –, 1 500 personnes ont formé une chaîne humaine pour marquer l’opposition des élus et de la population à la fermeture de la base aérienne 103, ainsi que d’autres implantations dans le Douaisis et à Arras.

Les personnels civils ont également manifesté dans toute la France pour exprimer l’angoisse suscitée par l’annonce officielle de la disparition d’un certain nombre de services administratifs.

Certes, le Premier ministre a annoncé cet après-midi, à l’Assemblée nationale, qu’une enveloppe de 320 millions d’euros serait allouée aux communes touchées par le plan de restructuration. Il a également insisté sur l’accompagnement social qui sera mis en place au bénéfice des personnels. Nous attendons, bien sûr, de voir ces mesures se concrétiser et nous serons vigilants sur leur application.

Faut-il vraiment s’orienter ainsi vers une réduction de certaines de nos capacités et de nos moyens pour nous adapter à la nouvelle situation géostratégique ? À l’heure où tout le monde s’accorde à reconnaître que les menaces nouvelles sont diffuses et multiformes, que la résolution des conflits conventionnels a changé de nature, est-il pertinent de se contenter de prôner comme principale mesure une réduction des effectifs et du format de nos armées ?

Dans les conflits d’aujourd’hui et la gestion des crises, l’expérience le montre, les forces terrestres sont primordiales. Elles ont besoin de capacités de projection aériennes et navales efficaces.

Or nous nous apprêtons à prendre le chemin inverse, en réduisant leur format, en prévoyant de n’assurer que trop lentement le renouvellement de matériels à bout de souffle et en reportant la décision de construire un second porte-avions. Il en résultera fatalement un recul de notre influence internationale, y compris sur le plan diplomatique, et notre crédibilité auprès de nos partenaires ne manquera pas d’être entamée. Notre rôle risque même de se limiter à celui d’auxiliaire d’autres puissances !

Les travaux de la commission sur le Livre blanc, qui ont pour vocation de proposer au Président de la République une doctrine de défense renouvelée, ont constamment souffert, ces derniers mois, d’annonces et de décisions qui sont déjà, en elles-mêmes, des modifications stratégiques fondamentales : je pense à la création d’une base navale à Abu Dhabi, au redéploiement de nos forces prépositionnées en Afrique, au discours de Brest annonçant la diminution d’un tiers de la composante nucléaire aéroportée, à l’envoi d’un bataillon supplémentaire en Afghanistan et, bien entendu, à la décision d’un retour complet dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

S’agissant de la dissuasion nucléaire, par exemple, les récentes déclarations du Président de la République sur l’Iran, pays qui, selon lui, serait « la première menace qui pèse sur le monde », marquent à l’évidence une rupture dans notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire, qui rejetait jusqu’ici le principe de la frappe en premier.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

N’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Nous craignons que cette déclaration ne préfigure une éventuelle participation à des frappes américaines ou israéliennes, que la France soutiendrait en contrôlant une partie du golfe Persique à partir de la future base d’Abu Dhabi.

Dans ce domaine, nous estimons que la France ne s’engage pas assez résolument dans la lutte contre la prolifération nucléaire et qu’elle ne satisfait pas à tous les engagements pris dans le cadre du traité de non-prolifération.

Il est un autre exemple de décision à laquelle nous nous opposons fortement : la pleine réintégration dans la structure militaire de l’OTAN.

Cette position est en rupture complète avec le consensus national qui existait jusqu’alors autour du concept d’indépendance et d’autonomie de décision de notre pays. Elle inquiète, y compris d’ailleurs jusque dans les rangs de la majorité, car elle nous est présentée comme étant conditionnée à l’acceptation, par les États-Unis et certains de leurs alliés, d’une relance de la politique européenne de défense et de sécurité. Or, depuis quelque temps, les progrès de l’Europe de la défense ne semblent plus posés en préalable avec autant de force par le Président de la République.

Pourtant, feu le traité de Lisbonne…

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… place de facto la politique européenne de défense sous la supervision de l’OTAN. Les Irlandais l’ont d’ailleurs bien compris, car l’une des raisons de leur rejet du traité a été la crainte de perdre leur souveraineté en matière de défense.

Cette intégration plus poussée au sein de l’Alliance atlantique, sans que le Président de la République ait obtenu de réelles garanties sur le partage du pouvoir et sur l’autonomie de décision et d’évaluation des menaces, nous rend très sceptiques sur la réelle détermination de ce dernier à promouvoir une Europe de la défense qui soit un acteur majeur et autonome sur la scène mondiale.

À la veille de la présidence française de l’Union européenne, l’absence de propositions concrètes dans ce domaine me semble de mauvais augure. Je pense, en particulier, aux objectifs qu’elle devrait se fixer ou à la définition d’une politique de coopération européenne pour les industries de défense.

Décidément, ce renoncement implicite à l’ambition d’une Europe de la défense pour faire de la France une puissance moyenne alignée sur les États-Unis est en totale contradiction avec les ambitions affichées par le Président de la République.

Il y aurait vraiment mieux à faire. Pour notre part, nous ne voulons pas que l’Europe soit associée à la partie de dominos que jouent les États-Unis dans le monde. Nous voulons que l’Europe, qui représente un quart des richesses de la planète, mette tout son poids dans la résolution pacifique des conflits, dans le respect du droit international et des résolutions de l’ONU.

J’en viens à l’analyse des nouvelles menaces et des nouveaux risques, l’un des points forts du Livre blanc.

Malheureusement, elle n’établit pas de hiérarchisation, et procède d’une vision de la sécurité et de la défense trop unilatérale, strictement occidentale. C’est une vision qui s’inscrit dans la conception américaine du « choc des civilisations ».

Les risques et les menaces ne sont pas hiérarchisés, puisque l’on mélange tout à la fois la prolifération nucléaire, les attentats terroristes, les attaques informatiques, les tensions nées de l’accès aux ressources ou bien encore les pandémies et autres catastrophes naturelles.

Les solutions proposées pour les prévenir et y répondre sont essentiellement sécuritaires et militaires, sans que l’on prévoie les moyens de s’attaquer aux causes profondes des tensions et des crises. Du fait précisément de ce « paquet sécuritaire », le Livre blanc ne traite plus uniquement de la défense ; il traite aussi de la sécurité nationale. Mais qu’y a-t-il de commun entre le terrorisme et les catastrophes naturelles ? Cela justifie-t-il que l’on étende le périmètre de la défense ?

Certes, dans un monde globalisé et interdépendant, les menaces ne s’arrêtent plus aux frontières et la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure a perdu de sa pertinence. Mais ce concept de sécurité globale risque aussi d’entraîner un amalgame entre des menaces à la sécurité de l’État et des crises sociales. Traiter ces phénomènes sous l’angle de la sécurité ne pourrait conduire qu’à les aggraver et fournirait le prétexte pour ne pas s’attaquer aux racines du malaise.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

C’est n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

C’est en fonction de ces analyses que l’une des nouveautés du Livre blanc réside dans l’accent mis sur le renseignement humain et spatial, qui est érigé en nouvelle priorité sous l’appellation de « connaissance et anticipation » et qui s’ajoute aux quatre autres fonctions stratégiques traditionnelles.

Vous prévoyez ainsi de doubler le budget du renseignement. Nous serons peut-être mieux renseignés, mais les mesures de réduction que j’ai évoquées amoindriront nos capacités d’intervention et de gestion des crises.

Cette évolution du concept de défense, étendu à la sécurité nationale, est surtout l’occasion de renforcer les pouvoirs du Président de la République, puisque, comme il l’a annoncé, pratiquement toutes les décisions en matière de défense et de sécurité seront concentrées entre ses mains. Fort heureusement, le Parlement a récemment refusé l’aggravation de cette tendance en rejetant le dessaisissement du Premier ministre d’une partie de sa responsabilité en matière de défense au profit du Président de la République.

Avec le Conseil consultatif sur la défense et la sécurité nationale, la création d’un poste de coordinateur national du renseignement, directement rattaché au Président de la République, et la création d’un Conseil des affaires étrangères, également placé auprès de lui, nous sommes bien loin de l’esprit et de la lettre de la Constitution, dans laquelle il est précisé, à l’article 15, que « le Président de la République est le chef des armées » !

Ainsi, le domaine réservé du chef de l’État ne sera plus circonscrit aux affaires étrangères et à la défense. Cette concentration des pouvoirs en matière de sécurité et de défense est l’un des effets pervers des conclusions du Livre blanc. Elle n’est pas saine dans un grand pays démocratique comme le nôtre, car elle s’exercera dans le cadre des pouvoirs de contrôle très réduits du Parlement.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté les analyses et les propositions de ce Livre blanc. Le chef de l’État a approuvé ces nouvelles orientations stratégiques, mais il est peu démocratique que, eu égard à une révision aussi fondamentale de notre doctrine de défense, la représentation nationale n’ait pas été mieux associée à ces travaux. Il est encore moins acceptable que nous ne puissions pas, aujourd’hui, nous prononcer par un vote, car notre débat de ce soir ne sera d’aucun effet sur les conclusions du Livre blanc.

Malgré quelques aménagements à doses homéopathiques proposés dans le projet de révision constitutionnelle, la revalorisation du rôle du Parlement en matière de défense nationale apparaît pour ce qu’elle est : un leurre. En soumettant le Livre blanc au Parlement, vous aviez pourtant l’occasion d’apporter la preuve de votre volonté de l’associer à l’examen des questions de défense. Nous regrettons que vous ne l’ayez pas saisie.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

M. André Boyer. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, M. de Rohan m’a tendu cet après-midi une perche en citant Shakespeare lors de la réception d’une délégation de la chambre des Lords et de la chambre des Communes. Je la saisis ce soir, en parodiant un autre auteur prestigieux : comment parler d’effort de défense, sans apporter de preuves budgétaires de l’effort de défense ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

À cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de ma profonde inquiétude.

Le Livre blanc précise en effet que l’effort de défense consistera à maintenir les ressources annuelles en volume, hors charges de pensions. Or, si nous examinons attentivement les déterminants de la dépense en matière de défense, que constatons-nous ?

Tout d’abord, les dépenses liées aux opérations extérieures atteignent près de 1 milliard d’euros en 2008, sans qu’une réduction puisse être envisagée à brève échéance. Nous avons donc atteint, au mieux, un palier.

Ensuite, la réforme des statuts particuliers, prévue pour le 1er janvier 2009, entraînera une augmentation de la masse salariale, et des revalorisations, au demeurant légitimes eu égard aux sujétions du métier des armes, sont annoncées.

Les restructurations, quant à elles, seront coûteuses, qu’il s’agisse des mesures de compensation pour les collectivités locales concernées ou d’accompagnement social des personnels. Rappelons simplement que la restructuration de la DCN aura coûté à notre pays, sur la dernière période de programmation, l’équivalent du programme des frégates multimissions, …

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

… ce qui nous a contraints à un mode de financement pour le moins singulier de ce programme décisif.

Enfin, la mise en place de réelles bases de défense suppose, pour être à la hauteur des enjeux, des dépenses d’infrastructures prévisibles et très importantes. Nous nous accommodions en effet, jusqu’ici, dans les emprises actuelles, de bâtiments certes souvent chargés d’histoire, mais de ce simple fait peu adaptés, très difficiles à maintenir en bon état et souvent, d’ailleurs, mal entretenus.

Ces quelques chapitres majeurs ne prétendent cependant pas à l’exhaustivité.

Face aux dépenses que je viens d’évoquer, quelles économies pouvons-nous déjà mettre en balance ?

Les réductions d’effectifs, pour être significatives, devront s’étaler sur six ans. Le Livre blanc précise que les restructurations ne devraient faire sentir leurs effets qu’au bout de trois ou quatre ans.

Quant aux programmes d’armements, une fois encore étalés ou reportés, ils souffraient déjà d’une insuffisance patente de financement et n’offrent que des perspectives d’économies limitées, tout entières affectées aux besoins nouveaux.

À cet égard, monsieur le ministre, que représente le différé de la décision sur le second porte-avions en termes financiers, alors que nous avons cofinancé des études de définition de ce programme avec les Britanniques et que nous avons procédé à la commande des catapultes aux États-Unis ?

Quelles sont les priorités d’équipement de notre pays, et à quoi devons-nous renoncer pour préserver l’essentiel ? Je ne suis pas certain que le Livre blanc réponde complètement à cette question.

S’agissant des besoins importants de la marine nationale, en particulier, dont les crédits font l’objet, depuis plusieurs années, de reports cruellement ressentis, permettez-moi de rappeler mon attachement – partagé, je n’en doute pas ! – à la préservation d’une marine océanique, instrument de souveraineté, mais aussi facteur majeur de sécurité près de nos côtes ou sur toutes les mers du globe. En clair, il s’agit de toutes les missions qui ressortissent de l’action de l’État en mer, comme le précise d’ailleurs le Livre blanc.

Ce dernier préconise également la réaffectation intégrale, au profit des équipements, des économies engendrées par les restructurations. Il est difficile cependant d’identifier la source des 3 milliards d’euros d’économies qui viendraient abonder le budget d’équipement de nos forces. Je ne demande bien sûr qu’à être rassuré par vos éclaircissements quant au volume et à l’affectation des économies dégagées sur les trois prochaines années.

Ma préoccupation est d’autant plus vive que notre horizon en matière de défense reste, j’en suis convaincu, étroitement lié au grand projet de faire de l’Europe de la défense un acteur majeur et autonome.

Force est de constater que, dans ce domaine, nous sommes encore bien seuls, et sans doute peu convaincants. Notre ambition et notre propre détermination sont un moteur indispensable. Seul un effort budgétaire national crédible peut nourrir notre capacité d’entraînement et faire progresser cette Europe de la défense, qui implique la relance du projet de 1999 en termes de capacités, de conduite des opérations et de planification à l’échelon européen.

En effet, ce qui intéresse nos rares partenaires éventuels ne se limite pas aux intentions affichées, aussi louables soient-elles, ou aux déclarations de principe. Notre pouvoir de conviction repose, n’en doutons pas, sur le contenu de nos propositions et leur cohérence avec notre propre politique.

Les annonces du Livre blanc concernant notre réintégration dans l’OTAN, laquelle, j’en conviens, changerait peu de choses à l’implication, déjà grande, de notre pays dans cette alliance, ne risquent-elles pas, de ce point de vue, d’être interprétées comme un renoncement ?

Certes, nous sommes confrontés à une réforme difficile, qui impose des choix douloureux. Ne pas les formuler clairement, à l’échelon tant national qu’européen, puisque nous appelons de nos vœux une Europe de la défense, mettrait en péril la réforme elle-même, et la sécurité qu’elle veut et qu’elle doit assurer à notre pays.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

« Il faut que la France ait une épée ; il faut que ce soit la sienne ! », avait un jour déclaré le général de Gaulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

N’oublions pas l’éminente réflexion menée par la Haute Assemblée, tout au long de notre histoire et de ses évolutions successives, pour que nous gardions cette épée.

Déjà, en 1818, à la chambre des Pairs, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr souhaitait adapter la capacité de nos armées à la nouvelle donne diplomatique en Europe : ce fut une réussite.

Ensuite, en 1867, au Sénat, le maréchal Niel tenta en vain de faire évoluer les mentalités, alors que l’armée coloniale avait pris trop d’importance par rapport à l’armée métropolitaine : ce fut un échec, dont nous avons connu les conséquences.

Ce fut ensuite la grande loi réussie de 1872, avec la conscription nationale remise à l’honneur, la construction d’un grand réseau de fortifications, la modernisation de nos équipements et, au bout du chemin, la victoire de 1918.

Il y eut encore la loi, finalement désastreuse, de 1928, élaborée sur l’initiative du maréchal Pétain et qui aboutit à une stratégie défensive, à la réalisation de la ligne Maginot, à la sclérose des mentalités et au désordre de 1940. Nous ne devons jamais l’oublier et nous souvenir, au-delà des décisions politiques, qu’il s’agit, pour nous, de faire le meilleur choix au service de la patrie et de la République.

Ce choix, le général de Gaulle le fit un jour pour la France en décidant d’instaurer une force de dissuasion nucléaire. Ma famille politique le combattit longtemps sur ce sujet, notamment lors du vote de la loi de 1963, le contexte géopolitique étant alors complètement différent de celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Mais, il faut le reconnaître – nous le faisons d’ailleurs depuis longtemps –, en devenant une puissance nucléaire, la France resta fidèle à son message universel et à son destin politique. Cette situation donne aujourd’hui à notre pays une garantie ultime contre l’agression majeure d’un État étranger, sans doute peu imaginable de nos jours, mais toujours possible.

Aujourd’hui, nous voilà de nouveau au rendez-vous de notre histoire. La France ne doit pas se tromper de chemin, et nous sommes ensemble ce soir pour faire les bons choix.

La France est et demeure une puissance nucléaire. Il ne faut jamais y renoncer ; c’est une priorité. Nous maintenons notre double panoplie nucléaire balistique et aéroportée. Nous avons raison de laisser un possible adversaire dans le doute concernant la qualité et la diversité de notre frappe nucléaire.

Cependant je m’interroge, monsieur le ministre, sur le sort de nos bases aériennes affectées à cette mission, sur leur implantation géographique et sur leur modernisation. Quel avenir pour Luxeuil-Saint-Sauveur, qui fut, en 1963, notre première base aérienne opérationnelle ? Le missile balistique est la principale composante de notre dissuasion nucléaire. Cependant, avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint une limite à ne pas franchir, sinon nous mettrons en jeu notre crédibilité. Nous devons revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d’engins, conformément au triptyque : mission, réserve et réparation.

J’en viens à la nécessité de bien équiper nos forces conventionnelles pour un conflit de nature classique, peu probable aujourd’hui, mais dont l’éventualité doit faire l’objet d’une réflexion.

Notre histoire militaire est pleine de conflits estimés peu probables, de la bataille de Crécy et des bombardes anglaises en 1346 à la crise de Suez et à la menace nucléaire soviétique en 1956.

Le char Leclerc, de conception classique, est un fleuron de notre cavalerie blindée et une réussite de notre industrie d’armement. Le Rafale et le Mirage 2000 sont indispensables à notre capacité aérienne.

Vous avez énoncé, monsieur le ministre, une évidence. Dans l’immédiat, notre armée de terre doit s’adapter aux conflits modernes, qui nécessitent une force projetable en six mois de 30 000 hommes, de la Mauritanie à l’Afghanistan.

Notre pays se trouve en effet dans une zone de dangers immédiats. J’entends bien les critiques, mais j’attends les solutions de recours : les conflits du XXIe siècle sont plus au Sud qu’à l’Est. Nous devons protéger nos communications, nos ressortissants et nos approvisionnements.

Sur ce dernier point, je ferai une simple remarque concernant la Turquie : la distribution de la moitié des réserves mondiales de gaz passe par ce pays, qui est devenu un nouveau carrefour de la stratégie énergétique.

Nous devons donc nous protéger avec une force professionnelle, équipée, mobile et capable de déclencher un feu surprenant et décourageant pour l’adversaire. D’un point de vue stratégique, cet aspect représente une orientation majeure du Livre blanc.

Toutefois, ne négligeons pas pour autant ce qui fait la richesse de notre armée. La force alpine, par exemple, a besoin d’être partie prenante à cette modernisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Nos bataillons alpins sont stationnés à Annecy, à Bourg-Saint-Maurice, à Chambéry, à Besançon et à Barcelonnette. On dit les deux dernières implantations menacées, mais peut-être allez-vous nous rassurer, monsieur le ministre.

Loin de moi cependant l’idée de croire à une éventuelle difficulté avec nos amis Italiens ! C’est en Afghanistan que nous voyons à quel point la guerre de montagne demeure une réalité. La chaîne des Alpes constitue, à cet égard, un terrain d’entraînement inégalé. À mon sens, la guerre alpine constitue un élément indispensable pour un corps expéditionnaire projetable.

Doter notre espace aérien de 300 avions polyvalents de type Rafale ou Mirage 2000, dont 270 en ligne, est une bonne décision. Vous savez très bien que notre aviation de transport et de ravitaillement a connu des manquements. À cet égard, je rappellerai l’exemple de l’opération de Kolwezi en 1978.

Il nous faut également, me semble-t-il, faire des efforts pour améliorer notre situation d’observation. Le Livre blanc insiste d’ailleurs sur la protection de nos satellites.

Hier, la plupart d’entre vous, mes chers collègues, du moins ceux qui n’étaient pas en séance, ont regardé le match de football à la télévision. §Ce qui m’a surpris, c’est la fragilité d’une chose qui nous semble acquise : du fait d’un simple orage, la moitié de l’Europe est devenue pratiquement sourde et muette !

Imaginez une telle situation pour nos satellites. Certes, nous disposons de techniciens, mais la protection de nos satellites est fondamentale pour l’avenir.

Enfin, j’insiste sur la nécessaire qualité de notre défense aérienne. Nous sommes toujours tenus en éveil par le risque de n’importe quelle attaque aérienne sur des sites sensibles. Je n’en dirai pas plus par souci de confidentialité, mais cela doit rester pour le Gouvernement une préoccupation permanente. Ce n’est pas l’administrateur de la Tour Eiffel qui dira le contraire !

J’aborderai maintenant un sujet plus délicat : le sort de la marine nationale, dans sa conception classique. Ce sur quoi le Livre blanc n’insiste pas assez, c’est sur le fait que la France dispose dans l’hémisphère Sud d’une zone maritime territoriale aussi importante que l’Europe. Or, on le sait très bien aujourd'hui, la mer est en quelque sorte l’avenir du monde. Il est évident que la marine nationale participe à la protection de cette zone.

La France ne peut donc pas se contenter d’un unique regroupement aéronaval pour des raisons d’économie. Chacun le comprendra aisément : laisser, pour d’indispensables réparations, un porte-avions pendant dix-huit mois à quai implique qu’un autre porte-avions puisse être engagé en haute mer. La solution passe-t-elle par l’Europe ou par une mutualisation avec les Britanniques ? La question n’est pas tranchée, mais il est vrai que ce problème est important.

Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la flotte de surface : elle constitue un élément majeur de l’inflexion stratégique engagée par le chef de l’État.

Le 14 novembre 2006, lors d’un colloque au Sénat – je suis sans doute le seul à me le rappeler ! –...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

… j’avais avancé l’idée d’une garde nationale permettant de ne plus couper complètement notre jeunesse de l’effort de guerre. Avec un service volontaire court permettant une formation professionnelle complémentaire, il y aurait là matière à renouveler nos conceptions en matière de défense opérationnelle du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Chacun en est conscient, la roue de l’illusion a tourné. En 1968, le général Ailleret parlait de défense « tous azimuts ». La formule était blessante et injuste pour nos amis Américains, nos amis fidèles, nos alliés de toujours, ceux qui nous ont sauvés deux fois et avec lesquels nous partageons une même communauté de destin. Le 4 avril 1949, avec le traité de l’Alliance atlantique, et le 6 Avril 1949, avec celui de l’OTAN, nous avons maintenu en Europe occidentale la paix et la prospérité.

La rentrée militaire complète dans l’OTAN, bien que les structures aient changé, est une initiative heureuse du Président de la République et un pas en avant de la défense de l’Europe.

Centriste, j’ai été formé par Jean Lecanuet, votre prédécesseur, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, qui a toujours souhaité que notre défense repose sur deux piliers, le pilier européen et le pilier de l’Alliance atlantique. Vous comprendrez donc d’autant plus aisément pourquoi je suis ravi que le Président de la République ait pris cette décision, car il a retrouvé ce faisant l’ancienne conception des centristes sur ce sujet.

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Mais il ne faut pas se tromper d’objectif. Le Pacte de Varsovie a été dissous et la recherche d’un partenariat stratégique avec l’immense Russie est indispensable. Je rejoins en cela ce que disait M. le président de la commission : l’OTAN doit s’adapter à cette nouvelle donne et il est nécessaire qu’elle réfléchisse à ses conceptions et à ses ambitions stratégiques.

Nous étions ensemble en Russie. Nous avons constaté à quel point les Russes étaient irrités par l’affaire de l’Ukraine et de la Géorgie. J’ai trouvé très important que le Président de la République, avec les cinq pays fondateurs de l’Europe, ait pris la position qu’il a prise sur cette demande d’élargissement.

Évitons les provocations inutiles : l’installation de missiles en Europe centrale sans concertation avec les Européens rappelle de mauvais souvenirs à Moscou – je ne suis pas sûr que ce soit très heureux – et affaiblit la position de ceux qui, en Russie, veulent se tourner vers l’Ouest.

L’objectif de rééquilibrage de nos finances publiques ne peut pas se faire au détriment de notre effort de défense. Hors pensions et gendarmerie, nous ne dépensons que 1, 65 % de notre PIB, contre 2, 33 % pour le Royaume-Uni. C’est trop peu, nous ne devons pas baisser notre garde.

S’il faut faire des économies, faisons-les sur les personnels civils et les dépenses d’administration générale ; réalisons des économies d’échelle. L’inversion du ratio entre forces opérationnelles et administration générale que vous proposez, monsieur le ministre, est un très bon objectif et servira de test pour mesurer la réussite de votre politique.

Il faut également une plus importante revalorisation du patrimoine, qui doit être vendu au meilleur prix – cette question est importante –, ainsi qu’un surcroît de rigueur du contrôle général.

Je ne veux pas reprendre la presse satirique, qui s’est fait l’écho, à tort où à raison, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

... de dépenses inutiles de nos forces en Côte d’Ivoire, mais c’est à surveiller.

À ce point de mon propos, je devrais en venir à la politique des personnels, mais, plutôt que de « personnels », je préfère parler des recrues, de celles et ceux qui donnent leur temps, leur vie même, puisqu’ils sont prêts au sacrifice suprême pour la France.

Respectons et honorons ce choix : accompagnons humainement ces femmes et ces hommes dans leurs parcours. Il est insupportable que des retours prématurés à la vie civile pour des mesures d’économie budgétaire se traduisent par un passage à l’ANPE et le départ d’un logement social à loyer modéré. C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui et l’amertume est alors bien naturelle. Monsieur le ministre, permettez à l’élu parisien que je suis d’attirer votre attention sur une situation dont il connaît beaucoup d’exemples.

Nous avons choisi la professionnalisation des armées, mais ceux qui se sont enrôlés demeurent à mes yeux des soldats de la République, nos soldats, les soldats de la France. Le projet de garde nationale que j’ai évoqué tout à l’heure pourrait être une voie intéressante de dégagement.

Monsieur le ministre, madame le ministre, mes chers collègues, je terminerai mon propos sur les perspectives d’avenir qu’il nous faut trouver.

Après la « Guerre à la guerre », ce fut le fameux « Arrière les canons », ajouté un jour par Aristide Briand à Genève. N’oublions pas que nous demeurerons des humanistes. Si nous voulons la paix, nous préparons la guerre. Mais rappelons-nous que le message de la France est un message de paix.

Prenons des initiatives en matière de désarmement : il est des armes nouvelles cruelles, qu’elles soient chimiques, biologiques, antipersonnelles ou incendiaires. N’hésitons pas à convaincre la communauté internationale de les supprimer.

N’hésitons pas non plus à faire des propositions en matière de plafonnement des dépenses militaires. Décourageons les pays où la faim rode à dépenser inutilement dans le domaine militaire. Rappelons-nous que la France n’est pas seulement celle des soldats de l’An II, mais qu’elle est aussi celle de la Déclaration des droits de l’homme.

Monsieur le ministre, c’est la troisième fois en un demi-siècle que la France a un ministre de la défense centriste : Pierre de Chevigné, qui a nourri la réflexion militaire de notre courant politique, François Léotard et vous-même. Le groupe de l’Union centriste-UDF du Sénat suit avec attention votre parcours gouvernemental et vous assure de son soutien amical. Notre combat commun est d’assurer la paix, d’affermir la liberté et de conforter la démocratie.

Vous avez en charge, monsieur le ministre, selon la belle formule de nos marins « le sort des armes de la France », mais vous n’oubliez pas, je le sais, que ce sont aussi les armes de l’Europe.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le ministre, mes premiers mots seront pour exprimer un regret.

Oui, je regrette que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ne fasse pas l’objet d’un véritable débat au Parlement suivi d’un vote. Les conclusions de ce texte, déjà avalisées par le Président de la République, auraient dû subir l’analyse et l’étude minutieuses des commissions parlementaires.

Nous avons à la place une simple opération de communication destinée à mettre en lumière les décisions prises par le chef de l’État.

C’est cette méthode, peu respectueuse à l’égard des droits du Parlement et en conséquence méprisante à l’égard de l’opposition, qui nous avait conduits, ma collègue députée Patricia Adam et moi-même, à démissionner de la commission du Livre Blanc.

Ce n’était pas tant le travail intellectuel de la commission que nous mettions en cause que le fait de trouver régulièrement exposés dans la presse des engagements qui venaient conditionner les travaux en cours : la réforme des services de renseignement, la création d’une base navale à Abu Dhabi, l’envoi de renforts en Afghanistan, la réinsertion dans le commandement intégré de l’OTAN, la poursuite du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, la réduction d’un tiers de la composante nucléaire aéroportée, la préparation des réductions des implantations territoriales des unités militaires sans concertation avec les élus, la réduction du format des armées...

Bref, cette commission est devenue, malgré la qualité de ses membres et la bonne tenue de ses travaux, le registre notarial des annonces et des décisions du Président de la République.

Pis encore, dans le même temps, l’exercice de révision générale des politiques publiques, la RGPP, était mis en œuvre, sans transparence, avec comme finalité principale la réduction drastique des fonctions « soutien et logistique interarmées », la réduction du format et l’externalisation pour réaliser des économies.

Entre l’enclume de l’Élysée et le marteau de la RGPP, les belles envolées intellectuelles issues des débats du Livre blanc furent asservies, comprimées, conditionnées. Conscients de la nécessité impérieuse d’une véritable réforme de notre dispositif de défense, nous ne voulions pas cautionner cette entreprise peu soucieuse du respect des droits du Parlement.

Toujours convaincu de la nécessité d’un grand débat national et européen sur les questions de défense, de sécurité, de politique étrangère, je n’ai cessé de réclamer qu’une discussion suivie d’un vote ait lieu au Parlement sur le Livre blanc et sur ses conclusions. Cela aurait servi, en outre, à faire émerger de la discussion, de l’échange et du vote, un consensus le plus large possible, qui eût été source de légitimité pour les nouvelles modalités de notre défense.

Une série de courtes interventions comme ce soir encadrées par la parole ministérielle n’est pas un véritable débat parlementaire : il s’agit plutôt d’un rituel destiné à se donner bonne conscience et à permettre ensuite au pouvoir exécutif de « communiquer », en faisant croire à l’opinion publique que le Parlement a délibéré.

Or, ici et maintenant, point de délibération et point de vote ! Nous voilà devenus, monsieur le président, une Haute Chambre d’enregistrement !

Il est d’ailleurs étonnant que, cet après-midi, les divers groupes de l'Assemblée nationale aient chacun bénéficié d’une heure pour intervenir, alors que, ce soir, au Sénat, nous sommes limités à un quart d’heure ! J’ajoute que, si nous sommes très flattés de la présence de plusieurs membres du Gouvernement – quatre au début du débat, deux maintenant –, c’est le Premier ministre qui nous était promis, comme à l'Assemblée nationale… Je m’étonne encore, monsieur le président, de cette différence de traitement entre les deux assemblées.

J’insiste : un nouveau Livre blanc était nécessaire. Il l’était parce que le contexte stratégique s’est transformé depuis 1994 et parce que, ces dernières années, la crise financière qui guettait la défense menaçait l’ensemble du dispositif de sécurité. Il était nécessaire aussi parce que la France se devait de prendre le virage vers une véritable Europe de la défense.

Nécessaire, ce nouveau Livre blanc était devenu même obligatoire, parce que, après les formidables bouleversements intervenus avec la professionnalisation des armées, il était urgent de recréer, peut-être même de refonder, les bases du lien armée- Nation, de reconsidérer le statut des militaires en avançant vers de nouveaux droits mieux adaptés à leur nouvelle situation de professionnels au service de la Nation.

Or, dès le départ, cet exercice avait manqué sa cible, puisque la rédaction du Livre blanc aurait dû être couplée avec un exercice de même nature au niveau européen. La présidence française de l’Union européenne aurait été l’occasion rêvée. À la place, nous avons eu un travail franco-français !

Quinze petites minutes ne me permettront pas d’analyser de manière exhaustive le Livre blanc. Je choisirai donc quelques points frappants de ce texte volumineux et foisonnant.

Parlons d’abord du nerf de la guerre.

Le dernier Livre blanc, « cuvée 1994 », était obsolète ; le modèle d’armée proposé, dit « modèle 2015 », était devenu une coquille vide de sens et son financement, inapproprié. D’ailleurs, le Président de la République le reconnaît dès la préface de son Livre blanc : « Le modèle d’armée 2015 [...] s’est révélé à la fois inadapté et inaccessible ».

J’avais averti en ce sens à plusieurs reprises le gouvernement précédent. À l’époque, Mme Michèle Alliot-Marie nous répondait, sous les applaudissements de la majorité UMP, que tout allait bien, que moyennant seulement quelques ajustements le modèle 2015 était viable et que les finances de la défense tenaient la route.

Comment est-il possible de découvrir subitement autant de trous dans l’armure et de s’apercevoir, en 2007, que, pour les besoins en équipements, il fallait financer un surcroît annuel de 6 milliards d’euros en moyenne pendant six ans, à verser à partir de 2009 ?

Je constate aujourd’hui que si, entre 2003 et 2008, les dépenses d’équipement n’ont pu être financées comme prévu, c’est parce qu’elles n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau lors de la programmation initiale.

Ces sous-évaluations concernaient le lancement de programmes nouveaux, le maintien en condition opérationnelle des matériels et les coûts des programmes en cours.

Voilà l’héritage, qui est aussi votre bilan !

Or cette situation pèse et pèsera sur la politique de défense et de sécurité de la France.

Aujourd’hui, vous devez, monsieur le ministre, répondre aux sévères critiques portées contre votre politique de défense et de sécurité. Elles ne viennent d’ailleurs pas que des rangs de l’opposition.

La critique s’exprime dans les journaux, elle se murmure dans les casernes : j’ai ainsi pu lire récemment que votre politique conduit au « déclassement militaire » de la France.

Ne vous trompez pas, monsieur le ministre, mes propos ne sont pas empreints de mauvaise joie, schadenfreude disent les Allemands. Reconnaissez tout de même qu’il est savoureux de constater que, après que vous avez fait porter, vous et vos amis, des accusations injustifiées sur les socialistes et sur leur action en matière de défense, ce soit sur vous aujourd’hui que tombe une si grave interpellation !

Même si je ne les partage pas dans leur intégralité, certains rudes diagnostics posés sur votre politique de défense ne peuvent pas être éliminés de notre discussion d’un simple revers de main disciplinaire.

La tribune publiée par des généraux et des officiers supérieurs, parue dans le Figaro, doit être versée au débat. Ils écrivent : « Une réduction prévisible et sans imagination du format des armées, à peine compensée par d’hypothétiques innovations technologiques et organisationnelles : il y a comme une imposture à présenter ces résultats comme un progrès dans l’efficacité de l’instrument militaire. » Ce n’est pas rien !

D’ailleurs, cette expression publique de militaires pose aussi, en passant, des questions sur la possibilité pour ces fonctionnaires militaires d’exercer des droits élémentaires d’expression démocratique. Cet aspect, escamoté en 2005 lors de la dernière réforme du statut général des militaires, est toujours d’actualité, je tiens à le souligner.

Ne nous trompons pas d’exercice ; malgré l’effort, théorique, du Livre blanc pour mettre en cohérence les missions et les moyens de nos forces, nous savons bien que les arbitrages en cours de réalisation sur les équipements et sur les formats des armées sont conditionnés par deux exercices, pas forcément convergents : la prochaine loi de programmation militaire et les budgets afférents, d’une part, et la révision générale des politiques publiques, la RGPP, d’autre part.

Je peux vous affirmer dès maintenant que les objectifs physiques et financiers mentionnés dans le Livre blanc risquent d’apparaître comme autant de vœux pieux quand seront connus la carte militaire, la liste des restructurations et les montants des crédits militaires et, hélas ! comme une façon de faire avaler aux militaires et aux personnels civils de la défense une potion très amère.

Votre politique ressemble à un acte de foi : « Croyez-moi, demain nous ferons mieux avec moins ! »

Ainsi en va-t-il du mystère des économies engendrées par les restructurations qui seront, selon le Livre blanc, « intégralement réutilisées pour la défense ». Je pense surtout que des dépenses devront être envisagées.

Monsieur le ministre, vous avez souligné que la réforme de la défense représente un effort sur six ans qui devrait permettre de dégager 2 milliards d’euros par an au profit des forces opérationnelles et de l’équipement des armées. Comment ferez-vous ? J’ai encore en mémoire le coût faramineux de la sous-évaluation de la professionnalisation qui avait « plombé lourdement », si je puis me permettre cette expression, les budgets de la défense après 1997

Je crains que l’on ne répète à nouveau les graves erreurs d’évaluation commises lors de la professionnalisation.

Mais il est un autre mystère, celui de la réduction de 54 000 postes au ministère de la défense, dont 46 500 concernent les armées et 7 500 le personnel civil et militaire des directions du ministère, notamment la DGA et le secrétariat général pour l’administration. Est-on certain que cette diminution majeure du format ne touchera pas les capacités opérationnelles ? À l’issue de l’exercice, aura-t-on une force ramassée, plus musclée et plus efficace et un recrutement de qualité sera-t-il maintenu ?

On nous parle de « mutualisation », « d’externalisation ». Quels sont les résultats des études d’impact, des évaluations et des prévisions réalisées en la matière ? Je suis convaincu qu’ils peuvent intéresser grandement les commissaires de la commission des affaires étrangères et de la défense.

J’approuve l’importance donnée, enfin, à la capacité d’avoir une vraie autonomie d’appréciation et de décision ; la fonction « connaissance et anticipation », qui existait déjà de facto, est ainsi revalorisée, et c’est une bonne chose.

Je serai particulièrement vigilant pour que l’annonce d’un effort massif d’investissement sur le renseignement soit suivie d’effet.

Évoquons, maintenant, l’analyse de la situation internationale.

Un effort considérable a été réalisé lors de ses travaux par la commission du Livre blanc. Les échanges furent riches et animés. Or, à la sortie, que trouve-t-on ? On trouve une Weltanschauung définie seulement à partir des craintes et des angoisses de l’Occident. Ainsi, la sécurité internationale semble devoir être conçue à partir de la seule supériorité des armes, de l’efficacité, ou par des systèmes de protection et de l’unité du camp occidental. À la place de la politique de bloc contre bloc, dont on sortait à peine en 1994, on trouve l’ébauche d’un affrontement entre blocs de civilisation.

Une sorte de pessimisme global apparaît face aux dynamiques qui modèlent l’ordre international ; toutes les évolutions mondiales sont perçues en tant que risques et menaces.

Aucune nouvelle perspective ne signale la possibilité de maîtriser les dangers par des politiques actives de prévention, de désarmement négocié ou par de nouvelles formes de régulation multilatérale résultant de solidarités, de coopérations et de concessions réciproques.

Les menaces incertaines, diffuses, sont présentées de manière confuse. Comment mieux armer la France comme l’Europe pour qu’elles se défendent mieux, si toutes les menaces, tous les risques se valent ? On peut citer les terrorismes et les pandémies grippales, la prolifération nucléaire et la guerre informatique, la criminalité et la privatisation de la violence...

Bref, après une présentation fascinante de l’état du monde, on ne voit pas se dégager nettement les outils conceptuels d’aide à la décision, ni les priorités opérationnelles.

Sur le plan de la politique internationale comme sur celui des menaces à la sécurité dite « nationale », on voit primer un discours sécuritaire, à la fois anxiogène et lourd de sous-entendus.

On pourrait alors expliquer qu’il est nécessaire de résoudre les conflits – je pense, notamment, à l’affrontement entre Israéliens et Palestiniens, à la guerre en Irak –, qui nourrissent toute une gamme de conséquences violentes, et en arriver à la conclusion que, même si la solution aux problèmes, aux menaces et aux risques évoqués n’est pas toujours militaire, loin de là, il faut être prêt à assumer le prix militaire de notre insertion active et réactive dans le monde tel qu’il est. Pas la peine de faire du catastrophisme !

L’analyse stratégique du Livre blanc tend à énoncer les priorités militaires pour notre défense et donne la primauté à la mission de projection, en annonçant d’ailleurs un recentrage des dispositifs de défense sur un axe qui va de l’Atlantique à l’océan Indien. Les arguments avancés par le Livre blanc ont de la consistance.

Toutefois, sans le dire clairement, cette orientation fait le deuil de l’affirmation de la vocation mondiale de notre défense.

Certes, elle a le mérite de prendre en compte les limites de la puissance militaire française et de considérer la nécessaire défense de nos intérêts stratégiques dans le cadre d’une concentration de nos efforts en évitant les éparpillements de nos forces.

Mais pourquoi les orientations et l’axe défini de l’Atlantique à l’océan Indien semblent-ils être étrangement parallèles aux positions définies, il y a quelques années déjà, par l’administration Bush ?

Il est vrai que tout l’exercice a été orienté, dès le départ, par le parti pris de la réintégration complète au sein des structures militaires de l’OTAN placées sous commandement américain.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

J’ai déjà donné mon avis sur cette question ; je ne m’y attarderai donc pas.

Laissez-moi, une fois n’est pas coutume, être d’accord avec l’ancien Premier ministre Alain Juppé, qui s’est demandé récemment si l’on n’était pas en train de faire un marché de dupes en rentrant sans conditions dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

C’est une bonne question !

Cette réorientation de notre politique étrangère et de défense dans un sens atlantiste est lourde de conséquences. Pourquoi avoir renoncé à notre singularité ? Pourquoi intervertir les priorités de l’Europe et de l’OTAN ? Pourquoi cet empressement à s’aligner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

On peut d’ailleurs parler de supercherie : alors que l’on nous rebat les oreilles avec la priorité que vous prétendez donner à l’Europe de la défense, nous apprenons, par une dépêche de l’AFP, que deux des trois régiments de la brigade franco-allemande sont menacés de dissolution. Nous attendons avec impatience les annonces du 3 juillet ! Si tel est le cas, monsieur le ministre, vous devrez vous expliquer sur cette manipulation et de l’opinion et de la représentation nationale.

Je voudrais reprendre à mon compte la question posée cet après-midi par ma collègue députée Patricia Adam, qui n’a d’ailleurs pas obtenu de réponse.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

C’est normal ! Elle n’est pas restée jusqu’à la fin du débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je vous offre l’occasion de lui répondre, monsieur le ministre !

Ma collègue se demandait ce qui s’était passé dans le monde depuis le mois de février 2007, époque à laquelle Mme Alliot-Marie déclarait au Sénat : « Sur le plan politique, le statut singulier de notre pays au sein de l’Alliance lui permet en revanche de faire entendre sa voix et d’être écouté » ? Votre réponse ne manquera pas de nous éclairer !

Cette réorientation de notre politique étrangère et de défense est un signal qui sera interprété négativement à Moscou comme à Pékin, sans parler de l’opinion internationale, qui perçoit souvent l’OTAN comme un outil unilatéral au service de la politique extérieure des États-Unis.

Pour finir mon intervention, j’aborderai la question du centralisme présidentiel mis en musique par le Livre blanc.

À rebours de toutes les déclarations verbales sur le rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlement, la politique de l’Élysée s’oriente nettement vers une extension du domaine réservé au Président de la République en matière de politique étrangère, de politique de défense et de sécurité intérieure.

Ce que le Livre Blanc appelle « la réorganisation des pouvoirs publics » n’est, en réalité, qu’une nouvelle concentration au sommet de l’État, une confiscation des pouvoirs !

Qu’on en juge : création d’un Conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par le Président de la République, qui préside, en outre, le Conseil de politique nucléaire, créé, dans sa forme actuelle, par décret du 21 avril 2008. Relevons aussi la création du Conseil consultatif sur la défense et la sécurité nationale auprès du Président de la République, réunissant des personnalités indépendantes nommées par ce dernier, la création du Conseil national du renseignement, présidé par le Président de la République, la nomination d’un coordonnateur national du renseignement, placé à la Présidence de la République, la création imminente d’un conseil des affaires étrangères auprès du Président de la République.

Une prochaine réforme de l’ordonnance de 1959 portant organisation générale de la défense traduira cette nouvelle organisation dans les textes. Nous pourrons alors constater l’envergure de l’effacement du Premier ministre et des ministres concernés par ces matières.

Et, comme s’il fallait encore « serrer les boulons », on apprend la nomination, par le Président de la République, d’un coordonnateur des travaux d’élaboration du futur projet de loi de programmation militaire pour la période 2009-2011 qui sera placé... auprès du Président de la République. L’œil de l’Élysée !

Ainsi, sans ambages, la présidentialisation du pouvoir deviendra totale dans les domaines de la défense et de la sécurité extérieure et intérieure.

La plupart des décisions et des choix seront concentrés dans les mains d’un homme, loin du Gouvernement et sans que le Parlement puisse les contrôler. Comprenez que cette situation, qui découle des propositions du Livre blanc, propositions elles-mêmes inspirées par les émissaires de l’Élysée, ne peut que susciter notre condamnation.

Les membres du groupe socialiste resteront vigilants face aux évolutions de notre dispositif de défense et aux conséquences de votre réforme sur la condition militaire, sur les droits des personnels civils et militaires, sur les restructurations et, en particulier, sur la cohérence et l’efficacité de notre outil de défense, garant de la sécurité de la Nation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dernier Livre blanc date de 1994 ; or, depuis cette date, la situation mondiale a beaucoup évolué et un nouveau contexte géopolitique impliquant de nouvelles formes d’engagement des forces armées françaises est apparu.

D’autre part, un lien entre la défense nationale et la sécurité intérieure s’est établi durablement, comme l’a indiqué le Président de la République dans son discours du 17 juin en ces termes : « Nous devons nous prémunir contre toute crise majeure sur le territoire national qu’elle soit intentionnelle ou non. Cette stratégie de protection doit conduire à une réorganisation de nos efforts et de nos moyens ».

Ce Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale prend en compte l’ensemble des crises prévisibles, au moment où la mondialisation s’impose à nous de façon irréversible. Il existe désormais une mondialisation des menaces terroristes islamistes, de la prolifération nucléaire, des tensions régionales, du développement du crime organisé et des possibilités de pandémies qui, toutes, prennent leur source loin de l’Europe, mais pourraient nous affecter chaque jour davantage.

S’y ajoutent une mondialisation des échanges, la révolution des communications et une lutte féroce pour les ressources stratégiques, soit un ensemble de phénomènes qui affectent la planète avec une rapidité favorisée par l’intensification des transports et des migrations.

Cette mondialisation a une conséquence importante sur le plan stratégique : la distinction entre la sécurité extérieure et intérieure s’estompe. De fait, la France et l’Europe de demain ne bénéficieront plus de l’effet protecteur de la distance géographique par rapport aux zones de guerre, de conflits ou de troubles.

Dès lors, une véritable continuité se crée entre les situations de crise ou de conflit, même dans les régions les plus éloignées de la planète, et le risque qui pourrait en résulter pour nos intérêts. Le champ couvert par le Livre blanc et les orientations qu’il arrête témoignent de la détermination des autorités françaises à tirer pleinement les conséquences de ce constat.

La première de ces conséquences est la mise en place d’une fonction stratégique, celle de « la connaissance et de l’anticipation », qui constitue notre première ligne de défense. Cette connaissance et cette anticipation, en un mot le renseignement, doivent garantir notre autonomie de décision et nous permettre de disposer des moyens d’éclairer nos actions le plus en amont possible.

Pour cela, la création, auprès du Président de la République, d’un conseil national du renseignement et d’un coordonnateur national, qui regroupera les services, constitue un élément fondamental. Il nous faut, en effet, renforcer les moyens, les méthodes et la technologie, moyens spatiaux compris, qui doivent être accompagnés par des hommes maîtrisant la culture du renseignement, de sorte que le dispositif de communication et d’information se retrouve placé au centre de la gestion des crises et que les objectifs opérationnels soient assignés désormais conjointement à la sécurité intérieure et à la sécurité civile, ainsi qu’aux forces armées.

Cette coordination des moyens civils et militaires constitue l’un des principes fondamentaux de notre nouvelle stratégie.

Par ailleurs, cette dernière s’inscrit complètement dans l’ambition européenne. Nous souhaitons que l’Europe se dote de capacités plus importantes, à savoir d’une capacité d’intervention globale, d’une capacité de déployer des opérations de maintien de la paix ainsi que des opérations civiles et des moyens de dynamiser l’industrie de défense européenne.

Incontestablement, la protection des citoyens européens implique un renforcement de la coopération contre le terrorisme et les attaques informatiques, ainsi qu’une sécurisation durcie des approvisionnements en matières premières stratégiques.

Le Livre blanc souligne également la complémentarité entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique, que nous n’avons jamais abandonnée. Certes, en 1966, nous avons quitté le commandement intégré, mais, aujourd’hui, beaucoup de choses ont évolué. Cependant, notre indépendance demeure préservée, car toutes les décisions politiques sont prises par consensus des vingt-sept alliés.

En son sein, la France a la même voix que les États-Unis. Par ailleurs, l’OTAN n’est pas allée en Irak, même si l’Italie et l’Espagne ont participé aux opérations, puis ont décidé de se retirer quand elles l’ont voulu.

Sur un autre plan, nous avons pris l’initiative de retarder à Bucarest le processus d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie. Tout cela montre la souplesse politique et stratégique de l’OTAN.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Enfin, depuis les septennats de François Mitterrand et de Jacques Chirac, une évolution de la France vers une réévaluation de notre place dans l’OTAN s’est confirmée.

De nouveau, nous siégeons dans toutes les instances politiques et militaires, sauf deux ; nous avons des officiers généraux dans le commandement intégré ; nos procédures militaires nationales sont harmonisées avec celles de l’OTAN et nos industriels fabriquent des matériels aux normes de l’OTAN dont, par ailleurs, nous demeurons l’un des principaux contributeurs.

Aujourd’hui, pour nous, il s’agit de siéger au Comité des plans de défense et d’affecter des officiers supérieurs dans les commandements, signe de confiance attendu par nos alliés européens. Nos troupes sont sur le terrain avec l’OTAN, qui a besoin d’être également rénovée, et nous devons participer à cette restructuration. Il est cependant impératif de maintenir fermement notre indépendance en matière de dissuasion nucléaire, la dissuasion nucléaire française étant en quelque sorte l’assurance vie de notre pays. Toute cette nouvelle stratégie entraîne, de fait, la mise en place de nouveaux formats pour nos armées, déterminés à partir des objectifs opérationnels retenus par le Gouvernement, sur proposition du Livre blanc.

Les principaux points en sont les suivants : une force opérationnelle terrestre de 88 000 hommes, autorisant une projection à distance de 30 000 hommes qui peuvent être déployés en six mois, un dispositif d’alerte permanent de 5 000 hommes et une capacité mobilisable sur le territoire national, en appui des autorités civiles, de 10 000 hommes en cas de crise majeure ; un groupe aéronaval, avec son groupe aérien complet, dix-huit frégates de premier rang, ainsi que six sous-marins nucléaires d’attaque, et une capacité à déployer un ou deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime ; un parc unique de trois cents avions de combat, Rafale et Mirage 2000 modernisés.

Dans le cadre de ce budget, il est impératif que nous nous efforcions de mieux maîtriser le coût de possession des matériels, à travers leur cycle de vie. Ce coût de possession, et cela a été longuement évoqué dans le Livre blanc, engage les services de l’État sur le long terme, puisqu’il englobe non seulement l’acquisition, mais également le coût d’entretien, le coût du soutien en service, de la mise à niveau, voire du démantèlement. Force est de constater qu’une mauvaise maîtrise du coût de possession a entraîné par le passé des dérives budgétaires parfois considérables. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place une nouvelle organisation autour d’une équipe, sous la responsabilité d’un directeur de programme.

Sur le plan de la doctrine d’emploi, cette réorganisation procède d’un quadruple souci : améliorer sans tarder la disponibilité et la modernisation des équipements les plus utilisés en opération ; lancer les programmes liés au renseignement et à la préparation de l’avenir ; améliorer la protection de nos soldats dans nos trois armées ; initier de nouveaux programmes dans le domaine de la connaissance-anticipation.

Pour mettre en œuvre ces objectifs, la France se doit de consacrer à sa défense un effort financier majeur et cohérent avec les choix retenus.

Ainsi, les crédits de défense ne baisseront pas. Dans un premier temps, les ressources annuelles, hors charges de pensions, seront maintenues en volume, c’est-à-dire s’adaptant au rythme de l’inflation. Elles pourront aussi comporter des ressources exceptionnelles.

Dans un second temps, dès l’année 2012, le budget sera accru au rythme de 1 % par an, en volume, c’est-à-dire de 1 % en plus de l’inflation. D’ici à 2020, l’effort total consenti pour la défense, hors pensions, s’élèvera à 377 milliards d’euros. En parallèle, les restructurations se traduiront par une diminution importante des effectifs sur six à sept ans et par une réduction des coûts de fonctionnement du ministère et des armées.

Les marges qui seront dégagées seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel, ...

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

... mais surtout au profit du budget d’équipement, qui passera de 15, 2 milliards d’euros en 2008 à 18 milliards d’euros en moyenne par an pour la période 2009-2020.

Pour que toute cette stratégie soit mise en place, un « Conseil de défense et de sécurité nationale » présidé par le Président de la République sera créé, dont le Conseil national du renseignement sera l’une des formations majeures. Le Premier ministre dirigera ...

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

M. André Dulait. ... l’application des décisions prises par le Conseil. Une réforme de l’ordonnance de 1959 sera entreprise. Par ailleurs, le rôle du Parlement sera considérablement renforcé s’agissant de l’intervention de nos forces dans des opérations extérieures

M. Didier Boulaud. s’esclaffe

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Toutes les démarches que nous venons d’évoquer ne pourront se faire sans une adhésion globale de la Nation. À cet égard, le Livre blanc préconise de donner une impulsion nouvelle dans plusieurs domaines : la formation des jeunes comme des élus locaux ; la rénovation de la journée d’appel et de préparation à la défense, la JAPD ; la création d’un service civique ; une organisation cohérente et attractive des volontariats susceptibles d’être mobilisés au service de la sécurité de la France.

Notre pays doit comprendre que la défense demeure toujours et partout l’affaire de tous.

Dans cet esprit, je souhaite insister sur une réalité qu’il ne faut pas oublier : le Livre blanc expose, sur les quinze prochaines années, une stratégie de sécurité nationale. Il concerne donc non pas exclusivement la défense au sens militaire du terme, mais aussi l’ensemble des acteurs contribuant aujourd’hui à la sécurité et à la protection de nos concitoyens, c’est-à-dire, au premier chef, le ministère de l’intérieur et celui des affaires étrangères.

C’est donc de la capacité de la représentation nationale à « coproduire » les réformes indispensables, avec les élus locaux et l’ensemble du Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, que dépendra la réussite du Livre blanc.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, présenté le 17 juin par Nicolas Sarkozy, définit un concept global devant permettre de répondre à la nouvelle donne française et internationale.

Ce document frappe d’abord par la clarté d’exposition des grands enjeux nationaux et internationaux. Le Livre blanc de 1994 était celui de l’après-guerre froide et de la fin de la conscription. L’édition de 2008 est celle de la mondialisation : menaces diffuses, incertitude stratégique.

Cependant, il exprime une vision de l’ordre mondial défini par les seules craintes de l’Occident. Les nouvelles dynamiques sont appréhendées sous l’angle des risques et les réponses sont donc essentiellement sécuritaires.

On peut regretter que des voies comme le désarmement multilatéral, le jeu des coopérations ouvertes, la régulation collective, n’aient pas été plus explorées.

Il faut également saluer l’effort de clarification stratégique entrepris dans le Livre blanc.

Une nouvelle mission « anticipation » est assignée à la défense. Dans le contexte actuel, cette mission est évidemment capitale. Depuis les attentats du 11 septembre, le terrorisme a en effet brusquement changé d’échelle. Il s’est aussi déterritorialisé jusqu’à prendre racine au cœur des pays occidentaux. Les conflits se sont multipliés et sont désormais interconnectés.

Enfin, des menaces d’un genre nouveau sont apparues, ou risquent d’apparaître, avec le développement de la cybercriminalité, le réchauffement climatique ou encore la course à l’énergie.

« Gouverner, c’est prévoir ». Mais, pour prévoir, il faut savoir. Le Livre blanc consacre la fonction du renseignement et prévoit d’accroître nos capacités d’observation, notamment spatiales. Il faut s’en féliciter.

Un autre point positif est le recadrage de notre doctrine de dissuasion.

L’arme nucléaire est aujourd’hui la garantie la plus crédible de notre indépendance et de notre sécurité. La capacité de projection de cette force spécifique est plus que jamais un impératif. L’arme nucléaire demeure un atout maître pour la France, par ailleurs profondément engagée au service de la paix et du règlement pacifique des conflits.

Ces dernières années, on avait pu craindre des inflexions dans la doctrine nucléaire française : d’un côté, les propos du président Chirac à l’Île Longue laissant redouter une dérive vers une stratégie d’emploi, de l’autre, une nouvelle génération de responsables politiques et militaires qui n’ont pas connu la guerre froide et sont donc moins convaincus des bienfaits du nucléaire.

Le Livre blanc conforte la dissuasion dans sa logique et ses programmes. Il s’agit toujours de protéger nos « intérêts vitaux » face à une menace étatique grave, en maintenant des forces nucléaires à un niveau de stricte suffisance.

Cela dit, il faudra définir la place du nucléaire français au sein de l’Alliance atlantique et son articulation avec la Politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, dans une Europe élargie. La défense européenne est une priorité de la présidence française de l’Union, mais certains de nos partenaires sont favorables à une dénucléarisation de l’Europe. Comment peut-on concilier cette exigence avec notre consensus nucléaire ?

S’agissant de nos capacités d’intervention, le Livre blanc préconise une concentration géographique prioritaire allant de l’Atlantique à l’océan Indien, en passant par la Méditerranée et le golfe arabo-persique.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

L’ancienne posture aboutissait à une dispersion des efforts. On ne peut donc qu’approuver un recentrage de notre politique de défense.

C’est sans doute dans cet axe que les risques impliquant les intérêts français sont les plus élevés. Mais il ne faut pas oublier la zone Antilles-Guyane, qui est un point stratégique sur les plans économique et militaire. Son éloignement de la métropole peut rendre difficile une projection rapide de renforts tant humains que matériels. Or, si la probabilité d’actions hostiles de la part d’un acteur régional est jugée faible, il y a des risques importants de catastrophes naturelles et de trafics de tous ordres.

Par ailleurs, le site de Kourou, essentiel pour la France et l’Europe, justifie des moyens spécifiques. Le Livre blanc est un peu ambigu. D’un côté, on parle de redéfinir les forces stationnées au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites, ce qui laisse présager un « dégraissage » des effectifs, de l’autre, on parle de mettre à disposition des moyens importants au bénéfice du centre spatial et de la lutte contre les narcotrafics. Est-ce à dire que l’essentiel des forces dans la région Caraïbes sera positionné en Guyane ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Je souhaiterais que vous puissiez nous donner quelques éléments de réponse.

Avec la réduction des effectifs de la fonction publique, de l’éducation nationale et de Météo France, sans oublier la remise en cause des dispositifs de défiscalisation dans les départements d’outre-mer, toute réduction du format des armées et de la taille des unités dans les régions ultramarines ne manquera pas de sinistrer encore davantage leurs économies déjà fragilisées.

S’agissant des dispositifs de régulation collective, le Livre blanc prône à la fois une ambition européenne renforcée et la réintégration de la France dans l’OTAN.

Plus que jamais, nous avons besoin de regrouper nos forces et nos visions communes, à la fois pour protéger nos citoyens, mais aussi pour participer à la construction d’une mondialisation qui soit équilibrée, qui soit éthique et qui respecte les individus.

Nous sommes tous conscients de l’importance que revêt, pour l’Europe, l’existence d’une véritable politique étrangère et de défense qui soit à l’image de sa puissance démographique et économique. Mais, soyons francs, elle n’existe pas aujourd’hui !

Toute avancée dans ce domaine suppose d’abord de rénover l’OTAN, dont les objectifs ne sont plus ceux du Pacte de Varsovie, et de redéfinir le partage des tâches entre cette organisation et l’Union. Tant que nous n’aurons pas fait cette démarche, je crains que l’OTAN ne reste pour certains un substitut confortable, et moins onéreux, à une défense européenne.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre de la défense, de votre Livre blanc qui dresse une analyse stratégique pour les quinze ans à venir, on retient surtout la réduction des effectifs. Une trentaine de casernes ou de bases militaires sont amenées à disparaître.

Si cette réforme peut sembler indispensable pour rendre notre outil militaire plus cohérent et plus efficace, encore faut-il que ses conséquences soient acceptables non seulement pour les familles des militaires, mais aussi pour toutes les populations qui les accueillent. Il faut que l’on tienne compte du tissu économique local dans un esprit d’aménagement du territoire qui a toujours été l’une des lignes directrices de notre République.

Au total, on donne l’impression que les objectifs assignés à notre défense ont été ajustés à la réalité des moyens qui lui sont alloués, alors que cela aurait dû être l’inverse.

On peut, certes, faire des économies, mais la défense nationale ne devrait pas être tributaire des variations de budgets.

L’armée, à laquelle nous devons le plus profond respect, ne doit pas être une variable d’ajustement budgétaire.

La dépense de défense est trop souvent présentée comme un fardeau dans l’inconscience de l’imprégnation : les Français et leurs élites oublient que la paix a un coût et que celui de la guerre est bien plus élevé.

Notre sécurité et le développement ne sont pas suffisamment corrélés.

Notre politique de défense et de sécurité doit tout d’abord assurer la cohésion du peuple français, autour de valeurs partagées qui le caractérisent.

La politique de défense, c’est d’abord le niveau d’ambition de la France dans le monde. Elle doit nous préparer à prévenir les conflits, à défendre nos intérêts. Elle exige de l’anticipation.

Notre dépendance budgétaire, creusée par la dette, fait obstacle à l’indépendance nationale.

Vous nous avez assuré que les crédits de défense ne baisseraient pas, et augmenteraient même de 1 % à partir de 2012. C’est le moins que l’on puisse faire quand on a l’ambition d’influencer les options stratégiques et opérationnelles de l’OTAN et de relancer l’Europe de la défense.

En tout état de cause, chacun sait bien que les arbitrages sur les équipements et les formats des armées relèveront de deux exercices disjoints : le vote de la loi de programmation et des budgets militaires, d’une part, la révision générale des politiques publiques, d’autre part.

Nous resterons attentifs, madame la ministre, monsieur le ministre, à ce que les objectifs du Livre blanc ne restent pas des vœux pieux !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.- M. Didier Boulaud applaudit également.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Je commencerai par répondre à M. le président de la commission et à M. Dulait. Vous avez raison : notre ambition sera celle que nous nous fixerons à nous-mêmes. En France, nous avons trop souvent tendance à chercher des boucs émissaires pour expliquer nos propres faiblesses. Il est donc bon de rappeler que notre ambition, en matière de défense et de sécurité, dépend de la volonté de la Nation et de ses représentants, volonté qui se manifeste notamment lors du vote du budget et de la loi de programmation militaire.

Le Président de la République a clairement confirmé sa volonté de voir la France demeurer une puissance militaire globale, l’une des grandes puissances militaires de la planète.

Cette ambition transparaît nettement dans la loi de programmation militaire et doit désormais se traduire par le respect des engagements budgétaires pris.

En dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile et d’une croissance économique incertaine, le Président de la République a procédé à deux arbitrages.

Le premier est le financement, par des ressources extrabudgétaires exceptionnelles, de matériels qui doivent être livrés le plus rapidement possible. Je salue au passage la lucidité dont ont fait preuve Michèle Alliot-Marie, qui m’a précédé à ce poste, et Jacques Chirac, alors Président de la République, en lançant le renouvellement de toute une série d’équipements dont nos forces ont absolument besoin.

Ces ressources extrabudgétaires exceptionnelles proviendront d’abord de cessions immobilières dont nous récolterons les fruits avant même qu’elles n’interviennent, par le biais d’une société financière en cours de création, ensuite de la vente d’un certain nombre de fréquences et, enfin, de la vente de participations publiques, qui devraient permettre le financement intégral de la « bosse » budgétaire, soit, sur les années 2009, 2010 et le début de 2011, près de 3, 5 milliards d’euros.

Le second arbitrage du Président de la République, qui fait de la défense une exception dans la sphère de l’administration française, vise à ce que la défense conserve la totalité des économies qu’elle réalisera, et ce au profit non seulement de l’amélioration de la condition militaire, mais aussi de l’équipement des forces.

Ce double arbitrage devrait permettre de porter, dans la prochaine loi de programmation militaire, les 16 milliards d’euros prévus pour l’équipement des forces à 18 milliards d’euros en moyenne.

Il est absolument indispensable, en effet, de maintenir les crédits consacrés à la recherche – les premières orientations de la future loi de programmation militaire permettront au moins de les conserver, voire, comme je l’espère, de les augmenter un peu –, d’autant plus compte tenu de la réduction d’un certain nombre de cibles et de la révision à la baisse d’un certain nombre de programmes. Les compétences, les qualifications, les bureaux d’études, doivent alors être préservés.

Les crédits nécessaires à cette fin seront prévus dans la future loi de programmation militaire.

Madame Demessine, vous nous reprochez une absence de concertation. J’ai, quant à moi, la chance d’avoir connu trois restructurations ; je peux donc en parler.

Je revois encore Pierre Joxe, en 1992 – c’est la gauche qui était au pouvoir à l’époque ! – présenter les restructurations à l’ensemble des députés – j’étais alors membre de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale – à peu près en ces termes : « C’est ainsi, il n’y a pas à discuter ! ».

Je me souviens également de la restructuration de 1994 : je faisais alors partie du cabinet de François Léotard. Sur arbitrage du Premier ministre et du ministre de la défense, il avait été décidé de prévenir les parlementaires de la majorité la veille au soir, et ceux de l’opposition, le matin même de l’annonce desdites restructurations.

Enfin, les restructurations de 1996 ont été annoncées par Charles Million, le 17 juillet, quand la France était en vacances et la session parlementaire close.

Pour ce qui me concerne, voilà plus de deux mois et demi que je reçois tous les parlementaires, même si ce que je leur annonce n’est pas forcément ce que l’on peut considérer comme de bonnes nouvelles. Cet énorme travail d’écoute s’est révélé très utile, d’ailleurs, car il m’a conduit à faire des ajustements et à mieux cibler les difficultés d’un certain nombre de territoires.

Je réfute donc l’accusation selon laquelle nous n’aurions pas procédé à la concertation nécessaire, car jamais des discussions d’une telle ampleur n’ont été menées au sein du ministère de la défense.

Nous sommes partis de l’idée que, là où nous ne pouvions pas apporter de réponse positive, nous devions engager un vrai travail de réflexion en termes de compensations et d’aide à la dynamisation des territoires.

Le Premier ministre a annoncé 320 millions d’euros pour financer ces compensations et accompagner ces politiques de re-développement et de reconversion.

J’estime qu’une ville ou une agglomération de 500 000 ou 600 000 habitants doit pouvoir absorber la fermeture d’une unité militaire assez facilement. Seuls dix ou douze sites seront effectivement dans une situation plus compliquée et nécessiteront à ce titre une aide, qui leur sera fournie grâce aux moyens que je viens d’évoquer.

J’ai, de plus, envoyé une lettre à l’ensemble des entreprises cotées en Bourse, qui a suscité près d’une quarantaine de demandes d’information sur ces sites, en vue de possibles implantations et investissements.

Enfin, la longueur du délai accordé – les décisions de restructurations seront annoncées avant le 14 juillet, mais il s’écoulera au moins deux ans, parfois même cinq ans, avant qu’elles ne deviennent effectives –, permettra de procéder au tour de table préalable à la mise sur les rails de la relance des territoires concernés.

La question du porte-avions a été largement évoquée lors de mon audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Les Britanniques ne nous ont pas lâchés ; ils ont décidé de lancer leur propre porte-avions, en en profitant pour restructurer leurs chantiers navals. Nous avons, nous, choisi d’attendre, avant de lancer le nôtre, d’avoir avalé la « bosse » budgétaire.

Nous avons préféré disposer auparavant d’une analyse de notre capacité militaire globale. La construction immédiate d’un nouveau porte-avions revenait à engager 500 millions d’euros de crédits d’équipements supplémentaires dès l’année prochaine. Compte tenu de l’obsolescence des moyens, il était prioritaire pour nous d’équiper le plus rapidement possible nos forces du programme d’avion de transport A400M, du VBCI, le véhicule blindé de combat d’infanterie, du NH90 et d’autres matériels modernes.

M. Boyer est attaché au maintien d’une marine océanique. Le Livre blanc tient compte du rôle majeur des mers dans la sécurité de nos approvisionnements et la protection de notre zone économique exclusive, la deuxième du monde. Avec dix-huit frégates de premier rang, un groupe aéronaval, deux groupes amphibies, nous restons largement une puissance militaire navale de premier rang.

Par ailleurs, le financement des OPEX va entraîner des coûts supplémentaires, du fait d’un certain nombre de restructurations, de la création de bases de défense destinées à accueillir les ressources mutualisées qui vont servir à l’ensemble des unités militaires, mais cela n’impose pas nécessairement la construction de bâtiments ex nihilo. Toutes ces mesures sont inscrites dans la loi de programmation militaire et sont comprises dans les 377 milliards d’euros prévus par le Livre blanc.

J’attends des réductions d’effectifs, de la mutualisation des services et de la densification accrue du soutien, grâce à la création des bases de défense, une économie de 2 milliards d’euros, dès lors que la totalité de ces différentes mesures seront mises en œuvre.

M. Yves Pozzo di Borgo s’est interrogé sur le porte-avions : je viens de lui répondre.

Je tiens à le rassurer sur la brigade alpine : les régiments seront maintenus en l’état, sans la moindre réduction de leurs effectifs ou de leur puissance. Ces unités de mêlée jouent un rôle de premier plan lors de nos opérations extérieures.

Là comme partout ailleurs, nous n’envisageons que de densifier les unités pour obtenir un meilleur ratio entre compagnies de soutien et compagnies opérationnelles : au lieu d’avoir une compagnie de soutien, quatre compagnies opérationnelles et quatre compagnies de combat, nous passerons à une compagnie de soutien et cinq ou six compagnies de combat.

Enfin, monsieur Boulaud, vous reprochez au Président de la République d’avoir annoncé un certain nombre de mesures antérieurement à la publication du Livre blanc. Je m’étonne : le Président de la République n’est-il pas, aux termes de l’article 15 de la Constitution, le chef des armées ? N’est-il pas élu par le peuple, et responsable devant le peuple ? C’est à lui de procéder aux arbitrages concernant les grandes orientations de notre défense, et il est heureux qu’il en soit ainsi.

Je serais pour ma part, en tant que ministre de la défense, très affecté que ce soit la commission du Livre blanc, en dépit de la valeur, de la qualité, de l’intelligence, de la connaissance et de l’expérience indéniables de ses membres – vous en avez d’ailleurs fait partie ! – qui décide de ces arbitrages. Selon moi, en effet, c’est celui à qui il incombe de diriger le pays qui doit y procéder, sous le contrôle du Parlement.

Car vous semblez l’oublier, mais le contrôle du Parlement existe. Ainsi, l’Assemblée nationale peut voter une motion de censure en cas de désaccord avec le Gouvernement, et le Parlement, saisi des projets de loi de programmation militaire, peut toujours par ses votes infléchir les choses. Il n’y a rien là que de très naturel dans un pays démocratique et républicain

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Quant à dénoncer, comme vous le faites, un « déclassement militaire » de la France, pardonnez-moi, monsieur Boulaud, mais c’est plutôt gonflé !

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

« Mes généraux » ? Vous ne savez pas qui c’est, pas plus que moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Vous cherchez à savoir qui ils sont…et vous le savez !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Comment parler de « déclassement militaire » de la France, alors que notre pays garde une capacité de projection de 30 000 hommes sur un théâtre qui va de l’Atlantique à l’océan Indien, plus une capacité de projection supplémentaire de 5 000 hommes sur un théâtre secondaire, plus une capacité de déploiement de 10 000 hommes au titre de la défense du territoire, plus une capacité d’alerte immédiate de 5 000 hommes à travers le dispositif Guépard, plus 70 avions de combat, plus un groupe aéronaval et deux groupes amphibies ? Avec de telles forces, nous soutenons la comparaison avec les Britanniques, contrairement à ce que certains ont laissé entendre.

D’ailleurs, cette comparaison avec les Britanniques à laquelle certains, ici, se sont livrés, doit être affinée. En vérité, les Britanniques ne consacrent que 500 millions d’euros de plus que nous à l’équipement de leurs forces. En revanche, il est vrai qu’ils disposent de crédits de fonctionnement absolument considérables au regard des nôtres, ce qui est dû au fait que les forces armées britanniques sont nettement mieux payées que les forces armées françaises, le pouvoir d’achat moyen des Britanniques aujourd’hui étant supérieur de 25 % à celui des Français - je suis le premier à regretter un tel écart ! – après avoir été, en 1980, de 15 % inférieur.

J’aimerais pouvoir constater une telle progression dans notre pays, mais passons vite sur ces rappels historiques…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Nous voudrions bien être rémunérés comme les membres de la chambre des Lords !

Sourires

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le président, cela ne dépend que de vous-même et de vos questeurs !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Monsieur Boulaud, nos capacités de projection, qui nous permettent d’être parmi les nations cadres et d’intervenir les premiers sur les théâtres d’opérations, font de la France une puissance militaire de premier rang.

M. Didier Boulaud manifeste son scepticisme.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Au regard de la situation internationale actuelle, nul n’imagine aujourd’hui que nous soyons amenés à intervenir seuls. Nous opérons désormais dans le cadre d’une coalition, d’une alliance. Je le répète, notre capacité militaire est absolument remarquable et, hormis le Royaume-Uni, elle n’a pas d’équivalent en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question sur l’OTAN !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Je vous ai déjà répondu vingt fois, mais je peux le refaire une vingt et unième !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Mme Adam vous avait posé sur ce sujet une question précise à l’Assemblée nationale ! Comme vous n’y avez pas répondu, je vous l’ai posée de nouveau !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Monsieur Boulaud, pour tout vous dire, Mme Adam n’est même pas restée jusqu’à la fin du débat. Elle a sans doute estimé avoir mieux à faire et a donc pris l’avion pour rentrer à Brest !

Monsieur Othily, je vous le confirme, nous allons réorganiser l’ensemble du dispositif outre-mer, notamment pour les Antilles et la Guyane. Bien entendu, cette dernière restera un point d’appui majeur dans la protection des intérêts stratégiques français et européens dans la région.

Après m’en être entretenu avec Mme le ministre de l’intérieur, nous sommes convenus de la nécessité de maintenir une réelle capacité militaire aux Antilles. Nous disposerons notamment de moyens navals nous permettant d’assurer à la fois la protection de nos côtes, de notre zone économique exclusive et de l’ensemble des eaux territoriales, afin, notamment, de lutter contre tous les types de trafics. La force militaire ainsi déployée sera certes plus modeste, mais elle pourra à tout moment bénéficier de renforts aériens provenant de Guyane.

J’en prends l'engagement ce soir devant vous, nous ferons en sorte de maintenir des moyens, notamment héliportés, sur les Antilles. Pour le moment, c’est la Défense qui en a la responsabilité. Dès que le ministère de l’intérieur se verra doté de moyens héliportés supplémentaires, il prendra le relais. De même, en ce qui concerne la sécurité civile, c'est-à-dire la capacité de répondre à telle ou telle crise climatique ou géologique, nous veillerons à affecter les moyens nécessaires jusqu’à ce que le ministère de l’intérieur soit en mesure de prendre le relais sur un certain nombre de points.

Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure tardive, mon propos sera bref. Je tiens néanmoins à aborder un aspect du Livre blanc qui a peu été évoqué.

En effet, le débat de ce soir a tourné, pour l’essentiel, autour des questions de défense. Ce n’est certainement pas moi qui m’en plaindrai, mais, permettez-moi tout de même de le rappeler, le Livre blanc porte, certes, sur la défense, mais aussi sur la sécurité nationale.

M. André Dulait approuve.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Comme l’a souligné M. Dulait, les nombreuses menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre pays – terrorisme, trafics ou même risques naturels – ne connaissent plus de frontières. Finalement, il y a une grande continuité de la menace et, par conséquent, un réel besoin de réaction.

À cet égard, madame Demessine, nos compatriotes se moquent bien de savoir où se situe l’origine de la menace. Ce qui leur importe, c’est que nous soyons tous capables d’y faire face et de les protéger.

Cela suppose, bien entendu, de mener notre action le plus loin possible de nos frontières, afin de contenir la menace autant que faire se peut et d’éviter qu’elle ne parvienne jusqu’à nous. C’est le rôle de nos forces armées que de se projeter ainsi à l’extérieur.

Pour autant, lorsque la menace est sur notre territoire, les forces de police et de gendarmerie, parfois soutenues, d’ailleurs, par des moyens militaires, doivent alors être en mesure de protéger nos concitoyens. Il est de notre responsabilité politique et collective de nous assurer de la présence effective de tous les moyens nécessaires pour y parvenir.

À cet égard, sur le territoire national, le ministère de l’intérieur est bien entendu en première ligne. Il doit donc être à même d’agir, afin de pouvoir détecter l’origine même des différentes menaces, y compris à l’international.

À cette fin, il utilise notamment le réseau des attachés de sécurité intérieure, mais participe également à certaines structures, à l’instar du Club de Berne, qui réunit de façon régulière les services de renseignement des pays européens. Il convient aussi de citer le rôle du service de coopération technique internationale de police, ainsi, bien sûr, que celui de la mission aux affaires internationales et européennes, que je renforce au sein du ministère.

Ces structures constituent en quelque sorte un ensemble de « capteurs » des menaces susceptibles de naître à l’extérieur de notre pays.

Bien entendu, le ministère de l’intérieur s’appuie également sur l’organisation territoriale de l’État, placée sous l’autorité des préfets, ce qui lui permet d’intervenir au moindre événement et d’assurer la coordination de l’ensemble des moyens. Sa vocation interministérielle est donc plus que jamais justifiée.

À cet égard, il faut rappeler le rattachement, depuis le mois de mai 2007, de l’outre-mer au ministère de l’intérieur, dont la responsabilité s’étend désormais à la totalité du territoire national. Le fait que les collectivités territoriales, également rattachées au ministère, s’investissent de plus en plus dans la gestion des crises majeures amplifie d’autant notre capacité de réaction.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les moyens dont nous disposons. Il importe, bien sûr, de pouvoir réagir plus spécifiquement. De ce point de vue, l’action que je mène depuis un an à la tête du ministère de l’intérieur va tout à fait dans le sens des préconisations formulées dans le Livre blanc. En ce sens, le ministère de la défense et celui de l’intérieur doivent répondre à une double exigence.

La première, c’est d’être le plus opérationnel possible, par une meilleure utilisation et une plus grande coordination des moyens disponibles. Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur s’inscrit tout à fait dans cette logique, puisqu’il favorise notamment la mutualisation des savoir-faire et des moyens techniques.

La deuxième exigence du Livre blanc, c’est de mieux assurer l’anticipation et la prévision.

Pour ce qui est, d’abord, de l’anticipation, venant moi-même du ministère de la défense, j’ai été surprise de constater que celui de l’intérieur, alors même que les menaces changent et que la délinquance évolue, ne disposait pas de structures lui permettant d’anticiper et, donc, de réagir par rapport au long terme. Il se retrouvait donc, en quelque sorte, « le nez sur le guidon ».

J’ai donc souhaité, dès mon arrivée, la création de la délégation à la prospective et la stratégie, que je vous avais d’ailleurs annoncée à l’automne dernier. Fonctionnant depuis le mois de janvier, elle va nous assurer une meilleure visibilité pour anticiper les besoins à venir, notamment en termes d’équipement.

Pour ce qui est, maintenant, de la prévention, il était tout aussi important de se doter de tous les moyens nécessaires. C’est le sens de la réorganisation des services de renseignement intérieur : le rapprochement de la DST et des RG au sein de la nouvelle DCRI, la direction centrale du renseignement intérieur, nous met aujourd’hui en capacité d’utiliser l’ensemble des savoir-faire et de bénéficier d’une réelle synergie.

De la même manière, dans le cadre de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, que je vous présenterai à l’automne prochain, il sera prévu un renforcement des moyens humains et techniques pour faire face à l’ensemble des besoins et, en particulier, aux risques NRBC, les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. En effet, comme je le souligne déjà depuis plusieurs années, je crains qu’à l’avenir nous n’ayons affaire à des terroristes qui, outre les explosifs classiques, n’hésiteront pas à recourir à des armes d’une autre nature. Il faut donc que nous soyons à même de réagir, sur le territoire national, à ce type de menace.

Bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, agir et anticiper, cela suppose également de nouer suffisamment de contacts extérieurs. C’est la raison pour laquelle j’ai passé récemment un certain nombre d’accords de coopération avec l’Arabie saoudite et l’Algérie. C’est aussi pour cette raison que, au niveau européen, j’ai signé à Lisbonne un accord prévoyant, sur toute la façade atlantique, un dispositif de lutte contre les flux illicites. Nous avons d’ores et déjà obtenu des résultats remarquables, notamment contre le trafic de drogue. Au cours de la présidence française de l’Union européenne, je proposerai l’extension de ce système à la Méditerranée, pour disposer ainsi de moyens supplémentaires.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Au-delà des actions engagées en faveur de l’anticipation et de la prévention, il est de notre responsabilité d’être capables de gérer une crise lorsque, malgré tous nos efforts, elle survient.

Dans ce domaine également, le ministère de l’intérieur a donc décidé de se doter des moyens nécessaires. J’ai signé voilà quelques jours le décret portant création d’une direction de la planification en matière de sécurité nationale, placée sous la responsabilité du secrétaire général de l’administration, en liaison avec le haut fonctionnaire de défense. Elle assurera, dans le cadre de la planification de la gestion de crise, le pilotage des préfets des zones de défense, dont le rôle sera renforcé. Il est également prévu d’améliorer la coopération avec les forces armées. En effet, les situations de crise, notamment des événements climatiques comme la tempête de 1999 ou, plus fréquemment, des incendies ou des inondations, nécessitent la mise à disposition d’un certain nombre de moyens militaires.

En outre, j’ai décidé de créer une salle de type « Cobra », qui nous permettra d’assurer la gestion des crises depuis le ministère de l’intérieur. Nous serons à même d’y accueillir l’ensemble des autorités compétentes, y compris les plus hautes autorités de l’État, et de centraliser les informations et de planifier la conduite des opérations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, avant de conclure, de formuler deux remarques supplémentaires.

D’une part, je tiens à revenir sur les problèmes d’intelligence économique, que certains d’entre vous ont abordés et qui ne peuvent être absents de nos préoccupations. Il s’agit en effet d’un élément tout à fait essentiel pour la défense de notre souveraineté et de nos intérêts, donc pour la sécurité nationale.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Protéger l’information stratégique contre les ingérences de toute nature doit être l’une de nos préoccupations majeures. C’est la protection de nos centres de recherche, de nos entreprises et, donc, de nos emplois qui est en jeu.

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

D’autre part – et je m’adresse plus particulièrement à vous, monsieur Othily –, je voudrais évoquer l’outre-mer, mais je ne m’appesantirai pas dans la mesure où les propos tenus tout à l’heure par mon collègue Hervé Morin vous ont vraisemblablement rassuré.

Si des redéploiements de forces de sécurité sont effectivement envisagés, il n’est en aucune manière question de laisser nos compatriotes ultramarins sans protection suffisante face aux risques, notamment naturels, auxquels ils sont exposés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Nous allons donc étudier, en liaison avec le ministère de la défense, la mise en place d’un système de « tuilage », pour permettre à la gendarmerie et à la protection civile de remplacer au fur et à mesure les militaires qui partiront. Une fois ces modalités et un calendrier définis, nous signerons un protocole garantissant, en tout état de cause, l’appui de moyens militaires en cas de crise majeure.

En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs, notre objectif commun au ministre de la défense et à moi-même, au travers de la rationalisation des moyens, consiste à remplir ce que j’appellerai notre « contrat opérationnel », c'est-à-dire à garantir la protection des Français. À cette fin, nous devons utiliser les moyens les plus adaptés, non seulement les outils technologiques modernes, mais également, bien entendu, l'ensemble des moyens humains.

(Mme Joëlle Garriaud-Maylam approuve.) Leur responsabilité, notre responsabilité, c’est d’assurer la protection des Françaises et des Français, donc celle de la France !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je tiens, à cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, à saluer ici la compétence et le dévouement des femmes et des hommes de la Défense et de l’Intérieur, qui jouent un rôle absolument indispensable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 424 et distribuée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de l'accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d'Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d'un espace aérien commun européen, fait à Bruxelles le 9 juin 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d’Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie et la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo sur la création d’un espace aérien commun européen (278, rapport n° 384 de M. Philippe Nogrix, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée la ratification de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (ensemble une annexe), signé à Antananarivo le 21 juillet 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Madagascar (276, rapport n° 383 de M. André Vantomme, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux contrats de partenariat.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 425, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

J’ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 426, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 juin 2008, à quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi (398, 2007-2008), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.

Rapport (413, 2007-2008) de M. Laurent Béteille, Mme Élisabeth Lamure et M. Philippe Marini, fait au nom de la commission spéciale.

2. Clôture de la session ordinaire 2007-2008.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.