Enfin, la recherche, l’innovation technologique et les savoir-faire industriels spécifiques font partie intégrante de la posture de défense d’un pays. Ils constituent aussi l’un des points forts de notre économie. Il faudra constamment conserver cette préoccupation à l’esprit tout au long de cette réforme.
Je voudrais terminer en évoquant la dimension internationale de notre stratégie de défense et de sécurité. Le Livre blanc y consacre toute sa deuxième partie.
Ce volet de notre stratégie n’est pas le plus facile à élaborer, car, par définition, une grande partie de sa mise en œuvre nous échappe et reste tributaire des intérêts, des priorités ou des possibilités de nos partenaires au sein des différentes enceintes agissant dans le domaine de la sécurité.
Nier cette réalité reviendrait à conférer un caractère artificiel, pour ne pas dire purement incantatoire, à toute option qui s’en remettrait à des capacités multilatérales encore hypothétiques, en lieu et place d’un effort national. Pour autant, il reste nécessaire, dans ce domaine, de ne pas renoncer à toute ambition, de fixer un cap et de se mettre en situation d’entraîner nos partenaires autour d’objectifs concrets et réalistes.
Le Livre blanc a su éviter les écueils en abordant de manière objective et directe la question essentielle de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique.
Je me réjouis que la volonté de faire de l’Union européenne un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale soit définie comme « une composante centrale de notre politique de sécurité ».
Il s’agit tout d’abord d’une nécessité politique, car l’Europe doit pouvoir disposer d’une capacité d’action autonome, ne serait-ce que pour ne pas se trouver impuissante, comme elle l’a été au début des années quatre-vingt-dix face aux dramatiques événements des Balkans. Il s’agit aussi de rationaliser nos efforts, aujourd’hui dispersés et redondants dans tous les domaines.
Dans quelques jours, la présidence française de l’Union européenne nous donnera l’occasion de formuler des propositions, dans un contexte rendu certes plus difficile par le résultat du référendum irlandais.
Dans de nombreux domaines, des avancées sont souhaitables. Je pense à la mutualisation de la formation ou du soutien pour des équipements communs à plusieurs pays européens, comme l’A 400M, ou encore à la coordination de l’emploi de certaines capacités critiques, comme les avions de transport ou les hélicoptères. Il faudra aussi mieux coordonner les réflexions capacitaires des différents États, afin de favoriser très en amont la définition en commun d’équipements répondant aux mêmes besoins. Enfin, la question des capacités autonomes de l’Union européenne en matière de commandement des opérations continuera de se poser.
Le Livre blanc se place clairement dans une optique de complémentarité entre l’Europe de la défense et l’OTAN fondée sur la « valeur ajoutée respective de chaque entité ».
S’agissant de la place de la France au sein de l’OTAN, le Livre blanc expose les raisons, aujourd’hui largement reconnues, pour lesquelles cette question ne se pose plus du tout dans les mêmes termes qu’il y a une quarantaine d’années. Il souligne aussi en quoi un positionnement qui paraît vouloir nous différencier des vingt autres pays européens membres de l’Alliance atlantique peut avoir une incidence sur nos projets en matière de défense européenne.
Si les implications techniques d’une participation pleine et entière aux instances de l’OTAN semblent relativement limitées, du fait de la place effective que nous occupons déjà dans cette organisation, il ne faut pas, en revanche, sous-estimer la résonance politique qu’aurait une telle décision.
Ce débat nécessite un réel effort d’explication auprès de l’opinion publique, française comme internationale. À cet égard, le Livre blanc énumère un certain nombre de principes qui ne devraient pas être remis en cause : la liberté d’appréciation des autorités politiques françaises et la liberté de décision sur l’engagement de nos forces.
Il faut aussi faire en sorte qu’une telle option ne soit pas ressentie comme un abandon de toute ambition en matière de défense européenne autonome. Dès lors, on peut s’interroger sur les conséquences de l’absence d’avancées significatives dans ce domaine au cours des prochains mois, alors que le Président de la République avait en quelque sorte lié l’évolution de notre position au sein de l’OTAN à des progrès sur l’Europe de la défense.
Enfin, je tiens à souligner que la modification de notre statut dans l’OTAN ne saurait constituer un objectif en soi, alors que l’évolution du rôle de l’Alliance atlantique suscite des interrogations fortes quant à son champ d’action géographique, ses domaines d’intervention et son mode de fonctionnement. Nous ignorons aujourd’hui comment ces questions pourront être abordées dans le cadre du nouveau concept stratégique que l’Alliance atlantique doit adopter en 2010.
Pour conclure, je dirai que ce Livre blanc marquera une étape significative dans l’évolution de notre politique de défense et de sécurité.
Grâce à la qualité et à la clarté de ses analyses, il nous permet de définir les priorités stratégiques les plus adaptées au monde d’aujourd’hui et à ses évolutions prévisibles à l’horizon de quinze ou vingt ans. Il pose les bases d’une meilleure organisation de l’État en vue d’appréhender, de manière plus globale et plus pertinente, les enjeux de défense et de sécurité.
L’ajustement du format de nos armées tient compte des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, tout en s’efforçant de préserver les missions prioritaires. Souhaitons qu’il s’opère de manière à garantir la cohérence entre les responsabilités que nous souhaiterons assumer sur le plan international et la mise en place des moyens correspondants. Ce Livre blanc fixe un cadre, et la loi de programmation sera la prochaine étape essentielle. Nous attendons qu’elle en traduise fidèlement les orientations.
Ne nous leurrons pas, mes chers collègues, nos alliés, nos partenaires, comme nos adversaires éventuels, seront parfaitement informés de nos capacités comme de nos carences ou de nos faiblesses. Le défi auquel nous devons faire face au travers des restructurations, des nouveaux contrats opérationnels, des efforts consentis pour le renouvellement des matériels, est tout simplement celui de la crédibilité de notre défense. Or, ce défi, nul ne peut le relever à notre place.