… place de facto la politique européenne de défense sous la supervision de l’OTAN. Les Irlandais l’ont d’ailleurs bien compris, car l’une des raisons de leur rejet du traité a été la crainte de perdre leur souveraineté en matière de défense.
Cette intégration plus poussée au sein de l’Alliance atlantique, sans que le Président de la République ait obtenu de réelles garanties sur le partage du pouvoir et sur l’autonomie de décision et d’évaluation des menaces, nous rend très sceptiques sur la réelle détermination de ce dernier à promouvoir une Europe de la défense qui soit un acteur majeur et autonome sur la scène mondiale.
À la veille de la présidence française de l’Union européenne, l’absence de propositions concrètes dans ce domaine me semble de mauvais augure. Je pense, en particulier, aux objectifs qu’elle devrait se fixer ou à la définition d’une politique de coopération européenne pour les industries de défense.
Décidément, ce renoncement implicite à l’ambition d’une Europe de la défense pour faire de la France une puissance moyenne alignée sur les États-Unis est en totale contradiction avec les ambitions affichées par le Président de la République.
Il y aurait vraiment mieux à faire. Pour notre part, nous ne voulons pas que l’Europe soit associée à la partie de dominos que jouent les États-Unis dans le monde. Nous voulons que l’Europe, qui représente un quart des richesses de la planète, mette tout son poids dans la résolution pacifique des conflits, dans le respect du droit international et des résolutions de l’ONU.
J’en viens à l’analyse des nouvelles menaces et des nouveaux risques, l’un des points forts du Livre blanc.
Malheureusement, elle n’établit pas de hiérarchisation, et procède d’une vision de la sécurité et de la défense trop unilatérale, strictement occidentale. C’est une vision qui s’inscrit dans la conception américaine du « choc des civilisations ».
Les risques et les menaces ne sont pas hiérarchisés, puisque l’on mélange tout à la fois la prolifération nucléaire, les attentats terroristes, les attaques informatiques, les tensions nées de l’accès aux ressources ou bien encore les pandémies et autres catastrophes naturelles.
Les solutions proposées pour les prévenir et y répondre sont essentiellement sécuritaires et militaires, sans que l’on prévoie les moyens de s’attaquer aux causes profondes des tensions et des crises. Du fait précisément de ce « paquet sécuritaire », le Livre blanc ne traite plus uniquement de la défense ; il traite aussi de la sécurité nationale. Mais qu’y a-t-il de commun entre le terrorisme et les catastrophes naturelles ? Cela justifie-t-il que l’on étende le périmètre de la défense ?
Certes, dans un monde globalisé et interdépendant, les menaces ne s’arrêtent plus aux frontières et la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure a perdu de sa pertinence. Mais ce concept de sécurité globale risque aussi d’entraîner un amalgame entre des menaces à la sécurité de l’État et des crises sociales. Traiter ces phénomènes sous l’angle de la sécurité ne pourrait conduire qu’à les aggraver et fournirait le prétexte pour ne pas s’attaquer aux racines du malaise.