Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 26 juin 2008 à 21h30
Livre blanc sur la défense — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

C’est en fonction de ces analyses que l’une des nouveautés du Livre blanc réside dans l’accent mis sur le renseignement humain et spatial, qui est érigé en nouvelle priorité sous l’appellation de « connaissance et anticipation » et qui s’ajoute aux quatre autres fonctions stratégiques traditionnelles.

Vous prévoyez ainsi de doubler le budget du renseignement. Nous serons peut-être mieux renseignés, mais les mesures de réduction que j’ai évoquées amoindriront nos capacités d’intervention et de gestion des crises.

Cette évolution du concept de défense, étendu à la sécurité nationale, est surtout l’occasion de renforcer les pouvoirs du Président de la République, puisque, comme il l’a annoncé, pratiquement toutes les décisions en matière de défense et de sécurité seront concentrées entre ses mains. Fort heureusement, le Parlement a récemment refusé l’aggravation de cette tendance en rejetant le dessaisissement du Premier ministre d’une partie de sa responsabilité en matière de défense au profit du Président de la République.

Avec le Conseil consultatif sur la défense et la sécurité nationale, la création d’un poste de coordinateur national du renseignement, directement rattaché au Président de la République, et la création d’un Conseil des affaires étrangères, également placé auprès de lui, nous sommes bien loin de l’esprit et de la lettre de la Constitution, dans laquelle il est précisé, à l’article 15, que « le Président de la République est le chef des armées » !

Ainsi, le domaine réservé du chef de l’État ne sera plus circonscrit aux affaires étrangères et à la défense. Cette concentration des pouvoirs en matière de sécurité et de défense est l’un des effets pervers des conclusions du Livre blanc. Elle n’est pas saine dans un grand pays démocratique comme le nôtre, car elle s’exercera dans le cadre des pouvoirs de contrôle très réduits du Parlement.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté les analyses et les propositions de ce Livre blanc. Le chef de l’État a approuvé ces nouvelles orientations stratégiques, mais il est peu démocratique que, eu égard à une révision aussi fondamentale de notre doctrine de défense, la représentation nationale n’ait pas été mieux associée à ces travaux. Il est encore moins acceptable que nous ne puissions pas, aujourd’hui, nous prononcer par un vote, car notre débat de ce soir ne sera d’aucun effet sur les conclusions du Livre blanc.

Malgré quelques aménagements à doses homéopathiques proposés dans le projet de révision constitutionnelle, la revalorisation du rôle du Parlement en matière de défense nationale apparaît pour ce qu’elle est : un leurre. En soumettant le Livre blanc au Parlement, vous aviez pourtant l’occasion d’apporter la preuve de votre volonté de l’associer à l’examen des questions de défense. Nous regrettons que vous ne l’ayez pas saisie.

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