Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 26 juin 2008 à 21h30
Livre blanc sur la défense — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

N’oublions pas l’éminente réflexion menée par la Haute Assemblée, tout au long de notre histoire et de ses évolutions successives, pour que nous gardions cette épée.

Déjà, en 1818, à la chambre des Pairs, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr souhaitait adapter la capacité de nos armées à la nouvelle donne diplomatique en Europe : ce fut une réussite.

Ensuite, en 1867, au Sénat, le maréchal Niel tenta en vain de faire évoluer les mentalités, alors que l’armée coloniale avait pris trop d’importance par rapport à l’armée métropolitaine : ce fut un échec, dont nous avons connu les conséquences.

Ce fut ensuite la grande loi réussie de 1872, avec la conscription nationale remise à l’honneur, la construction d’un grand réseau de fortifications, la modernisation de nos équipements et, au bout du chemin, la victoire de 1918.

Il y eut encore la loi, finalement désastreuse, de 1928, élaborée sur l’initiative du maréchal Pétain et qui aboutit à une stratégie défensive, à la réalisation de la ligne Maginot, à la sclérose des mentalités et au désordre de 1940. Nous ne devons jamais l’oublier et nous souvenir, au-delà des décisions politiques, qu’il s’agit, pour nous, de faire le meilleur choix au service de la patrie et de la République.

Ce choix, le général de Gaulle le fit un jour pour la France en décidant d’instaurer une force de dissuasion nucléaire. Ma famille politique le combattit longtemps sur ce sujet, notamment lors du vote de la loi de 1963, le contexte géopolitique étant alors complètement différent de celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Mais, il faut le reconnaître – nous le faisons d’ailleurs depuis longtemps –, en devenant une puissance nucléaire, la France resta fidèle à son message universel et à son destin politique. Cette situation donne aujourd’hui à notre pays une garantie ultime contre l’agression majeure d’un État étranger, sans doute peu imaginable de nos jours, mais toujours possible.

Aujourd’hui, nous voilà de nouveau au rendez-vous de notre histoire. La France ne doit pas se tromper de chemin, et nous sommes ensemble ce soir pour faire les bons choix.

La France est et demeure une puissance nucléaire. Il ne faut jamais y renoncer ; c’est une priorité. Nous maintenons notre double panoplie nucléaire balistique et aéroportée. Nous avons raison de laisser un possible adversaire dans le doute concernant la qualité et la diversité de notre frappe nucléaire.

Cependant je m’interroge, monsieur le ministre, sur le sort de nos bases aériennes affectées à cette mission, sur leur implantation géographique et sur leur modernisation. Quel avenir pour Luxeuil-Saint-Sauveur, qui fut, en 1963, notre première base aérienne opérationnelle ? Le missile balistique est la principale composante de notre dissuasion nucléaire. Cependant, avec quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, nous avons atteint une limite à ne pas franchir, sinon nous mettrons en jeu notre crédibilité. Nous devons revenir à un schéma de six sous-marins lanceurs d’engins, conformément au triptyque : mission, réserve et réparation.

J’en viens à la nécessité de bien équiper nos forces conventionnelles pour un conflit de nature classique, peu probable aujourd’hui, mais dont l’éventualité doit faire l’objet d’une réflexion.

Notre histoire militaire est pleine de conflits estimés peu probables, de la bataille de Crécy et des bombardes anglaises en 1346 à la crise de Suez et à la menace nucléaire soviétique en 1956.

Le char Leclerc, de conception classique, est un fleuron de notre cavalerie blindée et une réussite de notre industrie d’armement. Le Rafale et le Mirage 2000 sont indispensables à notre capacité aérienne.

Vous avez énoncé, monsieur le ministre, une évidence. Dans l’immédiat, notre armée de terre doit s’adapter aux conflits modernes, qui nécessitent une force projetable en six mois de 30 000 hommes, de la Mauritanie à l’Afghanistan.

Notre pays se trouve en effet dans une zone de dangers immédiats. J’entends bien les critiques, mais j’attends les solutions de recours : les conflits du XXIe siècle sont plus au Sud qu’à l’Est. Nous devons protéger nos communications, nos ressortissants et nos approvisionnements.

Sur ce dernier point, je ferai une simple remarque concernant la Turquie : la distribution de la moitié des réserves mondiales de gaz passe par ce pays, qui est devenu un nouveau carrefour de la stratégie énergétique.

Nous devons donc nous protéger avec une force professionnelle, équipée, mobile et capable de déclencher un feu surprenant et décourageant pour l’adversaire. D’un point de vue stratégique, cet aspect représente une orientation majeure du Livre blanc.

Toutefois, ne négligeons pas pour autant ce qui fait la richesse de notre armée. La force alpine, par exemple, a besoin d’être partie prenante à cette modernisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion