Je commencerai par répondre à M. le président de la commission et à M. Dulait. Vous avez raison : notre ambition sera celle que nous nous fixerons à nous-mêmes. En France, nous avons trop souvent tendance à chercher des boucs émissaires pour expliquer nos propres faiblesses. Il est donc bon de rappeler que notre ambition, en matière de défense et de sécurité, dépend de la volonté de la Nation et de ses représentants, volonté qui se manifeste notamment lors du vote du budget et de la loi de programmation militaire.
Le Président de la République a clairement confirmé sa volonté de voir la France demeurer une puissance militaire globale, l’une des grandes puissances militaires de la planète.
Cette ambition transparaît nettement dans la loi de programmation militaire et doit désormais se traduire par le respect des engagements budgétaires pris.
En dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile et d’une croissance économique incertaine, le Président de la République a procédé à deux arbitrages.
Le premier est le financement, par des ressources extrabudgétaires exceptionnelles, de matériels qui doivent être livrés le plus rapidement possible. Je salue au passage la lucidité dont ont fait preuve Michèle Alliot-Marie, qui m’a précédé à ce poste, et Jacques Chirac, alors Président de la République, en lançant le renouvellement de toute une série d’équipements dont nos forces ont absolument besoin.
Ces ressources extrabudgétaires exceptionnelles proviendront d’abord de cessions immobilières dont nous récolterons les fruits avant même qu’elles n’interviennent, par le biais d’une société financière en cours de création, ensuite de la vente d’un certain nombre de fréquences et, enfin, de la vente de participations publiques, qui devraient permettre le financement intégral de la « bosse » budgétaire, soit, sur les années 2009, 2010 et le début de 2011, près de 3, 5 milliards d’euros.
Le second arbitrage du Président de la République, qui fait de la défense une exception dans la sphère de l’administration française, vise à ce que la défense conserve la totalité des économies qu’elle réalisera, et ce au profit non seulement de l’amélioration de la condition militaire, mais aussi de l’équipement des forces.
Ce double arbitrage devrait permettre de porter, dans la prochaine loi de programmation militaire, les 16 milliards d’euros prévus pour l’équipement des forces à 18 milliards d’euros en moyenne.
Il est absolument indispensable, en effet, de maintenir les crédits consacrés à la recherche – les premières orientations de la future loi de programmation militaire permettront au moins de les conserver, voire, comme je l’espère, de les augmenter un peu –, d’autant plus compte tenu de la réduction d’un certain nombre de cibles et de la révision à la baisse d’un certain nombre de programmes. Les compétences, les qualifications, les bureaux d’études, doivent alors être préservés.
Les crédits nécessaires à cette fin seront prévus dans la future loi de programmation militaire.
Madame Demessine, vous nous reprochez une absence de concertation. J’ai, quant à moi, la chance d’avoir connu trois restructurations ; je peux donc en parler.
Je revois encore Pierre Joxe, en 1992 – c’est la gauche qui était au pouvoir à l’époque ! – présenter les restructurations à l’ensemble des députés – j’étais alors membre de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale – à peu près en ces termes : « C’est ainsi, il n’y a pas à discuter ! ».
Je me souviens également de la restructuration de 1994 : je faisais alors partie du cabinet de François Léotard. Sur arbitrage du Premier ministre et du ministre de la défense, il avait été décidé de prévenir les parlementaires de la majorité la veille au soir, et ceux de l’opposition, le matin même de l’annonce desdites restructurations.
Enfin, les restructurations de 1996 ont été annoncées par Charles Million, le 17 juillet, quand la France était en vacances et la session parlementaire close.
Pour ce qui me concerne, voilà plus de deux mois et demi que je reçois tous les parlementaires, même si ce que je leur annonce n’est pas forcément ce que l’on peut considérer comme de bonnes nouvelles. Cet énorme travail d’écoute s’est révélé très utile, d’ailleurs, car il m’a conduit à faire des ajustements et à mieux cibler les difficultés d’un certain nombre de territoires.
Je réfute donc l’accusation selon laquelle nous n’aurions pas procédé à la concertation nécessaire, car jamais des discussions d’une telle ampleur n’ont été menées au sein du ministère de la défense.
Nous sommes partis de l’idée que, là où nous ne pouvions pas apporter de réponse positive, nous devions engager un vrai travail de réflexion en termes de compensations et d’aide à la dynamisation des territoires.
Le Premier ministre a annoncé 320 millions d’euros pour financer ces compensations et accompagner ces politiques de re-développement et de reconversion.
J’estime qu’une ville ou une agglomération de 500 000 ou 600 000 habitants doit pouvoir absorber la fermeture d’une unité militaire assez facilement. Seuls dix ou douze sites seront effectivement dans une situation plus compliquée et nécessiteront à ce titre une aide, qui leur sera fournie grâce aux moyens que je viens d’évoquer.
J’ai, de plus, envoyé une lettre à l’ensemble des entreprises cotées en Bourse, qui a suscité près d’une quarantaine de demandes d’information sur ces sites, en vue de possibles implantations et investissements.
Enfin, la longueur du délai accordé – les décisions de restructurations seront annoncées avant le 14 juillet, mais il s’écoulera au moins deux ans, parfois même cinq ans, avant qu’elles ne deviennent effectives –, permettra de procéder au tour de table préalable à la mise sur les rails de la relance des territoires concernés.
La question du porte-avions a été largement évoquée lors de mon audition par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Les Britanniques ne nous ont pas lâchés ; ils ont décidé de lancer leur propre porte-avions, en en profitant pour restructurer leurs chantiers navals. Nous avons, nous, choisi d’attendre, avant de lancer le nôtre, d’avoir avalé la « bosse » budgétaire.
Nous avons préféré disposer auparavant d’une analyse de notre capacité militaire globale. La construction immédiate d’un nouveau porte-avions revenait à engager 500 millions d’euros de crédits d’équipements supplémentaires dès l’année prochaine. Compte tenu de l’obsolescence des moyens, il était prioritaire pour nous d’équiper le plus rapidement possible nos forces du programme d’avion de transport A400M, du VBCI, le véhicule blindé de combat d’infanterie, du NH90 et d’autres matériels modernes.
M. Boyer est attaché au maintien d’une marine océanique. Le Livre blanc tient compte du rôle majeur des mers dans la sécurité de nos approvisionnements et la protection de notre zone économique exclusive, la deuxième du monde. Avec dix-huit frégates de premier rang, un groupe aéronaval, deux groupes amphibies, nous restons largement une puissance militaire navale de premier rang.
Par ailleurs, le financement des OPEX va entraîner des coûts supplémentaires, du fait d’un certain nombre de restructurations, de la création de bases de défense destinées à accueillir les ressources mutualisées qui vont servir à l’ensemble des unités militaires, mais cela n’impose pas nécessairement la construction de bâtiments ex nihilo. Toutes ces mesures sont inscrites dans la loi de programmation militaire et sont comprises dans les 377 milliards d’euros prévus par le Livre blanc.
J’attends des réductions d’effectifs, de la mutualisation des services et de la densification accrue du soutien, grâce à la création des bases de défense, une économie de 2 milliards d’euros, dès lors que la totalité de ces différentes mesures seront mises en œuvre.
M. Yves Pozzo di Borgo s’est interrogé sur le porte-avions : je viens de lui répondre.
Je tiens à le rassurer sur la brigade alpine : les régiments seront maintenus en l’état, sans la moindre réduction de leurs effectifs ou de leur puissance. Ces unités de mêlée jouent un rôle de premier plan lors de nos opérations extérieures.
Là comme partout ailleurs, nous n’envisageons que de densifier les unités pour obtenir un meilleur ratio entre compagnies de soutien et compagnies opérationnelles : au lieu d’avoir une compagnie de soutien, quatre compagnies opérationnelles et quatre compagnies de combat, nous passerons à une compagnie de soutien et cinq ou six compagnies de combat.
Enfin, monsieur Boulaud, vous reprochez au Président de la République d’avoir annoncé un certain nombre de mesures antérieurement à la publication du Livre blanc. Je m’étonne : le Président de la République n’est-il pas, aux termes de l’article 15 de la Constitution, le chef des armées ? N’est-il pas élu par le peuple, et responsable devant le peuple ? C’est à lui de procéder aux arbitrages concernant les grandes orientations de notre défense, et il est heureux qu’il en soit ainsi.
Je serais pour ma part, en tant que ministre de la défense, très affecté que ce soit la commission du Livre blanc, en dépit de la valeur, de la qualité, de l’intelligence, de la connaissance et de l’expérience indéniables de ses membres – vous en avez d’ailleurs fait partie ! – qui décide de ces arbitrages. Selon moi, en effet, c’est celui à qui il incombe de diriger le pays qui doit y procéder, sous le contrôle du Parlement.
Car vous semblez l’oublier, mais le contrôle du Parlement existe. Ainsi, l’Assemblée nationale peut voter une motion de censure en cas de désaccord avec le Gouvernement, et le Parlement, saisi des projets de loi de programmation militaire, peut toujours par ses votes infléchir les choses. Il n’y a rien là que de très naturel dans un pays démocratique et républicain