Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui a pour objet de transférer le contentieux des décisions relatives à l’entrée sur le territoire au titre de l’asile des tribunaux administratifs à la Cour nationale du droit d’asile.
La procédure créée en 1982 a pour but d’autoriser ou de refuser l’admission sur le territoire national des étrangers qui, dépourvus d’une autorisation d’entrée, sollicitent l’asile à nos frontières.
Cette décision d’admission, précédemment prise par le ministre de l’intérieur, relève aujourd’hui de la compétence du ministre de l’immigration ; celui-ci se prononce en fonction de l’avis rendu par le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d’asile formulée à la frontière.
Cet avis, qui porte sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d’asile à la frontière, doit être clairement distingué de l’examen à proprement parler de la demande d’asile formulée par l’étranger, laquelle relève de l’OFPRA, sous le contrôle de la Cour nationale du droit d’asile.
Avant l’entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, les recours contre les refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile étaient dépourvus d’effet suspensif, ce que la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt Gebremedhin du 26 avril 2007, a jugé contraire aux articles 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
À la suite de cette décision, la loi du 20 novembre 2007 a introduit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, une disposition prévoyant un recours en annulation suspensif de quarante-huit heures contre le refus d’entrée sur le territoire, le magistrat saisi étant, lui, tenu de statuer dans un délai de soixante-douze heures.
Dans le cadre de cette même loi, la Commission des recours des réfugiés a été renommée « Cour nationale du droit d’asile », afin de mieux affirmer le caractère juridictionnel de cette institution et, surtout, de renforcer son autonomie budgétaire par rapport à l’OFPRA, dont elle dépendait jusqu’alors, car il y avait un budget unique. Cela a donc permis une clarification particulièrement nécessaire compte tenu de la nature de ce contentieux.
Des dispositions ont été adoptées afin, d’une part, de rattacher la CNDA au Conseil d’État et, d’autre part, de permettre à la Cour de disposer de dix magistrats permanents.
La présente proposition de loi s’inscrit dans ce mouvement général de réforme.
En ma qualité de rapporteur de la loi du 20 novembre 2007, j’avais alors préconisé le transfert du contentieux des refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile des tribunaux administratifs à la CNDA, et ce dans un souci de simplification et de rationalisation.
La CNDA étant la juridiction spécialisée en matière d’asile, il m’avait alors semblé plus cohérent de lui confier les recours contre les décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
Cette piste de réforme est d’ailleurs devenue l’une des propositions émises par la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud.
Dans son rapport de juillet 2008, cette commission avait, en effet, relevé « l’intérêt d’unifier le contentieux des demandeurs d’asile sur un juge spécialisé, plus qualifié en la matière que le juge administratif de droit commun ».
La présente proposition de loi que je vous soumets aujourd’hui tend à mettre en œuvre ce transfert de compétence.
Le contentieux des refus d’entrée sur le territoire relèverait désormais de la compétence de la CNDA, dont la décision ne serait pas susceptible d’appel mais pourrait uniquement faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.
À l’heure actuelle, les décisions prises par les tribunaux administratifs en cette matière sont bien, quant à elles, susceptibles d’appel dans les quinze jours devant la cour administrative d’appel, mais cet appel est dépourvu de caractère suspensif.
Le présent texte autorise le recours à la visioconférence en cas de nécessité tenant, bien sûr, à l’éloignement géographique. Des audiences dites « foraines » pourront être organisées en zone d’attente.
Enfin, cette proposition de loi prévoit le droit pour les demandeurs de recourir à un interprète, de se faire assister par un avocat, ainsi que la possibilité, pour le magistrat chargé de statuer, de le faire par ordonnance.
Tels sont les objets de cette proposition de loi.
Je me réjouis que la commission des lois ait repris ces dispositions.
Les modifications introduites sur l’initiative de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, dont je souhaite saluer le travail, ont pour but, d’une part, d’allonger le délai de recours, d’autre part, de simplifier les exigences pesant sur les requêtes et, enfin, de mieux marquer la différence entre le contentieux de l’asile à la frontière et l’examen des demandes au fond.
Je suis intimement convaincu que ces modifications vont dans le bon sens, car elles renforcent indéniablement les garanties offertes aux demandeurs d’asile à la frontière. En effet, soumettre ce contentieux à des magistrats qui connaissent parfaitement une matière aussi particulière que le droit relatif à l’asile est absolument nécessaire et constitue, pour les demandeurs, une garantie supplémentaire quant à l’examen de leur situation.
Je remercie tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte et je me réjouis qu’il puisse être examiné aujourd'hui par la Haute Assemblée.