... parce que votre politique du résultat en matière d’immigration et d’asile a déjà programmé le nombre d’arrestations d’aidants ? Non, monsieur le ministre !
Mais revenons à la proposition de loi de notre collègue François-Noël Buffet. Elle appelle quelques observations.
La procédure dite de « l’asile à la frontière » concerne les étrangers qui, dépourvus des titres requis pour séjourner en France, souhaitent néanmoins entrer dans notre pays pour déposer une demande d’asile.
La proposition de loi vise le recours offert à l’étranger dont l’entrée en France au titre de l’asile a été refusée dès la frontière. Au regard de la demande d’asile dans son ensemble – vous avez rappelé les chiffres : 42 513 demandes d’asile en 2008 –, les procédures d’asile à la frontière demeurent, il est vrai, marginales. Elles n’en concernent pas moins plusieurs milliers d’étrangers chaque année et tendent à se développer : près de 3 800 avis ont été rendus entre le 1er janvier et le 31 octobre 2008, et la hausse des demandes concerne plus particulièrement les mineurs isolés.
La Cour nationale du droit d’asile « statue sur les recours formés contre les décisions » de l’OFPRA, « examine les requêtes qui lui sont adressées par les réfugiés » et « formule un avis quant au maintien ou à l’annulation de ces mesures ».
L’existence d’un premier « filtre » en amont des demandes d’asile, comme l’urgence liée au maintien des étrangers en zone d’attente, justifie l’octroi aux personnes concernées de garanties juridictionnelles.
La demande d’asile déposée à la frontière est particulière, car c’est une procédure qui est déjà dérogatoire. Elle exige en effet un examen supplémentaire de recevabilité par rapport aux demandeurs qui se déclarent, sur le territoire, dans une préfecture. En fait, le principe devrait être d’autoriser les demandeurs à accéder rapidement au territoire pour que leur demande de protection soit examinée au fond.
Ce n’est pas la voie choisie dans la proposition de loi, dont l’objectif premier est de tendre vers la réduction sensible des délais de procédure ; c’est ce que l’on nous répète en permanence.
De plus, la décision d’admissibilité sur le territoire relève du domaine de la police des étrangers. À ce stade, la décision du juge ne saurait reposer sur l’appréciation de la situation géopolitique du pays du demandeur d’asile. Dans le droit en vigueur, le juge administratif doit se concentrer sur le seul examen de l’usage, légal ou non, du caractère manifestement infondé de la demande, à l’exclusion de toute analyse au fond de la demande de protection.
Nous nous interrogeons : quelle sera la prochaine étape ? Une procédure d’asile à la frontière ?
Les organisations auditionnées par le groupe socialiste craignent que ne s’opère « naturellement » un glissement de la procédure au titre de l’asile vers une procédure d’asile à la frontière, avec la création d’une procédure rapide d’examen au fond de la demande. Cette proposition n’est pas nouvelle.
Une telle évolution vers une procédure d’asile à la frontière est source d’inquiétudes et fait s’interroger sur les garanties offertes aux demandeurs d’asile, une procédure trop rapide n’offrant pas à la personne un délai suffisant pour lui permettre d’exposer correctement et précisément ses craintes en cas de retour, dans un contexte de fuite récente et dans un lieu de privation de liberté.
De plus, une telle procédure ne permettrait pas à l’OFPRA d’examiner de façon approfondie la demande d’asile présentée. Par ailleurs, l’encadrement de cette procédure dans des délais stricts conduirait certainement l’OFPRA – on peut le penser – à « tenir » ces délais, au risque de ne pas poursuivre plus avant l’examen des demandes d’asile.
Au-delà de ces interrogations, transférer à la CNDA le contentieux du refus d’entrée au titre de l’asile étend la compétence de la Cour à un domaine de police administrative des étrangers. Nous passons subrepticement de la problématique de l’asile à celle de la lutte contre l’immigration clandestine, parce que l’on s’est aperçu que, parmi les personnes admises à la frontière au titre de l’asile, seule une minorité concrétisait leur démarche en présentant réellement une demande en préfecture.
Nous nous interrogeons également sur le risque de voir la CNDA refuser de se déjuger ; cela a été dit par le rapporteur.
Enfin, mes chers collègues, ce texte comporte un risque réel, et non des moindres, évoqué par notre rapporteur lui-même, compte tenu des moyens alloués à la CNDA.
Cette réforme comporte des contradictions.
Paradoxalement, après son passage en commission, la proposition de loi vient renforcer certaines garanties au bénéfice des demandeurs d’asile à la frontière. C’est le cas de l’allongement du délai de recours, qui passe de quarante-huit à soixante-douze heures, de la suppression de l’exigence de déposer une requête motivée, de l’interdiction de procéder à des investigations pour déterminer le caractère infondé d’une demande d’asile à la frontière, de l’usage de la visioconférence dans des conditions plus restrictives et de l’entrée en vigueur de ces dernières garanties dès la promulgation de la loi.
Mais, dans le même temps, on constate que la commission n’a pas saisi toutes les occasions pour améliorer la procédure des demandes d’asile à la frontière.
Elle n’a pas souhaité réaffirmer le droit d’être assisté d’un avocat et d’une interprète.