Cet amendement soulève la question du format de la formation de jugement de la CNDA.
La présentation de cet amendement nécessite de parler parallèlement de l’article 3 de la proposition de loi, disposition additionnelle introduite sur l’initiative de M. le rapporteur.
L’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose expressément que le tribunal administratif « peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance ou manifestement mal fondés ».
L’article 1er de la proposition de loi n’a pas repris ce dispositif. M. le rapporteur a souhaité réintroduire ce dernier en proposant d’insérer dans la proposition de loi un article 3 ainsi rédigé : « L’article L.733-2 du même code est complété par les mots : “ ainsi que celles relevant de l’article L.213-9 ”. ».
L’article L. 733-2 dispose que « le président [de la CNDA) et les présidents de section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale. »
L’article 3 de la proposition de loi étend donc au contentieux de l’asile à la frontière le recours aux ordonnances ne justifiant pas l’intervention de la formation collégiale.
Présenté comme une simple disposition de coordination, cet article est un sujet de préoccupation à double titre : il remet en place un premier filtre à l’examen des recours, dont la portée doit dès lors être mesurée ; il soulève également la question du devenir de la formation collégiale dans le cadre du contentieux relatif au refus d’entrée au titre de l’asile.
La réintroduction des ordonnances dites de « tri » dans le cadre du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile soulève le problème des conditions de l’application de cette disposition. Comme en 2007, cette dernière rendra possible le rejet de nombreuses procédures par simple ordonnance, sans audience, sans débat, sans que les personnes concernées aient pu être entendues. Comme l’indique M. le rapporteur, en 2008, 20% des recours ont fait l’objet d’une ordonnance.
Les dispenses d’audiences devraient être exclusivement réservées aux désistements et au constat de l’incompétence de la Cour. Pour les autres cas, maintenir l’audience renforcerait les garanties des demandeurs d’asile à la frontière.
Par ailleurs, dès lors que seuls le président de la CNDA et les présidents de section seront appelés à examiner les recours, sans plus amples précisions, la rédaction de l’article 3 permettra de renvoyer la totalité du règlement du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile par voie d’ordonnance, sans intervention de la formation collégiale.
Est-ce véritablement le souhait de la présidente de la CNDA qui, dans le cadre des auditions organisées par M. le rapporteur, a expliqué que la Cour pourrait recourir aux ordonnances pour le nouveau contentieux de l’asile à la frontière ?
Bien que la demande d’entrée sur le territoire au titre de l’asile ne doive pas être assimilée à la demande d’asile en tant que telle, le groupe socialiste considère que le transfert de compétence risque de déboucher à terme sur un examen au fond de la demande.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement tendant, à titre préventif, à substituer au président de la Cour, ou au président de section siégeant seul, la Cour siégeant en formation collégiale.
Lors de son examen en commission, le rapporteur s’est opposé à l’adoption de cet amendement au motif que la requête devait être examinée dans des délais très courts et qu’il ne s’agissait que de statuer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d’entrée sur le territoire.
Dans ces conditions, la spécificité de la CNDA n’est plus requise et la justification de la réforme tombe.
Les réticences exprimées par le Haut commissariat pour les réfugiés à participer à la prise d’une décision relative à l’entrée des étrangers sur le territoire national sont tout à fait légitimes, le HCR ayant bien assimilé que nous étions, à ce stade de la procédure, sur le contentieux d’une décision de police administrative.
Compte tenu des incertitudes dans le texte de la proposition de loi et dans l’évolution de la réforme, le recours à la formation collégiale représente bel et bien, à notre avis, une garantie.