Intervention de Charles Gautier

Réunion du 6 mai 2009 à 14h30
Entrée sur le territoire français au titre de l'asile — Article 6

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

L’article 6, adopté ce matin par la commission des lois, sur proposition du rapporteur, tend à insérer dans le CESEDA un nouvel article, l’article L. 213-10, qui précise que « l’examen tendant à déterminer si une demande d’entrée en France afin de bénéficier du droit d’asile n’est pas manifestement infondée ne peut donner lieu à investigation » et dont la rédaction s’inspire d’une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel du 25 février 1992.

La question fondamentale soulevée par l’instruction des demandes d’asile à la frontière concerne la notion de caractère « manifestement infondé » d’une demande et les limites qu’il convient de lui apporter.

L’examen des demandes à la frontière s’apparente de plus en plus à une prédétermination du statut de réfugié. En proposant un début de contrôle du caractère « manifestement infondée » de la demande, cet article va de toute évidence dans la bonne direction. Le fait qu’il tende à prévenir les dérives vers un examen assimilable à celui du bénéfice du statut de réfugié témoigne de l’existence même de ces dérives. En effet, sans définition légale, il n’est pas aisé de déterminer les limites de l’examen ni de donner un contenu juridique à cette notion.

Le Conseil constitutionnel a esquissé les contours de la notion de demande manifestement infondée. Il avait été saisi par le Premier ministre, le 25 janvier 1992, aux fins d’apprécier la conformité à la Constitution de l’article 8 de la loi portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

C’est en se fondant sur cette décision que le rapporteur a proposé dans le présent article de recourir à la formulation : « ne peut donner lieu à investigation ».

Nous proposons d’être plus précis encore en spécifiant que l’instruction sur le caractère manifestement infondé de la demande du requérant « ne peut donner lieu à d’autres mesures que la communication des pièces et des mémoires entre les deux parties et l’audition de l’intéressé », ni plus, ni moins.

De l’ensemble des éléments de jurisprudence, il ressort que cet examen doit se limiter à une évaluation superficielle visant à écarter uniquement les demandes ne relevant manifestement pas du droit d’asile, afin de laisser le pouvoir d’appréciation et de vérification à l’OFPRA, l’instance compétente en la matière.

Cette pratique reviendrait à limiter la décision de refus d’admission au titre de l’asile à une simple vérification que la demande a bien pour objet l’asile. Or, à cette logique simple est opposé – un de nos collègues est intervenu tout à l’heure en ce sens – un « risque de détournement massif de la procédure d’asile à la frontière dans le seul but d’entrer et de séjourner illégalement en France ».

Nous aurions également souhaité compléter la définition de la notion de « demande manifestement infondée » en référence à la position que nous avions adoptée en 2003, lors de l’examen du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile. Lors des travaux de la commission, le rapporteur a jugé une telle précision superflue ; nous pensons au contraire qu’elle serait venue utilement consolider cette définition.

Toutefois, dans un esprit constructif, nous avons rectifié notre amendement, car, sur un sujet aussi délicat, l’important est d’avancer -– même à petits pas, monsieur le ministre !

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