Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » ayant été excellemment présentés par nos rapporteurs, je me permettrai simplement de saluer, compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre budgétaires pour 2008, le maintien des crédits de cette mission à leur niveau de 2007.
Vous nous proposez, madame la ministre, un budget de continuité, un budget qui permettra à l'État de poursuivre les actions qu'il mène en faveur de la prévention et de la prise en charge des pathologies, de la gestion de l'offre de soins tout en dégageant les marges de manoeuvre nécessaires au financement des nouveaux besoins et des actions prioritaires, comme le nouveau plan Alzheimer, qui vient, dramatiquement mais naturellement, s'adosser au plan cancer lancé par le président Jacques Chirac et repris par le président Nicolas Sarkozy.
La maladie d'Alzheimer est un désastre, que malheureusement nous sommes nombreux à connaître. C'est un désastre pour le patient, qui, tel un vaisseau fantôme, s'avance vers la fin, coupé de sa famille, coupé du lien charnel et intellectuel avec les êtres qui lui sont chers.
C'est donc un drame personnel, un drame familial, un drame de société. Nous savons aujourd'hui les uns et les autres que ce drame sera de plus en plus fréquent et qu'il prendra une dimension de plus en plus importante dans l'économie de santé de notre pays.
On parle de « pathologie du monde moderne ». Qui peut le dire ? On parle de maladie que l'homme porterait dans ses gênes. Qui peut le dire ?
La maladie d'Alzheimer, associée à la longévité, touche aujourd'hui en France 860 000 personnes. Chaque année, ce sont 225 000 nouveaux cas qui se déclarent, engendrant beaucoup de souffrance et de détresse, tant pour la personne qui est atteinte par la maladie que pour son entourage. Le nombre de malades pourrait passer à 1, 3 million en 2020 et à 2, 1 millions en 2040, selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, l'OPEPS. Qui sait ?
Dans les années à venir, les coûts humains et financiers de la maladie d'Alzheimer, nous en sommes sûrs, continueront à devenir exponentiels, ils sont d'ores et déjà élevés tant pour les familles que pour la société, sans parler, bien évidemment, de l'investissement incroyable que représente l'accompagnement d'un malade par sa famille, par son conjoint, par la personne qui a décidé de se mettre à son service.
La lutte contre cette maladie doit donc être abordée avec détermination et l'on ne peut qu'approuver l'initiative du Président de la République de lancer un ambitieux plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer et d'en faire une priorité politique.
Favoriser la recherche médicale, parvenir à une détection précoce de la maladie et obtenir une meilleure prise en charge des patients, tels seront les objectifs de ce plan.
La commission chargée de l'élaboration des propositions à partir desquelles seront définies les orientations de ce plan, a rendu son rapport au Président de la République, il y a quelques semaines. Il comprend dix objectifs, vingt-huit recommandations, quarante-huit mesures et constitue un vaste éventail de remèdes concrets à tous les niveaux - recherche, soin, accompagnement - qui devrait nourrir parfaitement le futur plan.
L'année 2008 verra donc la mise en oeuvre de ce plan, qui s'élèvera, vous l'avez annoncé, madame la ministre, à 3, 2 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les crédits dégagés par l'assurance maladie. Le Président de la République a annoncé qu'il définira l'engagement financier total du plan sur les cinq ans à venir avant la fin du mois de décembre. Avez-vous, madame la ministre, quelques informations à nous fournir sur cette annonce ?
En matière de financement, je tiens à insister sur le fait que les efforts devront être constants pour arriver à des résultats positifs : à titre d'exemple, la commission a évalué à une cinquantaine de millions d'euros les besoins supplémentaires pour la recherche.
La recherche devra retenir toute notre attention. Comme le soulignait le Président de la République, lors de la Journée mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer, « sans test diagnostic validé, sans traitement, il n'y a pas d'arrêt possible de l'évolution de maladie ».
Avant de trouver les remèdes, il faut que les chercheurs comprennent le concept et les mécanismes de cette maladie. Or, aujourd'hui, la recherche française est dispersée et insuffisante : elle devra bénéficier d'un effort sans précédent.
Les chercheurs savent d'ailleurs pertinemment que rien de sérieux ne se fera sans une coopération sinon mondiale, du moins européenne : à ce titre, la perspective de l'inscription de la lutte contre la maladie d'Alzheimer comme priorité de l'Union européenne lors de la présidence française en 2008 me semble être une très bonne chose.
Dans l'immédiat, et parce qu'il existe une période inhérente à tout essai thérapeutique qui ne nous permet pas d'envisager de réelles avancées concrètes avant 2020, les patients sont là avec leur famille.
Il y a urgence à améliorer leur prise en charge. En la matière, le rôle du médecin traitant est essentiel : médecin de proximité, il connaît le patient dans son environnement et peut le suivre dans la durée. Il est le mieux placé pour faire disparaître les diagnostics tardifs, repérer les personnes qui peuvent avoir une maladie débutante.
Le dépistage précoce reste l'une des pistes thérapeutiques les plus efficaces. Pourtant, seulement la moitié des malades font l'objet d'un diagnostic correct.
Il est vrai que le difficile problème du bien-fondé de l'annonce précoce de la maladie peut être posé.
Tant qu'il n'y a pas de diagnostic, il n'y a pas de prise en charge et bien que les médicaments aujourd'hui disponibles ne sont que modérément actifs, ils permettent tout de même, nous le savons tous, une atténuation des conséquences de la maladie.
Il me semble d'ailleurs que les médicaments « anti-Alzheimer » ne sont prescrits que par les neurologues et les psychiatres. Peut-être pourrait-on donner aux généralistes la qualité de « primo-prescripteurs », contre l'engagement d'une courte formation par exemple, ce qui permettrait aux malades d'être traités immédiatement.
Ainsi, il faudra nécessairement penser à la formation des généralistes, car l'action du médecin traitant en faveur de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer doit être mieux organisée. Sa rémunération doit aussi être adaptée, car il s'agit de consultations longues : l'idée de la mise en place d'un « forfait Alzheimer » mérite, me semble-t-il, notre attention. Et la revalorisation de l'attractivité des métiers en lien avec la maladie doit être assurément traitée ; je pense en particulier aux médecins des zones rurales.
Je dirai un dernier mot sur l'accompagnement des familles, « l'aide aux aidants » étant l'un des aspects essentiels de la prise en charge de la maladie.
Outre les mesures visant à aider le maintien à domicile du malade qui nécessite d'aménager les logements, il faudra apporter une palette diversifiée de structures de répit pour les proches souvent totalement exténués et désemparés. Les familles peuvent avoir besoin d'être épaulées et doivent pouvoir « souffler » pendant quelques jours lorsqu'elles ont décidé de prendre elles-mêmes en charge le malade.
Jusqu'à l'accueil en établissement spécialisé lorsque ce dernier s'impose, il y a des situations où il n'est plus possible - nous en avons tous des exemples autour de nous -de demeurer au domicile. La commission a pointé les immenses difficultés à faire entrer les patients dans ces institutions, étant donné leur nombre insuffisant, avec de surcroît d'énormes écarts interrégionaux.
Il faut développer de nouvelles structures d'accueil, tout en poursuivant l'adaptation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, à la prise en charge des malades atteints de cette maladie et en assurant la formation des personnels soignants.
Il ne faut pas oublier que la maladie d'Alzheimer est la principale cause de dépendance des personnes âgées en France. À cet égard, il a été annoncé la création d'une cinquième branche de la protection sociale qui aura pour vocation de financer la prise en charge de la perte d'autonomie, qu'il s'agisse des personnes âgées ou des personnes handicapées. Peut-être êtes-vous en mesure sur ce dossier précis, madame la ministre, de nous indiquer les éléments qui guideront le Gouvernement dans la définition des contours de cet ambitieux projet, souvent annoncé.
Je n'ai pu faire autrement que de vous interpeller sur ce sujet : l'attente de nos concitoyens touchés par cette maladie est grande, à la mesure de l'espoir suscité par les perspectives du plan de lutte annoncé.
Je profiterai des quelques minutes qui me restent pour vous demander quelles sont les orientations de l'action que vous ne manquerez pas de mener contre le développement de l'obésité en France. Il s'agit là encore d'une question qui me tient particulièrement à coeur, car l'obésité connaît, en effet, un taux de croissance annuel alarmant de 5, 7 %. Si toutes les populations sont touchées, ce sont les personnes les plus jeunes et les plus précaires qui sont les plus exposées.
Le Sénat a, par l'intermédiaire de la commission des affaires sociales, demandé l'organisation en janvier prochain d'un débat sur cette question et sur les moyens d'enrayer la progression inquiétante de ce fléau. Je ne manquerai pas d'y participer ayant, il y a quelque temps, déjà déposé une proposition de loi tendant à réduire le prix des fruits et des légumes en instituant un taux de TVA réduit à 2, 1 % afin de stimuler leur consommation.
Dans les restaurants scolaires de ma ville, Brive-la-Gaillarde, je fais en sorte que les enfants puissent manger tous les jours des fruits frais, et je suis abasourdi de voir sur le marché de Brive-la-Gaillarde que le prix d'une pomme est hors de portée des bourses normales des ménages.
Si cette proposition est certainement difficile à mettre en oeuvre, j'en conviens, du fait notamment de l'existence d'une disposition européenne dite « clause de gel », peut-être existe-t-il un moyen de réduire le prix de ces aliments dans la perspective de promouvoir une alimentation saine, dont l'une des composantes est, bien entendu, la consommation régulière de fruits et de légumes frais.
Je reviendrai sur l'adoption par le Sénat, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'une disposition instaurant une taxe sur les boissons sucrées qui n'a finalement pas été retenue, simplement pour souligner que je partage la position de notre rapporteur Alain Vasselle, en estimant - bien que je sois, en tant que maire de Brive-la-Gaillarde, le maire d'une ville pilote et exemplaire dans l'exécution du programme national nutrition santé 2001-2005 et 2006-2010 - que l'instauration d'une politique plus percutante en la matière serait nécessaire.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons et toutes celles que je n'ai pu développer, je voterai, ainsi que les membres du groupe UMP, les crédits de la mission « Santé ».