Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'intervention de Philippe Adnot concernait les sujets relatifs à l'enseignement supérieur ; mon propos portera sur les questions de recherche, au travers de l'examen des programmes qu'il me revient plus spécifiquement de rapporter.
Le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est directement issu d'un amendement présenté par la commission des finances lors du dernier budget. Regroupant un peu plus de 5 milliards d'euros de crédits, il finance plusieurs domaines : tout d'abord, les « grands » organismes publics de recherche - le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, une partie du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA - ; ensuite, l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, la principale agence française de financement sur projets, budgétée pour la première fois cette année, conformément aux voeux exprimés par la commission l'année dernière ; enfin, les moyens de « pilotage » de la recherche, à savoir les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, le Haut conseil de la science et de la technologie, etc. Son examen se prête donc aux considérations transversales dans le domaine de la recherche.
Il faut avant tout se féliciter de l'effort financier consenti cette année. À périmètre constant, les crédits de l'ensemble des programmes de la mission consacrés à la recherche augmentent de 3, 4 %. L'État va donc au-delà des engagements qu'il avait pris dans la loi de programme pour la recherche d'avril 2006.
De plus, cet effort est équilibré. En effet, il concerne le financement d'organismes, celui de l'ANR, dont les crédits d'intervention passent de 825 millions d'euros en 2007 à 955 millions d'euros dans le présent projet de budget, et, même si cela ne sera pas examiné aujourd'hui comme l'a indiqué Philippe Adnot, l'incitation à la recherche privée via le crédit d'impôt recherche. Je rappelle ainsi que l'article 39 du projet de loi de finances prévoit le triplement de la part « en volume » du crédit d'impôt recherche et son déplafonnement.
Cependant, je me dois d'apporter quelques nuances à cette satisfaction.
Tout d'abord, il convient de prendre en compte l'effet de l'augmentation du taux de cotisation des établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, qui doit passer de 39, 5 % à 50 % au 1er janvier 2008. Pour prendre l'exemple du CNRS, sur une augmentation de crédits de 112 millions d'euros par rapport à 2007, un peu plus de 95 millions d'euros devraient être affectés à cette dépense nouvelle, ce qui atténue la portée du chiffre annoncé.
Ensuite, si je ne peux que me féliciter de l'augmentation importante des crédits de l'ANR, je dois m'avouer préoccupé par le fait que la rubrique « hors projets » de cette agence, qui représente déjà près d'un quart de ses financements, augmente encore plus vite que la partie « projets » : 11, 2 %, contre 8, 8 %. Il ne s'agirait pas que la vocation de l'ANR, qui doit demeurer le financement de projets de recherche intégrant des programmes « blancs » ouvrant à l'innovation, soit dévoyée à terme par ce type d'évolution. Madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la pertinence du maintien de ces financements au sein de l'ANR ?
Enfin, de fortes annonces ont été faites en faveur de la recherche à l'occasion du Grenelle de l'environnement. Le Président de la République a ainsi souhaité que 1 milliard d'euros soit débloqué en quatre ans pour des recherches spécialisées. Or le présent budget, élaboré bien sûr avant les conclusions du Grenelle, n'en porte pas la trace, non plus que la programmation pour 2008 de l'ANR. Aussi, j'aurai tout à l'heure l'occasion de proposer un amendement, que je présenterai alors plus en détail, destiné à poser clairement cette question.
Le programme « Recherche dans le domaine de l'énergie » se situe au coeur de ces problématiques. Il conviendra notamment de faire porter l'accent sur les nouvelles technologies de l'énergie.
Par ailleurs, je me félicite que, en réponse à un amendement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement se soit engagé à augmenter de 15 millions d'euros le dividende provenant d'AREVA dont le CEA pourra disposer pour financer ses travaux de recherche. Mais c'est encore trop peu ! Un tel débat mérite en effet d'être posé.
Madame la ministre, pourriez-vous nous expliquer comment s'est accumulée la dette du Réseau de recherche sur les technologies pétrolières et gazières, le RTPG, d'un montant de 29 millions d'euros ? Selon les documents budgétaires, cette dette doit être remboursée en trois ans, et le RTPG ne pourra donc plus financer aucun projet.
S'agissant du programme « Recherche industrielle », un enjeu important de l'année 2008 sera la réussite de la fusion programmée d'OSEO et de l'Agence pour l'innovation industrielle, l'AII, dont l'article 30 bis du projet de loi de finances règle les modalités financières. Madame la ministre, pourriez-vous nous expliquer comment doit être organisé le financement futur de cette agence, qui, en 2008, sera presque exclusivement « hors budget » ?
Au sujet du programme «Recherche spatiale », mes inquiétudes se dirigent vers l'évolution de la dette du CNES, le Centre national d'études spatiales, à l'égard de l'ESA, l'Agence spatiale européenne. En effet, selon les données du Gouvernement, cette dette doit encore augmenter au cours de l'année 2008, passant d'un peu plus de 354 millions d'euros à la fin de 2007 à 372, 7 millions d'euros à la fin de 2008. Dans ces conditions, l'objectif de ramener la dette à zéro à la fin de 2010 paraît très difficile à atteindre, voire irréaliste.
Pour y parvenir, il faudrait, soit une réduction draconienne des programmes de l'ESA lors de la prochaine conférence ministérielle de l'Agence, qui doit se tenir en 2008, perspective ni vraisemblable ni même souhaitable, soit une augmentation très importante de la contribution de la France de façon à couvrir la participation de l'année et l'ensemble des arriérés accumulés à cette date. Il y va, madame la ministre, de la reconnaissance de la situation de la France comme moteur de la recherche spatiale.
J'estime donc indispensable de poser clairement le problème afin d'éviter tout risque de nouvelle dérive financière via, cette fois-ci, la dette de l'ESA. C'est pourquoi, sur mon initiative, la commission des finances a demandé une enquête à la Cour des comptes sur cette question, selon la procédure définie à l'article 58-2° de la LOLF.
Enfin, sur le programme « Recherche duale », je note avec satisfaction quelques progrès dans le présent projet annuel de performances s'agissant de la présentation de ce programme, que notre ancien collègue Maurice Blin avait critiquée dans ses derniers rapports budgétaires.
Malgré cela, je m'étonne que, en termes financiers, la recherche duale se trouve réduite à la participation du ministère de la défense au CNES et au CEA, alors même que les grands organismes publics de recherche et les universités, des outils comme l'ANR ou OSEO Innovation, pourraient être utilisés afin de mobiliser les acteurs de statut public ou privé sur des problématiques duales.
En conclusion, mes chers collègues, je m'associe à Philippe Adnot pour vous recommander, au nom de la commission des finances, l'adoption des crédits de la mission, sous réserve des amendements que nous présenterons. De même, nous vous proposerons d'adopter sans modification les articles 46, 47 et 47 bis du projet de loi de finances rattachés à la mission.