Intervention de Pierre Laffitte

Réunion du 7 décembre 2007 à 15h30
Loi de finances pour 2008 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Pierre LaffittePierre Laffitte :

Le niveau de notre enseignement secondaire continue de baisser, alors qu'il était considéré comme l'un des meilleurs au monde. Nous sommes aujourd'hui largement dépassés par les pays nordiques, le Canada, mais aussi par le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Cette situation est préoccupante, d'autant que c'est le niveau scientifique qui semble le plus faible. Vous-même, madame la ministre, ainsi que votre collègue chargé de l'enseignement secondaire, vous devrez réagir.

Peut-être le lien entre le public et le privé est-il mieux connu ailleurs que chez nous. Si les organismes de recherche savent ce qui se passe, notamment en Europe continentale, les universitaires en ont en général, me semble-t-il, une connaissance assez moyenne.

Tout récemment, j'avais organisé une mission à Munich. Les universitaires et les chercheurs des centres de recherche ont pu y constater que les instituts Max-Planck, par exemple, étaient largement au-dessus de leurs équivalents français.

Nous avons également visité différents départements de l'université technologique de Munich, avec laquelle peu d'universités françaises - je dirais même aucune -seraient capables de rivaliser. Il y a donc, tout près de chez nous, à une heure de Paris, des expériences à faire.

Madame la ministre, serait-il possible d'organiser, au niveau national, ce type de séjours, afin qu'un plus grand nombre d'universitaires soient incités à passer quelques semaines chez nos voisins, en particulier les meilleurs d'entre eux, à savoir les pays nordiques, l'Allemagne, voire le Royaume-Uni ou l'Italie, quitte à prévoir leur prise en charge. Je ne parle pas des États-Unis, car ils s'y rendent de toute façon !

Je souhaite maintenant évoquer le développement des opérations européennes. À la fin du mois de février, se tiendra un forum franco-allemand. Quelle place sera attribuée à la recherche, madame la ministre ? Allons-nous vraiment continuer ce qui a été fait jusqu'à présent, notamment par le biais de l'Association franco-allemande pour la science et la technologie ? Sur des thématiques bien précises, des centaines de scientifiques français et allemands se sont déjà rencontrés.

Se tiendra également à la fin du mois de février prochain un colloque à Stockholm sur les problèmes de l'innovation en Europe et la mise en relation des clusters les plus innovants. Il y a là toute une stratégie préparée par un high level group, dans lequel sont réunis l'ancien premier ministre du pays européen le plus avancé en matière de recherche et d'enseignement supérieur, la Finlande, le ministre de l'industrie suédois et toute une série de personnalités. On m'en a confié la présidence. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais sans doute est-ce lié à la notoriété de Sophia-Antipolis. J'y vois une opportunité pour bien préparer la présidence française de l'Union européenne, période au cours de laquelle l'innovation européenne pourrait devenir un point clé.

J'en viens aux problèmes de l'innovation. Nous n'avons pas, en France, l'équivalent de ce qui existe en Israël ; nous n'avons pas d'incubateurs modernes ! Et je ne parle pas des États-Unis ! Or les meilleurs incubateurs permettent, en deux ans, à de petites équipes universitaires, de lever des centaines de millions d'euros. J'y vois la possibilité de « fabriquer » de véritables entreprises à croissance très rapide. Pour ce faire, toute une stratégie est à mettre en place.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, le Sénat a adopté un amendement visant à étendre un dispositif prévu par la loi TEPA, qui permet aux personnes assujetties à l'ISF de financer, jusqu'à une certaine somme, des sociétés innovantes.

Pour ne pas effrayer le ministère des finances et la commission des finances, le dispositif favorisant l'investissement dans des incubateurs innovants demeure expérimental. Nous aurons dorénavant la possibilité de mettre en place des incubateurs privé-public, qui se calqueront exactement sur les modèles existants.

IBM a conçu un modèle tout à fait intéressant, qui fonctionne à Constance. L'entreprise est prête à participer à cette phase de transfert de technologie à partir de la science, afin de parvenir à la création de richesses et d'emplois, ce qui est capital.

Je souhaite évoquer brièvement le volet « recherche » du Grenelle de l'environnement. Bien évidemment, un certain nombre de thématiques concernent la biodiversité, l'énergie, le développement durable et les sciences humaines et appliquées, qu'il faudra, me semble-t-il, mettre en oeuvre de façon systématique. Or on me dit que l'ANR va réduire ses financements dans le domaine de l'énergie. Est-ce vrai, madame la ministre ?

Indiscutablement, les sciences humaines appliquées devraient pouvoir trouver une thématique autorisant tous nos chercheurs, dont les actions sont tout de même très diversifiées, à avoir une unité de vues, ce qui permettrait, à terme, de transformer les mentalités en matière de développement durable.

Une commission ad hoc du CNRS et des organismes concernés, en particulier la Maison des sciences de l'homme, pourraient réfléchir à des thématiques de recherche scientifique, ou considérées comme telles, car les sciences humaines possèdent aussi des aspects scientifiques.

On m'a dit, lorsque j'ai introduit une équipe de sociologie à l'École des mines, que c'était stupide. Or cette petite équipe de sociologues a fait de l'ingénierie sociologique, au point que les chercheurs ont été conviés à donner des cours au MIT, le Massachusetts institute of technology. Ce n'est donc pas si mal !

Il n'y a aucune raison pour que, dans ce domaine, nous ne soyons pas de nouveau les meilleurs. En effet, l'école sociologique française était tout de même très importante voilà un siècle, et même voilà cinquante ans. Actuellement, on a l'impression qu'elle est très dispersée.

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