Intervention de David Assouline

Réunion du 7 décembre 2007 à 15h30
Loi de finances pour 2008 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à peine quatre mois se sont écoulés depuis la publication au Journal officiel de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

Selon vous, madame la ministre, ce texte était censé répondre au principal mal dont souffrait notre enseignement supérieur, en tout cas celui qui était en amont de tous les autres : la gouvernance des universités.

On peut au moins aujourd'hui dresser un petit bilan rétrospectif des débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle cet été.

Pour nous, les principaux sujets étaient la condition sociale des étudiants, l'échec en premier cycle, le manque d'orientation et d'insertion professionnelle, la carrière des doctorants et des post-doctorants, l'état de délabrement de notre parc universitaire et de ses moyens et, bien entendu, les lourdeurs administratives mettant dans une situation délicate les universités désireuses de prendre des initiatives et de faire preuve de réactivité.

Nous avions dit que, si l'on devait s'attaquer à une réforme, il fallait y mettre les moyens - il était important qu'ils soient visibles - et qu'une loi de programmation devait fixer les objectifs à atteindre et aborder la question de la gouvernance au service de ces objectifs.

Vous aviez répondu qu'il fallait aller vite. Nous avions alors indiqué que l'absence de concertation avec les personnels et les étudiants ne garantissait pas une réforme acceptée et une rentrée dans les meilleures conditions.

Les faits ont montré que nous avions raison, puisque les étudiants ont manifesté une grande incompréhension à la rentrée universitaire. Ils ont senti au-dessus de leur tête l'épée de Damoclès de l'échec en premier cycle. Ils ont constaté l'état inchangé des parcs universitaires. Certains d'entre eux rencontrent des problèmes quotidiens eu égard à leur condition sociale. Les étudiants ont donc vécu la réforme de la gouvernance comme un danger potentiel d'accroissement des inégalités, notamment entre les universités performantes et celles qui connaissaient des difficultés importantes.

Vous avez donc dû donner des garanties et annoncer que les moyens seraient là. Souvenez-vous, nous avions prédit que, dès la rentrée, des problèmes se poseraient en l'absence de mesures dans le collectif budgétaire, indépendamment de votre refus de la loi de programmation. De fait, au moment où l'on annonce une loi réformant la gouvernance, il faut absolument rassurer en accordant des moyens immédiatement, et non dans un an et demi. En réponse à ce mouvement, vos annonces ont consisté à accélérer le calendrier prévu pour mettre ces moyens à disposition.

Il est important d'entrer dans le vif du sujet au moment de la discussion de ce budget. N'ayons pas la mémoire courte ; les débats parlementaires peuvent toujours servir, même lorsqu'une opposition forte combat vos mesures. Si vous l'écoutiez et acceptiez la concertation, vous auriez moins de difficultés !

Les causes du malaise sont profondes. Sur les travées de la majorité, on croit les connaître. Même si vous ne l'avez jamais complètement avoué - certains l'ont fait au détour de débats -, vous pensez que les problèmes de l'université sont dues à l'échec du projet de réforme de 1986. La massification, la non-sélection, la faiblesse des frais d'inscription, l'absence d'autonomie : c'est cela qui aurait conduit le système universitaire dans une impasse. Tel est le fond de la pensée de la majorité sur les raisons de la situation universitaire.

La démocratisation de l'enseignement supérieur serait ainsi responsable de la dégradation du niveau et des conditions des études, donc de la dévalorisation des diplômes et du chômage massif des jeunes. Cette approche est cohérente, mais je voudrais « tordre le cou » à ces présupposés qui motivent la politique du Gouvernement, et dont la loi relative aux libertés et responsabilités des universités et le budget dont on discute aujourd'hui sont les traductions concrètes.

Comme le montrent les travaux récents d'économistes, en particulier ceux de Dominique Goux et d'Eric Maurin - je vous les conseille, mais je suis sûr que vous en avez pris connaissance -, qui ont exploité les enquêtes « emploi » de l'INSEE sur les vingt-cinq dernières années, les réformes conduites à la fin des années quatre-vingt afin de démocratiser le lycée et l'enseignement supérieur ont entraîné une meilleure insertion professionnelle des générations concernées.

Symétriquement, la mise entre parenthèse des efforts de démocratisation scolaire dans les années quatre-vingt-dix a eu l'effet inverse. Autrement dit, les générations ayant bénéficié de l'ouverture de nouvelles filières au lycée et dans les universités grâce aux réformes de la fin des années quatre-vingt ont trouvé plus facilement et dans de meilleures conditions un emploi que les précédentes.

Ces résultats d'études scientifiques approfondies éclairent les choix politiques d'aujourd'hui. En effet, ce qui pose question, ce ne sont ni la démocratisation de l'enseignement supérieur ni le niveau des diplômes, ce sont l'orientation des bacheliers et l'échec à l'université.

Il faut ainsi mettre fin à une croyance tenace : quand le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche annonce un taux d'échec de 50 % en premier cycle - c'est la réalité - et que l'on s'en émeut tous, il est facile, pour certains, d'en déduire que 50 % des jeunes inscrits à l'université n'y ont pas leur place et qu'il est urgent de mettre un frein à la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Or l'examen attentif des données sur l'échec à l'université montre que ce sont les bacheliers issus des filières professionnelles et techniques qui échouent, massivement, en premier cycle, alors que 80 % des bacheliers issus des filières générales obtiennent un diplôme en trois ans ou moins. Ce point a été peu évoqué ici, mais je tiens à le souligner compte tenu des études concrètes qui nous ont été fournies.

Ces éléments permettent d'identifier la principale cause du malaise que vivent nombre de jeunes fréquentant aujourd'hui l'université : le déficit flagrant d'accompagnement des bacheliers, puis des étudiants, dans leur orientation. Madame la ministre, en quoi consiste votre politique dans ce domaine essentiel ? Quels sont les objectifs ? Où sont les réels moyens qui sont donnés dès maintenant à ce chantier ?

Il pouvait apparaître judicieux, voire facile, de vendre des actions d'EDF. En disant « vendre », je suis gentil, car, en réalité, celles-ci ont été bradées : si l'on en croit les banquiers et les syndicats de cette entreprise, en raison de la précipitation avec laquelle l'opération a été effectuée, le produit de la vente a été deux fois moins important que ce qu'il aurait dû être. Au lieu d'inventer une solution de dernière minute face à un mouvement de grève, si vous l'aviez anticipé, comme nous le demandions, en prenant le temps nécessaire - quatre ou cinq mois -, nous aurions perdu moins d'argent.

Il ne rime à rien d'avoir précipité l'autonomisation des établissements sans concertation préalable avec tous les acteurs de la communauté éducative pour établir un diagnostic précis et exhaustif des causes de l'échec et un plan pour y remédier.

La réalité, c'est que votre gouvernement, guidé par une vision assez libérale et élitiste, a choisi de permettre dès maintenant à quelques établissements, déjà performants, de développer leurs moyens pour accroître leur attractivité au détriment de la majorité des universités.

Les universités qui ont des moyens modestes ne demandent pas nécessairement à être autonomes, mais elles n'ont pas d'autre choix et elles seraient perdantes si elles ne le faisaient pas. Le problème, c'est qu'elles n'ont pas, dans l'immédiat, suffisamment de moyens pour devenir autonomes dans de bonnes conditions, contrairement aux universités mieux dotées.

Madame la ministre, je vous le demande concrètement : votre vision de l'avenir est-elle bien de donner plus, et dès ce budget, aux universités qui en ont le plus besoin et, dans l'affirmative, dans quelles proportions ? Comment comptez-vous accompagner les universités afin que la réforme leur assurant plus d'autonomie soit réussie ?

Par ailleurs, alors que vous vous vantez de vouloir rendre plus attractive la recherche française, on est surpris de la décision de seulement « pérenniser l'emploi scientifique ». Dans la mesure où, à la fin de 2006, 1 058 emplois inscrits en loi de finances initiale n'avaient pas été consommés, dont la presque totalité - 93, 2 % - concernait des postes d'enseignant-chercheur, cette stabilisation risque en fait de se traduire par une diminution du nombre d'emplois de ce type dans les universités.

Je m'interroge sur les suites de l'annonce d'un plan pluriannuel de réhabilitation des campus : comment sera élaboré ce plan ? Vous-même, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter la garantie que ce sont les universités les moins bien dotées qui seront prioritaires ? Vu les sommes en jeu, qui représentent des marchés publics très importants, pouvez-vous également nous donner des assurances sur le fait que les établissements garderont la maîtrise d'ouvrage des travaux, autrement dit que ces investissements ne seront pas réalisés dans le cadre de partenariats publics-privés ?

J'en viens à la vie étudiante, plus spécifiquement aux questions de santé. Je ne reviendrai pas sur l'étude qui a été réalisée par la mutuelle des étudiants, car j'ai dépassé mon temps de parole.

En ce qui concerne les logements étudiants, vous dites que les collectivités territoriales peuvent postuler pour en avoir la maîtrise d'ouvrage. Mais, pour ce faire, il faut qu'elles aient la garantie que l'État ne se défaussera pas et leur donnera les moyens nécessaires. Car elles sont déjà nettement engagées dans la construction de logements sociaux.

À Paris, nous avons construit 3 500 logements étudiants, soit presque dix fois plus que sous la précédente mandature municipale. Quelles garanties l'État offre-t-il aux régions, aux départements, à l'ensemble des collectivités locales pour que, le jour où elles s'engagent dans des programmes de construction, elles se sentent épaulées au lieu d'avoir le sentiment, une fois de plus, que l'État délègue pour ne pas avoir à le faire lui-même ?

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