Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'actualité particulièrement chargée de la rentrée universitaire l'a une nouvelle fois démontré : l'inquiétude, la grande inquiétude des étudiants du supérieur demeure.
L'objet principal de cette appréhension tient à la sélection. Le climat général tendu qui règne dans les universités est à rapprocher de la véritable nébuleuse que constitue le premier cycle universitaire. Les étudiants craignent, à juste titre, que ne s'aggrave leur parcours du combattant post-bac qui, dans presque un cas sur deux, n'aboutit même pas à l'obtention d'un diplôme. C'est la raison pour laquelle je centrerai mon intervention sur la réforme nécessaire du premier cycle universitaire, ainsi que sur l'articulation entre les filières dites « sélectives » et celles qui ne sont pas reconnues comme telles.
La réforme du premier cycle universitaire n'a que trop tardé. Madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous pour l'engager, puisque aucune disposition ne figure à ce titre dans l'exercice budgétaire pour 2008 de la recherche et de l'enseignement supérieur ?
Votre loi sur l'autonomie des universités ne vise en effet que les modalités techniques de la gouvernance et non la mise en place de solutions novatrices luttant contre ce constat inadmissible : en premier cycle, la sélection à l'université se fait par l'échec.
Il faut que cesse l'hypocrisie latente qui consiste à prétendre qu'en France on ne sélectionne pas à l'université. Cette mascarade brouille les pistes et prolonge le malentendu entre les étudiants et l'institution universitaire. Dans la réalité, on pratique la pire des sélections après le baccalauréat : la sélection naturelle !
Abandonnent d'abord ceux qui n'ont pas eu accès à la bonne information d'orientation et qui se perdent rapidement dans le dédale des filières, pour terminer sur les bancs de formations qui essuient jusqu'à 40 %, voire 60 % d'échecs dès la première année.
Partent ensuite ceux qui ne résistent pas à l'effort financier exigé et qui doivent travailler ; c'est le cas d'un étudiant sur deux environ
Le taux d'échec des étudiants qui travaillent est de 40 % supérieur à celui des autres. Un quart d'entre eux renoncent aux soins médicaux et, chaque année, 20 % abandonnent leurs études pour des raisons financières.
Partent enfin ceux qui ne possèdent pas un capital culturel ou conceptuel suffisant pour réussir dans des filières plus difficiles qu'il n'y paraît, les sciences humaines par exemple.
Les critères économiques et sociaux se chargent donc de la sélection des étudiants dès la première année.
À l'inverse, la sélection pour les formations courtes et professionnalisantes que sont les BTS et les IUT, ou pour les grandes écoles et leurs classes préparatoires, se fait sur dossier scolaire ou sur concours.
Le système français de l'enseignement supérieur est donc complètement bicéphale : 50 % sur concours ou sur dossier et 50 % par l'échec.
Cette situation ne peut plus durer et l'on comprend la révolte universitaire.
Les filières sélectives courtes sont utilisées par les étudiants comme solution d'évitement au premier cycle de l'université, tant ce dernier est mal conçu et mal perçu. La population des bacheliers à laquelle elles s'adressaient à l'origine, c'est-à-dire les bacheliers des filières technologiques et professionnelles, est dessaisie de ces places.
C'est dans ce cadre particulier de révolte que nous sommes amenés à voter le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. Comme l'ont indiqué mes collègues, il s'agit d'un budget en trompe-l'oeil !
Les augmentations sont superficielles, voire virtuelles, contrairement aux annonces faites au mois du juin. La vie étudiante n'est malheureusement toujours pas une priorité pour le Gouvernement et les boursiers passeront l'hiver avant d'être éventuellement reconsidérés par le ministère à la rentrée.
Les exonérations fiscales des parents ne concernent, bien évidemment, que ceux qui sont imposables. Et la problématique cruciale du premier cycle universitaire n'est même pas posée.
Pourquoi donc, si le premier cycle n'est pas réformé, les meilleurs élèves se bousculent-ils pour intégrer les formations sélectives ? C'est le « tout sauf la fac » qui règne dans les lycées. Les filières sélectives sont en effet les seules à proposer un encadrement professoral satisfaisant, c'est-à-dire adapté, des liens avec le monde de l'entreprise - formation en alternance, stages - ainsi qu'un réseau relationnel à taille humaine. Ces filières - BTS, IUT, classes préparatoires aux grandes écoles, médecine, pharmacie - concernent 50 % de nos étudiants, ce qui n'est pas négligeable.
Comme l'indiquent les conclusions du rapport de la mission d'information dont j'ai été le rapporteur cette année - je vous en ai remis un exemplaire, madame la ministre - la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles a nettement régressé ces dernières décennies, passant sous la barre des 10 % d'élèves issus de catégories sociales défavorisées.
On est donc en droit de se demander si la sélection sur dossier ne profite qu'aux bons élèves issus des classes sociales les plus hautes, si les dossiers scolaires des éléments issus des familles les plus modestes sont véritablement étudiés en vue de développer réellement leurs points forts et si ces élèves sont convenablement orientés et accompagnés vers des formations qu'ils sont capables de suivre. Cette sélection à deux vitesses est tout à fait injuste !
Il est également nécessaire d'ouvrir le débat des liens qu'il faut créer entre ces filières, ces écoles d'excellence et l'université. Aujourd'hui, ces liens sont bien trop ténus, ce qui accentue le sentiment de bicéphalie, voire de schizophrénie du système de l'enseignement supérieur.
Madame la ministre, quel avenir envisagez-vous pour les formations courtes et sélectives dans le cadre d'une réforme du premier cycle ? Quel avenir envisagez-vous pour hisser l'université au niveau de ses ambitions et des attentes des étudiants de notre pays ?
Ce n'est pas dans votre projet de budget pour 2008 que nous trouvons des réponses satisfaisantes. Vous comprendrez donc que notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».