Madame la ministre, vous annoncez une augmentation de l'ordre de 5 % des moyens budgétaires. En réalité, vous comptabilisez dans cette augmentation le report de TVA et le rattrapage de salaires et de retraites, qui correspondent à des impayés de l'État au titre de l'année 2007, voire d'années précédentes. Bref, vous ne faites que payer les dettes !
En 2008, sur les 1, 8 milliard d'euros supplémentaires destinés à la mission « Recherche et enseignement supérieur », 1, 326 milliard d'euros seront destinés aux programmes de recherche. Mais ces 1, 3 milliard d'euros supplémentaires consacrés à l'ensemble des programmes de la recherche ne permettront malheureusement pas de combler le retard de financement pris lors des exercices budgétaires précédents, pour honorer les termes de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, qui prévoit un effort cumulé de 19, 4 milliards d'euros sur la période 2005-2010, dont 6 milliards d'euros pour la seule période 2005-2007.
Dans les faits, les lois de finances pour 2005 et 2006 n'ont prévu, chacune, qu'un milliard d'euros supplémentaires et celle de 2007 seulement 765 millions d'euros, pour la recherche. L'effectivité de ces 2, 7 milliards est très contestable. De plus, le Gouvernement avait fait savoir que le milliard d'euros de 2005 n'était pas comptabilisé dans les 6 milliards d'euros, ce qui signifie que la loi de finances pour 2008 aurait dû prévoir au moins 6 milliards d'euros supplémentaires pour atteindre l'objectif fixé. On est loin du compte !
L'objectif fixé par les conseils européens de Lisbonne en 2000 et de Barcelone en 2002 - et partagé par les états généraux de la recherche - de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 ne sera donc vraisemblablement pas atteint. D'autant que les études prouvent que la part des dépenses de recherche dans le PIB, en France, ne cesse de baisser : de 2, 23 % en 2002, elle est passée à 2, 13 % en 2005 et 2006. Le collectif « Sauvons la recherche » estime que 14 milliards d'euros supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir atteindre les objectifs européens de 2010.
Une analyse rapide fait apparaître que les crédits destinés à l'ensemble des programmes croissent en moyenne de 2, 4 %, ce qui, à structure constante, compte tenu de l'inflation, dont le taux est fixé à 1, 8 %, signifie une hausse extrêmement modique des moyens de 0, 6%, qui ne permettra pas d'honorer les obligations légales et les enjeux européens.
Je constate, avec mon collègue Serge Lagauche, que les secteurs dont les activités répondent à des missions de service public sont les plus sacrifiés, leurs crédits accusant tous des baisses en euros constants.
Permettez-moi de revenir sur l'autonomie scientifique des universités. Comme l'a rappelé le collectif « Sauvons la recherche », elle ne sera qu'une façade dans une construction dirigiste et centralisée entièrement contrôlée par l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, imposant une recherche sur projets à court terme, sans prise de risque, sur les axes détaillés établis par le ministère, avec un nombre croissant de personnels précaires.
Ce dispositif de contrôle du champ scientifique par le politique est complété par Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, agence dont la direction est entièrement constituée de personnalités nommées.
Les phénomènes de concentration de pouvoirs sans contrepouvoirs seront aggravés par la disparition programmée des établissements publics à caractère scientifique et technologique en tant qu'organismes de recherche ayant une politique scientifique autonome, en particulier le CNRS, principal vecteur d'une recherche non finalisée sur le long terme, privilégiant la pluridisciplinarité et la prise de risques.
Les unités mixtes de recherche dépendant d'une université et d'un organisme de recherche représentent l'endroit où peut s'articuler une vision nationale et internationale assurée par les organismes de recherche et la dimension locale qui relève de l'université de tutelle. Cette articulation permet de coordonner l'effort de recherche dans chaque champ disciplinaire et dans le contexte international.
La commission d'Aubert prépare aujourd'hui la suppression de fait de cette double tutelle et s'apprête ainsi à casser un système qui a fait la preuve de ses vertus structurantes.
Madame la ministre, alors que de nombreux pays d'Europe, les États-Unis, le Japon et les pays émergents consacrent d'énormes efforts financiers à la recherche en se concentrant sur des technologies clés, permettez-moi de vous demander comment une si faible ambition gouvernementale peut assurer l'entrée de la France dans une véritable économie de la connaissance, dont nous savons qu'elle est aujourd'hui le moteur de la croissance dans le monde ?
J'en viens au crédit d'impôt, prévu à l'article 39 du projet de loi de finances.
Cette mesure représente une dépense fiscale supplémentaire de 390 millions d'euros selon les sources gouvernementales. En réalité, le coût supplémentaire pourrait atteindre 800 millions d'euros. Le coût estimé du crédit d'impôt, en 2007, est de 1, 39 milliard d'euros, avant la réforme.
Jusqu'à présent, depuis 2005, 10 % des dépenses réalisées dans l'année pouvaient être déduites et 40 % de la part des nouvelles dépenses constatées d'une année à l'autre.
La réforme prévoit un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de recherche, plafonné à 100 millions d'euros. Ce taux est néanmoins porté à 50 % la première année pour les entreprises n'ayant pas bénéficié de ce crédit d'impôt depuis cinq ans. Les subventions publiques sont exclues de l'assiette des dépenses prises en considération.
Il apparaît évident que cette réforme profitera d'abord aux grandes entreprises au détriment des PME. Il aurait sans doute mieux valu diminuer les sommes affectées au crédit impôt recherche, pour augmenter celles qui sont octroyées aux laboratoires par le biais des universités et des organismes de recherche.
En conclusion, depuis 2002, notre pays a fait l'impasse sur l'avenir. La France accuse un retard dans le domaine de la recherche, de la formation supérieure et de l'innovation. Ce retard est flagrant au regard de la situation qui prévaut aux États-Unis ou au Japon et alors que des pays émergents comme l'Inde ou le Brésil contribuent à changer la donne.
La politique qui est conduite depuis près de six ans par les différents gouvernements de droite a considérablement aggravé la situation. Le retard tend à devenir irrémédiable.
En outre, la fuite des doctorants soit vers les États-Unis et le Japon, soit vers des carrières industrielles ou commerciales, s'explique notamment par la précarité de leur situation et par l'absence de perspective.
L'amélioration des échanges entre chercheurs et enseignants-chercheurs et l'attractivité des carrières sont pourtant des priorités. Cela suppose un rapprochement progressif et assumé entre l'université et les organismes de recherche.
Notre recherche est malade du cloisonnement des acteurs publics et d'une absence de visibilité, aggravée par le phénomène omniprésent représenté aujourd'hui par l'ANR.
La précipitation à engager la réforme pour l'autonomie des universités a escamoté, globalement, la réflexion sur les moyens et les objectifs de l'université.
Le lien intime qui relie les destins de la recherche et de l'université doit guider les efforts à accomplir pour une nécessaire réorganisation.
C'est pourquoi le groupe socialiste souhaite voir associer universités, écoles, organismes de recherche, en particulier sur une base de coopération territoriale, pour développer les complémentarités et les synergies indispensables, et revenir aux principes de mutualisation, de pluridisciplinarité et de démocratie définis par les états généraux d'octobre 2004.