Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cet exercice budgétaire est déterminant pour la politique du logement, puisque, conformément à la loi du 5 mars 2007, le droit au logement opposable entrera en vigueur le 1er décembre 2008.
Je m'interroge sur un point essentiel : combien de ménages seront capables de faire valoir cette opposabilité devant les tribunaux administratifs dès la fin de l'année prochaine ? Madame la ministre, j'ai été quelque peu surpris, je dois l'avouer, de la réponse que j'ai obtenue de votre ministère à cette question. Il m'a en effet été indiqué que ce travail d'évaluation serait réalisé en vue de la préparation de la prochaine loi de finances, ce qui m'apparaît un peu tardif.
Le comité de suivi du DALO estime, de son côté, que plus de 600 000 ménages seraient concernés, soit 1, 7 million de personnes, ce qui est considérable. Il est donc urgent de « mettre le paquet », si vous me permettez l'expression, sur le développement du parc locatif afin que le DALO devienne un droit véritablement effectif.
Quelle sera la situation en 2008 ? En application de la nouvelle programmation de la loi DALO, 142 000 logements locatifs sociaux seront financés - devrais-je dire finançables ? - au cours de l'année à venir. J'en conviens, ce chiffre est loin d'être négligeable, mais je voudrais néanmoins faire deux observations.
D'une part, il s'agit d'un chiffre relatif aux prévisions maximales de financement et non aux réalisations. Or, entre ces deux réalités, il y a malheureusement souvent un écart substantiel. Par exemple, alors qu'il nous a été constamment expliqué que la construction locative sociale s'était redressée depuis quelques années, les statistiques officielles sur le site du ministère montrent que le nombre de logements sociaux mis en service entre 2002 et 2005 plafonne, de façon linéaire, sous la barre des 48 000.
D'autre part, les 142 000 logements constituent, certes, un objectif louable, mais quels sont les moyens qui sont dégagés pour l'atteindre ? C'est sur ce point que mon analyse personnelle diffère de celle de la commission. La subvention budgétaire moyenne versée pour chaque nouveau logement social est insuffisante, puisqu'elle stagne depuis 2004 aux alentours de 2 700 euros pour un logement PLUS et de 12 000 euros pour un logement PLAI.
Or, dans le même temps, vous le savez tous, les coûts de la construction se sont accrus de 19 %, l'indice des prix de 7 %, et le taux du livret A a lui aussi augmenté, renchérissant ainsi le coût des prêts. En conséquence, les finances des collectivités territoriales ainsi que les fonds propres des organismes HLM sont de plus en plus souvent sollicités pour équilibrer les opérations.
Au total, la mise en oeuvre du DALO me semble commander, au-delà de la mobilisation de crédits budgétaires supplémentaires, quelques réformes urgentes.
Tout d'abord, il est indispensable d'élargir le champ des logements concernés pour loger les publics prioritaires. Dans sa rédaction actuelle, la loi n'évoque que le contingent préfectoral, ce qui sera très insuffisant pour répondre aux nombreuses demandes et aura pour conséquence de concentrer les populations concernées sur les seuls territoires pourvus en logements dans le secteur locatif social.
À mon sens, il convient de trouver les modalités permettant de solliciter également les contingents des collectivités territoriales et du 1 % logement, mais aussi le parc locatif privé.
Sur ce sujet, madame la ministre, je regrette que le Sénat ait rejeté un amendement que j'avais présenté lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances : il tendait à accorder aux propriétaires privés de logements à loyers très sociaux une exonération totale d'impôts sur leurs revenus locatifs dès lors que le logement était destiné à un ménage prioritaire au sens du DALO. Votre soutien permettra peut-être à l'avenir de changer la donne...
En outre, un recentrage de l'effort de l'État en faveur du logement m'apparaît plus qu'indispensable. Chaque année, avec l'amortissement Robien, ce sont 400 millions d'euros de recettes fiscales qui échappent à l'État. Pire encore, le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt représentera près de 4, 5 milliards d'euros de ressources en moins à l'horizon 2013. En comparaison, le prêt à taux zéro ne coûte que 500 millions d'euros par an. Tout cela n'est pas très raisonnable : cet argent public pourrait être utilisé à meilleur escient, compte tenu de la pénurie actuelle de logements abordables, que ce soit en locatif ou en accession sociale à la propriété.
Pour terminer, madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur l'avenir du livret A, dont le mode de distribution a été remis en cause par la Commission européenne. Quelles sont les chances d'aboutir du recours déposé par la France ? Pouvez-nous nous dire quelques mots du rapport que M. Camdessus doit vous remettre sur le sujet ?
Il me semble fondamental de défendre notre système de financement du logement social, dont l'efficacité n'est plus à démontrer. Sinon, nous risquons d'aller au-devant de graves problèmes pour les organismes HLM et de remettre en question l'accessibilité bancaire dans les ZUS, qui est liée au financement du logement social.
En définitive, si je reconnais que le Gouvernement a accompli un certain nombre d'efforts, je crains que ceux-ci ne soient pas suffisants pour atteindre les objectifs ambitieux que vous vous êtes fixés avec la loi du 5 mars 2007, madame la ministre, puisque vous étiez le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.
C'est dans cet esprit que j'avais appelé la commission à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. Celle-ci ne m'ayant pas suivi, je me dois de vous dire qu'elle a, après argumentation, donné un avis favorable.