Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise du logement atteint un niveau dramatique pour un nombre de plus en plus important de Français, au point que le logement est passé en tête des préoccupations de nos concitoyens dans les enquêtes d'opinion.
Désormais, même ceux qui travaillent éprouvent des difficultés à se loger décemment. Et quand ils y parviennent, c'est trop souvent en payant un loyer au coût démesuré par rapport à leurs ressources, jusqu'à 30 % à 40%, contre 15 % à 25% dans les années quatre-vingt-dix.
Environ 900 000 personnes seraient privées d'un domicile personnel. Pour elles, il n'existe que des solutions de fortune : rester chez les parents, être hébergées par des amis ou par un CHRS... Nombre d'entre elles sont abritées provisoirement, mais le provisoire dure, dans des hôtels vétustes, où l'insalubrité et l'inconfort vont de pair avec des loyers exorbitants, acquittés par la collectivité. Il faudrait y ajouter les copropriétés dégradées, appartenant le plus souvent à des offices d'HLM, et, plus grave encore, les personnes qui vivent dans des logements dépourvus d'eau et de sanitaire, ou dans des résidences de type mobile home et caravane.
N'oublions pas, enfin, les 100 000 « sans domicile fixe », les SDF, qui sont la honte de notre société.
Pourquoi observe-t-on une dégradation si rapide de l'habitat ? La flambée des prix immobiliers depuis neuf ans, avec une augmentation cumulée de 125 %, et l'affaiblissement continu des ratios de solvabilité ont peu à peu écarté du marché de l'acquisition une bonne part des ménages à faibles revenus. De même, les fortes hausses de loyers du secteur privé, principalement en Île-de-France et dans le sud du pays, proches de 5 % par an, réduisent l'accès de certains ménages au marché locatif, tandis que l'offre en matière de logement social demeure inférieure aux besoins.
Mais les difficultés d'accès au logement ont aussi des causes plus anciennes. Elles sont, d'abord, la conséquence d'une insuffisance du rythme de construction au cours des années quatre-vingt-dix.
Par ailleurs, la demande de logement a augmenté du fait de l'allongement de la durée de vie, de la multiplication du nombre de célibataires, de divorcés et de familles monoparentales. Le déficit de logements cumulé de 1990 à 2004 peut être estimé à environ 600 000.
En 2005, les mises en chantier se sont redressées, pour atteindre 390 000 unités. C'est un progrès important, mais il correspond en réalité au besoin global annuel de logements. Donc, sur les prochaines années, il faudrait des mises en chantier durablement supérieures à 400 000 par an pour résorber peu à peu le déficit.
Chacun peut faire le constat qu'il manque beaucoup de logements sociaux. Cette situation s'explique par les chiffres suivants : le nombre de nouveaux logements sociaux construits était de l'ordre de 100 000 dans les années soixante-dix, de 60 000 dans les années quatre-vingt. Or, de 1992 à 2004, le nombre de logements sociaux neufs n'a été que de 41 000 par an, d'où un décrochage que nous payons aujourd'hui au prix fort.
Ces chiffres sont notoirement insuffisants, compte tenu de la forte demande en logements à bon marché. Certes, le plan de cohésion sociale, présenté en 2004, prévoit la construction de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009 et, en 2005, 80 000 nouveaux logements sociaux ont été financés. C'est, là encore, un vrai progrès, mais la mise en service de l'ensemble des logements programmés sera forcément graduelle et ne va résorber que lentement les besoins accumulés.
De plus, selon la fondation Abbé-Pierre, une partie seulement de ces nouveaux logements sera accessible aux ménages cumulant de faibles ressources et des difficultés sociales ; ces logements seront financés en prêt locatif aidé d'intégration, avec des loyers plafonnés entre 4 euros et 5 euros environ le mètre carré.
Face aux besoins marqués de logement et à l'insuffisance de l'offre, une piste fréquemment évoquée est celle d'une taxation accrue, voire d'une réquisition des logements vacants. En réalité, quand on étudie de près cette question, on se rend compte que, s'il existe sans doute une marge possible, elle est loin d'être suffisamment importante pour donner une solution d'ensemble à ce problème.
Au total - j'y insiste - seul un effort marqué de construction de logements, particulièrement de logements sociaux, permettra d'ici à quelques années d'avoir une offre adaptée à la demande, notamment à celle des ménages à faibles ressources. Cela suppose un effort budgétaire important, mais aussi le respect par l'ensemble des communes du fameux article de la loi SRU qui prévoit que les logements locatifs sociaux doivent atteindre 20 % du nombre de résidences principales. Sur ce point, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, la volonté politique fait encore défaut.