Intervention de Gérard Delfau

Réunion du 7 décembre 2007 à 22h00
Loi de finances pour 2008 — Ville et logement

Photo de Gérard DelfauGérard Delfau :

Si ce n'est pas le cas, je serais vraiment très heureux de vous l'entendre dire à cette tribune, madame la ministre !

L'augmentation excessive des loyers, indexés sur le coût de la construction dans le privé, est l'une des causes de la crise actuelle. Je n'ai cessé de dénoncer ce fait, je n'étais d'ailleurs pas le seul, et de proposer que les loyers varient annuellement en fonction de la hausse des prix. Je constate avec satisfaction que le Président de la République vient d'annoncer une mesure de ce type.

Mais je suis plus dubitatif sur un autre aspect de son annonce concernant la fin du système de la garantie et la réduction à un mois de la caution. Je crains que cela ne rende frileux les propriétaires-bailleurs à l'égard des familles à petits revenus. Il faudrait, en contrepartie, développer une assurance, dotée pour partie de financements prélevés sur la plus-value de l'immobilier. Où en êtes-vous à ce sujet, madame la ministre ?

Un problème alourdit encore le climat, celui des crédits à risques dans le cadre de l'accession à la propriété. L'évolution des taux variables met en difficulté des dizaines de milliers de ménages. Certains emprunteurs français commencent à avoir du mal à rembourser leurs crédits immobiliers. Certes, la situation en France n'a rien de comparable avec la crise que connaissent les Américains, voire les Britanniques et les Espagnols, car, chez nous, heureusement, le taux fixe est la norme - encore que je me souvienne d'un débat au Sénat où le Gouvernement nous proposait de développer les prêts hypothécaires, et nous étions quelques-uns à y être fermement opposés.

Mais cette crise révèle que des crédits à risques à la française existent bel et bien, en dépit de règles très protectrices pour les consommateurs. Ces emprunteurs en difficulté découvrent que la durée de leur crédit s'est allongée, souvent de cinq à six ans, que leurs mensualités se sont alourdies et que la part du capital remboursé diminue d'une année sur l'autre. On estime à 100 000 le nombre de ménages concernés par la hausse brutale des taux, avec des mensualités pouvant augmenter de 27 % à 50 %, ce qui est évidemment insupportable pour un budget moyen.

Face à cette situation du mal-logement, le Gouvernement a réagi, entre 2003 et 2007, avec une série de textes législatifs. Mais, surtout, le nombre de mises en chantier a substantiellement augmenté. L'effort a porté principalement sur les quartiers urbains classés en zone sensible et relevant de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, au détriment, il est vrai - et je l'avais dit en son temps - du reste du territoire, ce qui ouvrirait un autre débat.

Sur ces sites, cette démarche de renouvellement de l'habitat combine la démolition, le relogement, la reconstruction d'immeubles plus petits et d'une réelle qualité architecturale. La difficulté, c'est que ce genre de chantier doit coordonner des partenaires nombreux - État, collectivités, opérateurs publics, HLM, et privés - ce qui induit des retards importants et reporte la dépense sur les années 2009-2010. Il faudra alors prévoir un effort budgétaire considérable : or, nous n'avons aucune certitude à cet égard.

La loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, que j'ai approuvée malgré quelques réserves, est venue compliquer encore la lecture de votre budget et ajouter des zones d'incertitudes.

Je passe sur le fait qu'il faille, dans ce but, créer 100 nouveaux emplois et que le seul redéploiement des fonctionnaires existants ne suffise pas. Ma crainte, comme celle de notre excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, est qu'elle n'ait pour effet pervers de recréer les ghettos que le programme national de rénovation urbaine avait pour vocation d'abolir.

Cela pose la question délicate de la mixité de l'habitat. Il faudrait inventer une incitation financière de l'État pour les opérations entreprises courageusement par les communes intégrant une réelle diversité de logements, de l'accession à la propriété à toute la palette des logements locatifs aidés.

De ce point de vue, votre budget donne le sentiment de rechercher seulement l'aspect quantitatif. Même si la priorité est bien de combler rapidement le déficit de logements, il conviendrait d'intégrer l'urbanisme dans cette démarche, afin de produire des éco-quartiers mêlant toutes les catégories de population et répondant aux préconisations du Grenelle de l'environnement. J'espère que vous aborderez ce point dans vos réponses, madame la ministre, madame la secrétaire d'État.

Cela me conduit à parler du foncier. Malgré les efforts du Sénat - et nous étions quelques-uns, répartis sur toutes les travées, à aller dans ce sens -, aucune mesure dissuasive n'a été prise pour casser la hausse vertigineuse du foncier et prélever une partie de la rente foncière au profit de la commune - et non du département ou de l'État -, qui, seule, subit le contrecoup de cette envolée du prix du mètre carré. Où en êtes-vous de la réflexion à ce sujet ? Pourquoi les projets d'établissements publics fonciers, comme celui de la région Languedoc-Roussillon, sont-ils bloqués par l'État ?

J'aurais bien d'autres choses à dire, notamment pour déplorer la baisse de 30 millions d'euros des crédits alloués à la DSU, baisse incompréhensible et contre-signal total de la politique affichée par le Gouvernement !

Par ailleurs, je me réjouis, je le dis au passage, de la création de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, à laquelle je souhaite bonne chance.

Au total, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, le budget que vous nous présentez n'a pas la consistance de celui des années 2006, 2007. Il est loin de répondre aux ambitions des grandes lois qui ont été récemment adoptées, notamment la loi DALO.

Il pose, une fois de plus, le problème du décalage entre l'ampleur des objectifs affichés et les ressources financières affectées aux missions. Pour autant, c'est un effort significatif dans une période de pénurie causée, il est vrai, par les choix hasardeux du Président de la République en faveur de ce que l'on nomme le « paquet fiscal ».

Je vais attendre vos réponses et la discussion des amendements avant de me déterminer, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, tandis que mes collègues du groupe appartenant à la majorité sénatoriale approuveront votre budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion