Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux avant toute chose vous dire combien je suis honorée et fière de présenter devant vous, pour la première fois, le projet de budget consacré à la politique de la ville pour l'année 2008.
Je ne reviendrai pas sur la situation sociale, culturelle et économique des quartiers prioritaires, que nous connaissons tous. Je ne reviendrai pas non plus sur le contexte particulier dans lequel nos débats s'inscrivent aujourd'hui. Au cours des jours qui viennent de s'écouler, beaucoup, peut-être même trop, a été dit sur le sujet et je partage les propos de Mme Bariza Khiari sur la situation des banlieues.
Je sais que, comme moi, vous entendez régulièrement le cri de détresse qui émane de ces quartiers, cette souffrance rentrée qui nous rappelle l'urgence de la situation.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises dans ces lieux, ici, où les représentants de la nation construisent les conditions du « vivre ensemble » de notre pays, il s'agit aujourd'hui de se surpasser, de tout faire pour remettre la République dans ces quartiers.
À cet égard, le budget que je vous demande d'approuver répond à une attente. Il est raisonnable. Il affiche, hors gel, une légère augmentation par rapport à l'exercice actuel, de 1 % en autorisations d'engagement, soit 760 millions d'euros, et de 0, 5 % en crédits de paiement, soit 794 millions d'euros.
Cet effort de l'État, dans un cadre budgétaire contraint, est à souligner. Il doit, à tout le moins, être maintenu, tant en affichage que dans les faits. À l'heure où tout le monde s'accorde à dire que la situation des banlieues dans notre pays demande une mobilisation générale, la progression des crédits qui sont consacrés à la politique de la ville doit refléter cet engagement républicain, quels que soient les impératifs budgétaires que ni vous ni moi n'ignorons.
Dans toutes nos décisions, gardons en mémoire les attentes fortes de ces 5 millions de personnes qui vivent dans ces quartiers prioritaires. Pensons à la solitude que connaît quotidiennement une partie des 821 maires bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine, qui doivent, avec des moyens limités, compenser le manque de services publics criant dans ces quartiers trop souvent oubliés.
Surtout, rappelons-nous que, dans le cadre de nos travaux d'aujourd'hui, nous allons débattre sur le fait d'accorder ou non une simple enveloppe de 1, 3 milliard d'euros, soit 0, 37 % du budget de l'État, pour contribuer à améliorer la vie de 8 % de la population de notre pays. J'ai conscience, monsieur Desessard, qu'il nous faut aller encore plus loin. En effet, je sais que, malgré les efforts passés, et en dépit de tous les plans qui se sont succédé, cela reste insuffisant par rapport aux besoins.
Dans les toutes prochaines semaines, je reviendrai, dans un autre cadre, vous présenter le plan « Respect et égalité des chances », dont l'ambition a été souhaitée par le Président de la République. Il sera audacieux, notamment sur l'emploi, comme le souhaitent les élus de l'association Ville et Banlieue ainsi que Mme Bariza Khiari.
Mais au-delà de toute perspective d'évolution budgétaire, je veux vous dire que je suis déterminée à entendre toutes les propositions de bon sens que vous, messieurs les rapporteurs, mais aussi d'autres ont faites pour nous inciter à agir plus efficacement. Si je sais qu'il faudra faire plus, je suis déterminée à dépenser mieux.
J'ai surtout entendu les diagnostics que vous avez dressés, ainsi que vos propositions. Elles rejoignent celles qui ont pu m'être faites dans les plus de trois cent réunions publiques que j'ai organisées dans toute la France, pour la préparation du plan « Respect et égalité des chances ». Elles convergent avec mon propre sentiment, avec les convictions qui sont les miennes depuis que j'agis, en tant que responsable associative et politique, sur le terrain, au plus près des besoins.
Alors oui, je partage l'avis de Philippe Dallier, lorsqu'il demande la clarification rapide des missions des agences et de la délégation interministérielle à la ville, chargée de l'exercice de leur tutelle. Je vais même plus loin. Pour moi, la politique de la ville a vocation à redevenir interministérielle et l'administration qui en a la responsabilité doit être clairement positionnée dans un rôle de coordination globale de l'action de l'État et des agences dans ces quartiers.
Cela suppose qu'elle se consacre à la prospective, à l'évaluation et au pilotage national. Cela suppose surtout qu'elle dispose d'une vraie capacité d'action interministérielle. C'est l'un de nos axes de travail dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, dont les propositions seront mises en oeuvre dès 2008.
Je suis, tout comme Philippe Dallier, déterminée à donner de la cohérence au zonage, trop complexe, illisible, et tellement figé qu'il stigmatise alors qu'il est fait au départ pour améliorer. Sa proposition de révision tous les cinq ans va dans le bon sens. Il faut aller plus loin et tout remettre à plat, pour mieux évaluer, « mettre le paquet » là où sont les vrais besoins et sortir, à terme, ces quartiers de la politique de la ville. C'est aussi cela la logique du « plan banlieue » et je suis sûre que nous sommes d'accord sur ce point, madame Terrade.
Je partage aussi la volonté de simplification des procédures de l'ANRU, exprimée par Pierre André, Thierry Repentin et Jean-Marie Vanlerenberghe. Un travail de fond a été engagé par le conseil d'administration de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, sous l'impulsion de son directeur général, Philippe Van de Maele. Il se traduira très rapidement par une plus grande déconcentration des pouvoirs aux préfets et la systématisation des avances, pour faire progresser plus vite les projets.
Comme M. Vanlerenberghe, je fais le constat d'un manque de coordination des acteurs au niveau local. C'est pourquoi je proposerai, dans le cadre du plan, une clarification du pilotage local, avec le renforcement des pouvoirs du binôme maire-préfet. La notion de chef de file est séduisante. Nous y travaillons dans le cadre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, avec des propositions innovantes que j'aurai l'occasion de vous présenter ultérieurement.
La mobilisation du droit commun, évoquée par Pierre André et Thierry Repentin, est, enfin, pour moi, une priorité ; je ne cesse de le dire. La politique de la ville, à force d'être trop spécifique, a fini par combler les lacunes du droit commun. C'est le cas dans tous les domaines, qu'il s'agisse des transports, de l'éducation, de la sécurité et de la prévention de la délinquance, et même de l'accès aux droits.
Si je dois apporter quelque chose de neuf à cette politique, ce sera cela : le retour à la normalité. Le droit commun doit prendre toute sa place dans ces quartiers, d'abord et avant tout. La politique de la ville doit redevenir exceptionnelle.
À très court terme, je souhaite revisiter les dispositifs, simplifier, donner de la lisibilité et de la visibilité, et, dans chaque mesure, systématiser la culture de l'évaluation et du résultat.
Il faudra aussi reconnaître davantage les responsabilités des élus locaux, notamment des maires, dans notre action commune. À cet égard, je proposerai une refondation de la solidarité financière locale, qui doit dépasser le simple pyramidage de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, dont il a beaucoup été question dans cette enceinte ces derniers jours. Sur ce sujet, je reste sur la même ligne : les communes parmi les plus pauvres, qui connaissent le plus de difficultés doivent être plus aidées que les autres. Monsieur Mahéas, je vous ai entendu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mon propos était de vous convaincre que Christine Boutin et moi-même avons une haute ambition pour la politique de la ville. Notre séance d'aujourd'hui est une première étape. Je forme le voeu qu'il y en ait d'autres et qu'ensemble nous réussissions ce pari fou de réimplanter la République et ses valeurs dans nos quartiers.