Malgré les efforts déployés par le législateur pour améliorer la situation, et je pense notamment à la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, complétée dans ce domaine par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, l’insaisissabilité des biens personnels de l’entrepreneur – protection simple qui demeure méconnue, ou trop méconnue – n’a pas rencontré le succès escompté. Encore que l’on ait vu monter le dispositif en charge, notamment en 2009.
Nous connaissons, et vous les avez évoqués, ces drames que nous rencontrons trop souvent sur le terrain, liés à l’échec de l’entreprise individuelle en nom propre, échec de l’entreprise mais qui a souvent des répercussions au sein des familles, provoquant des drames que l’on ne sait pas résoudre, alors que pour d’autres situations existent des protections de toutes sortes et de la part de l’État. On n’a même pas droit au RMI tout de suite quand on a perdu son entreprise individuelle !
Le projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, apporte une réponse attendue en instituant un patrimoine professionnel distinct du patrimoine personnel sans création d’une personne morale. C’est une innovation juridique majeure dans le droit civil français, et même un bouleversement, qui rompt avec le principe posé par l’article 2284 du code civil, auquel, forcément, les juristes étaient très attachés.
Les mânes de Portalis doivent un peu s’offusquer qu’on puisse renoncer au principe selon lequel « Quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens, mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
Monsieur le secrétaire d’État, nous connaissons la réticence de nombreux juristes, que vous avez évoquée, pour admettre le patrimoine d’affectation, qui pourtant existe dans notre droit maritime. Il s’agit de l’ordonnance de la Marine de Colbert de 1681, créant le patrimoine de mer, dite « fortune de mer ». Vous voyez donc un exemple en droit français.
On a dit que l’établissement de la fiducie constituait un patrimoine d’affectation, ce qui est en partie inexact car il s’agit plutôt de l’affectation d’un patrimoine. Il faut être précis, car ce n’est pas tout à fait la même chose.
Rappelons, d’ailleurs, que depuis toujours l’Allemagne, qui n’est pas un pays anglo-saxon mais un pays de droit romano-germanique, comme nous, connaît cette modalité d’exercice de l’activité professionnelle en nom propre. Et, si le temps d’examen du texte me l’avait permis – mais nous avons été tout de même un peu bousculés –, j’aurais souhaité vérifier si cette formule est en relation avec la force des petites entreprises outre-Rhin. C’est sans doute incontestable. On a quelques études qui le prouveraient, mais il aurait été intéressant de voir ce qui se passe en Allemagne.
Je tiens à vous féliciter, monsieur le secrétaire d’État, pour votre persévérance, appuyée sur de nombreux travaux d’experts, que vous avez cités et qui concluaient tous à l’intérêt de créer ce patrimoine d’affectation.
Annoncé par le Premier Ministre le 3 décembre 2009, devant la chambre de métiers d’Alsace, le projet de loi qui nous est soumis répond à cette préoccupation. Pour que tout le monde entende bien, je me permets néanmoins de souligner une phrase de ce discours du Premier ministre, qui précise que l’affectation du patrimoine ne peut être opposable qu’au détenteur de créances postérieures à cette affectation. Il faut tout lire.
Je ne reviendrai pas, monsieur le secrétaire d’État, sur l’architecture du projet de loi que vous avez exposée et que la commission a approuvée, pour l’essentiel, tout en saluant les améliorations et précisions, notamment dans le domaine de la transmission, apportées par l’Assemblée nationale.
L’objectif de simplicité, que nous partageons, ne doit pas faire oublier l’exigence de sécurité juridique