Les dispositions de ce projet de loi n’amélioreront en rien la position des entrepreneurs face aux établissements bancaires.
En effet, malgré l’ajout par l’Assemblée nationale de l’article 6 bis, ce texte ne contient aucune avancée en termes de possibilités concrètes, et non pas théoriques, pour les entrepreneurs, d’emprunter de l’argent sans que cela crée d’énormes risques pour l’ensemble de leur patrimoine.
Pourtant, l’objectif était de limiter le risque lié à l’activité entrepreneuriale, en créant le patrimoine d’affectation, qu’il s’agit de distinguer du patrimoine personnel.
Cependant, face aux exigences des établissements de crédit, cette frêle digue reste purement théorique. Dans la pratique, les banques refusent catégoriquement de prêter de l’argent aux entrepreneurs si ces derniers ne leur offrent pas en garantie d’importantes sûretés, et ce sur l’ensemble de leur patrimoine : hypothèque sur la résidence principale, cautionnement par le conjoint ou un tiers, contrat d’assurance vie, etc. Les banques ne reconnaissent donc aucun cloisonnement du patrimoine et écartent toutes les tentatives de sanctuarisation du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel. Comme l’indique lui-même M. Houel, « les banques contournent, en effet, la séparation patrimoniale permise par l’EURL ou la déclaration d’insaisissabilité en exigeant des sûretés réelles et personnelles qui rendent inopérante toute protection du patrimoine personnel. […] De ce point de vue, […] l’EIRL, en soi, ne change rien. » Tout est dit !
La pratique actuelle des banques ne sera nullement remise en cause par les dispositions du présent article, que nos collègues députés ont adopté en pensant qu’il protégerait mieux les entrepreneurs face aux banques. Or, il n’en est rien.
Avec ce texte, les banques verront théoriquement leurs possibilités de demander des sûretés réduites. Or tous ceux qui savent comment les choses se passent concrètement entre un entrepreneur et une banque n’ignorent pas que cette dernière réclame presque systématiquement des garanties sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur, voire sur celui de son éventuel conjoint.
La limitation purement théorique contenue dans cet article sera impuissante à mettre fin à une telle pratique. Les dispositions prévues auront pour seul effet de modifier la répartition des risques finaux entre la banque et OSEO ou entre les banques entre elles. L’entrepreneur est, quant à lui, toujours perdant, puisque la banque se retournera d’abord contre lui avant d’agir contre OSEO en garantie.
C’est un fait : les banques ne jouent pas le jeu, ce qui rend inefficace le mode d’intervention actuel d’OSEO. Mais OSEO applique d’une certaine manière les mêmes règles : sur le papier, cet organisme semble partager le risque financier avec les entrepreneurs, mais, en pratique, OSEO garantit non pas 70 % du montant des sommes empruntées, mais 70 % des pertes finales restantes, après que l’établissement bancaire a fait jouer toutes les garanties qu’il avait pu réclamer à l’entrepreneur individuel. Aujourd’hui, les stipulations des contrats proposés par OSEO encouragent même indirectement les banques à continuer de demander des garanties sur le patrimoine personnel. Il aurait été plus efficace de prévoir que les banques puissent d’abord se retourner contre OSEO avant de poursuivre l’entrepreneur individuel ou encore d’interdire aux banques de demander des garanties sur le patrimoine personnel des entrepreneurs individuels.
C’est la raison pour laquelle nous estimons que l’article 6 bis n’apportera aucune amélioration à la situation des entrepreneurs individuels à la recherche de financements bancaires. Il conviendrait plutôt, à cette fin, de remettre à plat les mécanismes d’accompagnement et de financement des entrepreneurs individuels, des PME et des TPE, notamment à l’occasion d’une véritable réforme d’OSEO, que nous appelons de nos vœux.