Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention adoptée à l'UNESCO le 20 octobre 2005 à la quasi-unanimité, seuls les États-Unis et Israël ayant voté contre, constitue pour les cent quarante-huit États signataires un engagement fort et une véritable chance à condition de le vouloir vraiment.
En effet, dans le contexte de la mondialisation croissante, la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sont tout à la fois un enjeu culturel et démocratique, un impératif éthique et un enjeu de politique internationale.
L'uniformité culturelle est un risque réel, déjà à l'oeuvre avec la disparition de nombreuses langues et en raison de la prééminence des États-Unis, pour qui la diffusion des produits cinématographiques, télévisuels et musicaux constitue une source de profit économique et un réel pouvoir d'influence.
Pour être plus qu'une idée, la diversité culturelle doit donc se doter d'instruments juridiques efficaces s'appliquant à un maximum de pays.
Le texte, dont il vous revient d'autoriser la ratification, est le résultat d'un long processus. Dès novembre 2001, l'adoption de la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle avait affirmé l'importance d'un engagement international en faveur de « la féconde diversité des cultures » face aux risques d'homogénéisation et de repli identitaire liés à la mondialisation.
La convention de 2005 constitue une étape décisive dans ce processus, car elle instaure un cadre mondial de protection et de promotion de la diversité culturelle. Elle est l'aboutissement de la gestation réussie du nouveau concept de diversité culturelle dans l'ordre juridique international grâce au travail accompli dans diverses instances.
Au tout premier rang, l'Organisation internationale de la francophonie, au sein de laquelle il faut souligner l'engagement personnel de son secrétaire général Abdou Diouf, a développé un véritable plan de sensibilisation des États et gouvernements membres pour accompagner l'avant-projet à l'UNESCO.
Au niveau européen, l'attitude des États membres de l'Union a évolué de façon positive à l'égard de l'adoption de cette convention, ayant pour conséquence une adhésion de l'Union européenne à la convention le 19 mai 2006. Cette décision est un feu vert pour son adoption par chaque État membre.
À l'échelon national, il faut souligner le rôle moteur de certains États. Le Canada et le Québec ont été pionniers avec la création du réseau international des politiques culturelles. Le Canada a été le premier pays à ratifier la convention pour la diversité culturelle, le 23 novembre 2005.
Les Français, quant à eux, ont, les premiers, introduit la notion d'exception culturelle dans les relations internationales, notion qui a déterminé dans notre pays des politiques publiques volontaristes et caractérisées par une remarquable continuité à travers les alternances politiques. Il a fallu bien sûr dépasser le débat sémantique entre « exception culturelle » et « diversité culturelle », les termes de diversité culturelle recueillant à l'évidence une plus large adhésion, dont on avait bien besoin pour imposer l'idée d'une convention.
Aujourd'hui, pour tous, la diversité culturelle est l'affirmation que le champ culturel doit faire l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre des négociations internationales.
Les apports de la convention sont multiples : sa portée n'est pas seulement symbolique, même si cette dimension est fondamentale ; elle est surtout juridique et doit se traduire dans les faits sur le plan politique.
La convention consiste pour l'essentiel en une permission donnée aux gouvernements d'agir sans se voir opposer les règles du commerce international, pour défendre, s'ils le souhaitent, la diversité culturelle. Elle est aussi une incitation pour les États à ne pas se refermer sur eux-mêmes, à confronter et échanger avec les autres pays.
La coopération internationale, en particulier avec les pays en voie de développement, est essentielle, car elle compense l'aspect « protectionniste » que pourrait, aux yeux de certains, revêtir cette convention. L'articulation de la convention avec les autres instruments juridiques internationaux a été l'un des sujets les plus difficiles au cours des négociations.
Cela a abouti à l'article 20, qui pose clairement le principe selon lequel cette convention n'est pas subordonnée aux autres traités. Les États s'engagent à en tenir compte dans les autres accords auxquels ils sont ou seront parties.
C'est une véritable avancée en droit international, même si cela n'évite pas une certaine ambiguïté avec le paragraphe 2 de l'article 20. Ainsi, s'agissant de l'OMC, la convention ne préjuge pas l'inclusion ou l'exclusion des biens et services culturels dans les futurs accords commerciaux.
Autre avancée significative : le règlement des différends amènera les États à soumettre leurs litiges à un mécanisme spécialement prévu pour que les considérations culturelles, et non seulement commerciales, soient prises en compte. Le poids de la convention sera donc réel dans les négociations internationales.
L'enjeu de la ratification française sur la scène internationale est grand : cette convention doit être renforcée par une mobilisation internationale, largement portée jusqu'ici, aux côtés des États, par la société civile et les coalitions pour la diversité culturelle. Il est indispensable que le nombre d'États ayant ratifié ce texte dépasse rapidement la trentaine, afin de lui conférer une autorité politique internationale. Or les États-Unis font campagne contre cette ratification, ce qui fait hésiter nombre de pays en difficulté sur le plan économique.
Dans ce contexte, madame la ministre, nous attendons du Gouvernement qu'il soit très actif pour obtenir un maximum de ratifications, en mobilisant tous ses réseaux et, en particulier, celui de la francophonie, qui regroupe un quart des États de la planète.
Au moment où Assia Djebar entre à l'Académie française et où s'ouvre à Paris le musée des Arts premiers, la France doit continuer de jouer un rôle moteur dans cette bataille pour la diversité culturelle. Elle sera d'autant plus crédible dans ce rôle qu'elle saura conforter sa propre politique de promotion de la diversité au niveau national et qu'elle sera vigilante, à l'échelon européen, pour que l'Union tire toutes les conséquences de cette convention dans ses décisions concernant la directive Télévision sans frontières, le programme Média, la directive services.
La France doit être en mesure de prouver son engagement et de donner un signal fort, en ratifiant cette convention avant le Sommet de la Francophonie de Bucarest, en septembre 2006. Cette ratification aurait force d'entraînement auprès de pays qui peuvent aujourd'hui être hésitants.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter sans réserve le présent projet de loi.