Séance en hémicycle du 27 juin 2006 à 9h30

Résumé de la séance

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  • culturel
  • diversité
  • europol
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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 26 juin 2006 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'écologie et du développement durable, M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin.

Cette mission porte sur la qualité de l'air en France.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (n°s 384, 394, 414).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 20 octobre 2005, l'UNESCO a inscrit dans le droit international la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, en adoptant la convention que la France et ses partenaires francophones appelaient de leurs voeux dès 2002.

Ce texte constitue une avancée majeure dans la mesure où il garantit le droit souverain des États de décider de leurs politiques culturelles. Il consacre la valeur spécifique des biens et des services culturels et affirme l'importance de la solidarité culturelle internationale.

Il y avait urgence. Je voudrais rappeler ces quelques chiffres : 85 % des places de cinéma vendues dans le monde concernent des films produits à Hollywood ; 50 % des fictions diffusées à la télévision en Europe sont d'origine américaine, cette proportion atteignant même 67 % en Italie ; neuf des dix écrivains les plus traduits dans le monde sont des écrivains de langue anglaise ; 90 % des langues parlées aujourd'hui risquent de disparaître à la fin de ce siècle.

Pour la première fois, le droit international reconnaît donc que les États ont le droit de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et les mesures qu'ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. En cela, la convention garantit un droit fondamental aux yeux de la France, celui de permettre à tout État de préserver et de promouvoir sa culture et son patrimoine.

La convention confirme par ailleurs le rôle central des artistes et des créateurs ; elle reconnaît que les biens et services culturels sont porteurs de valeurs et de sens, donc de l'identité même des hommes et des sociétés. Ils ne sauraient de ce fait être soumis aux seules lois du marché.

La convention institue en droit international un régime particulier pour les biens et services culturels, complémentaire du droit de l'Organisation mondiale du commerce, sans subordination d'un corpus juridique à l'autre. En cela, elle affirme un principe défendu depuis longtemps par la France et par la francophonie : la volonté, à l'époque de la mondialisation où tout s'échange et où tout peut devenir objet de commerce, de donner à la culture une place particulière.

La culture n'est pas un bien marchand comme les autres. Elle a sa singularité, elle véhicule une identité, elle est diversité. Soutien mutuel, complémentarité et non-subordination guideront ainsi les relations de la convention avec les autres instruments juridiques internationaux.

Cette convention encouragera les parties à prendre en considération l'objectif de diversité culturelle lors des négociations de leurs obligations commerciales ainsi que pour l'application et l'interprétation des accords auxquels elles sont liées.

L'article 21 prévoit en outre que « les parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la présente convention dans d'autres enceintes internationales. » Il conviendra cependant de rester vigilant. En effet, la stratégie de certains États qui n'ont pas adopté la convention vise à multiplier la conclusion d'accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et de services culturels avec le plus grand nombre d'États, qu'ils soient ou non parties à la convention.

Enfin, celle-ci consacre pour la première fois la dimension culturelle du développement et prévoit de renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Elle servira notamment à soutenir la professionnalisation des métiers de la culture dans les pays en développement, à permettre l'émergence d'industries culturelles viables sur leur territoire et à favoriser la mobilité des artistes et des oeuvres.

La France est très attachée à ce volet « solidarité » de la convention, qui lui permettra de conforter les actions déjà menées en matière de coopération culturelle et de continuer à mettre en oeuvre des partenariats avec les pays du Sud. Nous investissons en effet déjà dans des programmes comme « Afrique en créations » - 5, 9 millions d'euros sur trois ans -, le Fonds Sud cinéma - doté de 2, 2 millions d'euros par an -, ou encore pour l'appui au désenclavement numérique en Afrique subsaharienne - programme ADEN - et pour l'accueil et la formation d'artistes étrangers en France. Depuis 2004, l'Organisation internationale de la francophonie a également inscrit la promotion de la diversité culturelle au titre de ses programmes de coopération.

S'il fallait résumer l'esprit de la convention, je citerais volontiers Léopold Sédar Senghor, dont nous fêtons cette année le centième anniversaire de la naissance et qui proposait de « s'enrichir de nos différences pour converger vers l'universel ».

L'universel, dans la vision du poète, ne se confond pas ici avec l'uniformisation, ne se substitue pas aux cultures ou aux héritages propres à chaque peuple. Au contraire, il les prolonge et les dépasse. Car, écrivait encore Senghor, « ce qui nous unit, c'est l'esprit de la civilisation, des civilisations, par quoi se définit la culture. C'est l'esprit, qui est raison et imagination, liberté créatrice. »

La convention internationale qui vous est soumise aujourd'hui est la traduction en actes, sur le plan culturel, de cette éthique de la différence. Elle représente un pari humaniste pour que cette différence soit maintenue et valorisée, pour l'enrichissement de tous.

Cette convention est ainsi porteuse de valeurs et de principes défendus de longue date par la France et par ses partenaires de la francophonie. Elle reconnaît l'égalité des cultures, la diversité des identités culturelles et la liberté d'expression des artistes, des créateurs et des peuples.

Le Président de la République a inauguré le 20 juin dernier le musée du quai Branly, entièrement consacré aux arts d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et d'Amérique. Pour le Chef de l'État, « en montrant qu'il existe d'autres rapports au monde, le musée du quai Branly célèbre la luxuriante, fascinante et magnifique variété des oeuvres de l'homme. Il proclame qu'aucun peuple, aucune nation, aucune civilisation n'épuise ni ne résume le génie humain (...). L'ouverture de ce musée réalise en effet une belle ambition : permettre la pluralité des regards et reconnaître la place qu'occupent des civilisations parfois négligées, oubliées voire méprisées. »

C'est par référence à ces valeurs que le Président de la République a entendu conférer une solennité particulière au processus de ratification de cette convention en demandant au Gouvernement de la soumettre au Parlement. L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi de ratification à l'unanimité le 8 juin dernier. Tout me laisse à penser qu'il en sera de même au Sénat.

La ratification par la France de ce texte par la voie parlementaire sera un signal fort vis-à-vis de nos partenaires qui l'ont adopté en octobre dernier. Trente ratifications sont nécessaires pour que la convention entre en vigueur. À ce jour, deux États - le Canada et l'île Maurice - ont déposé leur instrument de ratification auprès de l'UNESCO, et quatre - le Burkina Faso, Djibouti, la Croatie et la Roumanie - sont sur le point de le faire. Tous ces États sont membres de l'Organisation internationale de la francophonie. Les États et les gouvernements francophones qui ont porté avec détermination cette convention en octobre dernier se sont engagés lors de la conférence ministérielle de Tananarive, à l'automne 2005, à devenir parties au texte avant le sommet de Bucarest des 28 et 29 septembre prochains.

À cet égard, qu'il me soit permis de rappeler avec force, dans cette enceinte, la contribution majeure de la francophonie et de son secrétaire général, le président Diouf, à notre combat pour la promotion de la diversité culturelle dans le monde.

Mais aussi sur le plan communautaire, l'Union européenne et ses États membres ont su présenter un front uni tout au long de la négociation et ils mènent la ratification de cette convention en parallèle.

En la ratifiant dans un délai bref, la France démontrera qu'elle est fidèle à ses engagements. Elle donnera toutes ses chances à la nouvelle convention d'entrer en vigueur et de s'appliquer. Elle prolongera sur le plan normatif l'action qu'elle mène à travers sa coopération culturelle internationale, afin de préserver le droit de chacun d'être lui-même.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention adoptée à l'UNESCO le 20 octobre 2005 à la quasi-unanimité, seuls les États-Unis et Israël ayant voté contre, constitue pour les cent quarante-huit États signataires un engagement fort et une véritable chance à condition de le vouloir vraiment.

En effet, dans le contexte de la mondialisation croissante, la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sont tout à la fois un enjeu culturel et démocratique, un impératif éthique et un enjeu de politique internationale.

L'uniformité culturelle est un risque réel, déjà à l'oeuvre avec la disparition de nombreuses langues et en raison de la prééminence des États-Unis, pour qui la diffusion des produits cinématographiques, télévisuels et musicaux constitue une source de profit économique et un réel pouvoir d'influence.

Pour être plus qu'une idée, la diversité culturelle doit donc se doter d'instruments juridiques efficaces s'appliquant à un maximum de pays.

Le texte, dont il vous revient d'autoriser la ratification, est le résultat d'un long processus. Dès novembre 2001, l'adoption de la déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle avait affirmé l'importance d'un engagement international en faveur de « la féconde diversité des cultures » face aux risques d'homogénéisation et de repli identitaire liés à la mondialisation.

La convention de 2005 constitue une étape décisive dans ce processus, car elle instaure un cadre mondial de protection et de promotion de la diversité culturelle. Elle est l'aboutissement de la gestation réussie du nouveau concept de diversité culturelle dans l'ordre juridique international grâce au travail accompli dans diverses instances.

Au tout premier rang, l'Organisation internationale de la francophonie, au sein de laquelle il faut souligner l'engagement personnel de son secrétaire général Abdou Diouf, a développé un véritable plan de sensibilisation des États et gouvernements membres pour accompagner l'avant-projet à l'UNESCO.

Au niveau européen, l'attitude des États membres de l'Union a évolué de façon positive à l'égard de l'adoption de cette convention, ayant pour conséquence une adhésion de l'Union européenne à la convention le 19 mai 2006. Cette décision est un feu vert pour son adoption par chaque État membre.

À l'échelon national, il faut souligner le rôle moteur de certains États. Le Canada et le Québec ont été pionniers avec la création du réseau international des politiques culturelles. Le Canada a été le premier pays à ratifier la convention pour la diversité culturelle, le 23 novembre 2005.

Les Français, quant à eux, ont, les premiers, introduit la notion d'exception culturelle dans les relations internationales, notion qui a déterminé dans notre pays des politiques publiques volontaristes et caractérisées par une remarquable continuité à travers les alternances politiques. Il a fallu bien sûr dépasser le débat sémantique entre « exception culturelle » et « diversité culturelle », les termes de diversité culturelle recueillant à l'évidence une plus large adhésion, dont on avait bien besoin pour imposer l'idée d'une convention.

Aujourd'hui, pour tous, la diversité culturelle est l'affirmation que le champ culturel doit faire l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre des négociations internationales.

Les apports de la convention sont multiples : sa portée n'est pas seulement symbolique, même si cette dimension est fondamentale ; elle est surtout juridique et doit se traduire dans les faits sur le plan politique.

La convention consiste pour l'essentiel en une permission donnée aux gouvernements d'agir sans se voir opposer les règles du commerce international, pour défendre, s'ils le souhaitent, la diversité culturelle. Elle est aussi une incitation pour les États à ne pas se refermer sur eux-mêmes, à confronter et échanger avec les autres pays.

La coopération internationale, en particulier avec les pays en voie de développement, est essentielle, car elle compense l'aspect « protectionniste » que pourrait, aux yeux de certains, revêtir cette convention. L'articulation de la convention avec les autres instruments juridiques internationaux a été l'un des sujets les plus difficiles au cours des négociations.

Cela a abouti à l'article 20, qui pose clairement le principe selon lequel cette convention n'est pas subordonnée aux autres traités. Les États s'engagent à en tenir compte dans les autres accords auxquels ils sont ou seront parties.

C'est une véritable avancée en droit international, même si cela n'évite pas une certaine ambiguïté avec le paragraphe 2 de l'article 20. Ainsi, s'agissant de l'OMC, la convention ne préjuge pas l'inclusion ou l'exclusion des biens et services culturels dans les futurs accords commerciaux.

Autre avancée significative : le règlement des différends amènera les États à soumettre leurs litiges à un mécanisme spécialement prévu pour que les considérations culturelles, et non seulement commerciales, soient prises en compte. Le poids de la convention sera donc réel dans les négociations internationales.

L'enjeu de la ratification française sur la scène internationale est grand : cette convention doit être renforcée par une mobilisation internationale, largement portée jusqu'ici, aux côtés des États, par la société civile et les coalitions pour la diversité culturelle. Il est indispensable que le nombre d'États ayant ratifié ce texte dépasse rapidement la trentaine, afin de lui conférer une autorité politique internationale. Or les États-Unis font campagne contre cette ratification, ce qui fait hésiter nombre de pays en difficulté sur le plan économique.

Dans ce contexte, madame la ministre, nous attendons du Gouvernement qu'il soit très actif pour obtenir un maximum de ratifications, en mobilisant tous ses réseaux et, en particulier, celui de la francophonie, qui regroupe un quart des États de la planète.

Au moment où Assia Djebar entre à l'Académie française et où s'ouvre à Paris le musée des Arts premiers, la France doit continuer de jouer un rôle moteur dans cette bataille pour la diversité culturelle. Elle sera d'autant plus crédible dans ce rôle qu'elle saura conforter sa propre politique de promotion de la diversité au niveau national et qu'elle sera vigilante, à l'échelon européen, pour que l'Union tire toutes les conséquences de cette convention dans ses décisions concernant la directive Télévision sans frontières, le programme Média, la directive services.

La France doit être en mesure de prouver son engagement et de donner un signal fort, en ratifiant cette convention avant le Sommet de la Francophonie de Bucarest, en septembre 2006. Cette ratification aurait force d'entraînement auprès de pays qui peuvent aujourd'hui être hésitants.

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose d'adopter sans réserve le présent projet de loi.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à me réjouir à la fois que le Gouvernement ait fait le choix, qui ne s'imposait pas juridiquement, d'une ratification de cette convention par la voie parlementaire et de la saisine pour avis de notre commission sur ce texte, ce qui est exceptionnel s'agissant d'une convention.

Cette saisine se justifie naturellement par l'importance de ce texte et son impact dans tous les domaines du champ de la culture.

Je commencerai par répondre à deux questions, afin de mettre en exergue la réussite que représente cette convention, qui est aussi, madame le ministre, un succès pour la diplomatie française et, plus largement, pour celle des pays francophones.

En premier lieu, pourquoi faut-il protéger et promouvoir la diversité culturelle ? En second lieu, quelles avancées représente la convention dans le droit juridique international ?

Les enjeux sont à la fois culturels et économiques, les deux étant liés. En effet, la mondialisation de l'économie et les progrès des technologies de l'information et de la communication facilitent la circulation des biens et services culturels, mais les mécanismes en vigueur ne jouent pas nécessairement en faveur de relations culturelles équilibrées. Avec la concentration des entreprises et la production de biens et services uniformisés, nous sommes confrontés à un risque à la fois de domination et d'appauvrissement culturels. Nous savons que, compte tenu de la spécificité des biens et services culturels, c'est l'avenir du pluralisme culturel, y compris linguistique, qui est en jeu.

Le défi est donc politique ; il est aussi économique. La part des industries créatives et culturelles dans le produit intérieur brut mondial et dans les échanges mondiaux ne cesse de croître et leur impact est donc considérable sur les économies.

Le seul secteur audiovisuel représente plus d'un million d'emplois pour l'Union européenne, pour un chiffre d'affaires de 88 milliards d'euros en 2003, dont 81 % pour la télévision et 19 % pour le cinéma.

Cette réalité explique sans doute le fort engagement des Américains en vue d'une libéralisation de ces échanges et, parallèlement, leur faible enthousiasme - c'est un euphémisme ! - à l'occasion des négociations.

La convention de l'UNESCO représente des avancées incontestables puisque, pour la première fois, la culture se trouve intégrée en tant que telle dans le droit international.

Mme le ministre et Mme le rapporteur de la commission des affaires étrangères l'ont dit avant moi, la convention reconnaît la double nature, économique et culturelle, des activités, biens et services culturels.

La convention concerne la diversité des « expressions culturelles » et autorise les parties à prendre des mesures appropriées destinées à les promouvoir ou à les protéger lorsqu'elles sont soumises à un risque d'extinction ou à une menace grave. Ces mesures peuvent concerner, par exemple, des aides financières publiques, l'encouragement et le soutien d'institutions ou d'artistes, ainsi que la promotion de « la diversité des médias ».

Sont visées à la fois la création, la production, la diffusion et la distribution des expressions culturelles, mais aussi la faculté pour les individus et les groupes sociaux d'avoir accès aux diverses expressions culturelles provenant de leur territoire ainsi que des autres pays du monde.

Elle incite également les parties à reconnaître l'importante contribution des artistes et de tous ceux qui sont impliqués dans le processus créateur, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Le texte encourage les États à mettre en place des programmes d'éducation, de formations et d'échanges dans le domaine des industries culturelles.

Je m'étonne cependant que les mesures relatives à la langue ne figurent dans le texte que de façon incidente, alors qu'il s'agit là d'un volet essentiel du concept de diversité culturelle. Mais il convient de replacer ce texte dans le cadre plus général du corpus juridique existant, qu'il vient ainsi compléter. Je pense, en particulier, à la convention sur la protection du patrimoine culturel immatériel, dont nous allons débattre dans quelques instants et qui concerne aussi les langues, en tant que facteurs indispensables à la transmission de ce patrimoine.

Je crois, et j'espère, que la convention que nous examinons aujourd'hui renforcera la prise de conscience et la motivation des États, pour à la fois défendre l'usage de leur langue et encourager la diversité linguistique.

Enfin, je me réjouis que cette convention comporte un important volet en faveur de la coopération internationale. À ce titre, par exemple, la conclusion d'accords de coproduction et de codistribution est encouragée.

Je n'irais toutefois pas jusqu'à dire que ce texte reprend complètement les souhaits émis par notre pays puisque, comme tout compromis, il comporte aussi des limites.

On peut ainsi regretter, comme il a été dit précédemment, que soit fixé un statut juridique en réalité peu contraignant : en premier lieu, en raison de la délicate articulation entre cette convention et les autres instruments juridiques internationaux - le texte consacre le principe de non-subordination de la convention aux autres traités, mais sa rédaction sibylline n'est pas sans ambiguïté - ; en second lieu, à cause de la faiblesse du mécanisme de règlement des différends, qui n'est assorti d'aucune clause contraignante ni de sanctions.

Je crois néanmoins que nous ne devons pas sous-estimer l'intérêt d'un tel mécanisme, dont le caractère incitatif n'en sera pas moins réel.

La convention vient d'ailleurs d'ores et déjà conforter les politiques culturelles françaises et européennes. Elle constitue une référence incontournable et l'on peut déjà mesurer son impact concret, que ce soit dans le nouveau programme européen « Culture 2007-2013 », qui inclut désormais des industries culturelles non audiovisuelles, dans la nouvelle proposition de directive Télévision sans frontières ou dans le secteur du cinéma.

On peut penser que le processus d'adoption de la convention a pesé dans la récente décision de la Commission européenne d'approuver, sous conditions, le dispositif français de soutien à la production et à la diffusion cinématographique.

Nos politiques culturelles se voient ainsi confortées par la convention. Il nous faudra néanmoins, ne nous y trompons pas, faire preuve de vigilance et de volonté politique pour que cette dernière ait un impact réel, notamment dans le cadre des négociations commerciales internationales de l'OMC. Nous pouvons compter sur les États-Unis pour poursuivre leur stratégie de contournement, qui consiste à multiplier les accords bilatéraux comportant des clauses culturelles, avec des États parties à la convention.

Il est donc souhaitable à la fois d'atteindre dès que possible l'objectif des trente ratifications, condition de l'entrée en vigueur du texte, mais aussi d'aller au-delà, afin de renforcer sa portée. J'espère que cet objectif sera en passe d'être atteint pour le onzième Sommet de la Francophonie, qui se tiendra à Bucarest du 25 au 29 septembre prochain. Nous aurions là un motif de satisfaction réelle pour fêter le vingtième anniversaire des Sommets de la Francophonie.

Dans cette perspective, nous pouvons nous réjouir de la forte mobilisation d'institutions internationales telles que le Conseil de l'Europe ou l'Assemblée parlementaire de la francophonie, qui se réunira en assemblée générale à Rabat à la fin de la semaine. Il sera demandé à tous les États de la francophonie de faire diligence.

Je pense aussi à la trentaine de « coalitions européennes pour la diversité culturelle », qui rassemblent plus de 500 organisations professionnelles de la culture.

Je propose aussi, mes chers collègues, que les uns et les autres, dans le cadre des groupes interparlementaires d'amitié que nous présidons ou dont nous sommes membres, nous exposions à nos collègues étrangers les enjeux de cette convention et l'intérêt qu'il y aurait pour leur pays de procéder rapidement à sa ratification. Vous recevrez bientôt, mes chers collègues, une lettre en ce sens.

Mobilisation et vigilance sont à l'ordre du jour. Nous pouvons cependant nous réjouir aujourd'hui, dans notre vie politique qui n'est pas toujours exaltante, de voir des signes qui, eux, peuvent au contraire nous rassembler et qui représentent la concrétisation d'une grande idée à laquelle nous sommes tous attachés, sur l'ensemble de ces travées.

Je pense, tout d'abord, à l'Algérienne Assia Djebar, écrivain, qui vient d'entrer à l'Académie française. Ce fut, pour ceux qui ont entendu les discours de réception, un grand moment de notre histoire et dans nos rapports avec un pays qui nous est encore si proche.

Je pense également à l'inauguration du musée du quai Branly. La proclamation qui a été faite de l'égalité des oeuvres de l'art s'incarne maintenant sur les bords de la Seine.

Je pense aussi au colloque important consacré à la pensée et à l'action politique de Léopold Sédar Senghor, qui s'est tenu hier à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

Enfin, aujourd'hui, le Sénat examine le projet de loi autorisant l'approbation de la présente convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui constitue la mise en oeuvre législative de la pensée guidant tous ces actes.

Mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, à l'unanimité, vous invite à adopter, sans modification, le présent projet de loi.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'évidence, cet événement est unique dans l'histoire de l'UNESCO puisque aucune convention n'a été adoptée à une majorité aussi forte.

Ces votes traduisent un moment politique fort qui a été ressenti au sein de l'UNESCO. Tous ceux qui ont suivi cette longue marche - assez rapide au demeurant : quatre années de préparation et deux ans de négociation - peuvent en témoigner. Les raisons tiennent à une autre façon de voir la mondialisation et d'aborder les problèmes du développement, notamment dans le tiers monde.

Permettez-moi de revenir un instant sur la méthode. La France a quelquefois joué trop seule. Là, au contraire, elle a su créer un réseau d'alliances sur une vision qui n'était pas défensive - à un moment donné, nous étions sur un concept qui ne permettait pas de gagner - et qui présentait la culture comme un élément essentiel du développement.

Ce thème fédérateur a permis non seulement de rassembler tous les réseaux politiques qui ont été évoqués, mais aussi de conclure des alliances avec les milieux professionnels. De ce point de vue, la société civile doit rester un des éléments décisifs du succès politique qu'il faut obtenir.

À cet instant, madame la ministre, je tiens à rendre hommage à l'immense professionnalisme dont ont fait preuve les diplomates français de l'UNESCO, MM. Musitelli et Guéguinou, soutenus par le Président de la République et les Premiers ministres successifs.

La démarche qui a été suivie pourrait être utilisée au sein d'autres instances internationales, où la France n'a pas été toujours suffisamment présente non pas seulement sur le plan physique, mais aussi sur le plan du concept, des idées, du rayonnement culturel. Pour avoir souvent travaillé avec l'UNESCO, je dois dire qu'à une époque j'étais désespéré de constater l'absence de la France. Pourtant, après la guerre, elle avait revendiqué l'installation de cet organisme à Paris. Mais, une fois l'édifice construit, elle s'en est désintéressée.

Madame la ministre, il importera de se montrer très attentif au choix des représentants de la France dans les institutions internationales, notamment celle-ci.

Bien entendu, il n'est pas dans mon intention de critiquer certains ambassadeurs. Mais il est insoutenable de constater notre absence dans des lieux et des débats essentiels au regard des prétentions que nous affichons.

C'est d'ailleurs également le cas au sein d'autres instances, notamment de l'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, grande organisation non gouvernementale internationale, où la France est complètement écrasée par le monde anglo-saxon. Ainsi, lors des assemblées générales auxquelles j'ai pu assister et qui rassemblent des milliers de participants venant du monde entier, j'ai pu observer qu'aucun texte n'est écrit en français, aucune intervention en séance plénière n'est formulée en français.

Dès lors, je m'interroge : comment pouvons-nous défendre les causes qui nous sont si chères ?

Nous devons faire une révolution culturelle chez nous, poursuivre dans la voie qui nous a conduits à ce succès diplomatique et mettre les moyens suffisants dans les organisations internationales partout dans le monde.

Vous l'avez tous dit, la base juridique est bonne, même si elle fait l'objet de critiques. Nous aurions pu nous trouver en situation de subordination ; nous sommes à égalité. Mais il nous faut rester attentifs à la jurisprudence qui sera déterminante.

Nous devons suivre l'exemple de la convention de Rio, de 1992, à partir de laquelle s'est créée une jurisprudence, où comme dans des domaines similaires, les décisions des juges ont tenu compte des questions environnementales. Il nous faut accompagner cette évolution juridique avec une grande attention. À l'évidence, un combat politique est à mener, à l'intérieur même de l'UNESCO.

Ceux qui connaissent bien la maison le savent, les États-Unis imposent une pression énorme, accompagnant systématiquement toutes les informations montant à la direction générale de leurs commentaires, critiques, remises en cause, ce qui crée une espèce de double pouvoir au sein de l'organe. Cette situation est liée à une vision politique de l'instant. Je fais d'ailleurs une distinction entre cette machine politique qui veut prendre le pouvoir partout et l'esprit créatif, le rayonnement politique des Américains dans le monde, que chacun est prêt à reconnaître et à soutenir.

Il faut donc que nous commencions à anticiper, comme nous l'avons fait tout au long de ce processus, et que nous nous interrogions sur le dispositif interne qui se doit se mettre en place à l'automne 2007, selon le calendrier fixé. Selon toute vraisemblance, tout se jouera à ce moment. J'espère que d'ici là le seuil des trente ratifications sera atteint, voire dépassé.

Une Conférence des parties aura lieu ; un comité technique sera mis en place. La France interviendra-t-elle afin d'anticiper sur la préfiguration du dispositif ? Le secrétariat ne sera-t-il qu'un embryon résultant de la volonté forte de certains de le réduire au minimum ou parviendra-t-on à constituer une équipe puissante, à l'instar du comité du patrimoine mondial, créé à l'époque grâce à M. Mayor, dans le cadre de la convention de 1972, que l'on peut comparer avec la convention qui nous est soumise aujourd'hui ? La France apporte d'ailleurs un soutien constant au fonctionnement de ce comité.

L'organisation de ces structures ne s'improvisera pas, d'où la nécessité d'anticiper.

Il importe de réfléchir aux politiques à mener. Se contenter d'adopter une position d'observateur, de compter les points et de prendre connaissance d'un rapport bisannuel est très décevant.

La France doit absolument garder la même stratégie d'anticipation, en s'appuyant sur ses réseaux, pour envisager une politique dès maintenant, avant même que cette convention soit ratifiée, car elle aura un poids politique et psychologique considérable dans le monde. Elle ne doit pas baisser la garde !

À l'extérieur de l'UNESCO, nous disposons d'un réseau mondial puissant dans le domaine culturel, comprenant plus de mille alliances.

Nous avons également cent cinquante centres culturels, mais, comme nous le savons tous, madame la ministre, ce réseau ne va pas bien du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Dauge

Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet de rapports. Je ne veux pas me montrer trop pessimiste, mais je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'il est très difficile de faire vivre ce réseau avec les moyens budgétaires qui lui sont affectés actuellement. De nombreux centres avec lesquels je suis en contact n'ont plus les ressources financières suffisantes pour fonctionner, voire pour payer les salaires de leurs effectifs. Faute de crédits, les actions ne peuvent plus être menées et les partenariats deviennent impossibles.

Si l'on peut comprendre, par ailleurs, certains choix budgétaires, il ne faut pas oublier l'importance de la voix de la France ! Nous devons veiller à rester cohérents avec nous-mêmes, car nous avons créé une attente considérable dans le monde.

Un des outils de la France pour promouvoir sa vision de la diversité culturelle est précisément le réseau culturel français. Il importe donc de le mettre au coeur de notre action.

Les réseaux culturels ont une mission de professionnalisation à accomplir, en aidant les pays à révéler leurs talents, à créer des industries culturelles. Ils ne peuvent plus se contenter d'une représentation de nos artistes. Notre politique culturelle doit aller au-delà de nos propres talents. Nombre de réseaux s'y emploient déjà, mais il faut renforcer leurs moyens. C'est tout l'esprit de la présente convention et c'est aussi notre travail.

J'insiste sur ce point, madame la ministre, car ses incidences budgétaires soulèvent le problème de la cohérence de nos décisions par rapport à la belle victoire que représente cette convention. Aussi, je vous pose très clairement la question de savoir si des crédits seront bien ouverts, dans le projet de loi pour 2007, en faveur du fonds international pour la diversité culturelle prévu par la convention, sauf à mettre en cause notre crédibilité.

Une réflexion est à mener à cet égard, notamment sur le montant des crédits, avec le soutien probable du président de la commission des finances.

À l'automne, il faut qu'ait lieu une grande manifestation, comme l'ont laissé entendre d'ailleurs les rapporteurs, autour de la ratification de la convention par la France afin de lancer la dynamique

Enfin, s'agissant du Fonds européen de développement, il me paraît important qu'une ligne budgétaire pour la diversité culturelle soit inscrite dans le cadre de l'aide apportée aux pays d'Afrique sub-saharienne, des Caraïbes et du Pacifique, ACP. Ce fonds, qui dispose de moyens considérables, est alimenté à hauteur de 25 % par la France. Est-il normal de ne pas retrouver dans les actions quotidiennes un soutien financier européen puissant, puisque l'Europe nous a suivis dans cette affaire ?

Elle devrait donner, elle aussi, des preuves concrètes en soutenant cette politique. Il me paraît absolument fondamental qu'elle s'engage aux côtés de la France, que nous soyons à la pointe des décisions financières en Europe, afin de montrer que nous sommes cohérents avec nos idées.

Monsieur le président, je m'adresse à vous qui êtes président de la délégation du Bureau du Sénat à la coopération décentralisée. La France voit se développer depuis longtemps une grande politique de coopération décentralisée. Il m'importe que la dimension culturelle soit de plus en plus présente dans ce cadre.

Je rappelle, à cet égard, que le Sénat a participé au sommet Africité qui s'est tenu à Yaoundé voilà deux ans. En outre, le lancement officiel de la cérémonie des Africités 2006 aura lieu au mois de septembre, à Nairobi, en Afrique anglophone. La France sera présente, notamment le Sénat, comme vous le savez, monsieur le président. Cet événement nous fournira l'occasion de développer ce thème porteur devant cette assemblée de toutes les villes d'Afrique et de prouver que nous continuerons à nous mobiliser.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au risque de décevoir certains, j'exprime un certain malaise au moment de ce vote - que j'émettrai positivement, et que le groupe auquel j'appartiens émettra positivement. Mais on est obligé, dès le départ, d'avoir dans sa musette des engagements de vigilance, des engagements d'initiative, des engagements d'action.

Catherine Tasca a évoqué tout à l'heure diversité et exception. Je veux y revenir, non pas pour faire de l'histoire, mais pour placer le problème sur ses bases de départ.

J'ajouterai tout de suite que le travail tant de Catherine Tasca que de Jacques Legendre, pour les deux commissions dont ils sont les rapporteurs, me convient. Je vais néanmoins apporter une note un peu grave.

La diversité culturelle a succédé à l'exception culturelle, concept qui, je le rappelle, pendant plus de dix ans a rallié des forces telles qu'avec lui nous avons gagné alors tous les combats. Il y eut celui de la directive « Télévision sans frontières » ; puis, au moment du GATT, celui de la mise de côté, qui, sans être totale, fut néanmoins intéressante, de nombreux domaines de la culture. Il y eut encore celui du rejet de l'Accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI - je m'en souviens, ayant présidé au Sénat même la première conférence de presse sur la question : certes, un seul journal, Le Film français, était présent, mais les professionnels étaient nombreux. Il y eut enfin Seattle. L'exception culturelle n'était donc pas de l'eau, c'était un carburant fort efficace dès l'instant qu'on le faisait vivre.

J'ai depuis participé à toutes les actions, à tous les débats sur les questions qui nous réunissent aujourd'hui. Les États-Unis ont vécu tout cela comme un échec retentissant et ont publié à l'époque des documents explicitant leur réaction programmée, leur réaction stratégique : ils l'ont mise en route et continuent de la mener, de la façon lourdaude mais souvent efficace qu'ils ont.

Un certain jour d'octobre 1999 s'est produite cette fameuse substitution de vocabulaire : les treize représentants des pays qui alors constituaient l'Europe se sont réunis pour discuter de l'exception culturelle et se sont séparés en ayant accepté unanimement la diversité culturelle. Tout de suite, aux États-Unis, un monsieur qui, alors, croyait pouvoir parler très fort, à savoir Jean-Marie Messier, a crié bravo à la modernité de la diversité culturelle, hourra à la chute de l'archaïque exception culturelle, qu'il appelait, dans une déformation réductrice, « l'exception française ».

Dans l'exception culturelle, la prise en compte de la culture comme marchandise différente des autres était nette, précise. Elle court-circuitait dans certaines circonstances le capital. La diversité ignore le capital ; elle peut vouloir dire « tous les grains d'une même grappe de raisin » et non « tous les fruits du monde ».

Je le dis comme je le pense, je me suis tout de suite méfié : quand tant de gens se sont déclarés satisfaits, je me suis dit que, tout de même, quelques-uns devaient pactiser, pour parler comme René Char.

Je ne ferai aucune réserve négative sur la potentialité de la convention de l'UNESCO, que Catherine Tasca a si justement évoquée, en la considérant comme une véritable chance ; mais je ne peux oublier la bataille qu'il a fallu mener. Jacques Legendre a rappelé les trente coalitions et les cinq cents organisations professionnelles ; comme Catherine Tasca, il a évoqué la francophonie. Des colloques importants se sont tenus en France, dont l'un, organisé au musée du Louvre sur l'initiative de ce qui n'était pas encore la coalition française, s'est conclu par une réception importante, et intéressante, et positive, donnée par le Président de la République à l'Élysée. Je peux aussi rappeler le colloque « Diversité culturelle, mondialisation et globalisation » à La Villette les 4, 5 et 6 juin 2003, dont j'ai prononcé le discours d'ouverture.

L'action a donc été énorme, et c'est elle qui a été l'auteur de la partie « réussite » du document. Il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que l'UNESCO a adopté la résolution à l'unanimité moins deux voix, cela a été évoqué. J'ai assisté au vote : c'est un moment qui faisait battre le coeur. Les États-Unis - qui étaient représentés par une dame - n'étaient pas fiers, Israël non plus ; les autres applaudissaient, pas frénétiquement, non, mais tout de même, comme dans un meeting populaire, ce qui est bien !

Donc, vous le constatez, je ne suis pas négativiste, pas du tout. Pour autant, il demeure que trois points minent et mineront la convention. Certes, l'article 21 précise : « Les parties s'engagent à promouvoir les objectifs et principes de la présente convention » ; mais l'article 20 pose que « rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités ». Quels sont les traités visés ? En premier lieu, celui de l'OMC, où le commerce sans rivages et « l'esprit des lois » nouvelle manière concurrencent la convention et règnent sans partage, et qui, pour le moment, ne fut jamais mis en échec.

Par ailleurs, l'article 25, qui traite des différends, ne prévoit aucune clause contraignante, aucune sanction. En cas de désaccord, il faut chercher une solution ; si l'échec survient, on se débrouillera pour trouver un tiers qui organisera la conciliation ; mais, s'il la trouve, les parties pourront la récuser. Il me semble que, là, quelque chose ne va pas ! On a l'impression de s'entendre dire : vous avez le droit à la culture, mais moi j'ai le droit au commerce, et mon droit est fort, tandis que le vôtre est faible.

Enfin, l'OMC, c'est l'état-major impitoyable de la « sensure », alors qu'à l'UNESCO c'est le sens !

Je sais bien qu'il est difficile de rappeler tout cela le jour même où l'on va voter, et où je vais voter. Mais il faut le dire, parce que cela implique des engagements - et je souscris totalement aux propositions d'Yves Dauge - qui sont sans commune mesure avec hier. D'ailleurs, c'est de plus en plus net : les lois sont votées, les décrets sont publiés, mais, déjà à l'échelon national, rien ne s'applique ; qu'attendre, dès lors, de l'échelon international ! Le travail qui reste à fournir est énorme ! Certes, des embryons de lois internationales ont vu le jour, à l'UNESCO même ; il n'est que de citer des noms comme Florence, en 1950, ou Nairobi, en 1976, pour se rappeler que, déjà, il était prévu, sur l'initiative des États-Unis, qu'un État qui était en difficulté pouvait prendre des mesures particulières. Mais quel fut le résultat ?

La convention est donc un tremplin. Mais, autant la culture est un tremplin inusable, autant celui-ci peut s'user : on a donc besoin, si je puis dire, de femmes de ménage et d'hommes de ménage ; encore faut-il balayer là où c'est nécessaire !

Ce n'est pas étonnant, quand l'un des objectifs de la convention pose une double nature des services culturels ! Moi, je ne peux pas accepter cela, et je ne l'accepterai jamais.

La culture, c'est la culture. Que l'industrie s'en occupe, c'est son droit ; mais quand un homme crée, il ne pense pas à ce que l'industrie fera : il crée, et cette création est humaine, privée, bien public, bien personnel, elle n'a pas de double nature. Malraux disait : « N'oubliez pas que le cinéma est aussi une industrie » ; aujourd'hui, on nous explique que le cinéma, en quelque sorte, a une double nature. Ici, la sémantique compte, et il faut avoir son dictionnaire - y compris le Dictionnaire culturel récemment publié.

Nous sommes aujourd'hui quelque peu éloignés de la culture qui n'est pas une marchandise comme les autres, comme l'avait définie Jacques Delors à la Défense, à l'occasion des discussions qui entouraient la directive « Télévision sans frontières ». Qui plus est, chacun sait bien qu'actuellement la culture n'est pas une préoccupation première. Moi qui me bats dans ce milieu-là depuis tellement longtemps, je me souviens de moments très forts ; mais je sens bien qu'en ce moment ce n'est pas une préoccupation particulière. Il n'est plus naturel de parler de culture au moment où le marché est totalement naturalisé, c'est-à-dire falsifié dans ses origines historiques. Car le marché a été inventé par les hommes pour qu'ils s'en servent, alors que c'est maintenant le marché qui se sert des hommes : c'est cela, la naturalisation. Mais la culture, elle, n'est pas naturalisée !

Comme j'aime bien, la veille d'un débat, le faire, j'ai téléphoné hier à des fonctionnaires de Bruxelles. Je les ai trouvés beaucoup plus pessimistes que d'habitude. Ils ont souligné à quel point c'était dur en ce moment, car ils ne sont écoutés nulle part : ni à la Commission, ni au conseil des ministres, ni au Parlement, qui zozote un peu sur cette question.

J'ai de l'émotion, parce que c'est grave. Je vais voter ce projet de loi, mais je mets dans ce vote tout un poids d'histoire et d'avenir, et je suis sûr que beaucoup ici le feront dans les mêmes conditions. Mais il faut le dire, car on sait bien ce qui va mal à ce sujet !

J'ai rencontré à l'occasion du débat sur le droit d'auteur de nombreux juristes, en Allemagne, à Bruxelles, mais aussi en France. J'ai discuté avec eux du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui : ils lui dénient tout caractère juridique. Moi qui, tout de même, y croyais un peu... Ils m'ont promis d'écrire des articles sur le sujet.

Il est indéniable qu'il y a un mouvement. Mais, fondamentalement, rien n'est écrit, et tout dépendra de nos actions.

La concentration et la financiarisation augmentent dans les industries culturelles, et l'Amérique bilatéralise dans un sens contraire à celui de la convention : il n'est que de voir ce qui s'est passé en Corée ! Il a fallu que, à Cannes, soit organisée une manifestation pour aider les Coréens. Ils étaient en furie, et on les comprend !

L'Europe tergiverse comme jamais. Certes, Mme Reding insiste sur le fait que les services non linéaires ont été inclus dans le champ de la diversité culturelle. Mais il aura fallu du temps, et nous ne sommes pas pour autant certains du sort de la directive « Télévision sans frontières » ! De plus, certains textes en préparation sont prometteurs !

Yves Dauge a rappelé que la convention prévoit la création d'un fonds ; mais, dans sa définition même, sa pépie est organisée. Alors, oui, il faut que la France y mette ses deniers ! La présidente du MEDEF a annoncé que celui-ci, au cours de son université d'été - tout le monde organise son université d'été, et c'est bien ! - devrait discuter de l'universel et du diversel. J'ai regardé dans le dictionnaire d'où venait ce mot, « diversel » : c'est un mot créole. Mais elle le détourne ! Elle fait de l'universel une modernité homogénéisante et du diversel une postmodernité hétérogénéisante.

Certains débats montrent bien que tout n'est pas clos. Dans le cadre des accords de Doha, les questions ne sont pas réglées, et la rencontre de Hongkong a été le théâtre d'une offensive sur la culture et l'audiovisuel à laquelle je ne suis pas sûr que la résistance sera suffisante.

Des problèmes subsistent donc. J'ai évoqué le MEDEF, non pas du tout dans le souci de tirer sur lui, mais parce que, dans la situation présente, en France, c'est lui qui s'occupe de l'intermittence et qui, finalement, a le dernier mot jusqu'ici. C'est donc que, lorsqu'il parle, il y a des oreilles pour l'écouter. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'entendre, mais il ne faut pas faire le petit soldat devant lui.

Comme cela a été relevé, seuls trois États ont ratifié la convention : le Canada, l'île Maurice et le Burkina-Faso. Ce n'est pas assez, il en faudrait au moins trente.

J'ai rencontré beaucoup de monde ; avec les coalitions, c'est obligé. Eh bien, un problème revient de plus en plus dans la bouche notamment des fonctionnaires qui représentent certains États, et cela me fait de la peine. Il y a la lenteur des ratifications, c'est un véritable marais sur le plan des idées, mais je vois poindre une nouvelle source d'inquiétude dont m'ont fait part au moins cinq ou six représentants. Oui, madame la ministre déléguée, l'idée circule en ce moment que « les articles 20 et 21 ne sont peut-être pas aussi bien qu'on le dit ». Cela signifie que nous devons nous battre.

Vigilance, exigence, bataille, initiative combative doivent être notre loi et notre pratique.

En vérité, il faut faire triompher l'idée que la culture est un bien public. Alors serait marquée la différence entre les biens publics et les biens marchands.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Permettez-moi, pour terminer, de vous citer quelques extraits d'une intervention prononcée devant 3 500 personnes par Monique Chemillier-Gendreau, juriste internationale, lors d'une réunion des états généraux de la culture, le 12 octobre 2003 au Zénith, ayant pour thème au départ les intermittents du spectacle.

« Affirmer qu'une chose est bien public, c'est rappeler d'abord que les biens publics et les biens marchands n'ouvrent pas le même type de relations entre les humains. Sans doute l'argent est-il nécessaire dans tous les cas. Mais il ne joue pas le même rôle. Pour les biens marchands, il est un profit, souvent très supérieur aux coûts de production et il sert un intérêt individuel. Pour les biens publics, l'argent provient d'un effort de la collectivité pour produire, protéger, sauver quelque chose d'essentiel à cette collectivité. Sans cela, le libre marché attaque certains biens, par exemple la culture, dans sa vérité qui est la liberté et la diversité. Le marché est articulé à la demande solvable. Le régime de bien public est la garantie que quelque chose puisse exister même là où il n'y a pas de demande solvable. »

Voilà une démarche intéressante, madame la ministre déléguée.

Mme Chemillier-Gendreau ajoute qu'à l'intérieur de la catégorie des biens publics, il est toujours possible de réintroduire des formes de marché, limitées et encadrées. Et les mesures de partage équitable seront différentes selon la rareté du bien et son caractère renouvelable ou épuisable.

« La culture, l'éducation, le savoir sont les seuls biens qui ne diminuent pas lorsqu'on les partage. » Cette notion est fondamentale et, en l'introduisant dans le débat, Mme Chemillier-Gendreau nous invite à nous préoccuper de cette dimension.

Mais j'achève ma citation : « La culture, par essence, ne peut être ni privatisée, ni marchandisée, ni nationalisée. Toutes ces hypothèses sont des négations de la culture. L'on tente de la réduire à un échange sordide : j'ai produit, tu achètes. Mais la culture se décline sur le mode : nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création de quelques-uns, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. Car la culture n'est rien d'autre que le Nous extensible à l'infini des humains. Et c'est bien cela qui aujourd'hui se trouve en danger, et requiert notre mobilisation. »

Je suis, comme tout le monde, heureux de la création du musée des Arts premiers - on discute sur le nom, mais là n'est pas la question - comme j'ai été heureux de la création de l'Institut du monde arabe. Il y a là une filiation française qu'il faut poursuivre et développer. Mais il faut une troisième création, qui ne serait pas matérialisée par un monument en pierre, non, car ce serait en quelque sorte un monument humain. Comme l'a dit Yves Dauge, il faut organiser une fête-colloque, ou une féria si vous voulez, un peu comme l'a fait Ariane Mnouchkine pour 1789, une fête-colloque à laquelle la France - si elle peut le faire avec d'autres, tant mieux - convoquerait les coalitions et les États. Et nous aurions là un travail commun croisé sur une convention dont nous serons tout de même peu nombreux aujourd'hui à autoriser l'approbation, probablement en raison de la fin de la session.

Ce serait une initiative tout à fait importante et les défauts du texte seraient lus à la lumière de Michaux : « La pensée avant d'être une oeuvre est trajet ». Nous y sommes, et nous avons besoin, ô combien, de cantonniers intelligents.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

La convention à laquelle on nous demande d'autoriser l'adhésion est, en vérité, un texte inaccompli, mais il « bourdonne d'essentiel », comme dirait René Char. Alors, faisons-le bourdonner !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Est autorisée l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée à Paris le 20 octobre 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée

Je remercie l'ensemble du Sénat de ce vote à l'unanimité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à apaiser certaines des inquiétudes dont vous vous êtes fait l'écho.

Cette convention n'est qu'un point de départ ; le combat, qui est celui de toute la francophonie, et pas seulement celui de la France, doit être poursuivi.

Mais ce qui me réjouit aujourd'hui, c'est de constater que la francophonie, loin d'être une idée ringarde, une idée du passé, est au contraire une idée moderne, dynamique, attractive, une force qui permet de mener des combats jusqu'à la victoire, et nous en remporterons d'autres.

Certains ont évoqué l'environnement. La francophonie est à la pointe du combat pour défendre une belle idée française : l'organisation des Nations unies pour l'environnement.

Nous avons donc encore beaucoup de choses à faire avec tous nos amis de la francophonie. Nous avons obtenu une belle victoire grâce à cette convention, mais je le répète, ce n'est que le début d'un combat que nous allons continuer à mener tous ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre unanimité et je souhaite que nous puissions continuer à travailler dans le même esprit.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (nos 292, 369).

Dans la discussion générale, la parole est Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est riche d'un important patrimoine culturel immatériel. Elle s'est engagée de longue date pour en effectuer un inventaire scientifique, le sauvegarder et en assurer le respect, ainsi que pour sensibiliser le public à son importance. La mission à l'ethnologie, les « ethnopôles » et les différents acteurs de la société civile contribuent à mettre en oeuvre cette politique, dont les productions scientifiques et les résultats sont reconnus aujourd'hui dans le monde entier.

Pourtant, la protection du patrimoine culturel immatériel reste une dimension méconnue de l'action publique. L'expression même ne nous est pas familière. Notre pays a longtemps préféré celle de « patrimoine ethnologique », consacrée par la création en 1980 du Conseil du patrimoine ethnologique. D'autres États utilisent des terminologies différentes.

Adoptée à l'UNESCO le 17 octobre 2003 et entrée en vigueur le 20 avril 2006, la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a donc pour premier mérite de créer un cadre universel de compréhension et de coopération pour ces politiques.

Elle définit de manière opératoire le patrimoine culturel immatériel comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales - y compris la langue -, aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, aux savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, toutes formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.

La convention prévoit également que les États parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger, et leur propose une palette d'instruments pour sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel immatériel et en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés concernées. Les engagements souscrits sont compatibles avec les engagements relatifs aux droits de la propriété intellectuelle ou à l'usage des ressources biologiques et écologiques.

Cette convention n'ajoute aucune contrainte à ce que notre pays fait déjà, mais elle inscrit et valorise son action dans un cadre multilatéral reconnu. La ratification n'implique donc aucune modification de notre droit. Elle constituera en revanche un pas supplémentaire dans la reconnaissance de ce patrimoine dans notre pays et illustrera notre forte implication dans la défense de la diversité culturelle.

Plus globalement, cette convention marque également un jalon important pour compléter le droit international du patrimoine, dont l'UNESCO est la source et le garant et auquel nous sommes traditionnellement très attachés.

Sa négociation a répondu à la demande d'États du Sud, notamment africains et océaniens, qui se reconnaissent peu dans les dispositions de la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972, convention qui n'appréhende le patrimoine culturel que sous l'angle du patrimoine bâti, au détriment d'une conception plus large.

La dimension immatérielle du patrimoine, qui est à la fois la plus fondamentale et la plus vulnérable, méritait que l'on consacre à ce patrimoine un instrument international à part entière. C'est désormais chose faite, et le Président de la République, dont vous connaissez l'engagement en faveur de la diversité culturelle, a salué à l'UNESCO cette convention qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent, année après année, dans l'indifférence de l'humanité, des peuples pourtant dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que la représentation nationale saura reconnaître à son tour l'importance de ce texte. En autorisant sa ratification rapide, vous illustrerez notre constance dans nos engagements. Vous enverrez aux cinquante-deux États membres de l'UNESCO, qui l'ont déjà approuvée, un message de solidarité de la France, et vous manifesterez notre intérêt pour la défense de la diversité culturelle sous toutes ses formes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la convention que nous examinons aujourd'hui porte sur un sujet que d'aucuns pourraient qualifier d'énigmatique : le « patrimoine culturel immatériel ».

L'assemblée générale de l'UNESCO a adopté ce texte en 2003 afin de compléter la notion de « patrimoine culturel mondial », telle que définie par la convention de 1972. Cette convention a eu, vous le savez, un impact déterminant pour la protection de sites naturels ou bâtis, dont la liste est périodiquement complétée.

Cependant, certaines civilisations s'expriment par des types de création autres que les oeuvres bâties, je pense en particulier aux langues.

C'est pour prendre en compte leurs réalisations qu'a été élaborée la présente convention : elle vise à protéger le patrimoine culturel immatériel, défini comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que des communautés et des groupes reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

La négociation de ce texte a répondu à la demande d'États du Sud, notamment africains et océaniens, qui souhaitaient promouvoir une conception plus large du patrimoine culturel, incluant une dimension « immatérielle » qui traduit la vulnérabilité de ce patrimoine.

La convention vise donc à répondre à ce voeu et à distinguer des expressions culturelles différentes. La France est à la pointe de cette conception élargie de la sphère culturelle, comme l'a souligné le Président Jacques Chirac devant la dernière conférence générale de l'UNESCO, saluant un instrument juridique qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent alors qu'ils sont dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits ».

C'est une coïncidence particulièrement heureuse, me semble-t-il, que l'examen de cette convention sur le patrimoine immatériel se déroule très exactement une semaine après l'inauguration par le Président de la République du musée consacré aux Arts premiers, quai Branly. L'ouverture de ce musée prouve à elle seule tout l'intérêt que notre pays attache à ces formes d'expression artistiques ou culturelles, diverses et multiples, spontanées ou raisonnées, à leur continuité et à leur préservation.

Ce texte, enfin, complète et parachève l'édifice conventionnel et normatif de l'UNESCO dans le domaine de la préservation du patrimoine culturel comme dans celui, parfaitement complémentaire, de la diversité culturelle.

La convention est d'ores et déjà entrée en vigueur en avril 2006, trois mois après qu'elle eut été ratifiée par trente États.

La France a pesé de tout son poids dans les négociations qui ont abouti au présent texte pour une définition la plus rigoureuse possible de la notion de patrimoine immatériel, soulignant la nécessité que les expressions ainsi distinguées aient bien un caractère de tradition continue et toujours vivante parmi les populations qui les pratiquent.

La notion de patrimoine immatériel vise donc, dans un souci de préservation de la diversité culturelle mondiale, à distinguer des oeuvres relevant autant de l'ethnologie que de la culture au sens occidental du terme.

Rappelons également que les travaux de l'école ethnologique française ont beaucoup contribué à l'évolution du regard occidental sur le contenu de la notion de « culture », jusqu'alors confinée dans les limites d'une approche artistique classique et conventionnelle.

Mes chers collègues, l'examen de ces éléments positifs a conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à vous recommander, à l'unanimité, l'adoption du présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, notre époque est caractérisée par le changement et les innovations technologiques.

Dans ce contexte, la culture populaire rurale et urbaine ainsi que ses sujets d'étude se transforment rapidement.

Selon les termes du communiqué final de la déclaration adoptée à Istanbul par les États participant à la table ronde de l'UNESCO, les 16 et 17 septembre 2002, « le patrimoine culturel immatériel constitue un ensemble vivant et en perpétuelle recréation de pratiques, de savoirs et de représentations, qui permet aux individus et aux communautés, à tous les échelons de la société, d'exprimer des manières de concevoir le monde à travers des systèmes de valeurs et des repères éthiques ».

Il comprend « les traditions orales, les coutumes, les langues, la musique, la danse, les rituels, les festivités, la médecine et la pharmacopée traditionnelles, les arts de la table et les savoir-faire ».

Ce patrimoine, fondé sur la tradition et transmis oralement ou par imitation, dénommé patrimoine ethnologique, présente tout à la fois un caractère intangible et un renouvellement constant dans ses formes d'expression.

Il est l'affirmation d'une culture traditionnelle et populaire et un garant de la diversité culturelle.

Il est, en raison de sa précarité, soumis au risque de disparition, d'où l'enjeu des inventaires, des travaux de recherches et d'études et de valorisation permanente grâce à tous les moyens que les technologies modernes de fixation et de conservation permettent.

Il est essentiel de préserver ces traditions pour faciliter la prise de conscience, chez chacun de nous, de notre culture première - pour reprendre un mot à la mode -, de notre enracinement et des pratiques culturelles vivantes qu'elles alimentent, à condition d'être des tremplins.

Des actions bien ciblées doivent donc être appliquées pour interpréter de façon efficace la mémoire d'un peuple : le patrimoine ethnologique comme le patrimoine archéologique doivent être révélés, conservés et transmis dans le cadre d'une politique cohérente conduite à l'échelle nationale comme sur le plan international.

Ministères, municipalités, organismes spécialisés ou pas, entreprises et particuliers doivent être concernés par la protection du patrimoine matériel et immatériel, par l'ethnologie et ses découvertes comme par l'interprétation faite de cet héritage.

Les ressources ethnologiques du patrimoine immatériel mettent en évidence l'importance qu'il il y a à se pencher sur un aspect du patrimoine culturel encore mal exploré.

En effet, le patrimoine immatériel doit être connu et mis en valeur pour diversifier les compétences des régions.

L'étude et la mise en valeur du patrimoine immatériel visent le maintien et le développement des cultures régionales, nationales et planétaires, la préservation de leur identité et de leur diversité.

Si, pendant longtemps, l'identité a été définie à partir des traditions immatérielles propres à une culture - la langue, les coutumes, les croyances, les rites, notamment -, ou d'éléments provenant de soi, elle est maintenant de plus en plus souvent considérée comme découlant aussi de l'Autre, c'est-à-dire d'emprunts faits à d'autres cultures.

Aujourd'hui, il faut donner toute leur place à ces patrimoines métissés face au danger du repli sur soi et aux développements, guerriers ou violents, donnés aux conflits politiques.

Il est nécessaire que l'effort public favorise la diffusion des connaissances du patrimoine ethnologique et la mise à jour de la discipline par sa contribution financière ou par son soutien logistique à l'occasion de la réalisation d'enquêtes, de recherches, d'inventaires et de publications diverses.

L'enquête ethnologique de terrain contribue à nourrir et à revitaliser les archives, qui jouent un rôle crucial dans la préservation à long terme des résultats de collecte, car elles détiennent une expertise unique dans ce domaine.

Ces données et ces archives, en permettant l'étude de la formation historique des identités culturelles, individuelles et collectives, conduisent à l'observation et à l'étude de ces identités dans leur dynamique contemporaine.

L'attention, si elle se porte tout particulièrement sur une réalité, permet aussi une démarche comparative afin de ne pas enfermer l'interprétation dans un seul système référentiel.

Ce décloisonnement est renforcé par une démarche résolument interdisciplinaire impliquant un véritable dialogue et une collaboration efficace entre plusieurs disciplines afin d'explorer de nouvelles voies théoriques, méthodologiques et analytiques pour une ethnologie de l'identité et de la diversité culturelle.

Cette double attitude, comparatiste et interdisciplinaire, est incontestablement la marque distinctive de la recherche.

Ces caractéristiques propres permettent de prendre une part très active, à l'échelle internationale, aux grands débats qui animent aujourd'hui les sciences humaines et sociales.

C'est pourquoi nous considérons qu'il est nécessaire d'adopter le présent projet de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Est autorisée l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17 octobre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le présent projet de loi ne saurait se lire et s'apprécier isolément. Il est important de l'inscrire dans l'ensemble des textes qui sont soumis au Sénat ce matin.

Nous avons tous entendu tout à l'heure l'appel à la vigilance de notre collègue Jack Ralite sur l'évolution du monde.

Il a rappelé à juste titre que, aujourd'hui, la culture n'est pas toujours au centre des préoccupations, non seulement des politiques, mais aussi des peuples.

Sur tous les continents, les peuples sont aujourd'hui assaillis par des questions de survie, par des difficultés matérielles très difficiles à surmonter. On ne peut donc pas s'attendre à ce qu'ils donnent spontanément la priorité à la défense de leur culture, matérielle et immatérielle.

Ce texte, en ce qu'il consacre la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, revêt à nos yeux une importance toute particulière.

D'abord, il apporte une réponse magnifique au matérialisme croissant de notre univers et à la marchandisation qui occupe tous les espaces, y compris celui des expressions culturelles.

Ensuite, il constitue, je le crois, une défense utile contre un ethnocentrisme très largement présent sur la planète, en tout cas dans notre région du monde. Il est aussi un appel au respect des autres cultures dans ce qu'elles ont de plus fragile, c'est-à-dire des savoir-faire, des traditions, des us et coutumes qui sont sans doute les premiers exposés au grand vent du matérialisme.

Cette convention est une défense contre l'ethnocentrisme et un appel à la solidarité auquel nous sommes très attachés. C'est une des raisons pour lesquelles notre groupe votera ce texte.

Enfin, s'agissant de la politique culturelle française, autant nous avons fait la démonstration de notre attachement à la création vivante, au patrimoine matériel - le texte que nous allons évoquer tout à l'heure en est une preuve supplémentaire -, autant il nous reste du chemin à faire en ce qui concerne le respect et la protection du patrimoine immatériel.

Il y a dans nos pays des cultures régionales qui méritent aujourd'hui de trouver leur place dans le bien commun national. Il y a aussi de plus en plus, M. Jack Ralite vient de le rappeler, un métissage ou, à tout le moins, des confrontations, des rencontres de connaissances, de savoir-faire venus d'horizons divers, d'au-delà de nos frontières, auxquels nous devons accorder le même respect qu'à nos propres traditions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jacques Legendre, sur l'article unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous ne pouvons pas ne pas rapprocher la présente convention de l'UNESCO du débat que vient d'avoir le Sénat à propos de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. J'ai alors regretté que cette convention ne fasse allusion aux langues qu'une seule fois, et encore la mention était-elle précédée d'un « notamment ». Or, à notre époque, la disparition des langues constitue un problème crucial.

Une langue est en effet l'instrument d'expression d'une culture. Or, nous le savons, des milliers de langues sont en train de disparaître. Ce phénomène inquiète certains de nos plus grands linguistes : que l'on pense aux propos de M. Claude Hagège, professeur au Collège de France.

Nous ne pourrons jamais accepter qu'une langue disparaisse au nom de la simplification. Certains considèrent que les frais de traduction sont toujours excessifs et que moins il y aura de langues, mieux on se comprendra. Nous estimons au contraire, pour notre part, que cette optique n'est pas la bonne. La diversité du monde exige le respect de chaque langue. Il faut donc s'efforcer de comprendre ce que l'autre exprime dans sa langue et le traduire sans le trahir.

Aujourd'hui, le Sénat est saisi d'un projet de loi visant à permettre l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel ; je note que les langues y sont citées, même si, curieusement, il semble que l'on ait quelque peu hésité à les introduire dans le texte. Il ne faut pas être timide dans ce domaine, car la disparition des langues est un des vrais drames de notre époque. Personne ne doit l'accepter et nous devons tous nous demander ce que nous pouvons faire pour garder en vie les éléments constitutifs du coeur d'une culture.

Quelle matinée ! Après avoir adopté le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui comporte certes des insuffisances mais qui a au moins le mérite d'exister, le Sénat va sans doute, dans un instant, voter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Il nous restera à veiller que ces conventions soient appliquées dans toutes leurs dimensions, y compris en faveur des langues.

Chacun connaît la lutte que je mène, avec de nombreux autres sénateurs, pour la défense de la langue française. Lorsque l'on aime sa langue, lorsque l'on veut qu'elle rayonne, on se doit de respecter toutes les langues : c'est le sens profond de notre combat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles (nos 388, 2004-2005, 281).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du Conseil de l'Europe, la convention relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son protocole sur la protection des productions télévisuelles ont été adoptés à Strasbourg le 8 novembre 2001, et signés par la France le 14 mars 2002. À ce jour, cinq ratifications sont encore nécessaires pour permettre leur entrée en vigueur.

Le constat de la perte irrémédiable de certaines oeuvres majeures du cinéma muet, en l'absence d'un système légal de protection et de restauration, est à l'origine de ces textes, l'idée ayant été émise de proposer aux États européens un modèle de protection de leurs patrimoines audiovisuels. Ces réflexions, qui ont conduit à l'adoption des deux textes aujourd'hui soumis à votre approbation, constituent les premiers instruments internationaux contraignants en la matière.

Le patrimoine audiovisuel visé par la convention comprend exclusivement les oeuvres cinématographiques, pour lesquelles est instauré un système de dépôt légal. Il s'agit de l'obligation faite aux États de déposer les images en mouvement, produites ou coproduites sur leur territoire, auprès d'un organisme d'archives qui doit en assurer la conservation, la documentation, la restauration et la mise à disposition à des fins de consultation.

En outre, la convention prévoit que les modalités d'application du dépôt légal des images en mouvement autres que les oeuvres cinématographiques seront précisées dans des protocoles. C'est ainsi que le protocole sur la protection des productions télévisuelles a pour objectif de faire appliquer aux oeuvres télévisuelles les principes de la convention, en instaurant un système de dépôt légal obligatoire.

Pionnière en matière de dépôt légal, la France ne pouvait que soutenir cette initiative de coopération entre États, laquelle est susceptible de donner corps à la notion de patrimoine audiovisuel européen. La loi du 20 juin 1992 organise le dépôt légal dans notre pays autour de deux institutions : le Centre national de la cinématographie, le CNC, est responsable de la collecte et de la conservation des oeuvres cinématographiques, tandis que l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, formalise la mise en place du dépôt légal pour les oeuvres télévisuelles et radiophoniques.

Depuis près de cinq ans, ces institutions travaillent à la numérisation et à la valorisation de ce patrimoine. La France peut donc, par la ratification de la convention et de son protocole, réaffirmer son engagement en faveur de la sauvegarde du patrimoine audiovisuel, conformément à sa pratique interne. Elle enverra un signal fort à ses partenaires européens, en permettant que l'on se rapproche de l'entrée en vigueur de ces deux instruments.

Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles, qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et son protocole sur la protection des productions audiovisuelles, qui sont soumis à notre approbation, découlent d'initiatives du Conseil de l'Europe.

Ces textes apportent un net progrès, au regard des nombreuses législations nationales qui existent en matière de protection des images. C'est un prolongement heureux, et concret, de notre débat sur la diversité culturelle, puisqu'il s'agit de conserver la mémoire des oeuvres audiovisuelles.

Pour sa part, la France a fait oeuvre pionnière, en se dotant d'un important dispositif en ce domaine.

La présente convention est née d'un constat dressé par le Conseil de l'Europe : dans la plupart de ses quarante-six États membres, la sauvegarde du patrimoine audiovisuel dépendait uniquement d'un acte de dépôt volontaire, ce qui conduisait à une protection lacunaire.

Le texte instaure donc le principe du dépôt légal obligatoire pour les images en mouvement produites et mises à disposition du public dans chacun des États membres. Le dépôt légal implique non seulement l'obligation de remise d'un exemplaire de référence dans un organisme d'archives, mais aussi l'obligation de le conserver en bon état, ce qui nécessite, le cas échéant, des travaux de restauration.

Il s'agit des premiers instruments internationaux contraignants qui instituent un archivage systématique des oeuvres audiovisuelles, afin de les faire bénéficier des nouvelles technologies en matière de conservation et de restauration et de lutter ainsi durablement contre leur dépérissement.

Le dépôt légal est le seul moyen d'assurer la protection de ce patrimoine. Toute nouvelle image en mouvement doit être déposée, pour garantir l'existence d'un exemplaire de référence, seule manière de protéger efficacement l'oeuvre.

Le dispositif français de dépôt légal des images repose, pour l'essentiel, sur trois institutions.

La Bibliothèque nationale de France, la BNF, détient déjà, sur le site François-Mitterrand, 250 000 images documentaires, 900 000 documents sonores et 90 000 vidéogrammes. Le département de l'audiovisuel, créé en 1994, collecte le patrimoine audiovisuel. Le dépôt légal lui apporte, chaque année, 15 000 documents sonores, 7 000 vidéos et 7 000 documents multimédias et électroniques.

Le Centre national de la cinématographie, le CNC, sera chargé, à la suite de l'adoption de la présente convention, de gérer le dépôt légal des oeuvres audiovisuelles sur support numérique, dont la BNF est actuellement dépositaire. Il se prépare depuis deux ans à recevoir, dans son site de Bois-d'Arcy, ces oeuvres sur support numérique, dont le stockage et la conservation sont moins onéreux que ceux des oeuvres argentiques, car les données peuvent être stockées sur disque dur.

La collecte des films par le CNC a concerné 881 titres en 2005, contre 869 titres en 2004.

L'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, quant à lui, gère un fonds d'images et de sons constitué des archives des chaînes publiques de radio et de télévision, depuis leur création. S'y ajoute, depuis le 1er janvier 1995, le dépôt légal auquel est astreint l'ensemble des diffuseurs nationaux hertziens de télévision privée et publique, ainsi que les cinq chaînes nationales de Radio France.

Ce dépôt légal représente, annuellement, plus de deux millions de documents, dont 700 000 heures de télévision et 400 000 heures de radio.

L'utilité de ce dispositif trouve une preuve éclatante, s'il en était besoin, dans l'extraordinaire succès auprès du public de la mise en ligne d'archives audiovisuelles sur le site internet de l'Institut national de l'audiovisuel.

L'extension, par la présente convention, à l'ensemble des États membres du Conseil de l'Europe de dispositifs existant dans notre pays permettra une meilleure collecte et une préservation accrue d'oeuvres soit artistiques, soit reflétant la vie quotidienne des pays européens.

Cette convention marque également l'avancée de l'Europe de la culture et l'attractivité du modèle français de politique culturelle.

Aujourd'hui, nous connaissons tous la part dominante que prend l'image, tant pour sa création que pour sa diffusion auprès du grand public, dans l'environnement culturel de nos concitoyens. À travers cette convention, c'est, très largement, l'avenir de la transmission culturelle qui est en jeu. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande de l'adopter.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Je souhaite simplement appuyer les propos que vient de tenir Mme Catherine Tasca.

J'ai connu, en tant que journaliste, les débuts de la télévision. Je me souviens de l'école des Buttes-Chaumont, à une époque où la télévision se faisait « en direct ». On répétait, puis on tournait. Il existe là un capital de culture française et internationale étonnant ! Les hommes qui y ont participé ont, pour l'essentiel, disparu. Je pense notamment à Lorenzi, Prat, Barma ou Kerchbron, ainsi qu'à beaucoup d'autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Peu d'entre eux vivent encore, comme Dumayet, Tchernia ou Bluwal.

Quand on va à la Grande bibliothèque pour assister, par exemple, lors de soirées-débats organisées sur initiative conjointe de la Grande bibliothèque et de l'INA, à la projection d'oeuvres de Bluwal, on est ému par les documents que l'on retrouve à cette occasion.

Mais tout dépend de la qualité de l'image conservée. Certaines d'entre elles se trouvaient en grand péril voilà encore quatre ans ou cinq ans. Le nouveau directeur de l'INA, de ce point de vue, a effectué un travail énorme, qui n'était d'ailleurs pas très populaire. Il a, en effet, concentré ses crédits sur la restauration de ces documents. C'est que, avant d'aller plus loin, il fallait s'assurer que la voiture avait bien ses quatre roues ! L'action du directeur de l'INA a donc été capitale pour permettre l'accès à des oeuvres anciennes.

Quand on a un certain âge - c'est mon cas ! -, on est ému de retrouver ces images du passé. Nous devons d'ailleurs être des millions dans ce cas ! Au demeurant, les jeunes ont grand besoin de découvrir ce travail, car il n'y a pas d'autre solution que de se souvenir de l'avenir !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Est autorisée l'approbation de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et de son protocole sur la protection des productions télévisuelles, adoptés à Strasbourg le 8 novembre 2001, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 27 novembre 2003 établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention (nos 157, 355)

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Office européen de police, ou Europol, a pour but d'améliorer l'efficacité des services de police européens et leur coopération, de manière à lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité internationale.

À l'origine, ses activités étaient limitées à la lutte contre la drogue. Aujourd'hui, le champ d'action d'Europol couvre plus d'une vingtaine d'infractions, comme le terrorisme, les homicides volontaires, le trafic d'armes ou encore la criminalité informatique et la criminalité contre l'environnement.

Les missions essentielles d'Europol sont l'échange d'informations, leur analyse et un soutien opérationnel aux services nationaux de police. La compétence de l'office peut s'exercer dès lors que deux États membres de l'Union au moins sont concernés et qu'une organisation criminelle est impliquée.

Prévu dans le traité de Maastricht, cet office a été créé par une convention du 26 juillet 1995, entrée en vigueur en octobre 1998 et révisée par cinq protocoles successifs. Dernier en date, le protocole du 27 novembre 2003 est également le seul que la France n'ait pas encore ratifié. Fruit d'une initiative danoise, ce protocole témoigne de la volonté de permettre à Europol de jouer efficacement son rôle de pivot de la coopération policière européenne, en simplifiant et en améliorant certaines de ses procédures.

Les principales modifications apportées concernent l'étendue du champ de ses compétences. Le protocole prévoit, « [...] lorsqu'il y a raisonnablement lieu de croire qu'une organisation criminelle est impliquée », la possibilité de contacts directs entre des services nationaux et Europol, la consultation directe, mais limitée, du Système d'information Europol, ou SIE, par ces services nationaux, la simplification des modalités de création des fichiers de travail à des fins d'analyse et le renforcement du contrôle des demandes de données, notamment par le renforcement du rôle du Parlement européen vis-à-vis d'Europol.

Le Parlement pourra, par exemple, entendre un représentant de la présidence du Conseil de l'Union européenne, éventuellement assisté du directeur d'Europol, sur toute question générale liée à l'Office. En outre, la coopération avec Eurojust sera intensifiée, par la voie d'accord entre les deux organes.

L'article 2 du protocole prévoit les conditions de son entrée en vigueur, qui se fait quatre-vingt-dix jours après que le dernier État membre a notifié au Conseil l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises pour l'adoption de ce protocole. À la fin du mois de mai dernier, cinq États membres, outre la France, étaient encore dans cette situation.

En résumé, ce protocole devrait contribuer à renforcer le rôle opérationnel d'Europol au service de la coopération policière en Europe. C'est pourquoi les chefs d'État et de Gouvernement européens ont souligné, à plusieurs reprises depuis les attentats de Madrid de mars 2004, l'urgence qui s'attache à son entrée en vigueur.

Telles sont les principales observations qu'appelle le protocole établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un office européen de police, ou convention Europol, modifiant ladite convention, fait à Bruxelles le 27 novembre 2003. Dans la mesure où il comprend des dispositions de nature législative, ce protocole est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de André Rouvière

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, le présent texte, qui concerne l'Office européen de police, est d'une importance particulière.

Europol a été créé en 1995 par les quinze pays membres de l'Union européenne de l'époque pour renforcer leur coopération en matière de lutte contre les formes les plus graves de criminalité internationale.

L'Office a rapidement vu sa légitimité reconnue, notamment en raison de la qualité de son travail. La pression accrue de la criminalité transfrontalière dans l'ensemble européen a conduit à renforcer, par deux fois déjà, ses compétences.

Le présent texte est le troisième à accentuer le caractère opérationnel d'Europol, en procédant à une série de modifications ponctuelles. Il manifeste la reconnaissance, par un nombre croissant d'États membres, de l'efficacité d'Europol. C'est notamment le cas de la France, qui, initialement réservée face à cette institution, manifeste aujourd'hui une vision plus positive de son action.

M'étant rendu personnellement au siège d'Europol, à La Haye, le 15 mars dernier, j'ai pu mesurer l'efficacité de la synthèse effectuée par les services d'Europol à partir des informations fournies par les États membres, et me réjouir que le présent texte étende les capacités de consultation des nombreux fichiers d'informations constitués par Europol.

Cependant, madame la ministre déléguée, j'ai constaté aussi que la France était sous-représentée numériquement, notamment dans les postes de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Rouvière

Il existe un décalage entre notre participation financière et notre participation en personnels. À mon avis, il ne faudrait pas grand-chose pour que la France retrouve la place qui devrait être la sienne, à condition de ne pas laisser la situation en l'état et de se saisir de toutes les opportunités.

Europol se présente en effet comme un outil irremplaçable pour l'échange d'informations entre États membres, auxquels se sont joints, à titre volontaire, sept pays ayant conclu des accords de coopération avec cette institution : le Canada, les États-Unis, l'Islande, la Norvège, la Suisse, la Bulgarie et la Roumanie. Par ailleurs, des accords « stratégiques » permettant des actions communes ont également été passés avec la Colombie, la Russie et la Turquie. Enfin, Europol travaille en liaison étroite avec Interpol.

On voit bien qu'Europol occupe désormais une place centrale dans l'organisation de la lutte contre la criminalité internationale et qu'il constitue un pôle majeur de regroupement d'informations sur les criminels et les trafics dans lesquels ils sont impliqués.

Son action contre la cybercriminalité mérite d'être soulignée, car cette forme moderne de criminalité risque, hélas, de se développer. Il paraît important, madame la ministre déléguée, de développer la formation de cyberpoliciers et de cyberjuristes. Il serait intéressant que vous puissiez nous donner quelques renseignements sur ces formations - même sous forme de note ultérieurement - afin que nous sachions où nous en sommes.

La commission des affaires étrangères forme le souhait que la France, qui tire, pour ses propres enquêtes, un grand bénéfice des informations synthétisées par Europol, y renforce sa présence en personnels. En 2006, seuls 37 employés sur 500 sont français, ce qui est peu au regard de la contribution financière de notre pays. Celle-ci se montait, en effet, en 2006, à 8 millions d'euros, sur un total de 63 millions, soit une proportion, appréciable, de 16 %, qui fait de la France le troisième contributeur, après l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Avant de conclure, madame la ministre déléguée, je voudrais réitérer une demande que j'ai faite au ministre présent à chaque fois que j'ai eu l'honneur de rapporter une convention ou un accord international : il serait important d'avoir, une fois par an ou tous les deux ans, une sorte de bilan de l'application de ces textes. Tous les ministres en acceptent le principe, comme notre collègue Jack Ralite le rappelait tout à l'heure à l'occasion d'un autre texte, et j'imagine que vous allez faire de même, mais, pour l'instant, ces textes que nous votons souvent dans l'enthousiasme ne font l'objet d'aucun suivi ; nous ne savons donc pas ce qu'ils deviennent.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, à l'unanimité, vous recommande, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi autorisant l'approbation du protocole modificatif.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je ne reprendrai pas ici le contenu du rapport de notre excellent collègue André Rouvière. Je m'en tiendrai, dans mon intervention, à trois observations concernant le rôle du Parlement français en matière européenne.

Je précise, madame la ministre déléguée, si besoin était, que les observations que je vais faire ne vous sont pas personnellement destinées ; elles illustrent cependant ce que le Conseil d'État stigmatise régulièrement dans ses rapports sur l'administration française et l'Europe.

Première observation, pourquoi avoir tant tardé à présenter ce projet de loi ? Le protocole modifiant la convention instituant l'Office européen de police, Europol, a été adopté par le Conseil en novembre 2003. Or ce n'est qu'en décembre dernier que le projet de loi autorisant l'approbation de ce protocole a été déposé sur le bureau du Sénat. Fallait-il réellement deux années aux services pour rédiger l'exposé des motifs ?

J'ai tendance à croire que ce retard est surtout dû au désintérêt de l'administration française pour tout ce qui concerne l'Union européenne, et cela d'autant plus que j'ai relevé une curieuse coquille dans l'exposé des motifs. Il y est fait référence « au traité sur la Constitution européenne qui sera soumis à la ratification par voie référendaire au printemps 2005 ». Je doute que les services concernés aient ignoré le résultat du référendum du 29 mai dernier ! J'en déduis donc que ce projet de loi sommeillait dans les tiroirs d'un ministère depuis plusieurs mois ...

Vérification faite, le Conseil d'État a rendu son avis le 8 décembre 2005, le conseil des ministres a adopté le projet de loi le 11 janvier 2006, lequel a été déposé sur le bureau du Sénat le même jour. Étant donné que le texte doit encore être examiné par l'Assemblée nationale, il aura fallu, en définitive, au moins trois ans pour approuver une simple convention !

Au moment où la France traverse une période que l'on peut qualifier d'assez délicate au niveau européen, cette attitude n'est pas de nature à améliorer l'image de notre pays auprès de nos partenaires, vous en conviendrez, madame la ministre déléguée.

En effet, la quasi-totalité des autres États membres ont d'ores et déjà approuvé ce protocole, et notre pays est régulièrement montré du doigt à Bruxelles. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner - le rapporteur vient de le souligner à juste titre - que notre pays, troisième contributeur au budget d'Europol, avec une contribution de l'ordre de 8 millions d'euros, n'arrive qu'au sixième rang des nationalités qui composent le personnel d'Europol et, surtout, qu'aucun Français n'occupe un poste de responsabilité !

Ma deuxième observation porte sur la place réservée aux questions européennes dans notre assemblée.

La plupart des sujets évoqués en séance publique présentent une dimension européenne plus ou moins prononcée. C'est le cas des conventions européennes, des projets de loi de transposition des directives, mais aussi d'un grand nombre de projets ou de propositions de loi. Or, la plupart du temps, l'aspect européen est largement occulté dans nos débats. Il en va ainsi des textes qui ont fait l'objet, avant leur adoption, de résolutions adoptées par notre assemblée.

Ainsi le protocole sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer a fait l'objet, lors de son élaboration, d'une proposition de résolution qui a été examinée et adoptée par la commission des lois du Sénat. J'ajoute que le rapporteur de cette proposition de résolution était notre collègue Alex Türk, qui est l'ancien président de l'Autorité commune de contrôle d'Europol et qui connaît donc particulièrement bien ces questions. Or je constate qu'il n'est fait nulle part mention de ces travaux du Sénat.

Tout se passe comme si les travaux antérieurs du Sénat n'avaient pas existé. Nous avons trop souvent le sentiment d'être saisis pour la pure forme, sans qu'il soit tenu compte de nos résolutions.

L'Assemblée nationale vient de modifier son règlement afin de mieux prendre en compte cette dimension européenne. Dorénavant, les rapports faits sur un projet ou une proposition de loi portant sur les domaines couverts par l'activité de l'Union européenne comporteront en annexe des éléments d'information sur le droit européen applicable ou en cours d'élaboration, ainsi que les positions prises par l'Assemblée par voie de résolution.

Sera-t-il nécessaire de suivre l'exemple de l'Assemblée nationale et d'aller jusqu'à réviser notre règlement pour modifier nos pratiques ?

Enfin, ma troisième et dernière observation porte sur le fond et concerne la place des Parlements nationaux, et donc du Parlement français, dans le contrôle d'Europol. En effet, c'est sur cette unique question que portait la résolution adoptée par notre assemblée. À cet égard, je voudrais rappeler brièvement les différentes étapes.

Ce protocole est issu d'une initiative du Danemark. Lorsqu'il a été déposé devant le Conseil, le texte initial rendait possible la création d'une commission composée de représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux pour « examiner les questions liées à Europol ». La création d'une telle commission avait été proposée par la première conférence interparlementaire de La Haye sur Europol, en juin 2001.

Toutefois, au cours des négociations au sein du Conseil, cette disposition a été modifiée et le contrôle par les Parlements nationaux a été supprimé. C'est la raison pour laquelle le Sénat et sa commission des lois avaient adopté une résolution « appelant le Gouvernement à s'opposer à l'adoption de ce texte tant que n'aura pas été inscrite une disposition permettant la création d'une commission, composée en particulier de parlementaires nationaux, chargée d'examiner les questions liées à Europol et de procéder à la comparution du directeur d'Europol ».

Par la voix de notre représentant permanent auprès des institutions européennes, la France a tenté, sans succès, de réintroduire cette disposition afin d'associer les Parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Nous n'avons pas pu avoir satisfaction, mais la France a obtenu une déclaration précisant que l'adoption de ce protocole est sans préjudice des droits des Parlements nationaux et de futurs arrangements concernant le contrôle des activités d'Europol par le Parlement européen et les Parlements nationaux.

L'idée que les Parlements nationaux doivent être associés au contrôle des activités d'Europol est largement partagée.

La coopération policière porte sur des questions très sensibles qui touchent directement aux droits des individus.

C'est pourtant sur ces questions de sécurité et de justice - souvenez-vous du référendum sur la Constitution européenne - que les attentes sont les plus fortes et que l'opinion publique estime, à juste titre, que l'Europe n'en fait pas assez dans ce domaine.

Vous conviendrez, madame la ministre déléguée, qu'il est légitime, dans une démocratie, que le Parlement exerce un droit de regard sur les services de police. Au demeurant, s'agissant d'un domaine qui relève jusqu'à nouvel ordre de la coopération intergouvernementale, tout le monde s'accorde sur la nécessité d'associer les parlements nationaux au contrôle d'Europol.

Je le rappelle, la Commission européenne et le Parlement européen y sont favorables, tout comme d'ailleurs l'Assemblée nationale et les autres Parlements, britannique, néerlandais ou danois, notamment.

J'ajoute que la Constitution européenne prévoyait que le Parlement européen et les Parlements nationaux s'associent au contrôle d'Europol, et le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire lui-même, M. Sarkozy, s'était prononcé en ce sens lors d'une audition devant le Sénat.

Dans ce contexte, je dois vous avouer, madame la ministre déléguée, ma surprise et aussi mon inquiétude à l'égard des discussions qui se déroulent actuellement au niveau européen à propos de l'avenir d'Europol et à l'égard de la position défendue par le Gouvernement.

En effet, la présidence autrichienne a lancé un vaste débat sur l'avenir d'Europol. Parmi les pistes évoquées figurent notamment le remplacement de la convention institutive d'Europol par une décision du Conseil, l'élargissement de ses compétences et un accroissement de son rôle opérationnel, notamment en liaison avec les équipes communes d'enquête.

Cette réflexion a donné lieu à des conclusions sur l'avenir d'Europol, qui ont été adoptées lors du dernier Conseil « Justice et affaires intérieures » des 1er et 2 juin dernier. Or à aucun moment et dans aucun document on ne trouve une référence quelconque au contrôle démocratique d'Europol par les Parlements nationaux. Au contraire, et pis encore, les Parlements nationaux se verraient privés du droit d'autoriser ou non toute modification de la convention Europol.

Je voudrais donc savoir, madame la ministre déléguée, si le Gouvernement entend respecter ses engagements, en faisant valoir la nécessité d'un contrôle d'Europol par les Parlements nationaux.

Cette question est d'autant plus importante que les activités de l'Office européen de police vont prendre à l'avenir, comme M. le rapporteur l'a souligné, un caractère de plus en plus opérationnel.

L'association des Parlements nationaux n'est pas une question accessoire. À mes yeux, c'est une condition de la légitimité d'Europol. Il n'est pas acceptable qu'un tel organisme se trouve en dehors d'un véritable contrôle parlementaire.

D'une manière plus générale, la réhabilitation de la fonction politique et parlementaire dans notre pays passera nécessairement par un rééquilibrage institutionnel, afin que le Parlement trouve sa juste place et que les positions, propositions, suggestions et critiques, au sens le plus noble du terme, du Sénat et de l'Assemblée nationale soient entendues par le Gouvernement et soient prises en compte par les administrations.

Même si mes propos peuvent gêner un certain nombre de mes collègues, je n'aurais pas été dans mon rôle et n'aurais pas assumé mes responsabilités de parlementaire si j'avais passé sous silence les constatations que j'ai faites lors de l'examen du protocole modifiant la convention Europol.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée

Monsieur Haenel, je tiens à vous dire que, sur les vingt-cinq États membres d'Europol, l'Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Belgique et l'Allemagne n'ont pas encore ratifié le présent protocole. La France n'est donc pas à pointer du doigt dans le processus de ratification qui est ici engagé.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous nous faites part de votre inquiétude quant au manque de contrôle démocratique des parlements nationaux sur les activités d'Europol.

Je souhaite, tout d'abord, rappeler que, si les travaux du groupe Europol qui ont conduit à la rédaction de ce protocole n'ont certes attribué aucun droit de regard aux Parlements nationaux, il n'en demeure pas moins vrai que le contrôle démocratique de l'Office européen de police s'est vu élargi et renforcé par les nouvelles dispositions prévues aux articles 32 bis et 34 de la convention. Ce contrôle sera renforcé via un accès des documents de l'Office au public.

En effet, l'article 32 bis obéit à la logique de transparence vis-à-vis du public et de contrôle démocratique prônée par les institutions de l'Union européenne. En outre, le nouvel article 34 dispose que le Parlement européen sera, d'une part, annuellement destinataire d'un rapport spécial sur les travaux menés par Europol, et qu'il pourra, d'autre part, entendre le commissaire chargé de la justice et des affaires intérieures ainsi que le directeur d'Europol sur les sujets ayant trait à l'action de l'Office européen de police.

Ensuite, je crois que l'orientation des travaux en cours sur l'avenir d'Europol au niveau européen est de nature à vous rassurer.

En effet, ces travaux partent du constat établi par la présidence autrichienne selon lesquels les trois protocoles successifs visant à améliorer l'action d'Europol ne sont toujours pas entrés en application, faute de ratification par l'ensemble des États membres. Ces protocoles portaient pourtant sur l'extension de la compétence d'Europol au blanchiment et sur la participation de l'Office européen de police aux équipes communes d'enquête, questions purement opérationnelles visant à doter Europol des moyens lui permettant de lutter plus efficacement contre le crime organisé.

Tant les États membres qu'Europol sont persuadés que l'Office européen de police ne peut plus se permettre d'être, eu égard au caractère ultra-dynamique de la criminalité organisée en Europe, en décalage au niveau de ses moyens et des instruments mis à sa disposition.

Une réflexion sur l'avenir d'Europol, notamment sur le cadre juridique même de la convention, a été lancée sous la présidence autrichienne. Le Conseil « Justice et affaires intérieures » des 1er et 2 juin 2006 a décidé de finaliser la ratification des trois protocoles d'Europol et de commencer leur mise en oeuvre avant la fin de 2006.

À la fin de l'année 2006, la présidence finlandaise fera le point. Au début de l'année 2008, les États membres entameront une réflexion visant à améliorer le fonctionnement d'Europol.

Quant au bilan d'Europol, monsieur le rapporteur, je vous indique que la France est jusqu'à ce jour en tête des utilisateurs d'Europol, non seulement pour ce qui concerne les fichiers d'analyse, mais également pour les cas initiés, les affaires, les enquêtes, ainsi que pour l'utilisation d'échanges multilatéraux. Nous utilisons le mieux le potentiel d'Europol et le bureau de liaison français est le plus actif d'Europol.

Au total, cet investissement massif de nos services nationaux porte ses fruits puisque de nombreuses enquêtes se sont conclues, en 2005, par des arrestations et le démantèlement de réseaux au bénéfice de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Est autorisée l'approbation du protocole établi sur la base de l'article 43, paragraphe 1, de la convention portant création d'un Office européen de police (convention Europol) modifiant ladite convention, adopté à Bruxelles le 27 novembre 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire (n°s 293, 327).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 26 avril 1986, survenait la catastrophe de Tchernobyl, dont nous avons célébré cette année le vingtième anniversaire.

Cet effroyable accident nucléaire a fait naître de nouvelles préoccupations, notamment en matière de réparation des dommages. Il a en effet révélé la nécessité de moderniser en profondeur le régime international de la responsabilité civile nucléaire, qui avait été élaboré dans les années soixante, et ce afin d'assurer une meilleure protection des victimes d'accident nucléaire et de mieux prendre en compte les effets transfrontières de ces accidents.

C'est pour répondre à cet objectif que les membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques qui étaient parties à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile nucléaire et à la convention complémentaire du 31 janvier 1963 ont engagé des négociations, qui ont abouti à la signature, le 12 février 2004, de deux protocoles.

La France, dont la législation en matière de responsabilité civile nucléaire était plus exigeante pour les exploitants et plus généreuse pour les victimes que ne l'exigeait le régime international, a joué un rôle très actif dans ces négociations. Ces deux textes internationaux permettront, une fois en vigueur, de disposer de moyens accrus de réparation pour indemniser un plus grand nombre de victimes, sur la base d'une définition élargie des dommages ; ils apportent donc d'incontestables améliorations au régime existant.

La première modification notable réside certainement dans l'élargissement de la notion de « dommage nucléaire », qui n'inclut plus seulement les dommages aux personnes et aux biens, mais comprend également les dommages immatériels, le coût des mesures de sauvegarde et celui des mesures de restauration d'un environnement dégradé, ainsi que d'autres pertes qui étaient susceptibles de représenter une part importante des dommages résultant d'un accident nucléaire.

Par ailleurs, le champ des activités couvertes par la convention a été étendu pour garantir la réparation du plus grand nombre de dommage possible. Les installations d'évacuation des déchets radioactifs, de même que les installations en cours de déclassement, ont ainsi été insérées dans la définition d' « installation nucléaire ».

Enfin, d'autres mesures visent à contribuer à renforcer la protection des victimes et à prendre en compte la dimension internationale des accidents nucléaires.

Dans le régime actuel, la réparation d'un dommage n'est possible que si l'accident nucléaire est survenu sur le territoire d'une partie contractante et si le dommage y est subi. Le nouveau protocole permettra, en revanche, d'indemniser les dommages subis par des États non parties aux conventions. La condition - peu restrictive - est que ces derniers n'aient pas d'installation nucléaire sur leur territoire ou dans leur zone maritime. Les États côtiers placés sur les routes maritimes qu'empruntent nos transports de matières radioactives bénéficieront notamment de ce nouveau dispositif.

L'approbation de ces instruments par la France donnera donc à ces États les garanties qu'ils réclament et favorisera, nous l'espérons, l'acceptation de ces transports qui participent du bon fonctionnement de notre industrie nucléaire et de celle de nos partenaires.

La seconde amélioration très notable qu'apportent ces instruments réside dans la modification des modalités financières de la réparation et dans l'augmentation des trois tranches de réparation qui sont alimentées par l'exploitant, par l'État de l'installation, et par un fonds international constitué par les parties contractantes.

La première tranche sera portée à 700 millions d'euros, contre 18 millions d'euros actuellement ; la deuxième sera comprise entre 700 millions d'euros et 1, 2 milliard d'euros ; enfin, la troisième portera la réparation totale à 1, 5 milliard d'euros, contre 152 millions d'euros dans le cadre actuel.

Pour toutes ces raisons, les deux protocoles aux conventions sur la responsabilité civile nucléaire renforceront de manière significative le régime international en la matière. Il importe que nous fassions le nécessaire pour permettre une entrée en vigueur aussi rapide que possible de ces dispositions, alors qu'un nombre accru d'États reconnaissent la contribution que peut apporter l'énergie nucléaire pour satisfaire les besoins énergétiques et les exigences du développement durable.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les protocoles à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile nucléaire et à la convention complémentaire du 31 janvier 1963, qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a, le 3 mai dernier, examiné ce projet de loi visant à autoriser l'adhésion de la France à deux accords multilatéraux sur la responsabilité civile dans le domaine nucléaire au moment même où - vingt ans après - l'attention se portait de nouveau sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986.

La gravité exceptionnelle de cet accident, sans équivalent dans l'histoire de l'énergie nucléaire, soulève aujourd'hui encore de multiples questions.

Certaines sont en lien direct avec notre débat d'aujourd'hui dans la mesure, notamment, où il apparaît clairement que les conséquences d'un accident nucléaire peuvent dépasser largement les frontières d'un État.

L'amélioration des règles internationales constitue donc une nécessité, tant dans le domaine de la prévention - au travers des normes de sûreté - que, le cas échéant, dans le domaine de la réparation des dommages.

Les années qui ont suivi l'accident de Tchernobyl ont été marquées par un renforcement des conventions internationales relatives à l'énergie nucléaire, tels les deux protocoles signés à Paris le 12 février 2004 dans le cadre de l'Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE.

Je ne reviendrai pas sur les différentes améliorations apportées par ces protocoles au régime de responsabilité civile de la Convention de Paris, à laquelle adhèrent la France et les autres pays d'Europe occidentale, car je les ai détaillées dans mon rapport écrit et Mme la ministre déléguée vient de les rappeler.

Ces améliorations portent sur une extension notable des risques couverts, grâce à une définition plus large du dommage nucléaire, à la possibilité d'indemniser des pays par lesquels transitent des matières nucléaires et à l'allongement à trente ans du délai de prescription en cas de décès ou de dommage aux personnes.

Ces améliorations résultent également, et surtout, du relèvement du montant des indemnisations pour chacun des trois niveaux de réparation : l'exploitant, l'État de l'installation et le Fonds international d'indemnisation.

Le montant total des indemnisations sera ainsi pratiquement multiplié par dix et atteindra 1, 5 milliard d'euros.

La commission des affaires étrangères a pleinement approuvé ces deux protocoles qui renforcent notablement la couverture du risque nucléaire, même si ce régime de responsabilité civile demeurerait insuffisant - hélas ! - dans le cas où une catastrophe exceptionnelle, comparable à celle de Tchernobyl, venait à se produire.

Il faut également souligner que, avant même l'achèvement de la procédure de ratification, la France - nous devons en être fiers - a mis sa législation en accord avec les protocoles.

En effet, le Sénat, sur l'initiative de sa commission des affaires économiques, a adopté, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire un amendement allant dans ce sens et qui est devenu l'article 55 de la loi du 13 juin 2006.

Cette loi, tout comme celle sur la gestion durable des déchets radioactifs, également définitivement adoptée par le Parlement au cours de cette session, démontre que notre pays continue de perfectionner le cadre législatif, réglementaire et administratif déjà très étoffé qui régit les activités nucléaires.

L'amélioration des législations nationales et le renforcement de l'encadrement international des activités nucléaires paraissent aujourd'hui indispensables.

On constate en effet de par le monde un regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire - en particulier en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, comme nous l'avons constaté lors de la réunion entre le Premier ministre britannique et le Président de la République.

Ce phénomène très intéressant et positif contribuera, compte tenu du renchérissement des énergies fossiles, à réaliser des économies et à lutter contre le réchauffement climatique.

Pour conclure, je veux une nouvelle fois insister sur l'ampleur des efforts accomplis par notre pays pour renforcer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires.

Je tiens à rendre un hommage particulier à EDF et à ses personnels, qui ont développé les procédures de contrôle interne de façon extrêmement approfondie, compétente et sérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, pour l'ensemble des raisons que je viens de développer, la commission des affaires étrangères vous demande d'adopter ce projet de loi autorisant l'approbation des deux protocoles du 12 février 2004 modifiant les conventions de l'OCDE sur la responsabilité civile nucléaire. (Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Est autorisée l'approbation du protocole portant modification de la convention du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, fait à Paris le 12 février 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.

L'article 1 er est adopté.

Est autorisée l'approbation du protocole portant modification de la convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, fait à Paris le 12 février 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi. -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle l'examen de sept projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales, pour lesquels la conférence des présidents a retenu une procédure simplifiée.

Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, comme vous le savez, la conférence des présidents a engagé depuis plusieurs mois une réflexion sur l'amélioration du travail sénatorial.

Dans ce cadre, lors de sa réunion du 31 mai dernier, elle a approuvé à l'unanimité la proposition de M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, consistant à expérimenter une procédure d'examen simplifiée de certaines conventions internationales.

Selon cette procédure, les projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales sont directement mis aux voix par le président de séance, sans intervention, chaque groupe politique gardant la possibilité de demander l'application de la procédure habituelle dans un délai fixé par la conférence des présidents.

La conférence des présidents a décidé d'appliquer cette procédure à sept projets de loi inscrits à notre séance de ce jour.

La présidence n'a reçu aucune opposition à la mise en oeuvre de la procédure simplifiée dans le délai requis.

En conséquence, je vais mettre successivement aux voix ces sept conventions.

Est autorisée l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel, signée à Strasbourg le 24 janvier 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention européenne sur la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d'accès conditionnel (nos 448, 2004-2005, 368).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation du protocole n° 2 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale, fait à Strasbourg le 5 mai 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation du protocole n° 2 à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales relatif à la coopération interterritoriale (nos 150, 282).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers, signé à Luxembourg le 26 octobre 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre la Communauté européenne et ses État membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (nos 201, 356).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Pékin le 8 janvier 2004, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (nos 222, 283).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, fait à Londres le 2 mai 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion au protocole modifiant la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes (nos 294, 395).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation du traité sur le droit des marques, adopté à Genève le 27 octobre 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du traité sur le droit des marques (nos 295, 328).

Le projet de loi est définitivement adopté.

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin, signé le 9 décembre 2003 à Bruxelles et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement du Royaume de Norvège et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la propriété commune d'un système de sauvetage sous-marin (nos 325, 396).

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (nos 383, 409).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives achève aujourd'hui devant vous un parcours aussi diligent que consensuel.

Je me réjouis que chacune des deux assemblées ait accordé à ce texte toute l'importance qu'il requiert : non seulement il aura pu être examiné en moins de trois mois - cette proposition de loi a été déposée le 29 mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale - mais il n'a rencontré aucune opposition, ni sur les bancs de l'Assemblée nationale ni sur les travées du Sénat.

Aussi, permettez-moi de remercier, au nom du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, l'ensemble des députés et des sénateurs qui se sont ainsi associés à l'initiative du groupe UMP de l'Assemblée nationale.

Je veux saluer, en particulier, le travail remarquable effectué par les rapporteurs respectifs des deux assemblées, MM. Philippe Goujon et Claude Goasguen.

Si ce texte a rencontré une telle adhésion, c'est que chacun en mesure les enjeux. Il s'agit, au moyen de nouveaux outils opérationnels, de lutter plus efficacement contre les formes les plus détestables et les plus insidieuses de la violence des hooligans. Car cette violence, aujourd'hui, gangrène le sport le plus populaire de notre pays : le football !

Certaines tribunes, nous le savons, sont devenues le théâtre de luttes d'influence entre groupes rivaux dont la brutalité s'exprime sans limite et répand dans nos stades les relents de l'idéologie la plus nauséabonde, venue des bas-fonds de l'extrême droite !

Face à ces violences inacceptables, nous avons mis en oeuvre trois types de réponses, que je voudrais rappeler en quelques mots.

La première réponse est la mobilisation d'importantes forces de maintien de l'ordre : pour les matchs à risque, jusqu'à 2 000 fonctionnaires de police sont parfois appelés en renfort.

La deuxième réponse est l'identification individuelle des hooligans. Depuis le mois de février, un coordonnateur national chargé du football, au sein de la direction générale de la police nationale, supervise la nouvelle organisation opérationnelle mise en place avec la Ligue de football professionnel.

Le travail de ciblage effectué notamment grâce à la vidéosurveillance se double d'un effort d'interpellations très soutenu. En effet, 512 personnes ont été interpellées à l'occasion du championnat 2004-2005 de Ligue 1, et 504 personnes lors de la saison 2005-2006.

La troisième réponse, enfin, est l'interdiction administrative de stade. Grâce à un amendement à la loi du 23 janvier 2006, les préfets peuvent désormais interdire à un individu violent d'assister à un match et de fréquenter les abords du stade. Soixante-dix mesures d'interdiction administrative ont été prises à ce jour. Les premiers résultats sont encourageants pour une raison simple : les individus visés, tenus éloignés des stades, ne peuvent les perturber !

Cependant, notre arsenal juridique comportait encore une lacune importante. Cette proposition de loi vient la combler en permettant la dissolution par décret d'une association ou d'un groupement dont les caractéristiques sont précisément celles du hooliganisme, mais qui ne sont que celles du hooliganisme.

Oui, il faut mettre hors d'état de nuire ces groupes de hooligans, qui, au mépris des valeurs du sport, au mépris des lois de la République, viennent perturber les matchs !

Le nouveau dispositif de dissolution administrative sera à la fois opérationnel et respectueux des libertés publiques, puisque la procédure de dissolution aura un caractère contradictoire. Les personnes concernées auront le droit de présenter leur défense devant une commission spécialement créée à cette fin, à savoir la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. La composition de cette commission a été utilement précisée par les deux assemblées ; son indépendance et sa compétence se trouvent ainsi pleinement garanties.

J'ajoute que la discussion du texte dans chacune des deux chambres a été ouverte et fructueuse ; elle a permis de l'enrichir et de l'affiner.

Qu'il s'agisse de demander aux réservistes de la police nationale de participer à la prévention de la violence dans le monde sportif amateur, de renforcer le régime des interdictions judiciaires de stade en prévoyant une obligation de pointage, de communiquer aux fédérations sportives les noms des personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative de stade ou de veiller à ce que les systèmes de vidéosurveillance installés dans les enceintes sportives soient en état de marche, les amendements présentés en première lecture à l'Assemblée nationale ont utilement complété le texte.

Pour sa part, le Sénat, en plein accord avec le Gouvernement, a judicieusement élargi la composition de la commission nationale consultative. Vous avez également procédé à un renforcement ciblé des sanctions pénales en cas de reconstitution de groupes dissous pour les motifs les plus graves, tenant à la haine ou à la discrimination. Il faut remercier le rapporteur de la Haute Assemblée, M. Philippe Goujon, d'avoir été à l'initiative de cet amendement particulièrement bienvenu.

Compte tenu de ce travail constructif, compte tenu du résultat consensuel auquel il a permis d'aboutir, le texte adopté par le Sénat en première lecture a été adopté en l'état par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, à l'exception d'une modification formelle qui justifie que la Haute Assemblée en soit à nouveau saisie aujourd'hui.

Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a en effet inséré les dispositions du projet de loi dans le code du sport, qui a été publié par une ordonnance du 23 mai.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans notre société qui, trop souvent, s'interroge et doute d'elle-même, le sport reste une activité exemplaire. Nécessaire à l'équilibre de chacun, le sport est également une chance pour la cohésion sociale, car il est porteur de ces valeurs qui nous font avancer, individuellement et collectivement : le dépassement de soi, l'esprit d'équipe, le respect de l'autre.

Au nom du Gouvernement, je me réjouis que le Parlement, en adoptant cette proposition de loi dans un esprit consensuel, montre sa détermination à défendre les valeurs du sport.

De surcroît, à quelques heures de son match en huitième de finale de la Coupe du monde, permettez-moi de voir dans ce texte un encouragement donné à l'équipe de France de football. Le vote de la Haute Assemblée sera un soutien pour les joueurs qui, ce soir, défendront les couleurs nationales à Hanovre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Monsieur le ministre délégué, je sais tout l'intérêt que vous attachez à la promotion des activités sportives dans notre pays, en qualité de membre du Gouvernement bien sûr, mais aussi à titre personnel. Chacun connaît en effet votre passé prestigieux de champion sportif.

Et quelle heureuse coïncidence - vous l'avez d'ailleurs rappelée - que l'examen de ce texte en deuxième lecture le jour même d'un match du Mondial particulièrement attendu dans cet hémicycle et dans tout le pays, notamment à Marseille, monsieur le président.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Le 29 mai 1985, 400 millions de téléspectateurs prenaient conscience, en direct, de la réalité de la violence dans les stades européens.

Lors de la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, qui opposait la Juventus à Liverpool au stade du Heysel, une charge des hooligans anglais contre les supporters italiens se traduit par trente-neuf morts et des centaines de blessés.

En France, le phénomène du hooliganisme, bien que plus récent, n'est pas moins présent.

Le 28 août 1993, lors du match Paris-Saint-Germain contre Caen, un fonctionnaire de police est ainsi blessé dans la tribune Boulogne du Parc des Princes. Un rapport sur la lutte contre la violence dans les stades est établi à la demande du ministre de l'intérieur, et la loi du 6 décembre 1993 relative à la sécurité des manifestations sportives, dite loi Alliot-Marie, est alors adoptée sous le gouvernement Balladur. Celle-ci constitue la principale base législative de la lutte contre le hooliganisme dans notre pays.

Malgré cette législation et les mesures exceptionnelles qui sont prises à l'occasion de chaque compétition importante, nous avons eu à déplorer depuis lors de nombreux incidents graves. Je pense notamment à ceux qui se sont produits à Lens, lors du Mondial de 1998, au cours desquels le gendarme Nivelle devait être grièvement blessé par des hooligans allemands.

Désormais, vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le ministre délégué, tous les matchs « à risque » entraînent la mobilisation d'importantes forces de l'ordre, comme lors de la finale de la Coupe de France, qui opposa le PSG à l'OM, le 29 avril dernier, au Stade de France, où 4 000 policiers ont permis d'éviter des débordements.

Ces violences doivent être combattues sans faiblesse. Elles sont la négation même de l'esprit sportif, de cet idéal olympique que Pierre de Coubertin a su faire revivre.

Le sport est une école de démocratie, une école de la tolérance. La Charte olympique énonce que « le mouvement olympique a pour but de contribuer à bâtir un monde pacifique et meilleur en éduquant la jeunesse par le moyen du sport pratiqué sans discrimination d'aucune sorte » et dans un esprit qui « exige la compréhension mutuelle, l'esprit d'amitié, la solidarité et le fair-play ».

Le respect des principes éthiques fondamentaux universels ne peut souffrir d'exception ; il n'est pas négociable. C'est pourquoi, en préalable, je voudrais formuler trois observations avant d'examiner notre texte.

Tout d'abord, je me réjouis de l'étroite coopération européenne qui se déploie actuellement afin d'assurer la sécurité des matchs de la Coupe du monde de football, en Allemagne. Ainsi, onze policiers français en civil, que l'on appelle des spotters, sont venus joindre leurs compétences à celles de leurs collègues néerlandais, britanniques et allemands, afin de repérer les fauteurs de troubles et de les mettre hors d'état de nuire. Nous pouvons nous féliciter à cette occasion de l'action du ministère de l'intérieur.

Les moyens mobilisés sont considérables. Les hooligans, dans tous les pays d'Europe, doivent savoir que nos démocraties ne capituleront pas devant la barbarie qu'ils voudraient nous imposer.

En revanche, au nom des principes que j'invoquais il y a un instant, en particulier le respect de la dignité humaine, nous ne pouvons admettre cette violence faite aux femmes à laquelle notre Haute Assemblée, qui a encore récemment marqué son intérêt pour la lutte contre les violences conjugales et les violences faites aux femmes, est très sensible. Je veux parler de l'organisation par des réseaux criminels d'une prostitution massive accompagnant en Allemagne ce grand évènement sportif qu'est le Mondial. Nous ne pouvons que la condamner avec la plus grande énergie. Je tenais à manifester mon indignation devant la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Enfin, troisième observation, je regrette que notre commission n'ait pas retenu à ce stade la disposition conférant aux arbitres le statut d'autorité chargée d'une mission de service public, car ils sont de plus en plus victimes de violences : 400 dans l'année !

Pour renforcer leur protection, je souhaite que la proposition de loi de notre collègue Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres aboutisse dès que possible.

C'est dans ce contexte que le Sénat est aujourd'hui saisi, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Ce texte, dont l'initiative revient à notre collègue Claude Goasguen, député de Paris, vise à répondre à l'augmentation des faits de violence commis par certains groupes de supporters et de hooligans à l'occasion de manifestations sportives. Il complète heureusement la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives afin de permettre la dissolution par décret d'une association ou d'un groupement de fait de supporters dont les membres se livrent, soit à des dégradations de biens, soit à des actes de violence contre les personnes, soit à des incitations à la haine ou à la discrimination à caractère raciste et discriminatoire.

Ce décret de dissolution devrait être précédé de la consultation d'une commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives dont la présente proposition de loi prévoit également la création.

En première lecture, le 18 mai dernier, le Sénat avait conforté le texte proposé par l'Assemblée nationale sur deux points principaux.

D'une part, il avait complété la composition de la commission consultative par la désignation d'un représentant des ligues de sport professionnel. D'autre part, il avait renforcé le dispositif répressif en cas de reconstitution d'une association dissoute en prévoyant le relèvement des peines encourues lorsque la dissolution de l'association a été décidée en raison d'infractions présentant un caractère raciste ou discriminatoire, la détermination d'un régime de sanctions pénales spécifiques pour les personnes morales et la mise en place d'une peine complémentaire de confiscation des biens de l'association.

En deuxième lecture, le 8 juin dernier, l'Assemblée nationale a approuvé l'ensemble de ces modifications.

Cependant, après l'examen du texte auquel nous avions procédé, les dispositions de la loi du 16 juillet 1984 ont été codifiées par ordonnance au sein d'un nouveau code du sport. L'Assemblée nationale a donc dû modifier chaque article de la proposition de loi afin de substituer aux références de la loi du 16 juillet 1984, désormais abrogée, celles du code du sport. C'est la raison pour laquelle nous en débattons aujourd'hui.

Les modifications introduites par les députés ne revêtent donc qu'un caractère technique. Au nom de la commission des lois, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de loi sans autre modification.

En outre, je vous rappelle que ce texte est très attendu par les milieux sportifs. Ainsi, par exemple, la préfecture de police attend sa publication, désormais imminente, afin de communiquer au PSG l'identité des personnes sous le coup d'une interdiction de stade, mesure dont on attend une grande efficacité dans l'avenir, notamment lors des matchs « à risque ».

Pour conclure, n'oublions pas ce que disait Albert Camus : « Ce que je sais de plus sur la morale et les obligations de l'homme, c'est au football que je le dois. »

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la Coupe du monde de football en Allemagne tombe à point nommé, car elle coïncide avec l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

Ce soir, le coeur de millions de Français battra en souhaitant bien sûr que la France gagne.

Cela étant, je me félicite qu'en Allemagne la Coupe du monde soit placée sous le signe de la fête, de la rencontre, de l'échange, de l'amitié et de la convivialité. Le sport reste roi !

En soulignant cet évènement, je veux simplement rappeler l'état d'esprit qui prédomine au coeur des stades. C'est beau de les voir remplis, c'est bien que la joie l'emporte, que les couleurs du monde soient magnifiquement représentées.

Non par principe, mais par vérité, je tiens à saluer le travail remarquable effectué par notre rapporteur, M. Philippe Goujon. On peut voir qu'il aime le sport et qu'il le connaît bien. Cela s'est traduit dans sa précédente intervention et dans celle de ce matin.

Fondamentalement, le sport doit rester un jeu. Il comporte en cela des aléas, des incertitudes faisant partie, j'allais dire, du jeu et de l'esprit des disciplines évoluant en équipe. La dure loi du sport doit être comprise autour de ces impondérables. En effet, le sport ne peut être codifié comme un principe administratif, comme une arithmétique bien huilée. Il doit s'affermir en fonction de l'évolution et des comportements de nos sportifs.

Oui, nous le savons tous, le sport est une école de vie. Tous ceux qui s'y intéressent et qui partagent cette conviction ne peuvent que souffrir de l'exception de la violence. La violence, la haine et l'extrémisme ne font pas partie du vocabulaire des sportifs et des amoureux du sport.

Oui, le Sénat a eu raison de marquer sa différence en aggravant les peines encourues et en imaginant un régime spécifique de sanctions pénales applicables aux personnes morales.

Oui, nous avons la chance de disposer en France d'équipements sportifs de haut niveau. D'ailleurs, toutes nos collectivités locales, quelle que soit leur sensibilité politique, ont contribué indéniablement au développement et à l'attractivité de ces derniers.

Je n'évoquerai pas l'encadrement sportif. De ce point de vue, je sais que vous-même, monsieur le ministre délégué, ainsi que votre collègue M. Jean-François Lamour, ministre plus directement chargé des sports, vous battez sans relâche et avec une véritable générosité.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué Albert Camus. Cela m'a rappelé une citation de cet auteur, qui a séjourné dans mon département en 1944, dans une période difficile de sa vie. Il écrivait ceci : « La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent.»

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Nous construisons également l'avenir, me semble-t-il, avec le sport.

C'est pourquoi la violence n'a naturellement pas sa place dans cette organisation. Le législateur doit véritablement marquer sa différence pour éviter la reproduction de schémas inadmissibles, qui aboutiraient directement à des incitations à la haine ou à la discrimination raciale, sexuelle ou religieuse.

Le sport est un facteur de cohésion sociale, d'ouverture, de tolérance, d'intégration, d'engagement, et pas autre chose.

L'amour du sport ne se décrète pas. Il se vit au contraire au quotidien. Il réunit autour de lui des vertus fondamentales issues de toutes les modes et de toutes les époques de notre société.

Permettez-moi à cette occasion de rendre hommage à tous ceux qui s'investissent sans compter pour faire partager la passion du sport aux jeunes générations. Chaque semaine, ils parcourent de nombreux kilomètres, consacrent beaucoup de leur temps et s'investissent énormément pour apporter à notre jeunesse l'exemple d'une passion et l'expression d'un choix de vie. Cela donne au sport ses lettres de noblesse.

L'Assemblée nationale a fait preuve d'esprit d'équipe en ouvrant le jeu du débat parlementaire et en n'apportant que des modifications rédactionnelles. Face à certaines dérives en matière de violence, il est important que la représentation nationale ait accompagné sa réflexion d'une volonté commune, marquée par une certaine sérénité, mais également, disons-le, par une belle unité.

Oui, le sport n'a ni âge ni couleur. Il n'a pas non plus de frontières, ni de monopole. Il s'appuie sur l'envie de se dépasser, d'agir, ainsi que sur l'émulation.

Mes chers collègues, il me paraît important de ne pas oublier la mission de nos arbitres, dont l'exercice devient de plus en plus difficile. Nous devons les comprendre, les accompagner, mais également les protéger. Sans arbitres, il n'y aurait plus de match, donc plus de sport collectif.

Oui, le sport c'est l'émulation et non la ségrégation !

Le groupe de l'UC-UDF votera la présente proposition de loi avec détermination. Nous espérons parvenir à faire passer ce message : plus aucune tolérance ne sera accordée à tous ceux qui prennent les stades et le sport comme un prétexte à l'expression de leur violence et de leur haine.

Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de votre volonté de servir la France avec objectivité, détermination et compétence. Le message que vous avez adressé à l'instant en est une illustration. Je vous remercie pour le sport, pour la France sportive et pour le respect et la sécurité de tous.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ainsi que cela a été dit, nous devons cette nouvelle lecture au fait que les dispositions de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives viennent d'être codifiées par ordonnance au sein du code du sport, ce qui a entraîné l'abrogation de cette loi en tant que telle.

Un tel chassé-croisé illustre l'instabilité croissante du droit, ce qui est source de complexité et d'insécurité. Le phénomène est d'ailleurs dénoncé de longue date par les plus hautes autorités de l'État, qu'il s'agisse du Président de la République, ou des présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel ou encore du vice-président du Conseil d'État.

Toutefois, il ne s'agit pas d'intenter de mauvais procès. La codification contribue à la simplification formelle du droit, car elle clarifie et ordonne les règles applicables pour les citoyens.

La position du groupe socialiste n'a pas varié. Nous adopterons la présente proposition de loi, mais en signalant que l'ensemble des réserves que nous avions soulevées en première lecture n'ont trouvé aucun écho ni de la part du Gouvernement ni de la part du rapporteur de la commission des lois.

Je ne reviendrai pas sur les modalités de présentation de cette proposition de loi. Le Gouvernement a préféré le véhicule d'une proposition de loi plutôt que celui d'un projet de loi. Or un travail préalable et approfondi aurait permis de traiter des questions connexes.

J'insisterai sur le risque de dérives auxquelles peut conduire l'adoption de deux catégories de mesures.

Je pense à la disposition relative à la participation de la réserve civile de la police nationale à la prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives, ainsi qu'à la mesure phare de cette proposition de loi, c'est-à-dire la nouvelle dissolution administrative des associations et groupements de fait dont les membres commettent des violences lors des manifestations sportives.

S'agissant du premier point, j'avais dénoncé en première lecture une telle extension déguisée du champ d'action de cette catégorie d'intervenants, ainsi que l'absence d'information sur les modalités pratiques de ces recours, en particulier les conditions de rétribution des réservistes, alors que ces derniers sont tenus à un nombre restreint de missions.

S'agissant du second point, qui vise à permettre la dissolution par décret de toute association violente et raciste, on peut être surpris par le choix de créer une commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, alors que le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, vient de nommer un coordonnateur national chargé du football. On nous certifie qu'il ne s'agit pas là d'un énième « comité Théodule ». Nous voulons bien le croire. L'avenir le dira !

Cependant, et je le redis, le recours à une nouvelle instance de temporisation correspond à une forme d'éclatement de l'autorité de l'État. Celui-ci n'ose plus prendre directement ses responsabilités, alors qu'il dispose déjà sans conteste des moyens d'agir.

Il serait excessif d'évoquer le rétablissement de la loi du 8 juin 1970 tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, dite loi « anti-casseurs », qui permettait de poursuivre tout participant à un rassemblement interdit sans qu'il ait nécessairement commis personnellement des violences. Une telle « responsabilité collective » heurte de plein fouet un principe du droit pénal, selon lequel chacun est responsable de ses propres actes et pas de ceux de son voisin, sauf au risque d'injustices flagrantes.

Cependant, le dispositif de la présente proposition de loi, dont les objectifs sont certes louables, ouvre la voie à la mise en place d'une législation de ce type. La pression sécuritaire est telle que ce qui avait été abrogé en 1981 pourrait de nouveau sembler légitimé par les faits. En effet, la crise des banlieues et les défilés contre le contrat première embauche, le CPE, ont créé un appel d'air. Ainsi, le 18 mars 2006, un député a déposé une proposition de loi tendant au rétablissement de la loi anti-casseurs. Une telle demande est relayée par les mouvements et partis extrémistes. Évidemment ! Or il faudrait au contraire agir avec prudence et éviter d'entretenir ce climat délétère.

En outre, je regrette que le Sénat ait rejeté les garanties demandées par le groupe socialiste, qui visaient à rendre obligatoire l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, sur la mise en place des fichiers de supporters.

En effet, dans la mesure où l'application concrète des mesures judiciaires ou administratives d'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive ou de se rendre aux abords peut se traduire par l'enregistrement informatique des personnes ainsi frappées d'exclusion, il convenait de prévoir le recours à l'avis préalable de la CNIL et de le rendre obligatoire dans le texte de la proposition de loi.

Cela aurait permis de s'assurer que la mise en place de ces dispositifs se fait en parfaite conformité avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi « informatique et libertés ».

Je suis d'autant plus surpris que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, projet de loi qui sera définitivement adopté cette semaine, la commission des lois avait elle-même souhaité que, pour la gestion informatique des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, on renvoie à la loi du 6 janvier 1978.

Tout le monde connaît le rôle essentiel que joue la CNIL en matière de protection des droits et des libertés fondamentales. Il faut conforter le rôle de cette autorité administrative indépendante dans la loi chaque fois que nous le pouvons.

Je profite de cette occasion pour mentionner l'excellent rapport intitulé Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, que vient de rédiger notre collègue le doyen Gélard dans le cadre des travaux de l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

J'espère simplement que, lorsque notre collègue déclare que l'indépendance de ces organisations ne doit pas signifier l'irresponsabilité, il ne cherche pas à écorner indirectement leur autonomie et donc leur mission de contrôle.

Cela dit, et en dépit des réserves que je viens de rappeler, le groupe socialiste juge légitime l'objectif visé par cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle il émettra un vote positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Qu'aurait-il fait sans ces réserves ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

[Pour coordination]

Après l'article L. 331-4 du code du sport, il est inséré un article L. 331-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 331-4-1. - Les fédérations mentionnées à l'article L. 131-14 peuvent être assistées, dans le cadre de leurs actions de prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives à caractère amateur, par des membres de la réserve civile de la police nationale mentionnée à l'article 4 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. »

L'article 1 er A est adopté.

I. - Le premier alinéa de l'article L. 332-11 du code du sport est ainsi modifié :

1° Après les références : « L. 332-3 à L. 332-10 », sont insérés le mot et la référence : « et L. 332-19 » ;

2° Sont ajoutés deux phrases ainsi rédigées :

« La personne condamnée à cette peine est astreinte par le tribunal à répondre, au moment des manifestations sportives, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée désignée par la juridiction. Dès le prononcé de la condamnation, la juridiction de jugement précise les obligations découlant pour le condamné de cette astreinte. »

II. - L'article L. 332-13 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « manifestation sportive », sont insérés les mots : « ou qui, sans motif légitime, se soustrait à l'obligation de répondre aux convocations qui lui ont été adressées au moment des manifestations sportives » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

[Pour coordination]

Après le quatrième alinéa de l'article L. 332-16 du code du sport, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet du département et, à Paris, le préfet de police peut communiquer aux fédérations sportives agréées en application de l'article L. 131-8 et aux associations de supporters mentionnées à l'article L. 332-17 l'identité des personnes faisant l'objet de la mesure d'interdiction mentionnée au premier alinéa. »

Après l'article L. 332-17 du code du sport, il est inséré un article L. 332-18 ainsi rédigé :

« Art. L. 332-18. - Peut être dissous par décret, après avis de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

« Les représentants des associations ou groupements de fait et les dirigeants de club concernés peuvent présenter leurs observations à la commission.

« Cette commission comprend :

« 1° Deux membres du Conseil d'État, dont le président de la commission, désignés par le vice-président du Conseil d'État ;

« 2° Deux magistrats de l'ordre judiciaire, désignés par le premier président de la Cour de cassation ;

« 2° bis Supprimé ;

« 3° Un représentant du Comité national olympique et sportif français, un représentant des fédérations sportives et un représentant des ligues professionnelles, nommés par le ministre chargé des sports ;

« 4° Une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière de violences lors des manifestations sportives, nommée par le ministre chargé des sports.

« Les conditions de fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Après l'article L. 332-2 du code du sport, il est inséré un article L. 332-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 332-2-1. - Lorsqu'un système de vidéosurveillance est installé dans une enceinte où une manifestation sportive se déroule, les personnes chargées de son exploitation, conformément à l'autorisation préfectorale délivrée en application de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, et l'organisateur de la manifestation sportive s'assurent, préalablement au déroulement de ladite manifestation, du bon fonctionnement du système de vidéosurveillance.

« Est puni de 15 000 € d'amende le fait de méconnaître l'obligation fixée à l'alinéa précédent. »

Après l'article L. 332-17 du code du sport, sont insérés trois articles L. 332-19 à L. 332-21 ainsi rédigés :

« Art. L. 332-19. - Le fait de participer au maintien ou à la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une association ou d'un groupement dissous en application de l'article L. 332-18 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Le fait d'organiser le maintien ou la reconstitution, ouverte ou déguisée, d'une association ou d'un groupement dissous en application de l'article L. 332-18 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

« Les peines prévues aux premier et deuxième alinéas sont portées respectivement à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende et à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende si les infractions à l'origine de la dissolution de l'association ou du groupement ont été commises à raison de l'origine de la victime, de son orientation sexuelle, de son sexe ou de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

« Art. L. 332-20. - Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies par le présent chapitre encourent les peines suivantes :

« 1° L'amende dans les conditions prévues à l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Dans les cas prévus par les articles L. 312-14, L. 312-15, L. 312-16, L. 332-8, L. 332-9, L. 332-10, L. 332-11 (deuxième alinéa) et L. 332-19 du présent code, les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. L. 332-21. - Les personnes physiques ou morales coupables des infractions prévues par l'article L. 332-19 encourent également les peines suivantes :

« 1° La confiscation des biens mobiliers et immobiliers appartenant à ou utilisés par l'association ou le groupement maintenu ou reconstitué ;

« 2° La confiscation des uniformes, insignes, emblèmes, armes et tous matériels utilisés ou destinés à être utilisés par l'association ou le groupement maintenu ou reconstitué. » -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les critiques que nous avions exprimées en première lecture sur la proposition de loi, qui avaient motivé notre abstention, restent les mêmes et sont toujours d'actualité.

Par conséquent, je me limiterai à rappeler quelques principales remarques à l'égard de cette proposition de loi.

Permettez-moi d'abord d'émettre une observation sur la forme. Je m'étonne encore de la rapidité avec laquelle ce texte, pourtant d'origine parlementaire, aura finalement été adopté par le Parlement, c'est-à-dire, comme l'a rappelé M. le ministre délégué, moins de trois mois seulement après son dépôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Or, dans le même temps, nombre d'autres propositions de loi votées dans l'une ou l'autre de nos assemblées parlementaires ne vont jamais au terme du parcours législatif. Pire encore, certaines sont tout simplement « retoquées » dès la discussion générale.

Je voudrais ensuite faire une remarque sur le fond. Certes, nous partageons le constat : il est nécessaire de lutter contre les violences commises à l'occasion de manifestations sportives dans les stades et aux abords. En revanche, s'agissant des moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir, nous ne pouvons pas vous suivre.

Bien entendu, nous condamnons fermement de telles violences, qui prennent racine dans le racisme, l'antisémitisme ou l'homophobie. Elles salissent l'image du football français et, plus largement, celle du sport.

Cependant, je pense utile de souligner que le hooliganisme reste un phénomène marginal parmi les supporters.

Il convient également de préciser que la situation de notre championnat de football est moins noire que celle d'autres championnats européens.

En effet, la violence à l'intérieur de nos stades est plus ou moins contrôlée. On procède aux fouilles des spectateurs, on sépare les différents clubs de supporteurs, on met même à l'écart les supporters les plus furieux dans des secteurs grillagés et on a recours à la vidéosurveillance.

Pourquoi donc durcir encore la législation en vigueur et ajouter de la répression à la répression ? Vous avez recours au fichage, à l'exclusion, le tout en vous inspirant du modèle britannique. Nous connaissons pourtant les effets pervers de ce dernier. Je pense notamment au déplacement de la violence au-delà des arènes sportives et dans les divisions inférieures ou à la sélection des spectateurs par l'argent du fait de l'envolée du prix des billets d'entrée.

Selon nous, la présente proposition de loi est un texte répressif de plus, qui s'inscrit dans la lignée des autres projets de loi concoctés par le Gouvernement et dont le dénominateur commun est le « tout sécuritaire ». Il s'agit d'une loi de plus, d'une loi de trop, comme si notre pays était dépourvu de toute législation en la matière.

Afin d'être brève, je ne citerai pas toutes les lois en vigueur dans ce domaine, mais l'arsenal législatif existe bel et bien. Pourquoi y ajouter sans cesse de nouvelles lois alors que les résultats escomptés ne sont même pas au rendez-vous ?

Je pense vraiment qu'on ne combat pas le hooliganisme uniquement à coup d'articles de loi, fussent-ils désormais codifiés ! Cela vaut également pour d'autres sujets.

Plutôt que de légiférer au coup par coup, au détour de propositions de loi, pourquoi ne pas mener une réflexion plus globale avec tous les acteurs concernés - supporters, dirigeants, joueurs - sur la question de la sécurité dans les stades, mais aussi, et au-delà, sur les rapports entre le sport et l'argent ?

À cet égard, c'est peu dire que le football professionnel est malade.

Le sport le plus populaire de la planète est entré dans l'ère du business, avec ses dérives tout aussi inévitables qu'insupportables : violences, racisme, hooliganisme, mais également corruption, dopage, paris clandestins, paiements occultes, transferts douteux, matchs arrangés, comptes truqués et, aujourd'hui, prostitution organisée, comme l'a évoqué M. le rapporteur.

On le voit, on est bien loin des valeurs originelles du football, les valeurs de tolérance, d'intégration, de respect mutuel, de rapprochement entre les peuples, de lutte contre le racisme, de fair-play.

Dubitatifs hier quant au contenu de la présente proposition de loi, qui ne permettra pas à elle seule de régler le problème du racisme, des injures et autres agressions violentes dans les arènes sportives, nous le sommes tout autant aujourd'hui.

Comme lors de l'examen en première lecture, nous nous abstiendrons sur l'ensemble de ce texte. Il ne s'agit en effet que d'une proposition de loi de circonstance, d'un texte d'affichage, qui met en avant, une fois de plus, le thème de l'insécurité.

Cela étant dit, j'espère de tout coeur que l'équipe de France remportera ce soir le match qui l'opposera à l'Espagne.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous allons adopter dans quelques instants la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives, et ce dans les termes de l'Assemblée nationale.

À ce stade, je souhaite, ainsi que le groupe UMP, remercier notre excellent rapporteur, Philippe Goujon, de sa contribution essentielle en première lecture.

Ainsi, sur ses propositions, la Haute Assemblée a renforcé le dispositif répressif en cas de reconstitution d'une association dissoute.

À l'instar de mes collègues, j'insisterai sur le symbole que constitue l'adoption de ce texte aujourd'hui, en pleine Coupe du monde de football.

Cette manifestation sportive, la plus importante du monde, à l'exception des jeux Olympiques, est à chaque fois, on le sait, le théâtre d'un formidable engouement populaire, l'occasion de scènes de liesses fabuleuses, que seuls les grands événements sportifs peuvent provoquer. Mais elle est malheureusement aussi l'occasion de tous les débordements, comme l'ont récemment démontré les affrontements entre supporters anglais et allemands et les forces de l'ordre.

Aujourd'hui, un grand quotidien du matin faisait un état des lieux, assez inquiétant, du hooliganisme. Les statistiques sont saisissantes : le nombre d'infractions a progressé de 29 % par rapport à la saison passée. Mais ces statistiques sont également encourageantes. En effet, le nombre d'interpellations a progressé, lui, de 89 %. Cela prouve que, lorsque les pouvoirs publics veulent se donner les moyens d'agir, la violence n'est pas une fatalité. M. le ministre de l'intérieur nous l'a démontré sur ce sujet encore en ajoutant à la loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers une mesure permettant aux préfets d'interdire aux hooligans condamnés l'accès aux stades. Nous attendons les heureux effets que cette mesure ne manquera pas d'avoir très rapidement.

Ce texte, que le groupe UMP s'apprête à adopter, permettra ainsi de compléter notre édifice législatif et de sécuriser nos stades afin qu'ils redeviennent des lieux de fête conviviaux, où l'on pourra de nouveau se rendre en famille et partager l'esprit de compétition pacifique qui doit seul caractériser les grandes manifestations sportives.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement :

- ajoute à l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 29 juin, sous réserve de sa transmission, la proposition de loi relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 ;

- inscrit à l'ordre du jour de la séance du vendredi 30 juin la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires respectivement sur le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement et sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

En conséquence, l'ordre du jour des séances des jeudi 29 et vendredi 30 juin s'établit comme suit :

Jeudi 29 juin :

À 9 heures trente et l'après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement : déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation, sur les finances publiques et les finances sociales ;

Le soir :

- projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes ;

- sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007.

Vendredi 30 juin :

À 9 heures trente :

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information ;

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant engagement national pour le logement ;

L'après-midi : conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christian Poncelet.