Intervention de Gérard Delfau

Réunion du 18 novembre 2005 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article 37

Photo de Gérard DelfauGérard Delfau :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à l'examen de l'article 37, dont la philosophie est totalement contraire à la notion de sécurité sociale et de solidarité nationale.

Il s'agit d'instaurer une participation de 18 euros à la charge des assurés recevant, en ville ou à l'occasion d'une hospitalisation, des soins médicaux correspondant à des actes d'un coût égal ou supérieur à 91 euros.

L'application de cette mesure devrait, selon le Gouvernement, permettre une économie de 100 millions d'euros pour le régime général d'assurance maladie.

Jusqu'à présent, l'assurance maladie prenait en charge à 100 % les actes médicaux à partir d'un certain tarif, naguère baptisé K50. Pour les actes courants, un ticket modérateur - 30 % - était à la charge du patient pour le dissuader de recourir à un médecin sans raison suffisante.

S'agissant des actes chirurgicaux, des interventions lourdes et coûteuses, la prise en charge était donc totale.

Désormais, 18 euros seront payés par le patient, même si restent exonérés de cette taxation les patients souffrant d'une affection de longue durée, les femmes enceintes, les nouveau-nés hospitalisés, les personnes titulaires d'une rente pour accidents du travail ou d'une pension d'invalidité et les bénéficiaires de la CMU.

Selon le Gouvernement, cette mesure doit permettre d'« éviter les effets de seuil ». Lesquels, monsieur le ministre ? Je serais curieux de savoir ce que vous entendez par là. Elle doit aussi permettre « de rendre plus équitable les règles de participation de l'assuré. »

Voilà une curieuse conception de l'équité !

Ce dispositif constitue, en fait, une réelle menace quant à l'accès aux soins des plus démunis et risque d'accentuer encore la dérive, déjà engagée, vers une protection sociale à deux vitesses en remettant ainsi en cause le principe originel d'universalité. C'est un désengagement grave de la solidarité nationale.

Cette mesure fait peser une fois de plus sur les assurés les conséquences du déficit de la sécurité sociale. Ceux qui bénéficient d'une mutuelle verront leurs cotisations inexorablement augmenter et ceux qui n'ont pas de mutuelle devront s'acquitter des 18 euros, sauf s'ils font partie de la liste des catégories sociales exemptées.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a expliqué la philosophie du Gouvernement en déclarant : « Après les efforts demandés aux Français en 2004 concernant le choix du médecin traitant, le recours aux médicaments génériques, nous avons décidé de solliciter deux acteurs, l'industrie du médicament et les organismes complémentaires. »

Certes, monsieur le ministre, mais ces deux acteurs seront sollicités de façon très inégale : les organismes complémentaires le seront beaucoup et l'industrie du médicament fort peu.

M. le ministre poursuivait ainsi : « Quant aux organismes complémentaires, nous avons réalisé une étude très fine de l'impact combiné de la réforme de l'assurance maladie et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, afin de nous assurer que le bilan entre les économies qu'ils réaliseraient et les dépenses supplémentaires que nous leur demanderions serait neutre, c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas besoin d'augmenter les cotisations. J'assume complètement ce choix devant la représentation nationale. »

Or, le président de la Mutualité française, M. Jean-Pierre Davant, a affirmé exactement le contraire, en disant que cette mesure allait immanquablement se traduire pour les assurés par des hausses de cotisations aux complémentaires de santé.

En outre, une certaine catégorie de la population, la classe populaire, qui ne bénéficiera pas de l'exonération et qui n'a pas les moyens de cotiser à une assurance complémentaire ou dont ce n'est pas la culture, se verra si lourdement pénalisée qu'elle ne demandera pas certains actes chirurgicaux lourds et sera laissée au bord de la route.

C'est une décision grave que vous voulez nous faire prendre, monsieur le ministre. C'est pourquoi, au nom du groupe des radicaux de gauche, je demande la suppression de cet article.

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