Intervention de Philippe Bas

Réunion du 18 novembre 2005 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article 37, amendements 95 113 148 186

Philippe Bas, ministre délégué :

Le Gouvernement est très défavorable aux amendements n° 95, 113, 148, 186.

En premier lieu, je voudrais faire un rappel. La Cour des comptes, souvent citée ces derniers jours, écrit dans son rapport de 2002, page 339, dans un chapitre intitulé « Inégalités financières » : « La plus importante de ces inégalités est celle qui découle de la règle de suppression du ticket modérateur pour tout acte ou série d'actes affecté d'un coefficient global égal ou supérieur à 50. Cette règle a été créée par le décret de 1955, à une époque où le coefficient 50 était relativement rare et laissait à la charge des assurés des montants élevés. L'évolution des techniques médicales vers des actes de plus en plus complexes a étendu progressivement le champ d'application de la règle. Aujourd'hui, quasiment toutes les hospitalisations en chirurgie donnent lieu à exonération, alors qu'une telle exonération reste rare en médecine, ce qui entraîne une différence considérable de traitement entre les patients hospitalisés en chirurgie et ceux qui sont hospitalisés en médecine. »

Cette mesure ayant été fortement critiquée de part et d'autre, certains s'inquiétant qu'à l'issue de l'adoption de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les charges des organismes complémentaires ne progressent et que ceux-ci n'augmentent fortement leurs cotisations, ce qui pénaliserait à l'évidence les assurés, je voudrais vous faire part de l'avis émis par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Celui-ci, qui est le meilleur expert en ce domaine dans notre pays et qui comporte en son sein des représentants des organismes complémentaires, a invalidé l'argument selon lequel une augmentation des cotisations pourrait être imputable à ce projet de loi. Il indique que, pour les soins de ville, les coûts des assurances complémentaires devraient augmenter exactement de la même façon que l'assurance maladie de base, soit d'environ 0, 8 %.

J'ajoute que, sans l'intervention de la réforme et du plan gouvernemental, l'évolution spontanée aurait été beaucoup plus élevée puisque l'augmentation aurait été non pas de 0, 8 % mais de 4, 5 %.

Par rapport à la situation qui aurait prévalu en l'absence d'action gouvernementale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait donc bénéficier les organismes complémentaires d'un gain fort, lié notamment aux mesures concernant les médicaments, qui permettent de faire diminuer leurs charges.

Si ces organismes décidaient, comme ils en ont la faculté, de ne pas augmenter leur part de prise en charge dans le remboursement des médicaments veinotoniques, dont l'assurance maladie ne remboursera plus que 15 % du coût au cours des deux prochaines années, ils réaliseraient même une économie supplémentaire de 250 millions d'euros.

Je tiens donc à rassurer les auteurs de ces amendements qui, peut-être, n'ont pas encore pris connaissance de ce rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et n'avaient plus en tête, compte tenu de sa relative ancienneté, celui de la Cour des comptes de 2002. Il est expliqué de façon extrêmement précise dans ce dernier rapport qu'il est nécessaire de corriger cette inégalité de traitement, et c'est ce que fait la mesure gouvernementale.

Si cette mesure ne mérite pas un excès d'honneur - son produit modeste est néanmoins précieux dans le cadre d'une politique visant à mieux maîtriser nos comptes - elle ne mérite pas non plus l'indignité dont certains commentaires l'ont entourée. On la compare parfois avec le forfait de 1 euro sur les feuilles de soins. Or c'est très différent !

Le forfait de 1 euro est une mesure de responsabilisation des assurés, qui ne peut pas et ne doit pas faire l'objet d'un remboursement par les organismes complémentaires, tandis que le forfait de 18 euros sur les interventions médicales lourdes est une mesure d'harmonisation prévoyant une participation plus faible que le ticket modérateur. Ce forfait est toujours appliqué en proportion du coût des soins et est remboursé par les organismes complémentaires.

Aujourd'hui, pour le traitement d'une pneumonie sans complications, le coût des soins est de 3 116 euros. Dans le régime actuel, l'assuré se voit facturer un ticket modérateur de 20 %, soit 623 euros, ticket modérateur qui n'est pas exonéré, car aucun acte d'un coût supérieur à 90 euros n'est pratiqué pour le traitement d'une pneumonie sans complications.

Prenons maintenant l'exemple d'un traitement passant par un acte affecté d'un coefficient supérieur à 50 et donc d'un coût supérieur à 90 euros. Le coût des soins pour une greffe de peau en cas d'ulcère cutané est actuellement de 12 289 euros. Si, comme on reproche au Gouvernement de vouloir le faire, un ticket modérateur de 20 % était institué, la facture serait donc de 2 458 euros. Ce n'est naturellement pas ce qu'a voulu le Gouvernement ! Dans le système actuel, le ticket modérateur est de zéro euro ; il sera désormais de 18 euros.

Vous considérez tous, sur toutes les travées, que, dans les cas de maladie grave appelant de lourds traitements, il ne faut pas que des prélèvements proportionnels de plusieurs milliers d'euros soient mis à la charge des organismes complémentaires. Le Gouvernement est le premier à en être d'accord. Mais pardonnez-moi si j'estime que demander 18 euros quand le ticket modérateur aurait pu, par application de la règle commune, être de 2 458 euros n'est pas un crime ! C'est d'autant moins un crime que ces 18 euros seront à la charge non pas des assurés, mais des organismes complémentaires.

Le Gouvernement demande donc le rejet des quatre amendements.

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