Intervention de Brigitte Girardin

Réunion du 27 juin 2006 à 9h30
Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel — Adoption d'un projet de loi

Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France est riche d'un important patrimoine culturel immatériel. Elle s'est engagée de longue date pour en effectuer un inventaire scientifique, le sauvegarder et en assurer le respect, ainsi que pour sensibiliser le public à son importance. La mission à l'ethnologie, les « ethnopôles » et les différents acteurs de la société civile contribuent à mettre en oeuvre cette politique, dont les productions scientifiques et les résultats sont reconnus aujourd'hui dans le monde entier.

Pourtant, la protection du patrimoine culturel immatériel reste une dimension méconnue de l'action publique. L'expression même ne nous est pas familière. Notre pays a longtemps préféré celle de « patrimoine ethnologique », consacrée par la création en 1980 du Conseil du patrimoine ethnologique. D'autres États utilisent des terminologies différentes.

Adoptée à l'UNESCO le 17 octobre 2003 et entrée en vigueur le 20 avril 2006, la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a donc pour premier mérite de créer un cadre universel de compréhension et de coopération pour ces politiques.

Elle définit de manière opératoire le patrimoine culturel immatériel comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ».

Cette définition s'applique aux traditions et expressions orales - y compris la langue -, aux arts du spectacle, aux pratiques sociales, rituels et événements festifs, aux connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers, aux savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel, toutes formes d'expression culturelle souvent fragiles ou menacées de disparition.

La convention prévoit également que les États parties élaborent des inventaires nationaux des biens à protéger, et leur propose une palette d'instruments pour sauvegarder et valoriser le patrimoine culturel immatériel et en assurer la reconnaissance, avec la participation des communautés concernées. Les engagements souscrits sont compatibles avec les engagements relatifs aux droits de la propriété intellectuelle ou à l'usage des ressources biologiques et écologiques.

Cette convention n'ajoute aucune contrainte à ce que notre pays fait déjà, mais elle inscrit et valorise son action dans un cadre multilatéral reconnu. La ratification n'implique donc aucune modification de notre droit. Elle constituera en revanche un pas supplémentaire dans la reconnaissance de ce patrimoine dans notre pays et illustrera notre forte implication dans la défense de la diversité culturelle.

Plus globalement, cette convention marque également un jalon important pour compléter le droit international du patrimoine, dont l'UNESCO est la source et le garant et auquel nous sommes traditionnellement très attachés.

Sa négociation a répondu à la demande d'États du Sud, notamment africains et océaniens, qui se reconnaissent peu dans les dispositions de la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972, convention qui n'appréhende le patrimoine culturel que sous l'angle du patrimoine bâti, au détriment d'une conception plus large.

La dimension immatérielle du patrimoine, qui est à la fois la plus fondamentale et la plus vulnérable, méritait que l'on consacre à ce patrimoine un instrument international à part entière. C'est désormais chose faite, et le Président de la République, dont vous connaissez l'engagement en faveur de la diversité culturelle, a salué à l'UNESCO cette convention qui « rend hommage à des peuples trop souvent ignorés, des peuples qui disparaissent, année après année, dans l'indifférence de l'humanité, des peuples pourtant dépositaires d'expériences irremplaçables pour notre avenir, ces peuples Premiers qu'il est urgent de protéger, de respecter et de rétablir dans leurs droits. »

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que la représentation nationale saura reconnaître à son tour l'importance de ce texte. En autorisant sa ratification rapide, vous illustrerez notre constance dans nos engagements. Vous enverrez aux cinquante-deux États membres de l'UNESCO, qui l'ont déjà approuvée, un message de solidarité de la France, et vous manifesterez notre intérêt pour la défense de la diversité culturelle sous toutes ses formes.

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