Intervention de Philippe Bas

Réunion du 18 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Articles additionnels après l'article 44

Philippe Bas, ministre délégué :

Avec ces deux amendements, nous touchons du doigt un problème méconnu et extrêmement délicat. Je veux parler des personnes les plus lourdement handicapées dans notre pays, qui, à force d'énergie et de volonté, réussissent à vivre à domicile, en dehors de tout établissement, et, pour un certain nombre d'entre elles, à avoir une activité professionnelle ou à suivre des études.

Il va de soi que, dans le cadre de l'application de la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ces personnes très lourdement handicapées, qui font preuve d'un courage et d'une énergie extraordinaires pour s'insérer au mieux dans notre société et vivre une vie normale, doivent être prises en compte avec une attention particulière.

Il faut évoquer ces situations telles qu'elles se présentent, comme M. About vient de le faire très justement.

Parfois, les relations avec les professionnels qui se succèdent au domicile de ces personnes handicapées peuvent s'avérer très difficiles. En effet, les horaires sont parfois très rigides, alors que nous apprécions tous de bénéficier d'une certaine souplesse. Être couché à dix-neuf heures tous les soirs parce que l'on ne peut vous coucher qu'à dix-neuf heures, c'est évidemment particulièrement douloureux ! De même, certaines personnes lourdement handicapées ne peuvent pas aller aux toilettes pendant vingt-quatre heures parce qu'elles n'ont pas pu mobiliser à leur chevet les auxiliaires de vie qui les aident à effectuer des actes aussi courants. Il s'agit, je le rappelle, de handicaps très lourds, qui concernent, en France, entre 3 000 à 5 000 personnes.

En présentant ces deux amendements, monsieur About, vous avez rappelé - et je souscris tout à fait à vos propos - que ceux-ci ne visaient pas à prévoir des dépenses inconsidérées. Néanmoins, j'exprimerai certaines réserves, dont nous avons d'ailleurs eu l'occasion de nous entretenir à plusieurs reprises.

En ayant recours aux régimes de l'hospitalisation à domicile ou des SSIAD pour tenter d'améliorer la situation de ces personnes, vous utilisez, monsieur le sénateur, une offre de soins qui n'est ni prévue ni adaptée à de tels cas.

C'est si vrai, d'ailleurs, que ces deux amendements visent à transformer, le cas échéant, la prestation en nature d'hospitalisation à domicile ou de service de soins infirmiers à domicile en une prestation en espèces dont la personne handicapée pourrait faire un libre usage.

Dès lors, par le biais de cette évolution, vous modifiez le coeur même de la prestation de compensation du handicap, dont vous avez souhaité la création dans la loi du 11 février 2005.

En effet, la prestation de compensation du handicap a précisément pour objet de financer non seulement des aides techniques - aménagement de salles de bain ou d'automobiles, achat de fauteuils -, mais aussi des aides humaines, en particulier le recours à des auxiliaires de vie.

Or, pour ces personnes âgées très lourdement dépendantes, la présence d'une auxiliaire de vie peut être nécessaire non seulement le jour, mais aussi la nuit, c'est-à-dire vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et cette exigence peut être absolue ! Un certain nombre de ces personnes vivent en effet sous assistance respiratoire continue, grâce à un système incorporé à leur fauteuil roulant, qui leur permet tout simplement de vivre.

Ainsi, une présence humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre est parfois nécessaire. Elle est d'ailleurs prévue dans le cadre de la prestation de compensation du handicap. Néanmoins, parce que nous nous soucions des conditions de vie de ces personnes, nous avons choisi de ne pas attendre l'entrée en vigueur de la prestation elle-même, et nous avons anticipé une telle prise en charge. Nous avons donc mis en place, à compter du 1er juillet 2005, une aide exceptionnelle permettant à ces personnes de bénéficier, en moyenne, d'une somme de 5 000 euros par mois. Et il s'agit bien d'une moyenne, puisque certaines de ces personnes, qui ont besoin de soins particuliers, peuvent recevoir des sommes atteignant parfois 9 000 euros par mois, afin de bénéficier parfois de la présence de quatre personnes, qui se relaient pour les accompagner.

En conséquence, monsieur About, si nous avons l'un et l'autre la même volonté de venir en aide à ces personnes, notre appréciation diffère en ce qui concerne les moyens. En effet, je ne voudrais pas que, au moment où nous mettons en oeuvre la prestation de compensation du handicap et que nous l'anticipons même pour les personnes les plus lourdement handicapées, nous créions une sorte de voie latérale qui transformerait le système de l'hospitalisation à domicile et des services de soins infirmiers à domicile en prestations en espèces. Une telle mesure reviendrait en effet à concurrencer la nouvelle prestation de compensation du handicap, en rendant complexe un dispositif que nous avons voulu simplifier.

Cela dit, je suis obligé de reconnaître que, à l'heure actuelle, le dispositif que nous avons mis en place au mois de juillet n'a pas donné tous les fruits que nous en attendions dans tous les départements.

Soucieux de cette situation, je demande qu'on me signale systématiquement tout problème spécifique posé pour une personne handicapée, afin de pouvoir débloquer la situation. Car les départements disposent aujourd'hui des crédits nécessaires pour ne pas avoir à attendre de nouveaux dispositifs, de nouvelles réglementations ou de nouvelles dispositions législatives. Il s'agit de faire en sorte que ces personnes bénéficient de l'intégralité des droits que vous-mêmes, en tant que législateurs, leur avez reconnus.

C'est la raison pour laquelle, monsieur About, avant d'émettre un avis définitif sur ces amendements et sous le bénéfice des explications que je viens de donner à la Haute Assemblée, je vous prie - je ne sais si vous y êtes disposé - de bien vouloir les retirer.

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