Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 18 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Article 46

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

La simplification du droit est une nécessité, nous en convenons tous. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à réaliser, par l'ordonnance du 24 juin 2004, le « toilettage » d'un certain nombre de textes, dont celui qui porte sur le minimum vieillesse. Ces dispositions devaient entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2006.

Aujourd'hui, le Gouvernement revient sur ce texte. Pourquoi ?

Il semble que seules des contingences financières le poussent dans cette direction : M. Alain Vasselle, dans son rapport écrit, annonce que le régime du minimum vieillesse « comporte encore une disposition qui s'avère être une faille coûteuse pour les finances sociales ».

Par ce projet de loi, le Gouvernement essaie de combler le déficit de la sécurité sociale par une multitude de « recettes de poche » que je ne vais pas énumérer ici, puisque mes autres collègues les ont déjà dénoncées.

Les dispositions de l'article 46 en sont une illustration des plus flagrantes : il s'agit ici de supprimer une disposition du code de la sécurité sociale permettant aujourd'hui d'« exporter » le minimum vieillesse.

Ce dispositif touche principalement une population particulière, celle des travailleurs immigrés qui, arrivés chez nous dans les années soixante ou soixante-dix à la demande du patronat français, n'envisageaient pas de faire souche en France et souhaitaient retourner au pays.

Ces travailleurs ont construit la France au même titre que les autres mais, aujourd'hui, ils n'ont pas les mêmes droits.

Pourquoi les travailleurs français auraient-ils le droit de vivre leur retraite là où ils sont nés et pas les travailleurs immigrés ?

Ces derniers ont le choix entre rentrer dans leur pays d'origine et ne percevoir que 150 euros, qui représentent la moyenne de la pension contributive des bénéficiaires, soit rester en France et percevoir 589 euros.

Il s'agit là de la même problématique que celle de la « cristallisation » des pensions militaires, qui sont réduites pour les anciens combattants retournant vivre chez eux. Le sang versé ou l'engagement au service de notre pays n'ont pas le même prix au regard de l'endroit où l'on se trouve !

Cet article 46 me conduit à faire le parallélisme entre travailleurs immigrés et anciens combattants : ils ont fourni le même travail que les Français, mais ne toucheront pas la même retraite.

Comment se résoudre à ce que ces vieux travailleurs immigrés continuent à vivre misérablement et seuls dans les foyers SONACOTRA, où ils traînent leur désarroi et leur nostalgie alors qu'ils pourraient prétendre, après une vie de dur labeur dans les emplois les plus éprouvants, à une retraite paisible auprès des leurs. Ils subissent là une « double peine », et c'est insupportable !

À l'évidence, nous en convenons, il y a une différence entre la personne qui, ayant cotisé, touche une pension contributive et celle qui n'a pas constitué suffisamment de droits à retraite. Mais à cela s'ajoute une discrimination puisque, dans le deuxième cas, la personne est contrainte de vivre sur le territoire français de manière ininterrompue pendant huit mois.

Copinage fiscal pour les patrons du CAC 40 d'un côté, comportement indigne vis-à-vis de ceux qui sont à la marge de tout de l'autre, et ce pour des raisons d'équilibre des comptes, ce n'est pas acceptable. Mais il est vrai que ces derniers ne sont pas des électeurs !

Les jeunes, dans les banlieues, lancent actuellement un cri de révolte contre l'étendue des discriminations dont ils sont l'objet. Ils regarderont avec la plus grande attention le sort que la République réservera à leurs chibani, c'est-à-dire à leurs aînés. Dans le contexte actuel, je vous invite à réfléchir sur les conséquences psychologiques et sociales d'un tel dispositif !

Pour ces raisons, nous voterons l'amendement de Mme Létard qui, tout en développant des arguments différents, vise le même objectif que nous : la sécurisation du dispositif existant.

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