Cet amendement, s'il était adopté, aurait des conséquences très graves ; mon collègue vient de le dire.
Il serait peut-être excessif d'établir un lien de causalité entre le dépôt tardif de cet amendement par le Gouvernement et les événements de ces dernières semaines dans les banlieues. Je n'irai pas jusque là, monsieur le ministre, mais vous comprendrez que nous serions tentés de le faire. Sinon, comment expliquer que vous n'ayez pas déposé cet amendement plus tôt ou, pourquoi pas, ajouté un article sur ce sujet dans le projet de loi avant que ce dernier ait été adopté par le Conseil des ministres ?
Comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, il s'agit de clarifier la législation en matière de regroupement familial. Dommage que vous n'y ayez pas pensé plus tôt !
En tout cas, il est difficile de ne pas rattacher cet amendement aux déclarations du Président de la République relatives au regroupement familial lors de sa dernière intervention télévisée. Je sais que vous lui portez une grande d'admiration, pour en avoir été longtemps le premier collaborateur, et je comprends que vous vous soyez exécuté très rapidement.
Quoi qu'il en soit, non seulement cet amendement est néfaste pour l'avenir de ces enfants de l'immigration, mais, de plus, il viole le principe d'égalité posé par notre Constitution et les nombreux textes internationaux en vigueur.
S'agissant du sort des enfants issus de l'immigration, les mesures relatives au regroupement familial deviennent de plus en plus complexes au grès des réformes successives de la législation sur les étrangers. Vous avez cité tout à l'heure le décret de 1987, mais, avant d'en arriver là, plusieurs modifications successives sont intervenues.
Un nombre croissant d'enfants ont été amenés à vivre sur le territoire français en dehors de la procédure prévue dans ce décret. La suppression brutale des allocations familiales dont bénéficient actuellement leurs familles serait criminelle. Elle nuirait en effet gravement à l'avenir de ces enfants, déjà fragilisés en tant qu'étrangers vivant sur notre territoire - et ce qui n'est pas leur faute ! -, et réduirait considérablement leurs chances de pouvoir un jour s'assimiler à la nation française. On sait en effet que ce processus d'assimilation est long et difficile et qu'il se solde malheureusement encore trop souvent par un échec.
Vous espérez, même si vous ne le dites pas, que cette restriction des prestations aura un effet dissuasif sur l'entrée de ces enfants sur notre territoire. Mais c'est oublier que le regroupement familial obéit moins à des considérations économiques qu'à des motivations affectives. Je ne m'étendrai pas, chacun comprendra ! Nous y avons fait allusion cet après-midi lorsqu'il s'est agi de supprimer le droit à la retraite des travailleurs étrangers qui souhaitaient pouvoir vivre au sein de leur famille, dans leur pays d'origine.
Sur ce point, le Gouvernement fait fausse route. Il ne fait preuve ni de justice ni de générosité, comme nous avons eu l'occasion de le constater tout au long de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En outre, le Gouvernement viole le principe constitutionnel d'égalité, comme je l'ai expliqué lors de la défense de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Par ailleurs, et c'est nouveau, il se met en contradiction avec tous les textes internationaux sur le sujet. La Cour de cassation, dans l'un de ses arrêts, a rappelé le Gouvernement à ses obligations en ce domaine.
Cet amendement ne va certainement pas arranger les choses ! S'il est adopté, non seulement il rendra caduc cet arrêt de la Cour de cassation, mais il mettra également le droit français en contradiction avec les textes internationaux. Compte tenu de la gravité de la situation, il n'est pas inutile d'énumérer les principaux de ces textes.