Mettre l'accent sur ce phénomène a donc pour principal objet de faire passer au second plan la question du financement, qui est la véritable préoccupation.
Par ailleurs, cet article nous paraît dangereux en ce qu'il s'inscrit dans une logique de culpabilisation et de stigmatisation des assurés sociaux, des chômeurs, des RMIstes, des bénéficiaires de l'AME, l'aide médicale de l'État, ou de la CMU.
Par exemple, il se pourrait bien que le recul de l'indemnisation des arrêts de travail, chiffré à 2, 6 % sur les huit premiers mois de 2005, et dont vous vous félicitez, soit tout autant lié à une diminution des demandes d'indemnisation qu'à une dissuasion des fraudeurs, certains arrêts de travail pourtant nécessaires n'étant pas pris par des salariés inquiets ou sous pression.
Par ailleurs, plusieurs dispositions de l'article 57 marquent des reculs très graves par rapport à la loi instaurant la CMU. Elles auront pour principal effet d'annuler, par des approches procédurières, le principe de la présupposition des droits. Ce sont les plus démunis qui seront pénalisés.
Vous proposez en outre que la non-fourniture des pièces demandées entraîne soit la suspension de l'instruction du dossier, soit la suspension des prestations jusqu'à ce que la personne se soit exécutée. La possibilité de remplacer les pièces manquantes par des déclarations sur l'honneur est donc supprimée.
Cette disposition est un recul majeur par rapport à la pratique introduite par la CMU, car il est souvent impossible aux plus démunis, précisément, de prouver qu'ils n'ont rien !
D'autre part, les personnes qui, au moment où elles demandent à bénéficier de la CMU, sont sans domicile fixe doivent élire domicile soit auprès d'un organisme agréé à cet effet, soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale. Plutôt que de chercher à améliorer la domiciliation des personnes en situation d'exclusion, le Gouvernement part d'emblée du principe que la domiciliation est une tentative frauduleuse.
On retrouve dans cet article les mêmes éléments que dans les récents décrets relatifs à l'aide médicale de l'État, éléments que nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion de condamner.
En présentant les plus démunis comme des fraudeurs, vous remettez en cause le principe du droit à la santé pour tous. Il en va d'ailleurs de même lorsque vous assimilez les pauvres à des scélérats ! La criminalisation des pauvres est un problème bien réel, car elle se traduit aujourd'hui par un changement d'attitude des tribunaux.
C'est certainement ce qui explique que votre chasse aux fraudeurs demeure sélective : elle est surtout dirigée vers les plus démunis.
Quand on sait que, chaque année, la fraude aux bénéfices, à la TVA ou le travail clandestin représentent un manque à gagner d'environ 60 milliards d'euros, on peut s'interroger sur les motivations réelles de ce gouvernement et se demander si la chasse aux fraudeurs n'est là que pour dissimuler la triste réalité de la chasse aux pauvres !
Monsieur le ministre, nous ne pouvons absolument pas vous suivre sur ce point.