Intervention de Robert Bret

Réunion du 22 mars 2006 à 15h00
Conseil européen des 23 et 24 mars 2006 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Robert BretRobert Bret :

Plus précisément, le Conseil européen de demain intervient à un moment important : l'Europe traverse une crise existentielle face à laquelle il faut réagir.

L'Union est aujourd'hui en panne. Les « non » français et néerlandais ont fait remonter à la surface toutes les contradictions latentes de la construction européenne. Les dirigeants européens, qui ont donné la compétitivité comme fondement à la stratégie de Lisbonne et qui prônent une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée », ont été désavoués par les peuples : il faut en tirer les conséquences.

La stratégie de Lisbonne, définie par le Conseil européen de mars 2000, devait faire de l'Union « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » d'ici à 2010.

À mi-parcours, tous les indicateurs constatent l'échec cinglant de cette stratégie. Monsieur le ministre, ce n'est pas un problème d'information ou de pédagogie, c'est une question de fond.

Lors du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005, les dirigeants européens ont enfin pris acte de cet insuccès. Le rapport établi à l'automne 2004 par le groupe de haut niveau, présidé par l'ancien Premier ministre néerlandais Wim Kok, dresse en effet un tableau sans appel.

À l'époque, le président en exercice de l'Union, Jean-Claude Juncker, reconnaissait lui-même que le bilan de la stratégie de Lisbonne était « lamentable ». Josep Borrell, l'actuel président du Parlement européen, fait le même constat.

On le vérifie chaque jour un peu plus : l'Union européenne est frappée depuis 2000 par un ralentissement de la croissance, de l'économie et de l'emploi, par la montée des inégalités, par la fragilisation des droits sociaux et des services publics ainsi que par la persistance d'un niveau élevé de chômage, de pauvreté, d'exclusion sociale et de précarité de l'emploi. Ce sont autant d'éléments qui fragilisent nos sociétés et qui nous éloignent de l'avènement d'une prospérité accrue et partagée.

Face à cette situation désastreuse, la stratégie de Lisbonne a amplement démontré son incapacité à atteindre les objectifs affichés, à savoir un taux de croissance de 3 % du PIB par an en moyenne, un taux d'emploi qui devait atteindre à terme 70 % des actifs potentiel ou encore un taux de 3 % du PIB qui devait être consacré à la recherche.

Compte tenu de ce constat d'échec, les responsables européens ont initié une « relance » à mi-parcours. Malheureusement, les priorités de la relance de la stratégie de Lisbonne sont uniquement concentrées sur la « compétitivité économique », alors qu'il conviendrait, au contraire, de trouver un équilibre entre les politiques économique, sociale et environnementale.

Pour parvenir à cet équilibre, dans le sens des attentes des peuples, le budget de l'Union mériterait d'être accru dans un esprit de solidarité.

À cet égard, l'accord conclu lors du Conseil européen de décembre 2005 sur les perspectives financières pour la période 2007-2013, en particulier les réductions apportées à l'enveloppe des fonds structurels - de 0, 41 % à 0, 37 % du revenu national brut de l'Union - et des programmes consacrés au domaine social, à l'environnement, à la recherche, à la culture et à l'éducation, ne peut que susciter nos plus vives critiques. Nous estimons qu'un montant équivalent à 1, 045 % du RNB de l'Union est très insuffisant.

Le montant du budget de l'Union devrait être à la mesure des ambitions affichées pour relever les défis sociaux, économiques et environnementaux de l'Union européenne. La construction européenne a besoin d'être réorientée conformément aux aspirations des peuples européens.

Les objectifs d'emploi, de justice sociale, de développement humain doivent se substituer aux obsessions libérales des dirigeants de l'Union, qui sont focalisés sur les aspects strictement économiques.

Aussi désapprouvons-nous les huit mesures clés inscrites par la Commission dans son « programme communautaire de Lisbonne » présenté en juillet dernier, lesquelles attestent que les appels d'insatisfaction adressés par les peuples européens n'ont pas été entendus.

En particulier, la priorité accordée à l'achèvement du marché intérieur des services et à l'adoption de la directive dite Bolkestein est inadmissible. Depuis plus de deux ans, la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur suscite de très nombreuses oppositions. Le rejet du traité établissant une Constitution pour l'Europe s'inscrit en cohérence avec l'opposition à la directive sur la libéralisation des services.

L'Union européenne doit décider une nouvelle négociation sur ses institutions et sur les politiques économiques et sociales. Cette nouvelle discussion doit s'ouvrir aux exigences des peuples, qui doivent être associés et consultés.

En cohérence avec la volonté majoritaire exprimée par les Françaises et les Français le 29 mai dernier, nous réitérons notre demande à la Commission de retrait pur et simple de la directive Bolkestein.

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