Il conviendrait en revanche de maintenir dans la plénitude de ses responsabilités le Conseil européen : ce dernier conserverait ses responsabilités d'orientation générale, qui demeurent essentielles, y compris dans le système auquel je pense.
Enfin, en ce qui concerne le troisième pouvoir, la justice, il s'agirait de conserver le système déjà en place et de le développer dans le sens d'un véritable espace judiciaire commun, qui supposerait bien évidemment une plus grande harmonisation des législations et la création d'un parquet européen, le tout placé sous le contrôle d'une formation spécifique de la Cour de justice des Communautés européennes.
Voilà donc une perspective institutionnelle pour les pays « fondateurs » qui seraient prêts à l'adopter, sans exclure bien entendu aucun de ceux qui voudraient s'y associer.
Le système européen actuel pourrait, naturellement, coexister à côté et au-delà de cette nouvelle Union. Il servirait de cadre à une mouvance européenne plus large géographiquement, ce qui permettrait ainsi de gérer le problème de l'élargissement d'une manière plus aisée.
Utopie, me direz-vous ? Peut-être ! Mais magnifique utopie, avouons-le, et seule à la hauteur des défis de l'Histoire !
Supposons cependant qu'une telle avancée se révèle impraticable, et entrons donc dans une autre voie, celle du réalisme.
Il faudrait alors avoir assez d'imagination pour voir les choses sous un tout autre angle, bien plus pragmatique, et prendre exemple sur la configuration institutionnelle de certains États tels que la Grande-Bretagne, dont je n'ai pas à rappeler les mérites.
Elle a en effet créé le régime parlementaire et l'Empire britannique ; elle a su tenir tête à Hitler ; elle connaît enfin aujourd'hui un renouveau spectaculaire, tout en réussissant à intégrer les différences de certaines régions qui la composent, comme le Pays de Galles ou l'Écosse, dont les personnalités sont bien différentes de celles de l'Angleterre. Et tout cela, mes chers collègues, sans Constitution ! Car, faut-il le rappeler, la Grande Bretagne n'a pas de Constitution.
Elle s'est construite par voie de chartes, de conventions interinstitutionnelles, d'usages, de pratiques, qui sont tout aussi respectés et efficaces que nos textes de loi.
Je pose donc la question : pourquoi l'Europe ne s'inspirerait-elle pas d'une telle méthode ? C'est la seconde voie à laquelle on pourrait penser.
Pourquoi des coopérations renforcées, telles que celles que le traité a prévues, ou qui prendraient d'autres formes, ce que le traité n'interdit pas, ne viendraient-elles pas, une à une et de manière pragmatique, répondre aux difficultés qui freinent actuellement le développement économique, social et culturel de l'Europe, pour créer une dynamique nouvelle qui ramènerait l'espoir et l'ambition dans notre camp, suscitant un mouvement d'entraînement auquel les plus réticents finiraient par s'associer ?
C'est une autre voie, c'est une autre espérance.