Monsieur Emorine, vous m'avez interrogée sur les pôles de compétitivité. En les mettant en place, la France a lancé une initiative majeure en matière d'innovation, mise en valeur dans notre programme national de réforme.
Ce dispositif, salué par la Commission européenne dans son rapport sur la stratégie de Lisbonne, est aujourd'hui une référence en Europe, et il intéresse de plus en plus nos partenaires européens et, en particulier, je tiens à vous le dire, nos partenaires allemands.
Il est évident que l'emploi ne se décrète pas et que le chiffrage ne suffit pas, mais l'expérience prouve que le fait de se fixer des objectifs chiffrés est utile pour guider l'action des États et les inciter à agir.
Sur toutes ces questions, notre pays entend tirer le meilleur parti d'une politique européenne orientée vers la croissance et l'emploi, qui correspond à la première préoccupation des citoyens. La France est active et bien insérée dans le marché européen, elle est un pays ouvert au commerce et à l'investissement : troisième terre d'accueil des investissements étrangers au monde, première en Europe, quatrième exportateur mondial de services, la France n'est ni protectionniste ni repliée sur elle-même. La réalité le prouve et je refuse qu'on fasse sur ce point de mauvais procès à notre pays.
Vous avez également été nombreux à évoquer le sujet de l'énergie. Ce thème sera au centre des débats lors de ce Conseil européen qui l'abordera pour la première fois d'une façon globale. Je vous rappelle que c'est à la demande de la France, en octobre dernier, que ce sujet avait été retenu dans les débats européens. L'énergie à l'ordre du jour du Conseil européen, voilà qui est à la fois nouveau et bienvenu. Comme certains d'entre vous l'ont dit, il était temps.
Depuis l'automne, le gouvernement français a entendu conserver un rôle moteur sur ce sujet en présentant à ses partenaires, dès le mois de janvier, un mémorandum sur l'énergie, dont la Commission s'est d'ailleurs sensiblement inspirée dans son Livre vert, paru début mars.
Le texte qui sera soumis à l'approbation des chefs d'État et de gouvernement au Conseil européen va dans le sens de ce que nous souhaitons. Il prévoit ainsi que la Commission présentera régulièrement un « examen stratégique énergétique annuel » à partir de 2007.
Le texte identifie également des mesures à prendre dans un premier temps, telles que le plan d'action sur l'efficacité énergétique, un plan d'interconnexions, ou le renforcement du dialogue Union européenne-Russie pour que cette dernière ratifie la charte de l'énergie. Cela permettra de jeter les premières bases d'une politique européenne de l'énergie.
Toutefois, la France est prête à aller plus loin, et il faudra aller plus loin, par exemple en matière de programmation des investissements, de relations extérieures, de développement des différentes sources d'énergie -- sans exclure, en effet, monsieur Emorine, le nucléaire -ou encore en matière de maîtrise de la demande énergétique.
De telles propositions figurent dans le mémorandum français, dont le Président de la République ne manquera pas de rappeler la teneur au cours de ce Conseil européen. D'ailleurs, nous savons que les attentes sont fortes en ce domaine, puisque le dernier sondage Eurobaromètre montre que 76 % des personnes interrogées se prononcent en faveur d'une action européenne en matière d'énergie.
Nous voulons aller de l'avant et nous considérons donc ce Conseil européen, non pas comme un point d'arrivée, mais comme un point de départ, de façon que les efforts se poursuivent pour mettre progressivement en place une vraie politique européenne de l'énergie, politique qui est nécessaire et possible si nous savons faire dans les années qui viennent ce que nous avons su faire dans le passé avec le charbon et l'acier, ainsi que vous l'avez dit avec force, monsieur Haenel, tout comme vous l'aviez écrit, monsieur de Montesquiou, dans un excellent rapport.
J'en viens à la proposition de directive sur les services que vous avez été nombreux à évoquer après Philippe Douste-Blazy.
Le Parlement européen a pris en compte les préoccupations que nous avions exprimées avec les représentants d'autres États membres. Le principe du pays d'origine est supprimé, les services publics, ainsi que les secteurs sensibles, sont préservés, et, surtout, c'est le droit du travail français qui s'appliquera en France, comme il se doit.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant la représentation nationale, la proposition initiale de la précédente Commission est maintenant derrière nous.
L'équilibre et la force du vote du 16 février - près de 400 voix pour et un peu plus de 200 contre - sont une réalité politique qui doit être respectée par la Commission européenne, laquelle doit élaborer une nouvelle proposition en tenant le plus grand compte de ce vote. Nous souhaitons que le Conseil européen le souligne et je peux vous assurer, monsieur Sutour, que le Président de la République le fera clairement savoir.
De toute façon, le Parlement européen aura à se prononcer de nouveau sur ce texte, puisque nous sommes en co-décision, et il serait vain d'ignorer son message du 16 février dernier.