Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'avidité des entrepreneurs et de leurs actionnaires, leur volonté de maximiser leur profit trouvent décidément un singulier écho auprès d'un Gouvernement largement acquis à la cause du MEDEF.
Dans cette dérive libérale sans limite - contrat nouvelles embauches, contrat première embauche... -, tous les coups sont permis et aucun texte ne passe au travers de cette déferlante de précarité. Le texte relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes n'a malheureusement pas échappé à cette règle.
Au départ, la platitude du contenu de ce projet de loi correspondait à une acceptation des inégalités de toute sorte que présente le monde du travail aujourd'hui.
Au cours des différentes discussions, j'ai rappelé, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, que toutes les lois votées depuis vingt-cinq ans concernant l'égalité salariale ou professionnelle avaient été inefficaces. La raison en est très claire : aucune mesure réellement contraignante pour les entreprises n'a jamais été édictée.
Ce texte aurait pu être le moyen d'opérer une véritable rupture par rapport à tous les précédents ; il aurait ainsi permis de répondre à la situation urgente dont les femmes sont victimes dans le monde du travail. Cela n'a pas été le cas, et je serais tenté de dire : bien au contraire ! Vous l'avez déclaré vous-même, madame la ministre, lorsque vous avez considéré ce texte comme un « dernier avis de négociations avant sanction ».
En fait, les dispositions directement relatives à la lutte contre les inégalités sont de simples encouragements pour les entreprises à négocier sur les écarts de salaires. Cela en dit long sur la réelle volonté du Gouvernement d'imposer enfin des contraintes...
Malheureusement, je ne crois pas que la négociation soit efficace pour faire avancer les choses dans ce domaine. Elle ne l'a pas été en vingt-cinq ans, pourquoi le serait-elle aujourd'hui ? L'absence de progrès au cours de ces dernières années le confirme.
Chacun a reconnu que le mal principal qui atteint les femmes salariées est avant tout le sous-emploi et le cantonnement à des emplois sous-qualifiés et faiblement rémunérés. Madame la ministre, vous venez d'évoquer à l'instant la constitution d'un groupe de travail sur la précarité ; ses conclusions auraient pu être utiles pour la discussion d'aujourd'hui !
Tous les indicateurs sociaux relatifs à la situation des femmes en France sont plus défavorables que ceux qui concernent les hommes : 80 % des personnes sous-employées sont des femmes et 3, 5 millions de femmes sont aujourd'hui des travailleurs pauvres, vivant avec moins de 610 euros par mois.
Un temps partiel, ne l'oublions jamais, c'est un salaire partiel, mais aussi une retraite partielle ! Aujourd'hui, la paupérisation des personnes âgées touche plus directement les femmes et la loi portant réforme des retraites, vous le savez, creuse encore un peu plus ces écarts injustes.
Il y avait donc urgence à agir dans ce domaine. Mais ce n'est pas la position qu'a adoptée le Gouvernement, puisque chacune de nos propositions visant à limiter le recours au temps partiel subi ou aux emplois précaires de toutes sortes a été systématiquement écartée.
Dans tous les cas, les dispositions de ce texte sont loin de correspondre à la réalité vécue au sein des entreprises, dans lesquelles il n'y a quasiment jamais de négociations. La représentation des travailleurs au sein de leur entreprise est très peu effective ; qui plus est, beaucoup en sont totalement privés. Qu'apporte ce texte à ces travailleurs ? Pour eux, où se situera la négociation ?
Les femmes, contraintes d'occuper les emplois les plus précaires, sont évidemment légion dans les entreprises où la représentation syndicale manque cruellement. Aucune réponse n'est apportée par ce texte aux problèmes quotidiens rencontrés par les femmes salariées. Une fois encore, l'État se réfugie derrière la négociation, sachant pertinemment que l'échec est d'ores et déjà annoncé.
Par ailleurs, je tiens à faire remarquer que, au fil de la discussion et jusqu'en commission mixte paritaire, le contenu du projet a été modifié de façon insidieuse.
D'un texte plat, ne contenant que quelques mesures d'affichage social sans effet et des déclarations d'intention, ce projet de loi s'est transformé, portant désormais l'empreinte de la régression sociale, comme d'ailleurs tous ceux que le Gouvernement nous soumet concernant le monde du travail.
Par quelques mesures diffuses, profitant d'un contexte économique et social particulièrement dégradé alors que le MEDEF a le champ libre, le Gouvernement fragilise encore plus les femmes dans le monde du travail.
La question de l'allongement du congé de maternité a été écartée. Alors que la réalité de la grossesse allait enfin être prise en compte dans le droit, alors que les femmes enceintes auraient pu être moins pénalisées dans leur travail, alors que nous aurions pu adopter des mesures qui auraient mis notre droit en conformité avec les normes internationales, les dispositions tendant à modifier la répartition du congé pathologique ou tendant à allonger le congé maternité ont été supprimées.
Dans ces conditions, aucune amélioration pour les femmes n'est à noter. Ces dernières continueront à bénéficier d'un congé de maternité que tout le monde considère comme trop court et leur état de santé durant la grossesse ne sera qu'insuffisamment pris en compte.
Ce sont une fois encore les femmes les moins qualifiées, contraintes d'accepter les emplois les plus précaires qui seront victimes de ces manquements !
La dernière enquête sur la famille indique que, dans le contexte économique actuel, particulièrement difficile, les inégalités face à la maternité se creusent. Ce sont les femmes les plus diplômées, les plus intégrées dans les emplois qualifiés et stables qui ont le taux de natalité le plus élevé. Cette question aurait mérité toute votre attention, cela n'a pas été le cas.
Le problème crucial du déficit de places dans les structures d'accueil des enfants de moins de trois ans et, en conséquence, du coût de la garde pour les familles n'a pas non plus été abordé sérieusement. Il s'accompagne pourtant de la réduction des moyens du service public de l'enseignement, en particulier de l'école maternelle.
La remise en cause de la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans ne cesse de progresser de rentrée scolaire en rentrée scolaire. Elle va à l'encontre de toutes les études qui font état des aspects positifs d'une scolarisation des enfants dès le plus jeune âge, surtout dans les milieux défavorisés. Or cette question a été occultée.
Enfin, je souhaiterais évoquer le sujet préoccupant de l'instauration d'une plus grande précarité dans le monde du travail pour les femmes.
À la fin de la discussion en deuxième lecture, le Gouvernement a introduit un amendement, que la commission n'avait évidemment pas eu le loisir d'étudier auparavant, permettant le recours au travail temporaire en complément d'un travail à temps partiel.
Nous commençons malheureusement à bien connaître les méthodes du Gouvernement : par petites touches, il multiplie les dérogations au droit du travail.
Il institue la précarité la plus sauvage, puisque, cette fois-ci, il préconise que l'intérim vienne au secours du « travailler plus pour gagner plus ».
Tout au long de l'examen de ce texte, il n'a été question que de la précarité, véritable fléau pour tous les salariés qui en sont victimes et plus particulièrement pour les femmes, ne l'oublions jamais ! Or le Gouvernement nous propose d'orienter ces salariés vers l'intérim, qui, reconnaissez-le, n'est pas le secteur le mieux protégé ni celui qui permet de concilier au mieux une activité professionnelle et une vie personnelle et familiale normale.
Bref, avec ce texte apparemment sans intérêt à l'origine, le Gouvernement n'a pas manqué l'occasion de dégrader un peu plus les conditions de travail ni de fragiliser davantage les conditions de vie des travailleuses.
Nous regrettons, une fois encore, cette lutte méthodique contre les droits sociaux, qui sont pourtant le résultat de décennies de luttes politiques et syndicales, une lutte qui s'inscrit dans un libéralisme à tous crins cher à Mme Parisot, la présidente du MEDEF.