L'article 1er du présent projet de loi prévoit de soumettre les personnes sollicitant un regroupement familial à une évaluation, afin de mieux cerner leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
En cas de besoin, une formation serait organisée dans le pays de résidence, au terme de laquelle une nouvelle évaluation serait effectuée. Le suivi de cette formation conditionnerait la délivrance d'un visa.
Comment le Gouvernement justifie-t-il cette nouvelle exigence ? Par le souci d'éviter le communautarisme et de permettre aux intéressés de préparer leur intégration républicaine dans la société française.
Or le chemin que doivent parcourir les étrangers demandant un regroupement familial est déjà très long. Cumulée avec des conditions de ressources revues à la hausse, l'instauration d'un contrat d'accueil et d'intégration pour les familles et la mise en place de tests ADN, si ceux-ci sont approuvés par le Parlement, cette nouvelle exigence restreint de fait l'accès au territoire français pour les candidats au regroupement familial. Elle ajoute donc une étape, une condition et des intervenants supplémentaires dans une procédure qui me semble déjà un peu trop longue.
Alors que les administrations chargées de cette procédure se trouvent déjà dans l'incapacité de traiter les dossiers dans des délais raisonnables, l'organisation des sessions de formation prendra encore du temps, et les familles resteront séparées plus longtemps. Il s'agit là d'une atteinte au droit de vivre en famille, qui constitue pourtant une règle inaliénable, protégée par des textes ratifiés par la France, comme la Convention européenne des droits de l'homme et la Convention internationale de 1989 relative aux droits de l'enfant.
C'est tout de même un comble d'autoriser un étranger à venir chez nous pour travailler tout en lui interdisant de faire venir éventuellement sa femme et ses enfants ! Quel pays ose faire une chose pareille ?
Monsieur le ministre, est-ce ainsi que vous concevez l'intégration républicaine ? En restreignant de cette façon le droit au regroupement familial, ne craignez-vous pas, au contraire, de contribuer à développer un sentiment de haine - j'ose le dire - envers notre pays ?
Selon vous, durcir de la sorte l'accès au droit de vivre en famille pour un être humain en situation régulière générera-t-il un sentiment d'adhésion au pays prétendument d'accueil, ou plutôt un sentiment de rejet ?
Cette mesure pose bien d'autres questions encore, notamment celles-ci : où, quand, comment et par qui s'effectuera l'évaluation du degré de connaissance et, en cas de nécessité, la formation ? Qui prendra en charge cette dernière ? Ne pensez-vous pas que cette disposition risque de créer une discrimination entre les étrangers francophones et non francophones ?
Vous voulez ainsi demander à des étrangers de connaître nos valeurs républicaines alors même que votre politique tourne le dos aux principes les plus sacrés, les mieux ancrés dans notre République : la liberté, l'égalité, la fraternité, la solidarité, la coopération et le respect du vivre ensemble !
Voilà autant de questions auxquelles votre texte n'apporte aucune réponse.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter cet amendement.