Séance en hémicycle du 3 octobre 2007 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • conjoint
  • intégration
  • langue
  • mariage
  • regroupement
  • regroupement familial
  • séjour
  • test
  • visa

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.

Conformément à l'article 8 du règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes a été affichée.

Cette liste sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la désignation de deux membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen m'a fait connaître qu'il proposait la candidature de M. Georges Othily.

Le groupe communiste républicain et citoyen m'a fait connaître qu'il proposait la candidature de Mme Odette Terrade.

Ces deux candidatures ont été affichées. Elles seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a demandé au Sénat de bien vouloir siéger le jeudi 4 octobre au soir pour la suite de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'asile et à l'intégration.

Je vous rappelle, en effet, qu'il reste quelque 190 amendements à examiner sur des questions qui méritent un débat approfondi de la part de la Haute Assemblée.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour du mercredi 10 octobre après-midi le projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives.

Acte est donné de cette communication et le Sénat siégera le mercredi 10 octobre à 15 heures pour l'examen de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mon rappel au règlement n'a plus lieu d'être, monsieur le président. Je voulais suggérer qu'au lieu de tenir séance demain soir, pour la troisième nuit consécutive, nous siégions le mercredi 10 octobre. En effet, comme le Parlement a été informé de l'accélération de la réforme des régimes spéciaux de retraite, l'ordre du jour ne prévoyait pas de séance ce jour-là. Toutefois, je constate que le Gouvernement a trouvé de quoi nous occuper et ma requête tombe donc à l'eau.

Il reste que l'organisation de nos travaux est pour le moins incertaine et mouvante, puisque l'ordre du jour de notre assemblée vient d'être modifié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Madame Borvo Cohen-Seat, je vous donne acte de votre déclaration.

Je salue le retour de Mme Terrade au sein de la Haute Assemblée : bienvenue, ma chère collègue.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (nos 461, 470).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements présentés à l'article 1er.

Par ailleurs, je rappelle au Sénat que l'article 4 ainsi que l'amendement n° 94 tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 seront examinés en priorité après l'article 1er.

Après l'article L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 411-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 411-8. - Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est sollicité bénéficie, dans son pays de résidence, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, l'autorité administrative organise à l'intention de l'étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. Le bénéfice du regroupement familial est subordonné à la production d'une attestation de suivi de cette formation qui doit être délivrée dans le mois suivant la fin de ladite formation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le délai maximum dans lequel les résultats de l'évaluation doivent être communiqués, le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le nombre d'heures minimum que cette dernière doit compter, les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé ainsi que les modalités selon lesquelles une commission désignée par le ministre chargé de l'immigration conçoit le contenu de l'évaluation portant sur la connaissance des valeurs de la République. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 79 est présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 125 est présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 79.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L'article 1er du présent projet de loi prévoit de soumettre les personnes sollicitant un regroupement familial à une évaluation, afin de mieux cerner leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

En cas de besoin, une formation serait organisée dans le pays de résidence, au terme de laquelle une nouvelle évaluation serait effectuée. Le suivi de cette formation conditionnerait la délivrance d'un visa.

Comment le Gouvernement justifie-t-il cette nouvelle exigence ? Par le souci d'éviter le communautarisme et de permettre aux intéressés de préparer leur intégration républicaine dans la société française.

Or le chemin que doivent parcourir les étrangers demandant un regroupement familial est déjà très long. Cumulée avec des conditions de ressources revues à la hausse, l'instauration d'un contrat d'accueil et d'intégration pour les familles et la mise en place de tests ADN, si ceux-ci sont approuvés par le Parlement, cette nouvelle exigence restreint de fait l'accès au territoire français pour les candidats au regroupement familial. Elle ajoute donc une étape, une condition et des intervenants supplémentaires dans une procédure qui me semble déjà un peu trop longue.

Alors que les administrations chargées de cette procédure se trouvent déjà dans l'incapacité de traiter les dossiers dans des délais raisonnables, l'organisation des sessions de formation prendra encore du temps, et les familles resteront séparées plus longtemps. Il s'agit là d'une atteinte au droit de vivre en famille, qui constitue pourtant une règle inaliénable, protégée par des textes ratifiés par la France, comme la Convention européenne des droits de l'homme et la Convention internationale de 1989 relative aux droits de l'enfant.

C'est tout de même un comble d'autoriser un étranger à venir chez nous pour travailler tout en lui interdisant de faire venir éventuellement sa femme et ses enfants ! Quel pays ose faire une chose pareille ?

Monsieur le ministre, est-ce ainsi que vous concevez l'intégration républicaine ? En restreignant de cette façon le droit au regroupement familial, ne craignez-vous pas, au contraire, de contribuer à développer un sentiment de haine - j'ose le dire - envers notre pays ?

Selon vous, durcir de la sorte l'accès au droit de vivre en famille pour un être humain en situation régulière générera-t-il un sentiment d'adhésion au pays prétendument d'accueil, ou plutôt un sentiment de rejet ?

Cette mesure pose bien d'autres questions encore, notamment celles-ci : où, quand, comment et par qui s'effectuera l'évaluation du degré de connaissance et, en cas de nécessité, la formation ? Qui prendra en charge cette dernière ? Ne pensez-vous pas que cette disposition risque de créer une discrimination entre les étrangers francophones et non francophones ?

Vous voulez ainsi demander à des étrangers de connaître nos valeurs républicaines alors même que votre politique tourne le dos aux principes les plus sacrés, les mieux ancrés dans notre République : la liberté, l'égalité, la fraternité, la solidarité, la coopération et le respect du vivre ensemble !

Voilà autant de questions auxquelles votre texte n'apporte aucune réponse.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 125.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En préambule, je rappellerai notre attachement au droit de mener une vie familiale normale.

L'article 1er du projet de loi prévoit l'organisation d'une formation, dont on peut craindre qu'elle ne fasse double emploi avec l'obligation imposée aux bénéficiaires du regroupement familial dans le cadre du CAI, le contrat d'accueil et d'intégration, quand ceux-ci seront présents sur le territoire national.

Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le réalisme dont nous devons faire preuve : c'est l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui devra mener ces travaux. Or, lors d'une audition, les représentants de cette agence nous ont indiqué que 71 % des personnes concernées maîtrisaient la langue française et n'avaient donc pas besoin d'une formation.

Par ailleurs, si certains pays sont capables d'organiser cette formation, en lien avec l'ANAEM, qu'en sera-t-il dans les États où ce n'est pas le cas ? Qu'adviendra-t-il des personnes qui demeurent loin du consulat ? Quid des frais de déplacement ? Nous savons tous, en effet, combien il peut être difficile de se déplacer dans certains pays. La durée de la formation ne conduira-t-elle pas à allonger encore les délais d'attente pour la délivrance des visas ?

Surtout, nous craignons que le dispositif ne soit contre-productif. Il est illusoire de penser, me semble-t-il, que les personnes concernées accepteront une séparation familiale pour ce motif. Où devront-elles suivre la formation ? Devront-elles grossir les rangs des sans-papiers ?

Enfin, le regroupement familial concerne beaucoup de femmes. Devront-elles supporter encore davantage les conséquences néfastes de ce régime ?

Cette nouvelle condition posée au regroupement familial constitue, selon nous, un coup porté gratuitement au droit à une vie familiale normale. Aussi, nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 127, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

âgé de plus de seize ans

par le mot :

majeur

La parole est à M. Louis Mermaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Nous avons déjà précisé ce que nous pensions de l'article 1er, que nous contestons formellement pour des raisons politiques et morales.

Toutefois, comme il faut toujours essayer d'éviter le pire aux uns et aux autres, nous avons déposé un amendement de repli. Il va de soi que la suppression de l'article 1er aurait été préférable.

S'agissant du regroupement familial, le projet de loi que nous examinons soumet certains de ses bénéficiaires - c'est le terme officiel ; pour ma part, je parlerais plutôt de victimes ! -, à savoir les enfants âgés de plus de seize ans, à une nouvelle condition relative à la connaissance de la langue française et des valeurs de la République avant leur départ.

Nous le savons, la loi du 24 juillet 2006 a mis en place pour ces mêmes personnes, lors de leur arrivée en France, la conclusion d'un contrat d'accueil et d'intégration, par lequel elles s'obligent à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique, limitée à l'apprentissage du français oral.

Dès lors qu'a été récemment instauré un dispositif d'intégration des primo-arrivants, il nous semble inutile d'ajouter une nouvelle mesure du même type, avant même l'entrée en France de ceux qui pourront bénéficier du regroupement familial.

La motivation de cette réforme repose non pas sur un semblant d'expertise, me semble-t-il, mais uniquement sur l'idée, le préjugé selon lequel l'étranger réussirait « mieux » son parcours d'intégration s'il y était préparé avant sa venue en dans notre pays.

En ce qui concerne les mineurs, puisque ce sont eux qui sont visés par cet amendement, si ceux qui sont âgés de moins de seize ans sont exemptés du stage linguistique, les autres sont soumis à un test tendant à vérifier leur maîtrise de la langue française et leur connaissance des valeurs de la République, formule qu'il faudra tout de même préciser.

Comment explique-t-on, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, pour les enfants français, aucune méthode d'apprentissage d'une langue n'a jamais été déclarée plus efficace que l'immersion dans un pays qui la pratique, alors que, dès lors qu'il s'agit d'enfants originaires du sud de la planète, cette même méthode n'est pas bonne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Par ailleurs, examinons la situation d'un point de vue pratique en prenant l'exemple d'une famille originaire du Burkina Faso dont le père et la mère résident en France et demandent le regroupement familial pour deux enfants, dont l'un a moins de seize ans et l'autre plus de seize ans. Le plus âgé devra faire un long trajet pour suivre le stage dans la capitale de cet État africain. Comment s'y rendra-t-il ? Où ira-t-il ? Où séjournera-t-il ? Où sera-t-il reçu ? Qui prendra en charge les frais d'hébergement et de transport ? Vous ne pourrez certainement pas nous apporter les réponses à ces questions, monsieur le ministre : c'est le Conseil d'État qui devra vous les souffler !

Ce qui est proposé nous semble déraisonnable - je suis sûr que M. Jean-Pierre Raffarin partage mon point de vue -, inapplicable, dangereux pour ces mineurs. J'espère que lui et ses collègues voteront cet amendement de soulagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 48 est présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 80 est présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

seize

par le mot :

dix-huit

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 48.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ce projet de loi prévoit de limiter l'entrée sur le territoire français des mineurs, qui sont considérés par la Cour européenne des droits de l'homme comme des personnes vulnérables devant faire l'objet d'un traitement particulier.

Or ce texte, au lieu de faciliter le regroupement familial du mineur, lui impose des sujétions plus importantes et ne prend pas en compte sa minorité, puisqu'il distingue ceux qui ont plus de seize ans des autres.

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous nous avez donné des exemples européens, notamment pour justifier le recours au test ADN. Je souhaite faire de même pour vous rappeler que, en matière de regroupement familial des mineurs, l'État a l'obligation positive de « faciliter la réunification familiale », selon l'expression de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, dans les différents arrêts que la Cour a rendus contre la Norvège, la Suède ou la Finlande, celle-ci rappelle que, pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale.

Or la méthode instaurée par ce projet de loi ne respecte pas la Convention relative aux droits de l'enfant. En effet, l'article 10 précise que « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ». En outre, le premier alinéa de l'article 3 souligne que, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

Dans une décision de principe, le Conseil d'État a affirmé que l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, qui protège « l'intérêt supérieur de l'enfant », est d'effet direct et qu'il peut être utilement invoqué devant le juge. L'article 1er lui étant contraire, nous en demandons le rejet.

Monsieur le ministre, dois-je vous rappeler qu'un enfant âgé de seize ans est un mineur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 80.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il s'agit d'un amendement de repli dont l'objet est de préciser que l'évaluation du niveau de connaissance de la langue française et des valeurs de la République et le suivi éventuel d'une formation ne doivent pas être appliqués à des mineurs.

Pour les mineurs, les difficultés pratiques pour suivre une formation - qu'il s'agisse de la distance ou du coût - sont plus fortes. Or ne pas participer à cette formation dans le pays d'origine peut entraîner le refus de délivrance du visa.

Il est donc indispensable, à notre sens, sinon de supprimer purement et simplement l'article 1er, du moins de prévoir des dérogations à cette obligation de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

Un apprentissage dans le pays d'origine ne semble pas avoir d'utilité pour les mineurs, car, à cet âge, l'apprentissage de la langue se fait plus facilement dans le cadre des relations sociales nouées dans le pays d'accueil. N'apprend-on pas mieux une langue étrangère en situation d'immersion ?

En France, n'incite-t-on pas les élèves qui veulent apprendre une langue étrangère à effectuer des stages ou des séjours linguistiques à l'étranger ? N'est-ce pas ainsi que l'on appréhende le mieux la langue d'un pays étranger ou que l'on apprend à mieux connaître les traditions et le mode de vie de ses habitants ?

Pourquoi ce qui est bon pour les jeunes Français ne le serait-il pas pour les jeunes étrangers qui veulent venir chez nous dans le but de rejoindre un parent ?

En outre, prévoir une telle obligation pour les mineurs âgés de plus de seize ans aura, en termes de délais, des conséquences susceptibles d'hypothéquer largement leur venue en France au titre du regroupement familial. En effet, compte tenu des délais déjà très longs en la matière, je crains fort que, pour une demande de regroupement familial émise par un mineur âgé de plus de seize ans, la réponse de l'administration n'arrive trop tard, c'est-à-dire une fois que celui-ci aura atteint l'âge de la majorité. Et ce, monsieur le ministre, en raison des obstacles prévus par votre texte !

Toutes ces raisons militent en faveur de cet amendement de repli, qui vise à concerner seulement les majeurs, ce qui permettrait d'atténuer un tant soit peu l'obligation, inscrite dans ce projet de loi, de connaître la langue française et les valeurs de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 47, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

organise

par les mots :

, ou les services déconcentrés de celles-ci, organisent

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Ce projet de loi prévoit d'instituer un système de délivrance d'autorisation de regroupement familial discriminant. Seuls les ressortissants étrangers jouissant d'un certain niveau de vie, ayant suivi des études dans des écoles dispensant des cours de français ou ayant des parents parlant le français seront éligibles au regroupement familial. Les autres se le verront refuser parce qu'ils n'auront pas eu cette chance.

Fatalement, certaines personnes ne pourront pas suivre la formation qui leur sera imposée, car celle-ci risque d'être éloignée de leur domicile et ils n'auront pas les moyens de s'y rendre. Ils ne pourront donc pas obtenir l'attestation de suivi de la formation et auront été exclus du dispositif en raison de leurs ressources financières, qui ne leur auront pas permis de bénéficier de cette formation. Une fois de plus, on exclut les pauvres !

Des garanties doivent exister, notamment afin de mettre en place cette formation sur des sites décentralisés. Les autorités consulaires ont une compétence géographique qui peut être très large et vaste : un seul guichet nuirait à l'efficacité de la mesure qui est instaurée et exclurait trop d'individus.

C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à prévoir une organisation décentralisée prenant en compte les réalités géographiques des pays dans lesquels ces formations seront organisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 46, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :

organise

insérer les mots :

dans les plus brefs délais

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 1, présenté par M. Buffet au nom de la commission est ainsi libellé :

Remplacer les deux dernières phrases du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par trois phrases ainsi rédigées :

La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l'issue de la formation. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial, le nombre d'heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement a un triple objet.

D'abord, les députés ont souhaité créer une commission chargée de mettre au point le test de connaissance des valeurs de la République. Certes, on peut comprendre la nécessité de cette instance, mais la commission des lois n'est pas très favorable à la création de tels organismes et estime que cela relève du pouvoir réglementaire. C'est la raison pour laquelle cet amendement tend à supprimer cette disposition.

Deuxièmement, concernant le respect du délai global d'examen des demandes de regroupement familial, je suggère de préciser que l'autorité administrative compétente convoque l'étranger en vue de passer le test dès qu'elle est informée du dépôt d'une demande de regroupement familial. Il s'agit ainsi d'éviter de perdre du temps.

Troisièmement enfin, l'amendement tend à supprimer la précision de l'Assemblée nationale selon laquelle le décret d'application fixe le délai maximal dans lequel les résultats de l'évaluation doivent être communiqués. Malgré le bien-fondé de cette intention, une telle disposition peut en effet entraîner une difficulté supplémentaire, car cela laisse entendre qu'entre le moment où le test est effectué et celui où les résultats sont communiqués un délai peut s'écouler. Or, étant donné la brièveté et la simplicité du test, les résultats doivent pouvoir être délivrés instantanément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le sous-amendement n° 75, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du second alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

familial,

insérer les mots :

le contenu de la formation

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, j'aimerais savoir ce que signifie l'expression « connaissance des valeurs de la République ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Rien, parce que les valeurs de la République, cela n'existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Liberté, égalité, fraternité, certes, mais cela vise-t-il autre chose ? Faut-il connaître un couplet de la Marseillaise ? La connaître par coeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Faut-il connaître les couleurs du drapeau français, pouvoir en expliquer l'origine, voire leur signification ? Il serait intéressant de proposer ce test à nos collègues ici présents, pour savoir s'ils le réussiraient !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Avons-nous tous la même conception de ces valeurs ? Saurions-nous tous dire ce qui en fait partie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Si la réponse est non, il faudrait définir ces valeurs et il serait alors souhaitable que l'étranger, dans le cadre du décret visé par cet article, sache de quoi nous parlons.

Si la réponse est oui, il sera encore plus aisé de définir ce corpus de valeurs dans le cadre de ce même décret.

L'Assemblée nationale a préconisé la création d'une commission. Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Il suffit de définir le contenu de la formation, de manière que l'étranger sache à quoi il doit se préparer, avant de suivre la formation. Même s'il n'y a pas d'examen à la clé, il convient de préciser dans la loi qu'un décret fixera le contenu de la formation.

Monsieur le ministre, il serait intéressant de savoir ce que vous entendez par « valeurs de la République ». J'avoue m'être plusieurs fois posé cette question. Pourtant, je me sens pleinement républicaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 81, présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :

dispensé

insérer les mots :

en raison notamment de la distance géographique, de la situation politique du pays, de la situation économique et personnelle du demandeur

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je défendrai simultanément les amendements n° 81 et 82, car il s'agit d'amendements de repli.

L'amendement n° 81 vise à définir dans la loi les motifs légitimes qui entraînent une dispense de formation. L'article 1er prévoit en effet que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut être dispensé de la formation seront fixés par décret en Conseil d'État.

Or il est regrettable que les parlementaires n'aient pas connaissance de ces motifs et n'aient pas à se prononcer à leur sujet. J'estime que nous devons nous assurer que les cas de dispense couvrent bien toutes les situations dans lesquelles le suivi de la formation ne peut être envisagé.

Voilà pourquoi cet amendement vise à préciser que la dispense de formation pourra être accordée « en raison notamment de la distance géographique, de la situation politique du pays, de la situation économique et personnelle du demandeur ». La délivrance du visa étant subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation, il est dès lors indispensable de prévoir expressément dans la loi les cas dans lesquels le candidat au regroupement familial en est dispensé.

L'amendement n° 82 tend à prévoir une espèce de sanction en cas de non-respect des délais prévus à cet article.

L'article 1er fixe en effet des délais maximum, non seulement celui dans lequel les résultats de l'évaluation doivent être communiqués mais également celui dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées.

Or, vous en conviendrez, fixer de tels délais ne garantit nullement qu'ils seront respectés.

À quoi sert-il, dès lors, de prévoir ces délais si c'est pour ne pas les respecter ? Dans la procédure de regroupement familial, par exemple, existe un délai légal de traitement de la demande fixé à six mois. Pourtant, dans certains départements, l'administration met au moins dix-huit mois pour instruire les dossiers. C'est précisément ce que je souhaite éviter en proposant le présent amendement.

Selon moi, des difficultés pratiques de mise en oeuvre de l'évaluation et de la formation vont voir le jour assez rapidement. Or il ne faudrait pas que ces difficultés de mise en route sanctionnent le demandeur en allongeant encore le délai d'attente dans son pays d'origine avant qu'il soit autorisé à rejoindre sa famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 82, présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :

En cas de non respect de ces délais, le demandeur est dispensé du suivi de la formation.

Cet amendement vient d'être défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements, à l'exception de celui qu'elle a elle-même proposé ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'article 1er crée une simple obligation de moyens à la charge des bénéficiaires du regroupement familial. L'amendement n° 1, présenté par la commission, tend à préciser que la formation peut débuter dès le dépôt du dossier en préfecture. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 79 et 125.

L'amendement n° 127 vise à exclure les mineurs de seize à dix-huit ans de l'obligation de formation préalable. Or le projet de loi impose une telle formation à ces mineurs car, comme chacun peut le comprendre, ces jeunes, en raison de leur âge, ne sont plus soumis à l'obligation scolaire et entrent déjà, par conséquent, dans le champ d'application du contrat d'accueil et d'intégration. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

La commission est également défavorable aux amendements identiques n° 48 et 80.

L'amendement n° 47 a pour objet de permettre aux services déconcentrés de l'État d'organiser le test et la formation. Selon ses auteurs, il s'agit d'éviter que les formations ne soient déléguées à des prestataires extérieurs. On ne voit pas bien comment les services déconcentrés de l'État à l'étranger pourraient organiser ce type de formation, alors que l'on peut déjà s'appuyer sur un réseau existant pouvant remplir cette fonction. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 46 tend à préciser que la formation est organisée dans les plus brefs délais. Il semble en grande partie satisfait par l'amendement n° 1 de la commission aux termes duquel un décret en Conseil d'État fixe le délai maximal dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial. Madame Boumediene-Thiery, la commission vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 46 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 75 tend à prévoir que le décret précise le contenu de la formation. La commission émet un avis favorable, sous réserve d'une modification rédactionnelle, à savoir l'ajout d'une virgule après le mot « formation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Madame Boumediene-Thiery, acceptez-vous de modifier ainsi votre sous-amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il s'agit donc du sous-amendement n° 75 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, et ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du second alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

familial,

insérer les mots :

le contenu de la formation,

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Concernant l'amendement n° 81, la commission émet un avis défavorable. En effet, le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les motifs pour lesquels un étranger peut être dispensé de la formation et du test. Laissons au pouvoir réglementaire le soin de remplir cette mission.

Aux termes de l'amendement n° 82, enfin, l'étranger serait dispensé du suivi de la formation en cas de non-respect des délais dans lesquels l'évaluation et la formation devraient être proposées. Le dispositif prévoit déjà un délai maximal dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées. Il paraît donc inutile de prévoir en plus une sorte de dispense automatique en cas de dépassement. De surcroît, l'administration risque de prévoir des délais extrêmement longs, si bien que cette volonté sympathique pourrait se retourner contre les demandeurs. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de revenir brièvement sur les propos de certains orateurs, notamment sur ceux qu'a tenus Mme André.

Madame le sénateur, quelle est la réalité de l'organisation de l'évaluation du degré de connaissance et des valeurs de la République ? Nous partons d'un postulat qui s'ajoute à une conviction - ce qui n'est pas incompatible -, à savoir que, pour s'intégrer dans un pays, mieux vaut en connaître certains éléments de la langue avant de s'y rendre. Il est alors plus facile de trouver un logement, un travail, d'avoir des relations avec ses voisins, de faire ses courses, etc. Telle est l'idée qui a guidé le Gouvernement.

Si nous voulons éviter que les migrants n'arrivent sur notre territoire sans repères, nous devons leur donner la possibilité d'apprendre le français au moment où ils forment le projet de venir dans notre pays. Certes, il s'agit d'un effort, mais nous devons leur demander de le fournir.

Je l'ai dit hier mais je souhaite le rappeler aujourd'hui devant la Haute Assemblée : les uns et les autres, nous avons tous la même préoccupation, à savoir lutter contre le communautarisme. Justement, connaître déjà certains éléments de la langue est l'un des moyens d'y parvenir.

Ceux qui ne réussiront pas le test de quinze minutes visant à évaluer leurs connaissances du français usuel pourront bénéficier d'une formation de quatre-vingts heures à cent vingt heures. L'assiduité sera l'un des critères retenus pour la délivrance de l'autorisation de regroupement familial. La fin de la formation n'est donc pas sanctionnée par un diplôme. Il s'agit simplement d'un moyen pour apprécier la motivation du candidat étranger qui souhaite venir en France.

Au risque de paraître faire trop souvent référence à des enquêtes d'opinion aux yeux de sénateurs siégeant sur certaines travées de cet hémicycle, je rappelle qu'un bloc d'enquêtes ont été réalisées sur ces questions.

M. Louis Mermaz sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Ils étaient 80 % à approuver les accords de Munich !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Mermaz, vous vous référez à une période où les sondages n'existaient pas ! Mais peut-être nous livrez-vous une estimation personnelle, ce qui honore vos capacités d'historien.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Et 100 % des Français approuvent la suppression des impôts !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Vous apportez une précision utile, monsieur le sénateur.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Madame Boumediene-Thiery, vous avez soulevé la question de la définition des valeurs de la République. À ce sujet, M. Charasse a d'ailleurs indiqué qu'il serait préférable de définir les principes de la République. Quoi qu'il en soit, les valeurs de la République sont définies dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ces termes : « la présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment en ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité, l'état de droit, les libertés fondamentales, la sûreté des personnes et des biens... » Tels sont les éléments retenus, qui, selon moi, ne choquent personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Interrogez les Français ! Combien d'entre eux sauraient les citer ?

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Assouline, engageons une réflexion pour compléter ces éléments !

J'en viens aux amendements qui ont été présentés.

Pour ce qui concerne les amendements identiques n° 79 et 125, supprimer l'article 1er du projet de loi reviendrait à renoncer à un moyen supplémentaire - je dis bien « supplémentaire - donné aux étrangers qui veulent s'installer en France, pour préparer leur intégration.

L'amendement n° 127 ainsi que les amendements identiques n° 38 et 80 tendent à exempter de la mesure les jeunes âgés de seize à dix-huit ans. Un tel dispositif serait contraire aux intérêts des jeunes immigrants. Comme vous le savez, ces jeunes ne sont plus soumis à l'obligation scolaire. Ils peuvent donc travailler. Or l'intégration du jeune dans la société, que ce soit par le biais des études ou du travail, sera à l'évidence facilitée s'il bénéficie, avant son arrivée en France, de moyens supplémentaires pour s'y préparer. Il serait peut-être maladroit d'empêcher un jeune de seize ans de profiter de cette opportunité.

L'amendement n° 47 relève du domaine réglementaire. Cependant, madame Boumediene-Thiery, je comprends votre préoccupation. Il sera fait au mieux pour que l'organisation des formations dans les pays de résidence soit adaptée aux contraintes techniques et géographiques.

Madame André, s'agissant de l'ANAEM, vous avez raison. Elle n'est présente que dans six pays.

M. Richard Yung opine.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Même si l'ANAEM va s'installer dans un certain nombre de pays au cours de l'année prochaine, on a bien conscience que la mission de formation qu'elle remplit doit être également assumée par tous les organismes qui viennent d'être cités. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 47.

L'amendement n° 46, quant à lui, n'est pas normatif. La procédure de regroupement familial obéit à des délais qui seront respectés. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Il est, en revanche, favorable au sous-amendement n° 75 rectifié, qui tend à définir le contenu de la formation par décret. Je rappelle que depuis 2006 sont organisées des formations linguistiques dont l'objectif est l'obtention du diplôme initial de langue française ainsi que l'acquisition d'une formation civique, dont le programme a été établi en concertation avec le Haut Conseil à l'intégration. C'est sur ces bases éprouvées que seront élaborés le test et les cours à l'étranger. Par conséquent, madame le sénateur, je ne vois pas d'inconvénient à ce que le contenu de ladite formation soit renvoyé explicitement au décret.

L'amendement n° 1, vise à préciser que l'attestation de suivi est produite immédiatement à l'issue de la formation et que le point de départ des délais de l'organisation du test et de la formation est le dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial. Le Gouvernement, étant d'accord avec cette procédure de simplification, émet un avis favorable.

L'amendement n° 81 tend à établir des dispenses. Or le décret en Conseil d'État prévoira des motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut être dispensé de l'évaluation et de la formation. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 82, qui porte sur les délais de réalisation du test et de la formation, il prévoit que le demandeur est dispensé du suivi de la formation en cas de non-respect de ces délais par l'administration. Tout sera mis en oeuvre pour que ces délais, qui entrent dans le délai global de traitement des demandes de regroupement familial - fixé, je le rappelle, par le Conseil constitutionnel - soient respectés. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 79 et 125.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

L'article 1er, plus encore que l'article 4, représente un terrible constat d'échec pour la francophonie. Les migrants qui sont visés très précisément par ce texte viennent de pays francophones, qu'il s'agisse du Maghreb ou de l'Afrique subsaharienne.

Depuis l'indépendance, la France mène dans ces pays une politique de coopération pour maintenir l'usage du Français. Or nous nous rendons compte que les membres de familles ayant des relations avec la France - au moins l'un d'entre eux séjourne en France, voire toute la parentèle - ne parlent pas un mot de français. Il s'agit donc d'un échec absolument terrifiant de la francophonie, que le Gouvernement entérine à travers ce texte !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Par ailleurs, vous déniez toute valeur aux études sérieuses qui sont faites, par exemple, par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Dans son rapport de 2005, cette dernière s'interrogeait en ces termes : « La question de l'obligation linguistique en soi a suscité des interrogations. Comment se justifie le choix du niveau linguistique requis ? Comment identifier les besoins réels des migrants pour la participation à la vie en société et pour l'emploi ? Comment lier le ou les niveaux requis à ces besoins et comment établir des objectifs réalistes en fonction des besoins et des capacités des personnes ? Dans quelle mesure le volume horaire retenu permet-il d'atteindre le niveau requis ? »

Monsieur le ministre, j'ai enseigné le français comme langue seconde pendant plus de vingt ans en Tunisie. Croyez-moi, quatre-vingts heures ou cent vingt heures de cours pour des jeunes ou des femmes qui n'ont jamais eu auparavant la moindre notion de français, le moindre contact avec notre langue, cela n'a pas de sens. Ils n'apprendront rien, ou pas grand-chose.

Il serait plus sérieux de faire du contrat d'accueil et d'intégration un dispositif réellement professionnel. Or tous les témoignages des professeurs de français en tant que langue étrangère concordent : la tâche de remplir les missions du contrat d'accueil et d'intégration est confiée à des associations, lesquelles voient leurs subventions baisser, si bien que les cours sont dispensés par des bénévoles, non par des professeurs, qui savent enseigner le français.

Ce n'est pas parce que l'on sait se coiffer que l'on est coiffeur. Ce n'est pas parce que l'on sait parler le français que l'on est capable de l'enseigner, surtout à des étrangers.

Appliquons sérieusement les lois existantes avant d'ajouter des mesures qui ne tiennent pas la route, même sur le plan pédagogique ?

Je terminerai par ce que certains considéreront peut-être comme un procès d'intention : dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, aucun examen n'est prévu, mais, j'en suis persuadée, dans le prochain, que nous devrons étudier dans six mois ou dans un an, tel ne sera plus le cas.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Madame le sénateur, je ne comprends pas très bien votre raisonnement, même si je perçois parfaitement votre sincérité.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Laissez-moi m'exprimer, monsieur Frimat, vous ne savez pas ce que je vais dire ! Attendez donc deux secondes !

Je comprends très bien votre préoccupation, madame Cerisier-ben Guiga, qui est de voir se développer la francophonie. C'est le postulat de départ.

Tout d'abord, il faut bien sûr être vigilant, mais, contrairement à une idée très répandue, le nombre de personnes parlant le français dans le monde augmente : elles étaient cent soixante-quinze millions voilà environ une quinzaine d'années, elles sont aujourd'hui deux cents millions. Quantitativement, aucun recul n'est donc à déplorer, et nous pouvons être fiers de la place que tient la francophonie.

Ensuite, vous devrez vous donner beaucoup de mal pour expliquer qu'une mesure qui consiste à enseigner le français est un obstacle au développement de la francophonie. Franchement, le raisonnement est un peu spécieux.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Enfin, pour maîtriser parfaitement la langue française, il faut bien sûr du temps, et je fais référence à votre expérience professionnelle - que je ne mets pas en cause. Mais je n'ai jamais dit que l'objectif était de faire passer la dictée de Pivot ! Sans doute nous sommes-nous mal compris, ou peut-être me suis-je très mal exprimé. L'objectif, c'est que l'étranger possède quelques mots de français usuel à son arrivée sur notre territoire, afin qu'il puisse d'ores et déjà converser, faire ses courses et, je l'espère, trouver du travail. Il ne faut donc pas le dénaturer.

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - M. Adrien Giraud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous avons bien compris que nos débats étaient guidés par l'opinion publique. Cependant, mes chers collègues, je vais vous faire de la peine : selon un sondage récent, plus de la moitié de nos concitoyens considèrent que les parlementaires ne servent à rien.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si nous suivons si aveuglement l'opinion, nous pouvons nous-mêmes enterrer le Parlement, avant qu'il ne s'enterre lui-même par notre incapacité à jouer notre rôle de parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il en va avec ce projet de loi comme avec d'autres : nous avons beaucoup de mal à effectuer le b.a.-ba de notre mission : réfléchir à l'éthique, aux valeurs de la République, etc. En effet, nous sommes guidés par le Gouvernement, qui est lui-même guidé par des enquêtes d'opinion multiples et variées, lesquelles sont, comme chacun le sait, habilement faites.

Il faut faire attention ! Il nous appartient de prouver à l'opinion que nous servons à quelque chose, mais aussi de nous donner la peine de réfléchir, quand on nous demande de participer un tant soit peu à l'élaboration de la loi, qui est notre bien commun.

Je relève, dans cet article, une contradiction : un pays, lorsqu'il accueille un étranger, se doit de lui enseigner un certain nombre de choses, de favoriser son intégration, ce qui vous a amené, monsieur le ministre, à prévoir un contrat d'intégration - je préférerais, quant à moi, une politique d'intégration - mais vous décidez de surcroît que l'étranger, y compris, d'ailleurs, s'il s'agit d'un jeune, doit avoir commencé cette instruction avant son arrivée sur notre territoire. Il conviendrait d'approfondir la réflexion sur ce point

Il est bon d'indiquer clairement qu'il appartient à l'État, une fois que l'étranger est en France, de faciliter son apprentissage de notre langue et de notre mode de vie. Je reviendrai sur les valeurs de la République. Ce que vous nous proposez me paraît inacceptable.

J'en viens à l'âge des étrangers concernés. En France, l'âge de la majorité est toujours fixé à dix-huit ans ; auparavant, on est encore un enfant. Je sais bien que vous avez tendance à envoyer des enfants de plus en plus jeunes en prison. Les dérogations à la majorité sont prévues dans des cas exceptionnels. Cependant, dans le présent texte, un jeune âgé de seize ans à dix-huit ans est considéré comme un adulte qui vient de son plein gré et il doit donc se conformer à un certain nombre de règles applicables aux adultes venant s'installer dans notre pays.

Nous estimons que rien ne devrait entraver la venue d'un enfant dans sa famille. Selon la convention des droits de l'enfant, les États doivent favoriser la vie en famille des enfants. Or, dans cet article, on impose une condition supplémentaire pour que les enfants de seize ans à dix-huit ans puissent venir rejoindre leur famille. Cela me semble exorbitant.

Enfin, je vais vous dire quelque chose qui, une fois encore, ne va pas vous plaire, monsieur le ministre : comment demander aux étrangers ce qu'on n'accepterait pas pour les ressortissants de notre pays ?

Le projet de loi fait obligation aux étrangers qui veulent - ou doivent - venir en France pour rejoindre leur famille de connaître les valeurs de la République. Or elles ne sont pas définies dans ce texte. Vous avez cité certaines d'entre elles, notamment la laïcité.

Comment les Français eux-mêmes définiraient-ils les valeurs de la République ? Connaissent-ils le fonctionnement de nos institutions ? Les enquêtes réalisées sur ce sujet révèlent qu'ils sont malheureusement très ignorants en ces domaines.

Si, comme le Président de la République les y incite souvent, puisqu'il faut, bien entendu, favoriser les échanges, nos concitoyens veulent s'installer dans un pays étranger pour y exercer leurs talents pendant un certain temps, que se passerait-il si on leur demandait de se conformer aux valeurs dudit pays ? Et je ne demande ce qu'ils feraient s'ils devaient se comporter comme les habitants de ce pays, car il s'agit d'un autre débat. Quelle serait leur réaction si, dans un pays confessionnel, ils devaient prêter serment sur la Bible ou le Coran ?

On se conduit de façon anormale envers des ressortissants d'États souverains. En effet, « les valeurs de la République », c'est une notion extrêmement large. Il appartient au pays d'accueil de faire en sorte que la personne présente sur son territoire se conforme aux règles de vie commune, à la loi, aux principes fondamentaux. Les lois sanctionnent ceux qui ne les respectent pas.

Il est abusif d'exiger des étrangers - qui, d'ailleurs, n'ont pas le droit de vote ! - qu'ils sachent ce qu'est la laïcité, qu'ils connaissent nos institutions et le premier couplet de la Marseillaise, que beaucoup de Français ignorent, d'ailleurs ! Cette façon de concevoir l'accueil des étrangers est aberrante.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Mme Gisèle Printz applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet article est le coeur du projet de loi.

À chaque fois qu'il s'agit d'immigration, le Gouvernement et la majorité alimentent les confusions, les amalgames et, par conséquent, les peurs, les réflexes d'exclusion et de repli sur soi.

Nous avons déjà élaboré deux lois et, sans même qu'elles aient été évaluées, nous discutons à nouveau de restrictions supplémentaires.

Comme le laissent supposer les vives discussions suscitées par cet article et cela ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, messieurs de la majorité, cette restriction supplémentaire de l'immigration que constitue l'obligation d'apprendre le français avant de venir sur notre territoire sera très difficile à mettre en oeuvre et se soldera sans doute par un succès très relatif.

La mise en place d'un nouveau moyen de restreindre l'immigration est pour vous l'occasion de faire l'amalgame entre immigration de travail, immigration familiale et immigration de réfugiés politiques.

Or vous savez que ce n'est pas la même chose. Cependant, vous affirmez que le désir de vivre en famille ou de trouver asile en France, pour un étranger que son État d'origine ne protège plus, n'est en fait qu'un prétexte pour frauder et contourner notre droit en matière d'accueil des immigrés. Cela a été dit dans les interventions de l'UMP hier ici même, ainsi que dans tous les milieux que vous fréquentez.

Vous considérez les droits qui existent en France comme des moyens supplémentaires de contourner la loi et de frauder. C'est un vieux débat que celui des droits de l'homme, entre ceux qui veulent les défendre et ceux qui veulent les restreindre. Si l'on devait juger la valeur des droits selon l'impératif qu'ils ne puissent jamais être contournés, il n'y aurait plus ni droits fondamentaux pour nos citoyens en France, ni démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C'est bien en ayant à l'esprit cet équilibre-là que nous devons réfléchir.

Or, le droit de vivre en famille est un droit fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C'est un droit inaliénable. En le restreignant, vous vous attaquez à l'immigration légale, à la femme ou aux enfants qui veulent rejoindre un travailleur migrant séjournant légalement en France.

Vous savez bien que, pour une femme qui souhaite retrouver son mari et qui réside dans un village situé à deux cents kilomètres du lieu où auront lieu le test puis le stage d'apprentissage de notre langue et des valeurs de notre République, le dispositif sera totalement dissuasif. Ainsi, vous allez alimenter les réseaux mafieux, qui deviendront le seul recours possible pour les gens de bonne foi désirant rejoindre leur conjoint, puisque les moyens honnêtes et légaux leur seront inaccessibles. Certains n'hésitent pas à franchir des mers. La famille et l'amour sont des valeurs fondamentales que vos restrictions n'arrêteront pas facilement.

Dès lors, les conjoints qui, malgré leur bonne foi, n'auront pas trouvé les moyens de suivre cette formation n'auront d'autres choix, pour venir « légalement » en France, que de contourner la loi et de chercher à obtenir des fausses attestations auprès de réseaux mafieux, qui ne manqueront pas de se spécialiser dans cette voie. Et ceux qui ne pourront même pas obtenir ces fausses attestations viendront sans papiers et alimenteront l'immigration clandestine.

Dans ces conditions, quelle signification faudra-t-il donner à l'évaluation du taux d'intégration ? Vous le savez, l'intégration dans notre pays, cela passe d'abord par une situation régulière par rapport au droit et, donc, par la possibilité de bénéficier des droits fondamentaux. Tout cela est impossible sans papiers, lorsqu'il faut se terrer chez soi, se cacher et se faufiler systématiquement, lorsqu'il faut faire semblant de ne pas exister par rapport à ses propres enfants qui sont scolarisés, lorsqu'il est impensable d'aller à la soupe populaire de peur d'être arrêté par la police et expulsé. Pour s'intégrer, il faut pouvoir bénéficier des droits.

Monsieur le ministre, avec cette mesure, vous alimentez encore davantage les sans-droits.

Ma collègue l'a dit, il est permis de douter de l'efficacité de ce test de français, même s'il ne porte que sur les rudiments de la langue. Rien à voir, donc, avec la venue dans le pays, laquelle est un élan qui vaut bien les deux cents heures de français consacrées à un tel apprentissage. Vous le savez bien, monsieur le ministre, lorsque vous séjournez dans un pays étranger pour les vacances, même si vous ne maîtrisez pas la langue, les quinze jours sur place vous apprennent beaucoup plus que les heures passées à lire les guides et à retenir les mots essentiels.

En d'autres termes, l'initiation aux mots courants que vous proposez, ce n'est rien d'autre qu'un « Guide du routard » !

Or, tous les professionnels de l'alphabétisation insistent sur la nécessité d'alphabétiser d'abord les personnes dans leur langue d'origine afin de permettre, ensuite, un meilleur apprentissage de la langue française. Voilà quel devrait être notre vrai sujet de préoccupation, car, bien souvent, les familles, notamment les femmes, n'ont même pas été alphabétisées dans leur langue d'origine. Mais je n'épilogue pas, vous êtes suffisamment informés pour savoir tout cela : simplement, vous avez décidé que ce n'était pas votre problème.

Par ailleurs, s'agissant des valeurs de la République, qu'allez-vous donc leur apprendre ?

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Assouline, cela fait déjà cinq minutes que vous vous exprimez !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je termine, monsieur le président.

Pour ces femmes et ces enfants qui habitent à l'étranger, les valeurs de la France, ce sont sa tradition d'accueil et d'asile. C'est en tout cas ce qui était jusqu'à présent transmis de manière extraordinaire par ceux qui vivent ici à ceux qui vivent là-bas. Or, en ce moment, par les lettres qu'elles reçoivent, ces personnes sont alertées sur la remise en cause, par cette loi, de la solidarité, de l'égalité des droits, de l'accueil fraternel, bref, de tout ce que la France représentait pour eux.

Ce faisant, vous ne les éduquez pas aux valeurs de la République, bien au contraire, vous les « méséduquez ». La meilleure façon de les éduquer, c'est de leur faire connaître nos débats : elles comprendront alors que c'est sur les rangs de l'opposition que l'on défend ces valeurs !

Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Vous avez parlé pendant six minutes et trente-cinq secondes, monsieur Assouline !

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites fort éloquemment, de sorte que je peux me permettre de vous suggérer de prendre un peu de hauteur par rapport au texte.

En cet instant, de qui parlons-nous ?

À l'évidence, pas des immigrés eux-mêmes : nous avons déjà eu l'occasion de débattre longuement de leur situation et nous en reparlerons encore tout à l'heure. Non, nous parlons ici de la situation des conjoints et des enfants des immigrés régulièrement installés en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Mes chers collègues, cela change tout ! Si certains d'entre vous peuvent avoir à l'esprit un ou deux fraudeurs « embusqués », sur le compte desquels beaucoup se méprennent, je préfère m'intéresser à tous ceux qui n'ont pas fraudé et qui essaient, de bonne volonté, de respecter la loi : ils ont travaillé honnêtement en France depuis plusieurs années et ont pris leurs dispositions pour faire venir leurs conjoints et leurs enfants, pour que, enfin, toute la famille puisse se retrouver.

Voilà ce qu'il faut avoir à l'esprit, cette blessure de la séparation, cette joie retenue des retrouvailles en vue. Vous le savez bien, ensuite, tout se passe bien et leurs enfants deviennent les compagnons de jeu des nôtres. Vous savez donc également comment tout cela finit : par des histoires d'amour, évidemment, car ce n'est pas le code de la nationalité qui dicte leur manière de vivre ! Voilà pourquoi un Français sur trois a l'un de ses parents qui a été un immigré.

Il s'agit donc des grands-parents, des cousins, des oncles et des tantes de nos enfants et de nos petits-enfants. Nous parlons de notre famille ! Il convient d'y aller tout en douceur et de veiller à prononcer des paroles respectueuses.

Mes chers collègues, d'une manière générale, il faut d'abord avoir du respect pour l'immigré. Beaucoup de choses ont déjà été dites, et je sais que nous sommes nombreux à être du même avis : au bout du compte, l'immigré qui viendra dans notre pays, quel que soit le chemin par lequel il sera passé, sera d'abord un homme ou une femme très courageux, qui se sera exposé à des conditions incroyables ; peut-être même qu'aucun d'entre nous n'aurait le courage de faire cela pour sa famille ! Une fois en France, selon la règle qui ne souffre d'aucune exception, il produira plus de richesses qu'il n'en consommera.

Il importe avant tout d'avoir à l'esprit la dignité humaine. En l'occurrence, puisqu'il s'agit des conjoints et des enfants, du calme, allons-y doucement ! Il n'est ici nullement question de je ne sais quelles hordes qui chercheraient à envahir notre pays. Je le rappelle, l'année dernière, cette situation n'a concerné que 17 000 personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Il y a 63 millions d'habitants dans notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Pour participer à tous les débats sur l'immigration, je me souviens des discussions sur le texte instituant, il n'y a pas si longtemps, le contrat d'accueil et d'intégration, lequel prévoyait des cours d'alphabétisation, ce qui n'était pas sa partie la plus mauvaise.

Monsieur le ministre, je vous pose très franchement la question, mais sans doute allez-vous trouver un moyen de me répondre : quelle méthode permet d'alphabétiser une personne en français et de l'initier à notre langue en quatre-vingts heures ? Je laisse de côté les raisons morales et philosophiques qui nous séparent, car chacun les connaît, pour ne m'intéresser qu'aux aspects pratiques. Personnellement, je pense pouvoir affirmer, sans trop de risque de me tromper, qu'il n'y en a aucune ! Par conséquent, prévoir une méthode qui ne fonctionne pas, c'est vraiment jeter de l'argent par les fenêtres !

D'après vos dires, la formation pourrait durer de quatre-vingts à cent vingt heures. Coupons la poire en deux et prenons comme base de calcul un forfait de cent heures : appliqué à 17 000 personnes, cela représente 1, 7 million d'heures supplémentaires à l'étranger, soit 17 millions d'euros en reprenant le tarif horaire de dix euros retenu dans de telles circonstances.

Évidemment, tout le monde a bien pris la précaution de vérifier que cette somme a bien été affectée à cette tâche dans le prochain projet de budget ! §Sinon, cela n'a aucun sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Sinon, nous parlons de quelque chose qui n'existe pas. Alors, à quoi bon en parler ? Laissons tomber et passons à autre chose !

En outre, monsieur le ministre, puisque toute parole prononcée dans le cadre d'un débat parlementaire a son importance eu égard à la définition même de la loi, je me permets de paraphraser ce que vous avez déclaré sur cette formation depuis hier : « Cessez d'être formalistes ! C'est fait d'abord pour juger de la bonne volonté des personnes concernées, c'est pour leur bien ! » Nous l'avions tous compris, il s'agit d'un dispositif pour leur faciliter la vie ! Vous avez ajouté, ce qui est nouveau, que l'assiduité sera prise en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Visiblement, vous n'êtes pas très coutumier de ce genre de situations. Croyez-moi, lorsqu'un être humain décide d'immigrer, il doit véritablement « s'arracher » à son village. Ce n'est pas la porte à côté. Sa situation n'a rien à voir avec celle du petit-bourgeois du XVIe arrondissement de Paris, qui se rend à son cours de langue après avoir fait du macramé, de la peinture sur soie ou du yoga !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

De sa maison à l'endroit où sera dispensée la formation, il y a des dizaines de kilomètres, parfois même des centaines. Les conjoints et les enfants suivront donc 1, 7 million d'heures de cours au total. Avez-vous prévu des internats ? Bien sûr que non !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Par conséquent, nous sommes en train de débattre d'une mention inscrite sur un document qui n'aura aucune signification réelle. Votre proposition, c'est une machine à fabriquer des faux papiers !

La commission des lois du Sénat a dû, comme souvent, rationalisé les « gargouilles législatives » de l'Assemblée nationale. Elle a résumé dans une formule extrêmement concise le dispositif adopté par les députés et qui ne tient pas debout : il s'agit d'un simple certificat de formation, un point c'est tout ! Nul doute qu'il y aura une « industrie du certificat de formation », car nous sommes incapables d'accueillir 17 000 personnes à l'étranger, matin, midi et soir, pour suivre cent heures d'enseignement. Si c'était le cas, monsieur le ministre, vous auriez pu sûrement nous donner un exemple concret pour nous convaincre. Tout cela n'est donc qu'une muraille de papier.

Je ne vous accuse de rien, mes chers collègues. Je comprends que votre objectif est de régler les flux migratoires, mais la mesure proposée n'est pas le bon moyen de le faire : ce n'est qu'une addition de vexations et de suspicions, qui vont nous rendre odieux aux yeux du monde entier. Personne ne penserait à imposer aux Français ce que nous-mêmes avons l'intention d'imposer aux étrangers, aux conjoints et aux enfants de ceux qui vivent déjà chez nous et à qui nous n'avons qu'une parole à dire, sur laquelle je terminerai cette intervention : pour son travail, pour son courage, pour l'amour qu'il donne aux siens, pour ce qu'il donne à notre patrie, à l'immigré, merci !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, beaucoup de très bonnes choses ayant été excellemment dites, je souhaite simplement revenir sur la question de la réciprocité. Naturellement, nous n'accepterions pas que les Français allant travailler au Japon soient obligés de connaître préalablement le japonais, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

La répétition est l'une des bases de la pédagogie !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si de telles contraintes étaient imposées aux collaborateurs de nos entreprises, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

...qui, fort heureusement, vont à l'étranger, nous ne l'accepterions pas.

Sans revenir sur les questions pratiques, qui ont été longuement évoquées, je ferai simplement ce rappel : il arrive très fréquemment que les personnes demandant à bénéficier du regroupement familial résident à mille ou deux mille kilomètres du premier consulat. Comment appliquer cette disposition législative aux familles, aux enfants, aux adultes qui sont à une telle distance ? Soit elle s'applique à toute personne, et il faut des moyens très importants, comme l'a souligné Jean-Luc Mélenchon ; soit, elle ne s'applique pas, et mieux vaut alors ne pas la voter.

Mes chers collègues, j'ai moi-même beaucoup enseigné le français à des personnes étrangères.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je l'ai fait avec plaisir, mais cela demande beaucoup de temps et ne s'improvise pas. L'idée que nous nous faisons de la France et de la langue française nous conduit à penser qu'il serait tout de même préférable d'éveiller le désir d'apprendre notre langue, de connaître notre culture et, donc, de développer la francophonie.

Aujourd'hui, j'ai honte quand je vois certains étudiants étrangers, accueillis très facilement dans de nombreux autres pays, notamment ceux que je viens de citer, qui me disent leurs très grandes difficultés pour s'inscrire dans une université française afin de suivre des études ou de mener des recherches. Ils comparent leur parcours à un véritable gymkhana, c'est épouvantable ! L'ambassadeur de Tunisie, que j'ai rencontré encore récemment, m'a même demandé d'intervenir pour augmenter le nombre des visas accordés aux étudiants.

En définitive, c'est l'image de la France qui est aussi en cause. Mieux vaudrait donc aborder le problème de manière beaucoup plus positive.

Enfin, je veux redire, après mes collègues, que le droit à vivre en famille est un droit imprescriptible : l'amour et l'affection ne peuvent en aucun cas être subordonnés à une quelconque exigence en matière de connaissance linguistique. C'est contraire au droit et c'est contraire aux conventions internationales que la France a signées. Respectons ce droit, comme nous le demandent d'ailleurs les hautes autorités spirituelles et morales de notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je vous sens las, monsieur le président ! Je vais donc essayer d'être bref.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Vous pouvez le faire en provençal, si vous voulez !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Je n'ai pas suivi de formation !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je suis d'accord avec ce que viennent de dire mes collègues. Je souhaite pour ma part évoquer un autre point.

Cet article, comme beaucoup d'autres, est un signe de la dégradation de la qualité des textes de loi. De plus en plus, on remplace des concepts juridiques précis, comme l'obligation scolaire, par des notions susceptibles d'interprétations diverses et par des dispositifs aux finalités incertaines.

J'en prends un premier exemple. Officiellement, la fameuse évaluation du niveau de langue ne constitue pas une sanction : elle permet simplement d'indiquer aux candidats à l'immigration - au cas où ils ne le sauraient pas ! - qu'ils ne maîtrisent pas la langue française et de leur proposer une formation.

Vous ne me ferez pas croire que le niveau de langue ne jouera pas dans l'analyse qui conduira à l'obtention ou au refus du titre de séjour. Même si on ne le dit pas, ce critère interviendra ! Nous nous trouvons dans un domaine tout à fait imprécis.

Je cite un deuxième exemple. Les valeurs de la République, nous en avons tous une connaissance intuitive ; mais lorsqu'il s'agit de préciser de quoi il s'agit, cela se complique. Pourtant, dans un texte de loi, mieux vaut être précis !

Lors des séances de formation consacrées aux valeurs de la République, un moment sera-t-il consacré à l'étude du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie intégrante de la Constitution de la Ve République ? On y trouve des choses tout à fait intéressantes, comme le principe selon lequel « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Peut-être l'enseignera-t-on aux candidats à l'immigration ? On peut y lire également que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ou - encore plus génial ! - que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Vous allez en faire des gauchistes !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Où va-t-on ? Et où va-t-on s'arrêter ?

La notion de laïcité paraît claire. Mais allez-vous créer une option pour les étrangers qui voudront s'installer en Alsace-Lorraine ?

Nouveaux sourires sur les mêmes travées

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Indiquer à des personnes qui arrivent dans un pays dont elles doivent respecter les lois le corpus minimal à respecter, pourquoi pas ? On voit bien quel est l'objectif poursuivi, mais cette référence aux valeurs de la République sera, sur le plan juridique, une source de complication plutôt que de clarification.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je n'encombrerai pas longtemps le débat. Mon intervention portera sur l'ensemble des amendements à l'article 1er, afin de plus avoir à y revenir.

Je pense tout d'abord que la formulation proposée par Mme Boumediene-Thiery, dans son sous-amendement n° 75 rectifié, améliore sensiblement l'excellente proposition de la commission dans l'amendement n° 1. M. le ministre l'a d'ailleurs acceptée. Par conséquent, n'en parlons pas.

Sur le reste, ne perdons pas de vue un certain nombre de données, en dehors de tous les aspects traités, parfois fort brillamment, par mes amis.

Un État souverain dispose d'un droit fondamental : accueillir ou non qui il veut sur son territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C'est aussi vieux que le monde et c'est une des bases de la souveraineté des États.

La France, comme d'autres, a accepté quelques exceptions à ce principe. La plus ancienne est le droit d'asile. Inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946 puis dans l'article 53-1 de la Constitution de 1958, il remonte en fait aux rois de France. C'est un droit quasiment sacré, longtemps complémentaire ou à cheval sur le droit d'asile dans les lieux de culte catholique, c'est-à-dire notamment les églises, chapelles et couvents.

Puis d'autres exceptions sont apparues avec l'Union européenne - qui impose des conditions d'admission particulières pour les citoyens des États membres de l'Union - ou des conventions internationales particulières auxquelles la France est partie - Convention internationale des droits de l'enfant, citée par Mme Borvo Cohen-Seat, Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, etc. -, le tout générant une jurisprudence abondante et précise concernant le regroupement familial.

Nous sommes donc tenus par notre Constitution et nos engagements internationaux. Or, ces textes et ces engagements ont des juges : d'abord les juges français, en particulier le Conseil d'État, mais aussi la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, et j'en passe.

Avec cet article, dont je comprends la philosophie et qui, lorsque vous vous expliquez, monsieur le ministre, peut paraître simple, logique et de bon sens, j'ai peur que nous ne tombions rapidement, au moment de l'application, sous le coup de la sanction judiciaire nationale ou européenne ; car les formalités tatillonnes prévues par l'article 1er pourraient être considérées par le juge comme une collection de manoeuvres dilatoires pour s'opposer au regroupement familial.

Il est donc heureux que la commission des lois ait prévu une obligation de délai pour proposer la formation qui ne figurait pas dans le texte de l'Assemblée nationale. Sinon, l'administration pourra faire traîner en imposant des délais abusifs, ce qui ne passera jamais à mon avis devant un juge.

Le deuxième point sur lequel je souhaite appeler l'attention concerne les « motifs légitimes » permettant de dispenser l'étranger de la formation, dont la possibilité figure à la fin de l'amendement de M. Buffet adopté par la commission.

En matière de « motifs légitimes », monsieur le ministre, si la France ne veut pas être condamnée par une juridiction étrangère et si le Gouvernement ne veut pas être désavoué par un tribunal français, il faudra obligatoirement faire preuve d'une grande souplesse.

On pense évidemment aux cas dans lesquels il ne sera pas possible d'assurer une formation à proximité, notamment parce que la France n'a ni ambassade ni consulat ni centre culturel ou Alliance française, ni lycée dans de très nombreux pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il existe des pays dans lesquels nous n'avons pas de représentation ! Nos collègues sénateurs représentant les Français de l'étranger le savent bien.

Comment voulez-vous suivre une formation sur place s'il n'y a pas d'Alliance française, de centre culturel français, d'école ou de lycée ?

Vous répondez que l'on peut aller dans un pays voisin, si on a l'argent et les moyens de transport pour cela. Mais certains pays se détestent tellement entre eux qu'ils refusent que les ressortissants d'un pays voisin viennent chez eux et ne leur délivrent pas de visa.

C'est une première situation, celle qui se produira le plus souvent. Mais on peut aussi penser aux situations de désordre intérieur ou extérieur, de guerre civile, qui empêchent d'organiser la formation. Et je ne parle pas de tous les cas de force majeure possibles et imaginables, qui seront contrôlés strictement par les autorités judiciaires et d'abord par les juridictions françaises.

Monsieur le ministre, je vous mets amicalement en garde sur ce point. Le texte est une chose et le Conseil constitutionnel laissera peut-être passer, tout en émettant des réserves d'interprétations de même nature que celles que je viens d'évoquer, c'est-à-dire que cette disposition ne doit pas être conçue et appliquée comme un moyen dilatoire pour contourner nos obligations internationales et les droits individuels qui en résultent.

Voilà ce que je voulais dire, sans vouloir compliquer davantage le débat. Pour le reste, on peut penser ce que l'on veut du contenu mais il ne faudrait pas que la France soit à nouveau condamnée à Strasbourg : elle l'est déjà beaucoup trop et comme citoyen français je supporte de plus en plus mal cette mise en cause de mon pays. L'État est également trop souvent condamné, ce qui rend le droit des étrangers de plus en plus incompréhensible. Il faut donc faire attention.

Quant à la République, je préfère, pour ma part, que l'on parle de ses principes que nous connaissons bien, plutôt que de ses valeurs qui est une notion plus floue. Certes, nous avons commis l'erreur de parler, dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de valeurs et non pas de principes. C'est dommage car nous mettons d'autant plus en avant les valeurs que l'on ne sait pas vraiment ce qu'elles recouvrent, même si le code a essayé de répondre à cette question.

Nous pouvons cependant retenir quelques éléments simples : premièrement, la valeur de base de la République française, c'est d'être une République, et non une monarchie !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Deuxièmement, cette république est élective et, en principe, le suffrage universel libre, égal et secret y est la source de tous les pouvoirs.

Troisièmement... je peux continuer mon énumération, mais passons ! J'observe toutefois que si on se lance dans cette explication à l'égard des étrangers, quand ils arriveront en France et qu'ils verront qu'en réalité le suffrage universel et ses élus ne commandent rien du tout ou pas grand-chose, car la presse, les lobbies, les corporations, voire l'air du temps commandent tout en réalité, ils en reviendront vite !

Restons donc simples dans l'énumération des grands principes, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. ...étant entendu que le principe le plus fondamental, à mon avis, en dehors du principe électif et de la liberté, c'est la laïcité, c'est-à-dire la mutualité de l'État et de la sphère publique. Cela ne signifie évidemment pas qu'il faut interdire aux étrangers de pratiquer librement la religion de leur choix puisque le principe de laïcité est aussi, en fait et d'abord, un principe de liberté de conscience et de pratique ou de non pratique religieuse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

De qui parlons-nous ?

Nous parlons d'à peu près 4 000 personnes par an...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

...sur 64 millions de Français.

Je lis la note suivante dans l'excellent rapport de la commission des lois, à la page 37, à propos de l'article 1er : « Il faut souligner que les Algériens représentent près du quart du public visé. Pourtant, ils ne seront pas légalement obligés de suivre cette nouvelle formation. En effet, les conditions d'entrée et de séjour des Algériens sont régies par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette convention n'a pas fait l'objet d'avenant depuis 2001. »

S'il s'agit de 4 000 personnes, on comprend bien que ce n'est pas vraiment l'objet de l'article 1er. Il faut qu'il y ait d'autres raisons !

En outre, comme l'a dit excellemment notre collègue Jean-Luc Mélenchon, nous ne parlons pas de migrant « dans l'abstrait », mais d'un travailleur, en général d'origine africaine. Vous voyez l'impact que le texte de loi a d'ores déjà et aura sur ce continent, avec lequel nous avons des attaches historiques profondes.

Nous parlons simplement de la volonté d'une femme et de ses enfants de rejoindre un homme, venu dans notre pays en toute légalité, qui y a accompli tous ses devoirs et qui, souvent, occupe des postes de travail dont nous, Français, n'avons pas voulus. Telle est la réalité !

Monsieur le ministre, c'est un mauvais combat que mène le Gouvernement. Les dégâts seront considérables au niveau de l'image de notre pays, et ce pour un résultat inexistant, car, parmi les 4 000 personnes concernées, un certain nombre viendront clandestinement.

De plus, et cela a été démontré, ce dispositif est strictement infaisable puisque nous nous adressons à l'ensemble du continent africain et, sans doute, à une partie de l'Asie du Sud-Est. Nous ne le ferons donc pas et, de toute façon, peu de personnes seront concernées. Cela suscitera des formes d'immigration clandestine et l'image de la France sera durablement entachée.

Pour ces raisons, je voterai pour la suppression de l'article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je serai brève. Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question très simple et d'ordre matériel.

Admettons que, comme vous le dites, le dispositif de formation mis en place dans le pays d'origine n'ait d'autre but que de faciliter l'intégration des personnes souhaitant rejoindre leur conjoint ou leurs parents installés en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Chacun s'accorde à dire que la formation sera très sommaire, tant sur le plan linguistique que sur celui des valeurs. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, vous ne prétendez pas que ces personnes seront à même, à l'issue de cette formation, de parler notre langue. Ils auront simplement une petite « teinture ».

Une fois les personnes parvenues sur le territoire français, si elles ont la chance de franchir les obstacles, comment votre nouvelle administration compte-t-elle poursuivre la formation de celles qui ne sont plus en âge scolaire ?

Aujourd'hui, dans nos quartiers, dans les villes où réside une population immigrée, il est extrêmement difficile, notamment pour les femmes, de trouver une association ou une organisation susceptible d'accompagner ces personnes sur le chemin de l'alphabétisation, de l'acquisition de la langue et de l'apprentissage des valeurs de notre pays.

Vous nous avez parlé de votre nouveau ministère et des efforts que vous comptez faire. Quels moyens votre Gouvernement mettra-t-il en place afin de poursuivre, sur notre territoire, ce premier « bain » acquis dans le pays d'origine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Monsieur le président, comme disait Voltaire, j'ai une portion limitée d'intelligence et donc des idées simples. En plus, je dois être transparent puisque vous n'avez pas vu que je demandais la parole. À moins que vous n'ayez un penchant naturel à regarder plutôt en direction de la droite de l'hémicycle...

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l'Ump

Clôture !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Peyronnet, nous avons tout de même déjà entendu huit orateurs de l'opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

En tout état de cause, je souscris pleinement à ce que vient de dire notre ami Michel Charasse sur le risque auquel nous nous exposons d'être accusés par le juge européen de manoeuvres dilatoires.

L'ensemble de ce texte me semble extrêmement dangereux : au-delà de cet article 1er qui concerne le regroupement familial, il comporte bien d'autres articles dont l'objet est le même, à savoir freiner l'immigration le plus possible, et il serait plus simple, monsieur le ministre, que vous le disiez !

Or limiter l'arrivée des immigrants est complètement contraire à toute notre tradition d'accueil.

Nous avons accueilli les Russes blancs après la révolution bolchevique, les Polonais dans les années trente, les Italiens dans les années trente et cinquante, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

...les Portugais dans les années cinquante et soixante, les nord-africains dans les années soixante et soixante-dix.

Nombre de ces immigrants se sont parfaitement intégrés et certains - parmi lesquels les Hongrois, particulièrement doués, semble-t-il, à cet égard §ont remarquablement réussi. Or, à tous ces immigrants, on n'a pas demandé lors de leur arrivée dans notre pays s'ils connaissaient les valeurs de la République ni même s'ils parlaient le français.

Cela ne les a pas empêchés de s'intégrer et, comme l'expliquait Jean-Luc Mélenchon, c'est ce qui « fait » la France puisque le tiers de ceux qui vivent dans notre pays ont une origine étrangère à ce que j'appellerai, pour simplifier, le « fond gaulois ».

Pour être un peu provocateur...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. Jean-Claude Peyronnet. ...et, je le reconnais, un peu hors sujet aussi, j'ajouterai qu'il est dommage que l'on n'ait pas demandé aux Sénégalais, ces Français de « seconde zone » qui ne s'en sont pas moins trouvés au front en 14-18, s'ils connaissaient les valeurs républicaines, car, probablement, ils ne les connaissaient pas et cela leur aurait évité de se faire massacrer pour nous !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Pendant la Seconde Guerre mondiale aussi !

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sans répondre personnellement à chacun des intervenants, ...

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

...je voudrais simplement revenir sur quelques points.

Tout d'abord, et je regrette qu'il se soit absenté de l'hémicycle, M. Sueur... §Je m'apprêtais précisément à dire que vous aviez soulevé une interrogation juridique importante, à laquelle il doit en effet être répondu très précisément, car on voit bien à quel processus d'idées vous voudriez nous conduire.

Ainsi l'article 1er méconnaîtrait-il, selon vous, la convention européenne protégeant le droit à la vie familiale. Je vous réponds, et ce sera donc dans le compte rendu des débats, que c'est faux.

Le test de français dont nous proposons l'instauration est en effet explicitement autorisé - explicitement, j'y insiste - par la directive de 2003 sur le regroupement familial.

Vous êtes suffisamment fin et habile, monsieur Sueur, pour ne pas ignorer que, dans un premier temps, cette directive avait été attaquée mais qu'elle avait ensuite été jugée très exactement conforme aux principes protégeant la vie familiale dans un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes de 2006, précision que vous intégrerez, je l'espère, dans le processus auquel je faisais allusion.

Par ailleurs, je rappelle à la Haute Assemblée et, en particulier, à M. Charasse - qui n'est plus dans l'hémicycle, mais peut-être va-t-il lui aussi apparaître derrière le rideau puisqu'il semble que les choses soient ainsi organisées au groupe socialiste ?

Sourires

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Les cas pour lesquels des difficultés se présenteront seront donc très marginaux et, dans ces cas, comme je l'ai indiqué, la loi prévoit que des conventions seront passées avec des organismes privés.

M. Michel Charasse entre alors dans l'hémicycle.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l'Ump

Voilà M. Charasse !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Charasse, je viens justement de répondre à votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je lirai votre réponse dans le Journal officiel, monsieur le ministre. C'était d'ailleurs plutôt un conseil amical, une précaution...

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Monsieur Delfau, vous évaluez la population française à 64 millions, ...

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

...mais vous avez raison de souligner la situation particulière des ressortissants algériens.

Au cours des dernières années, vous le savez, l'écart n'a cessé de se creuser entre les dispositions applicables aux Algériens et celles que le Parlement vote. Les ressortissants algériens sont d'ailleurs parfois pénalisés par cette situation puisqu'ils ne peuvent pas, par exemple, bénéficier de la carte « compétences et talents » ou de la carte « salarié en mission », qui est prévue par le dispositif.

J'espère, monsieur Delfau, que je vous rassurerai sur ce point en disant que mon objectif est précisément de renégocier les accords bilatéraux qui lient la France à certains pays étrangers et, tout particulièrement, à l'Algérie.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix les amendements identiques n° 79 et 125.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix les amendements identiques n° 48 et 80.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Le sous-amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

En conséquence, l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

I. - L'article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le conjoint de Français âgé de moins de soixante-cinq ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités mentionnées au premier alinéa organisent à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le nombre d'heures minimum que cette dernière doit compter, les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé et le délai au terme duquel naît la décision implicite de rejet de la demande de visa. Il précise également les modalités selon lesquelles une commission désignée par le ministre chargé de l'immigration conçoit le contenu de l'évaluation portant sur la connaissance des valeurs de la République. » ;

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « Le visa mentionné à l'article L. 311-7 » sont remplacés par les mots : « Outre le cas mentionné à l'alinéa précédent, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ;

bis À la fin du troisième alinéa, les mots : « dans les meilleurs délais » sont remplacés par les mots : « dans un délai de quatre mois maximum » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »

II. - Le 3° du I entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. David Assouline, sur l'article. Je lui demande de respecter le temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il semble que notre opposition à une grande partie des dispositions insupportables de l'article 4 soit partagée dans cet hémicycle et la commission elle-même s'oppose maintenant à ce que les restrictions au regroupement familial qu'instaure cet article s'appliquent aux conjoints étrangers de Français.

En l'état, l'article 4 n'en permet pas moins d'éclairer encore une fois le débat en faisant apparaître que, ce qui importe dans ce texte, ce ne sont pas les objectifs rationnels, c'est la symbolique.

Monsieur Hortefeux, vous déclariez, le 24 septembre dernier, devant les directeurs régionaux et départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle : « Le constat est accablant : en 2005, seulement 11 000 étrangers ont été autorisés à venir exercer une profession dans notre pays, à comparer avec 92 000 étrangers accueillis en France au titre de l'immigration familiale. »

Ces chiffres, vous le savez, sont faux !

Selon le rapport au Parlement établi par le comité interministériel de contrôle de l'immigration, structure qui vous est désormais rattachée et qui était alors déjà dirigée par M. Stefanini, le regroupement familial ne représentait plus que 23 717 premiers titres de séjour en 2005, contre 30 118 en 2002.

Pour sa part, M. le rapporteur cite des données émanant de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations faisant état de 18 140 personnes autorisées à entrer en France au titre du regroupement familial en 2006, contre 22 978 en 2005 et 27 267 en 2002.

Je me permets, monsieur le ministre, de vous infliger ces chiffres, car, porté par votre enthousiasme et par le besoin de favoriser le symbole au détriment de la réalité pour répondre aux vrais problèmes, qu'il s'agisse de la maîtrise des flux migratoires mais aussi des difficultés que rencontrent au quotidien les Français, vous êtes obligé de noircir la situation, de faire peur au bon peuple et donc d'inventer des chiffres.

Et ce sont ces chiffres inventés qui ont été repris hier par un représentant de l'UMP pour défendre votre projet de loi par un raisonnement qui est en gros le suivant : la France a besoin des travailleurs migrants, mais le regroupement familial relève forcément de la fraude puisque les personnes qui entrent à ce titre dans notre pays sont cinq fois plus nombreuses que les travailleurs migrants et il faut donc endiguer cet envahissement frauduleux.

Monsieur le ministre, dans ce domaine, il faut mettre fin à la démagogie ! Il faut cesser d'inventer des chiffres pour faire peur au bon peuple, car il s'agit de questions graves que nous devons aborder avec justice, avec dignité, avec respect : ce sont des tranches de vie humaine qui sont en jeu !

C'est donc une bonne chose que, dans sa sagesse, notre commission des lois ait entendu au moins restreindre cette injustice infligée à tous les conjoints étrangers en y faisant échapper les conjoints étrangers de Français, mais c'est aussi le signe, monsieur le ministre, que notre assemblée, globalement, droite comprise, est très mal à l'aise vis-à-vis de votre projet de loi. L'examen des articles suivants le confirmera d'ailleurs...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous écouterons avec attention M. le rapporteur dans un instant, mais l'article 4 nous est encore présenté dans le texte du Gouvernement.

De ce texte, j'espère qu'il ne restera pas grand-chose ; s'il pouvait même disparaître dans sa totalité, ce serait parfait et nous avons d'ailleurs déposé un amendement de suppression que nous défendrons éventuellement.

Je tiens à dire que nous jugions - mais c'est déjà, je l'espère, de l'histoire ancienne - particulièrement absurde qu'un étranger installé régulièrement en France soit obligé de faire repartir, après six mois de vie commune, son épouse dans le pays d'origine pour subir un stage linguistique et pour obtenir un visa de long séjour.

Si cette disposition doit disparaître, nous nous en réjouirons. Nous avons d'ailleurs relevé qu'elle causerait des dégâts collatéraux dont même l'OCDE s'est inquiétée, car elle pourrait viser des ressortissants de pays voisins de la France ayant un même niveau de développement économique...

En tout état de cause, nous attendons maintenant avec intérêt les explications de notre rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L'article 4 traduit une certaine gradation dans le dispositif.

Nous avons vu, lors de l'examen de l'article 1er, les difficultés supplémentaires que devait surmonter tout étranger souhaitant venir en France.

Avec l'article 4, nous avançons d'un cran, puisque sont concernés les « étrangers » qui auront épousé un Français. La situation est donc différente et assez originale : cela participe de la stigmatisation des mariages binationaux !

Je représente les Français établis hors de France ; j'ai moi-même vécu trente-cinq ans à l'étranger, dans une quinzaine de pays ; la plupart de mes amis sont des couples binationaux, et de toute nationalité. Personnellement, j'ai toujours considéré, dans la très grande majorité des cas, que cela constituait une richesse non seulement pour eux, mais aussi pour notre pays, sur le plan culturel, du fait des croisements de valeurs, etc.

Avec cet article 4, nous nous heurtons à un vrai problème de stigmatisation des mariages binationaux, puisque la France indique clairement qu'elle tourne le dos à ce qui, pendant de nombreuses années, a pourtant été sa vocation.

Cet article comporte deux mesures.

La première est la mise en place d'un parcours d'intégration avant l'installation en France pour les conjoints de Français. Le principe qui consiste à obliger les conjoints à apprendre la langue française avant leur venue sur le territoire est tout à fait critiquable. Bien sûr qu'il est préférable de connaître notre langue ! Ayant vécu dans de nombreux pays, je sais, par expérience, qu'il vaut mieux parler la langue du pays dans lequel on se trouve ; c'est même un facteur important. Mais, dans certains cas, le temps manque pour faire l'apprentissage de la langue avant l'installation dans le pays. Ce n'est pas parce que l'on est marié à un Français que l'on a eu le temps, à l'étranger, d'apprendre la langue ! Par conséquent, l'obligation d'une connaissance linguistique pour les conjoints ne devrait pas constituer une condition d'entrée sur le territoire national. Cela ne devrait s'appliquer - et encore ! - que dans le cas d'une demande de nationalité.

Le mariage avec un citoyen français est, en soi, de la part du conjoint, le signe d'une volonté d'intégration sur le plan linguistique et sur le plan des valeurs républicaines. Il faut donc laisser le temps aux étrangers, conjoints ou conjointes de Françaises ou de Français, une fois leur arrivée en France, d'apprendre à la fois la langue et nos valeurs.

De plus, une telle obligation est discriminatoire. Nous avons déjà défendu ce point de vue ; aussi, je ne m'étendrai pas. Dans un certain nombre de pays, en effet, de grandes distances séparent les personnes concernées des structures adaptées pour l'apprentissage de la langue française, ce qui imposera à ces dernières à la fois des dépenses et des contraintes inutiles.

Vers qui les étrangers vont-ils se retourner ?

On a parlé de l'ANAEM, mais elle ne compte que six centres pour environ 190 pays !

Les Alliances françaises ? Ce n'est pas vraiment leur travail ; elles sont faites pour développer la culture française et enseigner le français aux ressortissants du pays.

Les consulats ? Nous connaissons bien leur situation : ils ne sont pas en mesure de prendre en charge de manière sérieuse et efficace cette évaluation et cette formation. Ou alors, encore une fois, ils le feront au détriment du temps qu'ils doivent consacrer à nos compatriotes. Vous allez me rétorquer que c'est une attitude corporatiste, mais défendre les Français établis hors de France fait partie de notre mandat ! Les consulats sont en quelque sorte nos mairies et nos préfectures à l'étranger. Enseigner, par exemple, la teneur du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux futurs conjoints de Français est un tout autre travail !

L'article 4 constitue une dérive qui est mauvaise. De plus, il ne débouchera sur rien, car les consulats sont, chaque année, « étranglés » davantage. Le résultat sera donc forcément mauvais.

La seconde mesure - M. Louis Mermaz en a dit un mot - consiste à supprimer une disposition qui partait pourtant d'une très bonne idée - cela arrive de temps en temps ! -, à savoir permettre au conjoint qui avait séjourné six mois en France de n'avoir pas à repartir, à Nouakchott ou à Bangkok par exemple, pour demander un visa. En effet, une fois dans son pays, l'étranger doit attendre le certificat de nationalité. Dix-huit mois sont au minimum nécessaires avant qu'il puisse revenir en France. Qui fait vivre sa famille pendant cette période ?

Pourquoi supprimer ce qui constituait pour une fois, me semble-t-il, une mesure logique, de bon sens ? En raison des très grandes difficultés pratiques de mise en application du fait de la vérification à distance de l'état civil de l'étranger. Mais la loi est en vigueur depuis à peine six mois et l'on ne dispose pour l'instant d'aucun bilan ! Encore une fois, c'est bien une mesure de vexation, d'ostracisme contre les mariages binationaux.

Pour toutes ces raisons, nous défendrons la suppression de cet article inique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le ministre, depuis 2002, votre majorité n'a eu de cesse de faire peser le soupçon sur les mariages mixtes, comme si, à vos yeux, s'unir à un étranger était tellement inconcevable qu'il ne pouvait s'agir que d'un détournement de procédure pour obtenir un titre de séjour. Pourtant, que d'amour, que de patience, que de persévérance faut-il à ces couples à chaque étape de leur vie de couple !

La loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages s'inscrivait déjà dans cette logique de suspicion et d'hostilité. Avec cette disposition, vous imposez un retour dans le pays d'origine du conjoint de Français en vue de demander un visa de long séjour.

Le cortège de mesures vexatoires que vous prévoyez ne saurait enrayer l'augmentation des mariages mixtes.

Aujourd'hui, nous assistons à deux phénomènes sociodémographiques.

Premier phénomène, les enfants d'immigrés, français, atteignent l'âge où, légitimement, ils aspirent à fonder une famille. Parmi eux, certains ont gardé des liens assez étroits avec le pays d'origine de leurs parents, et c'est ainsi qu'ils rencontrent leur conjoint.

Le second phénomène est la mobilité accrue des individus et la mondialisation, qui constitue aussi une ouverture au monde et aux autres cultures. On trouve de plus en plus son conjoint à l'occasion d'une expérience professionnelle ou estudiantine à l'étranger. C'est aussi une tendance forte de nos sociétés contemporaines sur une si petite planète.

Toutes vos dispositions législatives ne parviendront pas à enrayer ces processus. Ni la loi sur la validité des mariages, ni l'obligation d'un retour au pays pour obtenir un visa de long séjour, ni même l'obligation d'une formation linguistique n'empêcheront des hommes et des femmes de s'aimer, sans souci des frontières ou des langues.

Vous nous proposez une disposition supplémentaire qui précarise, dans tous les domaines - financier, affectif ou pratique - la vie des couples mixtes.

La fraude existe bien sûr, mais le dispositif que vous souhaitez adopter est disproportionné au regard d'une fraude qui est somme toute marginale.

En imposant au conjoint de Français un test de langue, assorti, si nécessaire, d'une formation, vous créez une entrave, un délai supplémentaire au droit de vivre une vie familiale. Vous créez surtout une disposition contre-productive, tant il est vrai que l'apprentissage de la langue est bien plus performant en situation d'immersion ; cela a été dit.

Les couples mixtes sont devenus une cible privilégiée. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l'article 4 tel qu'il est présenté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, comme d'autres collègues l'ont dit, cet article institue une véritable inégalité entre Français, plus précisément entre celui qui épouse un Français et celui qui épouse une personne non française. Mais choisit-on de tomber amoureux de quelqu'un qui n'est pas français ?

Avec cet article 4, on entend maintenant supprimer un acquis de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, qui, je le rappelle, avait été obtenu par notre regretté collègue Jacques Pelletier. Il s'agissait pourtant d'une disposition qui, à l'époque, avait fait l'objet d'un consensus très large.

Il faut rappeler que la circulaire prise pour l'application de la disposition que vous voulez supprimer dans votre projet de loi ne date que du 19 mars 2007. C'est donc cinq mois après la clarification des règles applicables en la matière que le Gouvernement a décidé de supprimer cette disposition, sous le prétexte qu'elle ne serait pas efficace, nous a-t-on dit en commission. Mais comment une évaluation, un bilan de son inefficacité a-t-il pu être établi en cinq mois ? Je me pose la question ! En fait, M. Sarkozy reprend d'une main ce qu'il avait lui-même donné de l'autre voilà quelques mois.

Faut-il rappeler l'importance d'une telle disposition ? En fait, 52 % des titres accordés au nom de la vie privée familiale le sont à des conjoints de Français. Vous mesurez mieux l'importance de cette disposition !

Elle avait un triple avantage.

D'abord, elle permettait d'éviter, entre la personne concernée et le conjoint français, une séparation parfois longue qui était susceptible de troubler de manière injustifiée la vie familiale et la communauté de vie pourtant exigée par la loi.

Ensuite, elle permettait d'éviter des aller-retour dont le coût est important si l'on prend en compte le voyage et le visa, et qui peuvent grever le budget d'un jeune couple.

Enfin, elle permettait d'éviter de faire courir au conjoint étranger le risque de subir, parfois, des mauvais traitements dans son pays d'origine.

Monsieur le ministre, je vous rappelle que, dans certains pays, des femmes ne peuvent pas épouser un étranger. Ainsi, dans certains pays musulmans il leur est interdit d'épouser un non-musulman. Exiger que ces femmes repartent dans leur pays d'origine pour y chercher un visa revient à les exposer gravement puisque, étant alors dans l'illégalité totale, elles risquent leur vie ! Le savez-vous, monsieur le ministre ?

Ce projet de loi ôte toute possibilité au conjoint d'un Français de trouver enfin une vie régulière. De plus, vous lui imposez un grand risque. C'est tout à fait inacceptable. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande d'être attentif à notre souhait de supprimer l'obligation de retourner dans son pays afin d'y obtenir un visa.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet article 4, il faut bien faire la distinction entre les apparences et la réalité.

En apparence, cet article vise à soumettre le conjoint de Français à une formation linguistique pour préparer son intégration. Mais, en réalité, l'article vise à aligner le droit au séjour du conjoint de Français sur celui qui régit le regroupement de la famille d'un étranger résidant en France. Or, jusqu'à présent, monsieur le ministre, mes chers collègues, la différence entre ces deux droits est très importante et les règles sont différentes !

Par exemple, on ne peut pas, comme c'est le cas pour un étranger à l'occasion d'un regroupement familial, imposer à un Français des conditions de revenus ou de logement pour accueillir son conjoint ou sa conjointe étrangère en France.

J'insiste beaucoup sur ce point, monsieur le ministre : il existe entre le texte qui nous est soumis et la réalité de vos intentions une très grande distance, celle qui va des apparences au fond. Dans la réalité, le mariage entre un Français et un étranger ne constitue pas un regroupement familial et, jusqu'à maintenant, cela n'obéissait pas aux mêmes règles. Or, avec cet article, on s'arrange pour que la règle soit la même : cours de français, parcours d'intégration préliminaire. On réunit donc les deux phénomènes sous un même vocable, celui d'« immigration familiale » ; ainsi, l'immigration liée au mariage avec un Français entre dans la catégorie de l'immigration « subie », selon votre vocabulaire, alors qu'il s'agit d'une immigration de droit.

Je suis de l'avis de mes collègues, il s'agit d'une attitude totalement régressive sur le plan des principes et d'un point de vue pragmatique, car l'accroissement du nombre de mariages mixtes ne peut pas être enrayé du fait qu'il est lié à la mondialisation, à la circulation des personnes, au tourisme de masse, aux études faites à l'étranger, aux stages professionnels et à toute l'émigration de travail. Tout concourt à l'augmentation des mariages entre deux personnes de nationalité différente.

En France, l'accroissement du nombre de mariage avec des étrangers correspond aussi - et c'est cela qui est mis en avant dans le rapport - à une phase transitoire de l'intégration sociale des familles migrantes.

C'est cela qui vous gêne ! Le mariage d'un étranger avec un Français de même origine étrangère ou avec un Français dont la famille est française depuis plusieurs générations...

Murmures continus sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Je souhaiterais être écoutée, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Nous souhaiterions avancer plus vite !

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Vous nous donnez des idées !

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

La cible de ce texte, c'est non pas le mariage d'un cadre français avec une étudiante américaine, mais celui d'un jeune Français ou d'une jeune Française dont la famille est d'origine étrangère avec une étrangère ou un étranger du pays d'origine de ses parents. En effet, nous sommes actuellement dans une phase transitoire de l'intégration sociale des familles migrantes.

Un bon nombre de mariages sont réellement mixtes, puisqu'il s'agit de jeunes Français d'origine étrangère avec des Français dont les ascendants sont français depuis deux ou trois générations.

Ces mariages, il faut bien le dire, n'ont pas toujours la préférence des familles, qui sont habituées à la tradition endogame et préfèrent les mariages arrangés. Les jeunes gens éduqués en France par des mères étrangères se figurent parfois que la jeune fille du village reproduira le modèle maternel de bonne maîtresse de maison, de bonne mère de famille et d'épouse soumise. Quant aux jeunes filles, elles s'illusionnent sur les sentiments et les capacités d'adaptation en France des fiancés présentés par la famille ou les proches du pays. Mais la sécurité et l'approbation familiale du mariage traditionnel arrangé séduit et ne débouche pas nécessairement sur des échecs, en tout cas pas plus souvent que pour les mariages franco-français.

Ce sont ces mariages de jeunes Français, dont les familles sont originaires de Turquie, du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, que les lois successives tendent à rendre le plus difficile possible.

J'irai même plus loin, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

...il est dangereux pour le Parlement de voter de telles dispositions, qui ne sont pas faites pour être appliquées. Elles sont en fait destinées à produire des blocages, des délais, une surcharge de travail administratif, des contentieux judiciaires, car il faut à tout prix décourager les candidats à ces mariages. J'ai d'ailleurs entendu un certain nombre de hauts fonctionnaires le dire.

Les dispositions de ce texte ne sont pas pragmatiques, parce que ces mariages auront de toute façon lieu. En outre, ces derniers amènent en France des travailleurs et des travailleuses, car l'immigration familiale est aussi une immigration de travail.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Les mesures prévues ne sont pas conformes au droit de vivre en famille. Il me paraît inacceptable que les délais puissent atteindre deux ou trois ans, comme cela découle de la loi relative au contrôle de la validité des mariages, y compris lorsque des enfants sont nés du couple. Je suis encore intervenue en faveur d'un couple avec deux enfants, dont l'épouse...

Vives exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Or vous n'avez droit qu'à cinq ! Ayez un peu de délicatesse à l'égard de vos collègues de la majorité.

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour conclure, nous ne cessons de modifier les lois, les avocats ne peuvent plus les appréhender et les magistrats ne peuvent plus les faire appliquer. Au total, l'État de droit ne règne plus, à cause de cette folie législative. C'est pour cette raison que je voterai contre l'article 4.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On pensait que les étrangers qui épousent un Français n'étaient pas traités de la même façon que ceux qui viennent rejoindre un conjoint étranger installé en France. Or le Gouvernement veut désormais traiter tous les étrangers de la même façon. Mais surtout, nous l'avons bien compris, il ne veut pas traiter les étrangers comme les Français sur le territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Comment croyez-vous que cela se passe à l'étranger ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cela dit, je vous rappelle que, en 2006, les sénateurs représentant les Français établis hors de France appartenant à la majorité s'étaient émus de cette situation. Certains d'entre eux, en effet, sont mariés avec une ressortissante étrangère. Et il faut bien, par ailleurs, qu'ils assurent leur réélection !

À l'époque, chers collègues de la majorité, faisant preuve d'un peu de compassion, vous n'aviez pas souhaité que les étrangers retournent dans leur pays d'origine afin de pouvoir obtenir un visa.

C'était une attitude magnanime, puisque vous établissiez une distinction entre les étrangers qui rejoignaient un conjoint français et ceux qui rejoignaient un conjoint étranger.

Aujourd'hui, nous n'entendons plus les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je suppose donc qu'ils sont d'accord, hélas ! avec les dispositions prévues à l'article 4.

D'après vous, monsieur le ministre, le fait de demander aux étrangers qui veulent rejoindre leur conjoint en France de manifester une certaine bonne volonté en s'intéressant à la langue française et aux valeurs de la République constitue un minimum.

On peut néanmoins imaginer qu'un étranger qui épouse un Français a envie d'apprendre à parler le français, de s'intéresser à la France, à la culture française et aux valeurs de la République, sauf à considérer que c'est le Français qui parlera toujours la langue de son conjoint. L'amour et l'envie de s'intéresser à la nationalité de son conjoint, c'est tout de même humain, et cela ne vous est donc pas étranger.

Dès lors, pourquoi exiger un apprentissage linguistique avant sa venue en France ? On peut en effet penser qu'il a déjà appris, avec son conjoint, les rudiments de notre belle langue et qu'il va « s'accrocher » pour l'apprendre encore mieux quand il sera en France.

Franchement, cette mesure est vexatoire et complètement absurde !

Je souhaite maintenant évoquer...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...la disposition aux termes de laquelle les étrangers qui épousent un Français se voient imposer de retourner dans leur pays pour obtenir un visa. Je serai brève, car je sais que vous êtes extrêmement pressés, mes chers collègues, d'aller à votre rendez-vous !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L'année dernière, vous aviez refusé d'adopter une telle mesure. Ayez un peu de constance ! Sinon, l'opinion publique sera tourneboulée de constater que les parlementaires ne servent à rien et qu'ils font même preuve d'une inconstance terrible en défaisant ce qu'ils ont fait l'année précédente ! Je vous en prie, tenez-vous-en à la position que vous avez adoptée en 2006 et évitez un tel trajet aux étrangers conjoints d'un Français, ne serait-ce que pour économiser du kérosène !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cette argumentation vaudra également pour l'amendement n° 92.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, j'espère qu'il est encore possible de s'exprimer dans cet hémicycle, conformément à ce qui est prévu dans le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce sujet est extrêmement important. Notre groupe n'est responsable ni de l'urgence qui a été déclarée sur ce texte ni des conditions de travail qui président à son examen. Vous le savez fort bien, monsieur le président, nous n'avons en effet pas la maîtrise de l'ordre du jour.

D'abord, je tiens tout particulièrement à remercier trois de nos collègues sénatrices qui sont particulièrement bien placées pour évoquer les mariages mixtes. Leur contribution au débat revêt, me semble-t-il, une grande importance.

Ensuite, ces dispositions me semblent revêtir un caractère quelque peu dérisoire, monsieur le ministre. En effet, une personne âgée de trente ans, quarante ans, cinquante ans, soixante ans ou plus, et mariée avec un conjoint français devra passer un test de connaissance de la langue et des valeurs de la République pour bénéficier du droit de vivre avec son conjoint. Vous-même, monsieur le président, avec votre bon sens du sud de la France, vous avez quelque mal à considérer que cela soit vraiment sérieux !

Lorsqu'il s'agit de véritables mariages, c'est-à-dire dans la plupart des cas - il faut bien sûr combattre les faux mariages -, il paraît quelque peu vexatoire de demander des tests pour évaluer la connaissance du français et des valeurs de la République. Cela n'a pas de sens et ne grandit pas notre pays.

Pour finir, je reviens sur la question de l'obligation qui serait faite aux conjoints de Français entrés en situation régulière de repartir dans leur pays d'origine pour obtenir un visa.

Au cours de ce débat, nous avons trop peu cité - Mme Boumediene-Thiery l'a fait - notre regretté collègue Jacques Pelletier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Or il serait bon, me semble-t-il, de se référer aux propos qu'il a tenus avec beaucoup d'éloquence et de sagesse pour convaincre de nombreux sénateurs de toute opinion politique d'adopter, voilà quelques mois à peine, le texte qui est aujourd'hui la loi en vigueur.

Je vous en rappelle les termes : « Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française [...] la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. » Cela évite ces déplacements inutiles ! Jacques Pelletier avait évoqué cette question avec beaucoup de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Je m'étonne, monsieur le ministre, que votre bon sens auvergnat vous ait conduit à proposer de supprimer cette disposition. Par hommage à la sagesse, dont vous conviendrez, de Jacques Pelletier, j'espère que vous accepterez la position du Sénat, qui décidera, je l'espère, d'en revenir aux dispositions qu'il a précédemment adoptées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite au préalable dénoncer la limitation apportée à notre droit d'amendement par l'invocation, en commission, de l'article 40 de la Constitution, empêchant ainsi un certain nombre d'amendements d'être débattus en séance plénière.

Cette application stricte de l'article 40 de la Constitution n'a d'autre objectif que de filtrer le débat parlementaire, transformant toujours plus nos deux assemblées en simples chambres d'enregistrement. Cela m'oblige aujourd'hui à recourir à l'intervention sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Non seulement le projet de loi impose un retour dans leur pays d'origine à tous les conjoints étrangers de Français installés en France, mais il les oblige également à se soumettre, dans leur pays d'origine, à un test de connaissance de la langue française et des valeurs de la République pour obtenir la délivrance d'un visa.

Le texte proposé précise que, si cette évaluation en établit le besoin, une formation est organisée à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, formation au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation. De plus, la délivrance du visa serait subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation.

Or si nous considérons que la maîtrise de la langue nationale de la société d'accueil est une nécessité fondamentale pour prendre sa place dans la vie professionnelle, sociale et culturelle de cette société, nous refusons que la délivrance d'un visa soit subordonnée à la connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

Nous souhaitons que la législation française énonce un véritable droit de formation à la langue nationale de l'État d'accueil.

De plus, notre proposition de loi s'inscrit pleinement dans la Charte sociale européenne révisée de 1996, entrée en vigueur en 1999, et qui prévoit expressément, à l'article 19-11, que les parties s'engagent « à favoriser et à faciliter l'enseignement de la langue nationale de l'État d'accueil ou, s'il y en a plusieurs, de l'une d'entre elles aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles ».

La France a ratifié la Charte sociale européenne révisée le 7 mai 1999. Ses dispositions ont donc une valeur contraignante pour notre pays.

Par conséquent, c'est sur le fondement juridique de la Charte sociale européenne révisée, et afin de respecter cet engagement international, que nous proposons d'instaurer dans notre code du travail un droit à la formation linguistique pour les primo-arrivants, les étrangers résidant en France, les Français dont l'un des parents au moins ne maîtrise pas la langue française, les demandeurs d'asile et les membres de leur famille afin qu'ils puissent accéder à la maîtrise de la langue française.

Il s'agit aussi de préciser les conditions de mise en oeuvre du principe reconnu par la Charte. En particulier, il est nécessaire de prévoir une rémunération pour des stages linguistiques longs, lesquels ne sont pas accessibles en dehors du temps de travail, de façon à compenser la perte de salaire ou les frais engendrés par la garde d'enfants.

Monsieur le ministre, si votre souci était vraiment de revoir la question et de réussir l'intégration des migrants, vous feriez bien de vous inspirer de notre proposition de loi pour déposer un amendement ; vous en avez encore le temps !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de mon développement, vous comprendrez que mon groupe vote contre l'article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'évidence, dans le cadre d'une réflexion sur l'intégration, il est important de soulever la question de la connaissance de la langue française, car son apprentissage constitue un outil, sinon une garantie de l'intégration. Dès lors, cet apprentissage doit être encouragé, mais aussi organisé.

Il est vrai que, dans un certain nombre de cas, les conjoints qui rejoignent les Français mariés à l'étranger ne connaissent pas la langue française.

Le devoir de la République est d'offrir, à toute personne qui, par son mariage, vient d'obtenir l'autorisation de vivre en France avec son conjoint, la possibilité de s'intégrer dans notre pays dans les meilleurs délais, et cela commence par l'apprentissage de la langue française. Ne définissons-nous pas l'école comme un moyen d'émancipation, de promotion ?

L'apprentissage de la langue française est donc bien un élément d'intégration. Et c'est sans doute plus important pour des femmes originaires de pays où la culture ne prédispose pas à une grande liberté : cela leur permet de s'extraire du foyer familial et de vivre en particulier dans la société française. Leur émancipation passe par l'apprentissage de la langue française, comme j'ai eu l'occasion de le dire récemment au sein de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Monsieur le ministre, pourquoi ne vous préoccupez-vous pas de faire en sorte que cette question soit réglée dans les meilleures conditions, comme dans certains pays où, le jour de son arrivée sur leur sol, l'étranger se voit souhaiter la bienvenue et indiquer le service, l'association, la personne qui s'occupera régulièrement de lui pour lui apprendre le français ?

En l'occurrence, vous voulez assimiler ces conjoints aux étrangers venant en France dans le cadre du regroupement familial, alors que leur cas est différent.

L'article 4 soulève les mêmes problèmes que ceux qui ont été évoqués à l'article 1er, à savoir les difficultés, d'ordre matériel, culturel, ou autres, qui font obstacle, dans certains pays, à l'apprentissage de la langue française avant de pouvoir rejoindre son conjoint en France. Autrement dit, cet article est inutile !

En revanche, vous feriez oeuvre plus utile en organisant, à leur arrivée en France, l'intégration des conjoints qui ne parlent pas français, sans leur créer des difficultés.

Je n'entrerai pas dans d'autres détails, mais, compte tenu d'un certain nombre de témoignages, je m'interroge tout de même sur la manière dont nos consulats dans le monde évaluent la connaissance de la langue française. Il existe autant de méthodes que de consulats, et je suis parfois très inquiet de voir comment procèdent certaines personnes. Je ne leur en veux pas : tout le monde ne peut pas être professeur !

Mais vous n'avez pas non plus de réponse sur ce point, semble-t-il. Vous nous dites qu'un décret précisera les choses, ce qui signifie que vous doutez et que vous pensez que, de toute façon, le dispositif sera inapplicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Nous passons à la discussion des amendements.

Enfin ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 191 rectifié, présenté par MM. del Picchia, Demuynck et Vasselle est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve des conventions internationales, pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le conjoint de Français âgé de moins de soixante-cinq ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités mentionnées au premier alinéa organisent à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne peut excéder quinze jours, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l'issue de la formation. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé.

« Lorsque la demande de visa émane d'un étranger, dont le conjoint de nationalité française établi hors de France souhaite établir sa résidence habituelle en France pour des raisons professionnelles, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables, sauf si le mariage a été célébré à l'étranger par une autorité étrangère et n'a pas fait l'objet d'une transcription. »

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « Le visa mentionné à l'article L. 311-7 » sont remplacés par les mots : « Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions. »

La parole est à M. Robert del Picchia.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je veux d'abord souligner, madame Borvo, qu'il y a des sénateurs représentant les Français de l'étranger qui prennent la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Si l'article 1er n'avait pas été adopté, je n'aurai pas défendu cet amendement. Mais à partir du moment où il a été voté, il est nécessaire de prendre certaines mesures concernant les conjoints étrangers de Français. En effet, ces derniers ne peuvent être soumis aux mêmes dispositions que les étrangers souhaitant rejoindre leur conjoint étranger dans le cadre du regroupement familial.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Ils ne doivent pas être pénalisés par leur situation, notamment devoir se rendre dans les préfectures, subir les files d'attente, etc.

Tout d'abord, il est nécessaire de prévoir explicitement que les conventions internationales pourront entièrement dispenser les conjoints du test et de la formation dans le pays où ils sollicitent le visa. En pareil cas, naturellement, ce test et cette formation se feront, si besoin est, à l'arrivée en France, dans le cadre des dispositifs actuellement en vigueur, contrat d'accueil et d'intégration.

Ensuite, il faut prendre en compte la situation particulière des couples binationaux qui, vivant à l'étranger, décident ou sont obligés de rentrer en France pour des raisons professionnelles. Je prends l'exemple d'un jeune cadre français envoyé à l'étranger, qui se marie avec une ressortissante locale. Selon notre législation, cette dernière ne peut devenir française avant un certain nombre d'années. Supposons que le cadre en question souhaite revenir en France peu de temps après son mariage pour des raisons professionnelles. Dans ce cas, son épouse et ses enfants éventuels se verraient appliquer les mêmes mesures qu'un étranger ou une étrangère.

C'est pourquoi il importe de prendre des mesures spécifiques pour cette catégorie de conjoints. Il est nécessaire de dispenser entièrement le conjoint étranger des formalités de test et de formation à l'étranger. Vous ne semblez pas être contre cette proposition, monsieur le ministre !

Cette dispense doit cependant être accompagnée d'une réserve : elle ne devrait pas être applicable lorsque le mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère n'a pas fait l'objet d'une transcription dans les conditions définies par la loi.

Cet amendement prévoit également que, dans les autres cas, la formation au français dans le pays d'origine ne pourra excéder quinze jours afin de ne pas allonger le délai séparant, dans les faits, la demande de visa et l'arrivée en France. Cette durée me paraît raisonnable.

Enfin, l'amendement prévoit une disposition qui répondra peut-être à l'une de vos demandes. En effet, dans un souci de simplification, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je voudrais terminer, monsieur Assouline ! Je ne vous ai pas interrompu !

Dans un souci de simplification, dis-je, il convient de prévoir que le visa de long séjour délivré au conjoint étranger d'un ressortissant français vaut, en lui même, titre de séjour et autorisation de travail pendant une durée d'un an. Le conjoint de Français n'aura donc pas à se présenter en préfecture lors de son arrivée en France pour obtenir une carte de séjour temporaire. C'est le minimum que nous pouvons faire.

Telles sont les propositions formulées dans cet amendement, que je vous demande d'adopter.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 9, présenté par M. Buffet au nom de la commission est ainsi libellé :

Supprimer les 1°, 2° et 2° du I de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je dois à la vérité de dire que la commission a longuement débattu de l'opportunité d'appliquer aux conjoints de Français le même dispositif que celui qui est prévu à l'article 1er du projet de loi et elle a conclu que la situation de ces conjoints n'était pas exactement identique à celle d'un couple d'étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a donc décidé de proposer un amendement visant à supprimer l'obligation pour les conjoints de Français résidant à l'étranger et souhaitant rejoindre leur conjoint français en France de passer un test de langue et de suivre, le cas échéant, une formation linguistique et civique.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je rappelle que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen et le groupe communiste républicain et citoyen ont proposé deux candidatures pour la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Georges Othily et Mme Odette Terrade membres de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je rappelle qu'il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes.

Le délai fixé par le règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes MM. Joël Bourdin, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Yann Gaillard, Paul Girod, Jean-Jacques Jégou, François Marc, Marc Massion, Jean-Pierre Plancade et François Trucy.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Michèle André, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous comprenons mal les raisons qui ont été avancées pour justifier le fait que la séance soit suspendue de dix-huit heures trente à vingt et une heures trente ou vingt-deux heures. Cette longue interruption nous surprend d'autant plus que nos travaux n'avancent guère.

Debut de section - Permalien
Plusieurs voix sur les travées de l'Ump

À qui la faute ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous risquons donc de siéger très tard demain soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Madame la présidente, nous sommes toujours très attentifs à vos remarques. Permettez-moi néanmoins de vous faire remarquer que près de dix de vos collègues du groupe socialiste ont pris la parole sur l'article 4. Sans doute aurait-il été possible de limiter le nombre de ces interventions, ce qui nous aurait permis de gagner du temps.

Toujours est-il que si nous devons interrompre nos travaux tout à l'heure, c'est pour permettre aux parlementaires de la majorité de répondre à l'invitation du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Mon cher collègue, vous êtes invité, si vous le souhaitez !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il en a toujours été ainsi ! Je le regrette pour M. Bret et ses amis, mais jamais l'un des leurs n'a occupé la présidence de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. Et cela n'est pas près d'arriver !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Ils ont été invités par d'autres !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, nous pouvons comprendre que les parlementaires de la majorité soient convoqués...

Debut de section - Permalien
Plusieurs voix sur les travées de l'Ump

Invités !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

...convoqués, dis-je, par le chef de la majorité. Néanmoins, plutôt que de suspendre la séance à dix-huit heures trente et de nous convoquer, nous aussi, à vingt-deux heures pour la reprise, ne serait-il pas préférable de lever la séance à dix-huit heures trente et de siéger demain matin de bonne heure ? Cela vous permettrait, mes chers collègues de la majorité, de vous amuser plus longtemps ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Madame la présidente, l'ordre du jour étant fixé, je suis au regret de ne pouvoir donner une suite favorable à votre proposition. Je vous signale cependant que la Haute Assemblée a toujours fait en sorte de ne pas siéger lorsque se déroulent les journées parlementaires des différents groupes qui la composent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Au sein de l'article 4, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 134.

L'amendement n° 134, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J'ai écouté avec attention les propos qu'a tenus notre rapporteur en présentant l'amendement n° 9. Certes, ce dernier nous agrée, mais nous ne pouvons préjuger le vote de notre assemblée. Aussi, je tiens à présenter brièvement le présent amendement qui exprime notre opposition de principe à l'application aux conjoints de Français de la nouvelle procédure d'évaluation et de formation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République introduite par le présent projet de loi.

Si la commission maintient son amendement, nous nous y rallierons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 135, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement, ainsi que l'amendement n° 136, est un amendement de coordination.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 136, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° bis de cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 52, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le 2° bis de cet article, remplacer le mot :

quatre

par le mot :

deux

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Sur l'initiative de notre collègue député Étienne Pinte, dont il faut saluer le courage et l'humanisme, l'Assemblée nationale a remplacé la notion de « meilleur délai » par un délai fixe de quatre mois.

M. Pinte, qui appartient à la majorité, préconisait dans son amendement de ramener ce délai à deux mois. Le Gouvernement a fait adopter un sous-amendement portant ce délai à quatre mois. Notre amendement vise à ramener ce délai à deux mois, ainsi que le préconisait Étienne Pinte.

Ce délai de deux mois est impérieux. En effet, le projet de loi, en introduisant l'obligation de suivre une formation à la connaissance de la langue, ne fait qu'alourdir une procédure déjà extrêmement longue.

Il y va du respect du droit des citoyens de mener une vie familiale normale. Car ce projet de loi ne touche pas que les étrangers : il a une incidence fâcheuse sur le quotidien même de Français résidant sur le territoire national.

Il crée une discrimination dans la jouissance du droit au respect de la vie familiale tel qu'il découle de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisqu'il pénalise les Français dont le conjoint est étranger.

Cette discrimination entre Français est contraire au principe d'égalité de tous devant la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 93, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa du 3° du I de cet article :

« Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la condition prévue à l'article L.311-7 n'est pas exigée. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour le conjoint étranger d'un ressortissant français de produire un visa de long séjour pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire lorsque le demandeur justifie d'une entrée régulière et d'une vie commune avec son conjoint depuis plus de six mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 137 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I- Remplacer le second alinéa du 3° de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour.

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »

II- Supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous avons longuement développé nos arguments en faveur de la suppression de l'article 4 du projet de loi et la position de la commission convient parfaitement au groupe socialiste. Cependant, nous souhaitons que figurent dans la loi les dispositions de l'amendement dit « Pelletier », qui a été voté récemment avec l'accord du Gouvernement.

Cet amendement avait pour objet d'atténuer la rigueur d'un dispositif aux termes duquel tout conjoint étranger d'un ressortissant français serait un fraudeur. Or si l'on constate une augmentation du nombre de mariages de Français avec des étrangers, c'est simplement le signe que nous sommes dans un monde ouvert dans lequel la liberté du mariage joue pleinement. Dès lors, pourquoi supprimer la légère souplesse qu'avait introduite l'Assemblée nationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 180, présenté par Mme Dini, M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

A - Rédiger comme suit le sixième alinéa () du I de cet article :

3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

B - En conséquence, supprimer le II de cet article.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Sur l'initiative de Jacques Pelletier, le Sénat avait voté, lors de la discussion de la loi du 24 juillet 2006, une disposition dispensant les conjoints de Français déjà en France de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir un visa de long séjour.

Le présent projet de loi supprime cette dérogation. Cette situation implique pour le conjoint des frais de voyage et de séjour inutiles et qui peuvent être très importants. C'est pourquoi il est proposé de maintenir cette dispense pour les conjoints de Français.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à l'amendement n° 92, qui vise à supprimer l'article 4, car il est partiellement satisfait par l'amendement n° 9 de la commission.

S'agissant de l'amendement n° 191 rectifié, je souhaite apporter quelques précisions.

Cet amendement porte exclusivement sur la partie de l'article relative aux mesures de formation et d'évaluation. Il tend à modifier sensiblement le texte d'origine. Les choses sont parfaitement claires ; le système est assoupli.

Ce dispositif présente, au demeurant, un certain nombre d'avantages, qui sont tout à fait intéressants et qui, à titre personnel, ne me choquent pas. Néanmoins, compte tenu de l'amendement n° 9 et de la décision de la commission de supprimer certaines dispositions de l'article 4, celle-ci ne peut émettre qu'un avis défavorable sur l'amendement n° 191 rectifié.

L'amendement n° 134 est satisfait par l'amendement n° 9 de la commission. Il en est de même des amendements n° 135, 136 et 52.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 93, qui tend à dispenser de visa de long séjour la catégorie de conjoints de Français qui bénéficient, en vertu du droit en vigueur, de la possibilité de déposer une demande de visa en préfecture. Cet amendement va plus loin que celui de notre collègue Jacques Pelletier.

L'amendement n° 137 rectifié a vocation à réintroduire le système proposé par notre collègue Jacques Pelletier. La commission, qui en a débattu longuement, a émis très majoritairement un avis favorable sur cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 180 devrait être satisfait par le précédent.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

Les amendements n° 92, 134, 135 et 136 sont des amendements de suppression. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Il est également défavorable à l'amendement n° 9 ayant pour objet de supprimer le dispositif des tests de formation à l'étranger. Chacun a bien entendu M. le rapporteur, qui a donné la position de la commission et exprimé son opinion personnelle sur ce sujet.

Je voudrais simplement revenir sur l'amendement n° 191 rectifié de Robert del Picchia. En réalité, il faut se poser une première question : pourquoi le projet de loi s'intéresse-t-il aux conjoints de Français ? Pour la simple raison, monsieur Assouline - je sens que vous êtes impatient de connaître la réponse -, que l'immigration familiale se compose aujourd'hui à 50 % de conjoints de Français. Si le projet de loi n'avait pas abordé précisément la situation des conjoints de Français, certains esprits auraient pu, à juste titre, s'en étonner et reprocher au texte de ne traiter que la moitié du sujet que nous examinons aujourd'hui.

D'ailleurs, pourquoi refuser à un conjoint de Français qui s'est marié à l'étranger, par exemple avec un Français expatrié - c'est celui auquel on pense généralement -, de commencer son parcours d'intégration dans son pays d'origine ? Pourquoi, concrètement, le priver d'une possibilité de formation au français sur place ?

Je n'ai d'ailleurs entendu aucun argument factuel à l'appui de ce qui constituerait en réalité une discrimination entre des étrangers, selon qu'ils sont mariés à un Français ou à un étranger.

Faut-il pour autant traiter les conjoints de Français comme les autres étrangers ? À l'évidence, non ! C'est d'ailleurs tout le sens de l'amendement de Robert del Picchia, qui est en fait un amendement d'équilibre.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Il tend à conserver la possibilité, pour le conjoint de Français, de recevoir une formation dans son pays d'origine, tout en apportant au dispositif d'ensemble un certain nombre d'aménagements : réserve liée aux conventions internationales, limitation de la formation à quinze jours, possibilité d'organiser la formation en France dans un certain nombre de cas, et surtout, prise en compte du visa de long séjour accordé à un conjoint de Français comme valant titre de séjour pendant un an.

Il s'agit d'un dispositif très novateur, qui entraîne une simplification des procédures applicables jusque-là aux conjoints de Français. Pourquoi refuser cet effort de simplification proposé par Robert del Picchia ?

J'apporte donc mon soutien à cet amendement. S'il n'était pas adopté, une partie importante de l'immigration familiale échapperait à tout contrôle s'agissant de sa connaissance du Français et se verrait privée d'un atout dans son parcours d'intégration.

L'amendement n° 52, qui vise à ramener à deux mois le délai de délivrance du visa, est très difficilement applicable. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Quant aux amendements n° 93, 137 rectifié et 180, ils tendent à remettre en question les dispositions que je viens d'évoquer. Le Gouvernement y est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur l'amendement n° 92.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je voudrais dire ici combien il me paraît important d'entendre les arguments de la commission. Nous avons été quasiment unanimes - M. le rapporteur a eu la modestie de ne pas le dire - pour estimer que le dispositif visant à la suppression des premier et deuxième alinéas de l'article 4 et au retour à l'amendement « Pelletier » était plus conforme aux nécessités actuelles et faisait preuve d'une plus grande ouverture, d'une plus grande confiance. Je demande à nos collègues de bien prendre conscience qu'il est indispensable de suivre la commission sur cette question. En tout cas, c'est ce que feront les membres du groupe socialiste. La sagesse du Sénat pourrait en l'espèce s'exercer utilement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

L'amendement de M. del Picchia a le mérite de clarifier la situation : on ne peut pas traiter les conjoints étrangers de Français comme d'autres étrangers. Ce dispositif tend à préciser que ceux-ci bénéficient sur place des mesures nécessaires pour leur permettre d'approfondir la connaissance de la langue.

Cela me paraît juste. C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je ferai un simple constat, qui ne peut être assimilé à un jugement de valeur de ma part.

Le mariage est aujourd'hui la première cause des flux migratoires. Le problème, c'est que, en un peu moins de dix ans, le nombre de conjoints étrangers de Français a explosé : il a été multiplié par trois. Soit un filtre d'amour a été répandu sur un certain nombre de pays, ce qui est possible

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il est clair qu'il existe aujourd'hui comme hier un courant de pensée qui considère que le droit à l'immigration est un droit absolu qui prévaudrait sur toute autre considération, notamment d'intérêt général.

Ce qui m'étonne ici, y compris en écoutant notre collègue rapporteur, c'est l'importance que l'on accorde aux sondages, lesquels ne valent pas grand-chose puisqu'il s'agit d'enquêtes réalisées à un instant T. Les Français se sont exprimés récemment lors d'un suffrage. Un suffrage, ce n'est pas un sondage, et les Français ont tout simplement fait le choix d'une immigration non pas subie mais maîtrisée.

M. le ministre nous a indiqué que l'immigration familiale se composait aujourd'hui de 50 % de conjoints de Français. Prend-on en compte cette moitié, ou bien la laisse-t-on de côté ? Les Français ne nous le demandent pas ! Je crois que l'article 4 - je reviendrai sur l'amendement de notre collègue del Picchia - était cohérent et légitime. Je parle au passé, parce j'ai cru comprendre qu'il sera sans doute modifié.

On ne peut pas insinuer que le mariage pourrait être utilisé comme un moyen de fraude. Aujourd'hui, vous le savez très bien, l'utilisation du visa court Schengen est courante et le mariage sert de moyen de régularisation. Ce serait une hypocrisie de ne pas le reconnaître dans cette assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Va-t-on, oui ou non, apporter une réponse à ce problème ?

Par ailleurs, quels sont les organes administratifs les mieux à même de régler la question ? Les consulats, à l'étranger, ou les préfectures, sur le territoire ? Selon l'option choisie, le traitement sera ex post ou ex ante. Une gestion convenable de ces flux impose qu'ils puissent être gérés dans nos consulats plutôt que, après coup, par les préfectures sur notre territoire.

Par ailleurs, il est dit, depuis tout à l'heure, que la France serait mise au ban des nations, parce que, de tous les États européens, c'est celui qui respecterait le moins les droits de l'homme. Il n'y a rien de plus faux ! Mes chers collègues, l'article 4, s'il était adopté tel que le présente le Gouvernement, serait infiniment plus libéral que la législation aujourd'hui en vigueur au Royaume-Uni, par exemple, avec le certificat d'approbation. D'ailleurs, le dispositif qui nous est proposé est déjà appliqué en l'état en Allemagne, aux Etats-Unis, en Espagne...

Aller dire que la France serait une mauvaise nation parce qu'elle essaie tout simplement d'organiser l'accueil des ressortissants de pays tiers s'apparente à du terrorisme intellectuel !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour conclure, je voudrais dire, puisque la Convention européenne des droits de l'homme a souvent été citée, qu'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme de 1996, Chahal c/Royaume-Uni, a reconnu aux États le droit d'exercer le contrôle de l'entrée, du séjour et même de l'expulsion des ressortissants de pays tiers.

Donc, l'article 4 est cohérent. Il est parfaitement légitime par rapport à l'objet de votre texte, monsieur le ministre. Je regrette la position de la commission des lois.

L'amendement de M del Picchia affaiblit la portée de l'article 4. Toutefois, à défaut d'autres choix, il permettra d'en conserver la substance.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Sur des sujets aussi importants que celui qui nous occupe en cet instant, il convient de travailler avec calme et honnêteté.

La commission des lois a rejeté l'article 4 à l'unanimité. C'est clair et net ! Elle l'a rejeté, car dans la rédaction qui lui était proposée, il créait des situations ingérables et inadmissibles. Et tout le reste est passé « dans la foulée ». Nous devons reconnaître que l'amendement de M. del Picchia n'a pas vraiment été examiné. Il ne serait pas honnête de prétendre le contraire.

Je suis en désaccord avec M. Retailleau : je ne partage pas sa philosophie sur l'ouverture des frontières et l'accueil des étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais il faut être lucide ! Dans la mesure où le Sénat a adopté l'article 1er, il est contraint de prendre une disposition s'agissant des mariages entre Français et étrangers. À défaut, nous serions confrontés à un vide juridique.

Pour autant, on ne peut continuer à considérer tous les étrangers de la même façon.

Je suis élu local. Un grand nombre d'habitants de ma région sont issus des pays d'immigration récente. Souvent, pendant les vacances, ils rentrent au pays et se marient avec une femme de chez eux. Ils hésitent à épouser des Françaises qu'ils considèrent souvent un peu trop modernes et émancipées. Ils reviennent en France avec leurs femmes, mais ces dernières ne parlent pas le français et vivent confinées dans leur appartement, sans rencontrer personne. Leur vie est très dure.

Il faut aider ces femmes avant leur départ à s'intégrer dans le pays dans lequel elles vont s'installer. C'est la raison pour laquelle je suis d'accord avec M. del Picchia lorsqu'il souhaite que l'on considère d'une manière différente les conjoints étrangers de Français et les conjoints étrangers qui viennent en France dans le cadre d'un regroupement familial.

Le mariage peut intervenir dans des contextes très différents. Certaines personnes ont travaillé et se sont mariées à l'étranger. Le mariage a fait l'objet d'une transcription dans le droit français, ce qui n'est pas le cas dans l'exemple que j'ai cité. On ne peut pas proposer une solution unique pour résoudre des problèmes différents.

L'article 4 n'était pas acceptable, car il était rédigé de façon incompréhensible et immorale. Ce n'était sans doute pas volontaire, mais l'application de telles dispositions aurait eu des effets pervers.

À l'inverse, nous ne pouvons pas rester dans un vide juridique et ne prévoir aucun contrôle.

Dans ces conditions, la solution de M. del Picchia me paraît honnête, respectueuse des réalités humaines et sociales, ainsi que de la mondialisation.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il est dommage que M. Retailleau ait gâché les bons sentiments de M. le ministre qui, depuis des heures, nous explique qu'il veut rendre service aux étrangers en leur apprenant le français avant qu'ils s'installent dans notre pays.

M Retailleau a « mis les pieds dans le plat » : les étrangers sont des fraudeurs, des habitués des mariages blancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Dois-je vous rappeler que, voilà un an, vous avez déjà adopté des dispositions tendant à contrôler les mariages frauduleux ? Je n'imagine pas, mon cher collègue, que vous n'ayez pas été présent dans l'hémicycle à cette occasion. Alors, cessons de nous intéresser à des dispositions qui ont déjà été votées et considérons ce que nous demandons aux étrangers.

L'amendement de M. del Picchia n'a pas été examiné en commission des lois. Il nous est arrivé par l'opération du Saint-Esprit.

M. Robert del Picchia proteste.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l'Ump

Il n'est pas mauvais !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On ne dit pas qu'il est mauvais, on dit qu'on ne l'a pas examiné !

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l'Ump

Ce n'est pas nouveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On réserve un traitement particulier aux étrangers qui se marient avec un citoyen français. Leur formation aura lieu en France et sa durée sera ramenée à quinze jours. Il est bien évident qu'une personne mariée à un Français apprendra beaucoup plus vite. Il paraît donc souhaitable de réduire son temps de formation.

Dans ces conditions, que devient le contrat d'intégration ? Les dispositions prévues ne sont-elles pas suffisantes ? Faut-il encore légiférer pour stigmatiser une personne et la montrer du doigt ? J'avoue ne plus rien comprendre.

Je considère donc qu'il convient de nous en tenir à la décision qui a été prise de manière collective par la commission des lois de supprimer ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

Je tiens à indiquer clairement que je ne peux pas suivre les arguments qui ont été développés par notre excellent collègue et ami Bruno Retailleau.

Je préfère revenir à un principe extrêmement simple. Nous parlons non pas d'immigration, d'étrangers qui rejoignent leur conjoint étranger en France, mais de conjoints étrangers de citoyen français.

Tout officier de l'état civil de la République française, avant de procéder à un mariage, est tenu de rappeler les droits et les obligations qu'impose la République française aux futurs époux, dont l'obligation d'une communauté de vie. La République française doit reconnaître le lien du mariage au nom de la République et de l'acte qu'elle délivre.

Pour autant, ne nous voilons pas la face ! Il peut, certes, y avoir des abus, des mariages de complaisance ; on ne peut pas le nier. Mais nous avons déjà modifié le code civil, renforcé les dispositifs de validation de l'authenticité des sentiments et du projet de vie commune. Chaque officier de l'état civil a aujourd'hui l'obligation de vérifier ou de faire vérifier l'authenticité des sentiments avant de procéder au mariage.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Arnaud

J'entends ici ou là que certains officiers de l'état civil de la République française n'appliqueraient pas la loi française. Un tel manquement serait très préoccupant. Monsieur le ministre, si tel est le cas, je vous invite à saisir immédiatement les ministres en charge de l'intérieur et de la justice pour mettre un terme à ces agissements et faire en sorte que tout officier de l'état civil respecte dorénavant scrupuleusement la loi.

Comme l'a rappelé entre autres M. Portelli, à l'issue de débats approfondis et très intéressants, la commission a voté la suppression des premiers alinéas de l'article 4. En revanche, elle n'a pas poussé l'examen de l'amendement de M. del Picchia. La sagesse commande donc, me semble-t-il, de suivre la proposition de la commission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Retailleau nous a rappelé que les mariages n'étaient pas toujours motivés par l'amour. C'est vrai depuis des siècles ! Ils constituent parfois un moyen de conserver des fortunes.

Il a également rappelé que toute liberté pouvait être détournée. Il ne s'agit pas davantage d'une nouveauté ! Mais la caractéristique d'un pays libéral, au sens politique du terme, c'est précisément d'accepter le risque inhérent à la liberté plutôt que de tenter de prévenir tout dérapage par le recours à la police, à la réglementation, au soupçon généralisé.

Étant politiquement un libéral - en matière économique, c'est différent -, et je pense que nous le sommes tous, je considère qu'il faut accepter ce risque.

Certains collègues, Robert del Picchia et Charles Pasqua, entre autres, ont souligné à juste titre le fait que les conjoints de Français n'étaient pas des étrangers comme les autres. Allons jusqu'au bout du raisonnement, soyons logiques et cohérents, et soutenons la commission qui, à l'unanimité - ce n'est pas très fréquent - a voté la suppression des premiers alinéas de l'article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Sur le fond, notre groupe a déjà exprimé clairement son refus de l'article 4 et ce n'est pas un amendement de dernière minute qui le conduira à revenir sur cette position.

Sur la forme, je tiens à attirer l'attention de notre assemblée sur la façon dont se déroule notre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Au moment où, à grands roulements de tambour, on lance une réflexion nationale sur la réforme des institutions, sur leur évolution, sur l'équilibre entre l'exécutif et le Parlement, nous assistons à une pratique qui n'est pas acceptable par l'institution parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Certains amendements parlementaires sont téléguidés par le Gouvernement. Vous me répondrez sans doute que ce n'est pas nouveau, mais, cette fois-ci, c'est vraiment très visible.

La commission des lois, qui est une commission importante, après un travail long et sérieux, a pris une position pratiquement unanime sur l'article 4. Malgré cela, monsieur le ministre, vous vous « débrouillez » pour obtenir, via un amendement parlementaire, que l'on torde le bras à la commission des lois.

Est-ce ainsi que l'on rétablira un équilibre entre le Gouvernement et le Parlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Est-ce ainsi que l'on donnera aux parlementaires le sens de leur pleine responsabilité dans le travail législatif et dans le contrôle du Gouvernement ? Est-ce ainsi que l'on montrera à nos concitoyens l'enjeu du travail parlementaire, qu'on leur rendra le respect de leurs représentants ?

Il s'agit d'un sujet ô combien sensible, et vous connaissez la vigilance de l'opinion en la matière. Vous évoquez en permanence les Français qui ont apporté leur soutien au Président de la République et vous en déduisez qu'ils soutiennent les projets de loi que vous déposez, mais vous oubliez de nous parler de tous ceux qui manifestent aujourd'hui une véritable opposition à ce texte.

Les parlementaires ont travaillé avec sérieux. La commission des lois, son président et son rapporteur forcent le respect de toute notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, il convient de réfléchir avant de faire un coup de force contre la position de la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je voudrais revenir sur un argument qu'a présenté notre collègue M. Retailleau, à qui il faut rendre hommage pour la clarté de son point de vue et pour sa franchise : certains ici affirment, sournoisement, que c'est pour le bien des gens concernés qu'ils font tout ce qu'ils font, alors qu'ils n'en pensent pas un mot. Lui, au moins, dit ce qu'il pense, en référence à une certaine idée qu'il se fait de la France.

Monsieur Retailleau, je voudrais faire valoir deux arguments pour essayer de vous convaincre.

De qui parlons-nous ? De gens qui se marient.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous que l'on peut sans doute considérer comme plutôt traditionaliste sur la question, vous noterez que ce n'est déjà pas mal !

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous objectez le risque de fraude. Personne ne vous contredira ! C'est certain : le risque de fraude existe toujours, et dans tous les domaines. Mais on ne fait pas la loi contre les fraudeurs, on fait la loi pour protéger les gens qui vivent honnêtement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous affirmez encore qu'il faut se donner les moyens de la vérification. Mais, dans cette circonstance, on ne vérifie rien du tout quant au mariage, mon cher collègue : on fixe les conditions de la vie commune. Cela n'a rien à voir ! La vérification du mariage a eu lieu en amont, et sans elle le mariage n'a pas de valeur légale. Alors, ôtez-vous de l'esprit l'idée que le dispositif proposé puisse d'une quelconque manière conduire à vérifier la réalité du mariage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Depuis maintenant une demi-heure, tous les arguments qui sont mis en avant, y compris par notre collègue M. Portelli, reposent sur l'idée que la méthode en discussion permettra de confirmer ou d'infirmer la sincérité du mariage. Cela n'a rien à voir ! Il faut donc en tenir compte.

Que reste-t-il, dans ces conditions ? Il reste un Français - ou une Française - qui a épousé un étranger. Monsieur Retailleau, je fais appel à vos sentiments nationaux : c'est une bonne affaire pour nous ! Nous, les Français, ne sommes pas trop nombreux, et ces gens qui se sont mariés auront des enfants qui seront français ! Et s'ils n'avaient pas réellement l'intention de vivre ensemble, ne considérez-vous pas qu'ils seraient déjà bien assez punis par une union qui n'en est pas une et par la perspective d'un divorce à faire prononcer ?

M. Pasqua apporte son soutien à l'amendement de M. Robert del Picchia qui a été présenté à la dernière minute et qui, par rapport à la loi de l'« emmerdement maximum » que représente la version initiale, propose une loi de l'« emmerdement diminué ». Car c'est uniquement de cela qu'il s'agit : casser les pieds aux gens pour les dissuader.

Je suis persuadé de la bonne foi de notre collègue quand il invoque la simplicité de l'amendement, et de son sens personnel de l'organisation. Cependant, voilà quelques années, nous avons ici délibéré des conditions qu'il faudrait dorénavant réunir pour prouver que l'on est bien français. Me référant à mes propres origines et à celles de quelques-uns ici, qui, sans qu'ils l'aient choisi, sont originaires d'Afrique du Nord et, au-delà, d'Espagne ou d'Italie, où divers conflits ont conduit à ce qu'il ne reste plus d'état civil, je faisais alors observer à M. Pasqua que les nouvelles règles envisagées nous mettraient dans la plus grande difficulté. « Qu'à cela ne tienne, m'a-t-il répondu avec son amicale faconde, nous allons régler tout cela ! »

Mon cher collègue, vos dispositions étaient assurément incroyablement rationnelles. Pour autant, elles ont abouti à ce que, à deux reprises, on me demande de prouver que j'étais français, et plusieurs de ceux qui siègent sur ces travées ont connu la même mésaventure. Voilà où nous en sommes arrivés ! De géniales trouvailles administratives mènent à des absurdités. Et encore, j'avais la chance d'être un sénateur de la République française, élu deux fois dans cette fonction ! Que se passe-t-il quand c'est un citoyen lambda qui tombe dans les pattes d'une noire bureaucratie, ici, en France, où on ne veut pas le voir, et, pis encore, là-bas, où on le considère comme du bétail à tondre ?

C'est ce qui va se passer ! Aussi, mes chers collègues, réfléchissez bien ! La fraude concernera au plus 20 000 personnes. Nous sommes 64 millions : qu'avons-nous à craindre de 20 000 personnes qui épousent nos concitoyens ? Rien du tout ! Alors, fichons-leur la paix.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je me suis peut-être mal exprimé tout à l'heure ; aussi voudrais-je préciser ma pensée.

Ceux qui ont lu le texte et le rapport savent que l'article 4 ne s'applique pas aux conjoints de Français en situation régulière, qui en aucun cas ne sont concernés par l'obligation d'obtenir au consulat un visa de long séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ai-je raison ? Ai-je tort ? J'ai raison ! C'est un premier point.

En revanche, je ne trouve pas complètement anormal que l'on demande à une personne qui pourrait profiter, par exemple, d'un visa Schengen court d'obtenir auprès de son consulat un visa de long séjour pour régulariser sa situation, de façon que le consulat puisse étudier en pleine connaissance de cause les éléments du mariage. C'est tout ! Les choses sont donc très claires.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

Sans retarder l'heure du goûter officiel qui attend quelques-uns d'entre vous, mes chers collègues, je ferai remarquer que l'on ne cesse d'invoquer le Sénat, la Haute Assemblée, les sages... Et soudain se présente M. Retailleau. C'est son jour de gloire, à M. Retailleau : M. Retailleau-ci, M. Retailleau-là... M. Retailleau fait soudain paraître M. del Picchia plus humaniste encore qu'il ne l'est !

Plutôt que de se livrer à ces contorsions - et nous aurons un deus ex machina semblable tout à l'heure en la personne de M. Pierre Fauchon, pour le débat sur les tests ADN -, mieux vaudrait respecter le travail de la commission des lois.

Pour ma part, j'apprécie tout à fait le courage de M. Buffet, rapporteur de ce texte, qui a défendu avec lucidité et conviction...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Mermaz

M. Louis Mermaz. Non, cela ne nous arrange pas ! Il y a une majorité et une opposition, mais nous sommes tous sénateurs, nous avons des droits égaux, et nous sommes tous sensibles à ce que le Sénat ne se ridiculise pas. Or, lorsque le rapporteur, au nom de la commission des lois unanime, défend une position, je pense que, quelles que soient nos opinions politiques, nous nous honorerions tous à le soutenir et à soutenir la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voudrais attirer l'attention du Sénat, si la commission n'était pas suivie, sur le tollé que cela provoquerait chez nos compatriotes expatriés. Car M. del Picchia, je crois, a vu juste : des milliers d'entre eux épousent un ressortissant du pays dans lequel ils travaillent. Cette disposition leur compliquerait sérieusement l'existence.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Plusieurs de nos collègues, dont M. Pasqua, ont avancé l'argument selon lequel, s'il est vrai que, dans la confusion initiale, la commission avait choisi de supprimer l'article 4 dans son ensemble, nous sommes maintenant face à une proposition qui vient combler un vide juridique. Pas du tout ! Selon la commission des lois, l'on ne peut pas inscrire dans un texte traitant du regroupement familial des étrangers le regroupement familial de citoyens français. Il ne s'agit donc pas de pallier un vide juridique !

Par la suppression de cet article, nous actons le fait que le sujet visé est autre et que, si nous devons le traiter, nous le ferons autrement. En d'autres termes, nous manifestons que nous ne confondons pas le droit des étrangers résidant en France au bénéfice du regroupement familial avec le droit au regroupement familial d'un citoyen français dont le conjoint est étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Certes, et je voudrais à ce propos, monsieur le ministre, vous poser une question.

Lorsque vous vous êtes senti obligé d'inscrire cette disposition dans le projet de loi, aviez-vous fait estimer le nombre de fraudes au mariage, puisque c'est l'argument avancé par M. Retailleau pour nous inciter à l'adopter ? Je suis pour ma part convaincu qu'une estimation sérieuse aboutirait à des chiffres infimes, à des chiffres qui, quelles que soient les restrictions que nous pourrons apporter aujourd'hui ou plus tard, restent ceux de la fraude à toute législation, dans tous les domaines, dès qu'il y a un droit et dès qu'il y a une liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Tout d'abord, j'entends parler depuis tout à l'heure de l'unanimité de la commission des lois : puisque j'en suis membre, j'aimerais apporter une précision à cet égard.

Il ne s'agit pas de l'unanimité d'une réflexion sur l'amendement de M. del Picchia. C'est une unanimité qui s'est dégagée, voilà plus de huit jours, lorsque nous avons examiné le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale : nous avons alors estimé que l'on ne pouvait pas amalgamer la situation du conjoint étranger d'un Français et celle du conjoint étranger d'un étranger dans le cadre de la procédure de regroupement familial. Sur ce point, effectivement, nous étions unanimement d'accord pour rejeter les dispositions qui nous étaient proposées.

Aujourd'hui, la situation est fondamentalement différente, et nous ne nous renions absolument pas en soutenant ce soir l'amendement de notre collègue Robert del Picchia, qui permet de préciser très clairement la situation et d'éviter tout amalgame entre la situation des uns et celle des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Par ailleurs, mes chers collègues, j'ai un trop long passé d'élu local pour faire preuve d'angélisme. Comme certainement un grand nombre d'entre vous, j'ai mis en place lorsque j'étais maire des cours d'alphabétisation largement destinés à des femmes d'origine africaine et d'origine maghrébine. Et il ne s'agissait pas de mariages forcés ou de mariages de complaisance ! C'étaient de véritables mariages, avec l'accord réel des uns et des autres. Or, très souvent, j'ai vu les conjoints masculins, citoyens français, venir empêcher leurs épouses de participer à ces cours d'alphabétisation, tout simplement parce qu'ils souhaitaient les maintenir dans une situation de dépendance à leur égard.

C'est pourquoi je pense que le fait d'encourager la formation et l'initiation au français, éventuellement dans le pays d'origine, ce n'est pas être sournois, monsieur Mélenchon : cela peut être fort utile pour les femmes originaires de certains pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est le rôle du contrat d'intégration, monsieur Lecerf !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Enfin, nous sommes nombreux à avoir été tout à fait séduits par les dispositions qui ont été suggérées par Jacques Pelletier et introduites dans la loi de 2006. Mais j'ai cru comprendre qu'il est parfaitement possible de les reprendre et qu'un sous-amendement nous en offrira tout à l'heure la possibilité.

Pour toutes ces raisons, je souhaite vivement l'adoption de l'amendement de M. del Picchia.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

J'ai la certitude de ne pas être le plus compétent sur ce sujet. Je voudrais néanmoins répondre avec sincérité à Mme Tasca.

Ne regrettez pas, madame, qu'enfin le Sénat prenne en séance publique des positions politiques ! C'est bien la vocation d'une assemblée d'élus que de choisir en toute responsabilité une orientation politique.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, j'ai beaucoup de respect pour la commission des lois, à laquelle j'ai appartenu voilà quelques années ; mais, après tout, que le Sénat dans son ensemble débatte d'un sujet politique, cela n'est pas complètement anormal !

L'amendement que nous propose M. del Picchia a l'immense mérite d'attirer l'attention de nos compatriotes sur un point, et je remercie le ministre, M. Hortefeux, d'avoir ouvert ce débat avec courage : certains mariages mixtes sont des mariages d'ouverture, d'autres sont des mariages de fermeture. Et je me tourne vers mes collègues socialistes : il est tout de même extraordinaire de penser que Léon Blum, dans les pages extrêmement intéressantes qu'il a écrites sur le mariage, souhaitait, notamment, la diversité sociale !

Nous savons aujourd'hui que, dans notre pays - et heureusement ! -, les différences sociales sont surmontables et que le brassage universitaire permet les mariages au-delà du milieu, de l'ethnie, de l'origine, de la région... Le mariage mixte international présente un aspect d'ouverture : tous nos jeunes qui vont à l'étranger soit pour servir les armes de la France, soit comme coopérants, soit comme cadres, et qui s'y marient, font partager notre culture, et je m'en réjouis.

Nous nous étonnons cependant, et notre ami M. Lecerf a eu raison de le rappeler, lorsque nous constatons que, systématiquement, il peut y avoir des mariages mixtes de fermeture, de communauté qui se replie sur elle-même comme les communautés bourgeoises le faisaient à la fin du xixe siècle, où il s'agissait de se marier entre particules et surtout de ne pas déroger.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Aujourd'hui, ce que nous propose Robert del Picchia, c'est un regard tranquille pour que les mariages mixtes soient des mariages d'ouverture qui, en effet, monsieur Mélenchon, enrichissent notre pays par la diversité.

Et je m'adresse à vous, mesdames du groupe socialiste : que penseriez-vous si ces mariages avaient systématiquement pour objet de permettre à certains Français d'avoir des épouses ayant subi la mutilation de l'excision parce qu'elle est interdite en France ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je formulerai simplement une remarque de nature juridique sur la cohérence de nos débats.

Si l'amendement de notre collègue Robert del Picchia n'était pas adopté, c'est l'article 1er et uniquement l'article 1er qui s'appliquerait : il n'y aurait plus de conjoints de Français, il n'y aurait que des étrangers.

Par conséquent, pour des raisons de cohérence juridique et parce que je n'ai pas envie que l'article 1er s'applique aux conjoints de Français, bien que je ne sois pas fanatique de l'amendement présenté par Robert del Picchia, j'estime que c'est la meilleure solution. Autrement, les conjoints de Français seront traités comme n'importe quel autre étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je me réjouis qu'un débat parlementaire donne lieu à un échange. J'avais cru comprendre que telle était la fonction du débat parlementaire : ce n'est pas un monologue d'un côté et le silence de l'autre.

Par conséquent, je remercie mes collègues de la majorité sénatoriale de leurs interventions, même s'ils se doutent bien que je ne partage pas leur sentiment sur de nombreux points.

On a déjà un premier acquis, monsieur le ministre : tout le monde trouve que l'article 4, dans la rédaction initiale du Gouvernement, est mauvais. Vous voyez donc que l'on peut trouver des points d'accord au Sénat !

Quant à notre réaction unanime lors du débat en commission des lois, que M. Jean-Jacques Hyest a présidé avec la sérénité nécessaire, elle visait à affirmer qu'il ne nous semblait pas normal d'entrer dans ce jeu qui consiste à dresser des obstacles pour diminuer la quantité de regroupements familiaux. Car telle est bien la question ! De tels textes sont faits non pas pour servir, mais pour empêcher. Il n'est donc pas très grave qu'ils ne soient pas applicables.

Il nous avait semblé quelque peu aberrant que soient traités de la même façon les étrangers et les conjoints de citoyens français, même s'ils sont étrangers. Nous avons donc adopté cette solution de suppression.

Je reconnais très volontiers que l'amendement de Robert del Picchia est meilleur que le texte du Gouvernement, mais il n'est pas parfait pour autant.

Vous rendez service au ministre, mon cher collègue, en lui sauvant ses cours de français, comme d'autres tenteront plus tard de sauver ses tests ADN, même s'ils sont vidés de leur contenu.

Mais il y a l'autre aspect de l'amendement « Pelletier », et la commission, ce matin, en adoptant le sous-amendement n° 211 présenté par Mme Michèle André à l'amendement n° 191 rectifié, a rétabli l'esprit dudit amendement.

Si nous avons déposé ce sous-amendement, c'est parce que nous pensons qu'avec l'avis du Gouvernement et avec le talent de M. del Picchia il n'est pas exclu que l'amendement n° 191 rectifié rencontre une majorité dans cette assemblée.

Vous m'avez appris, monsieur le président, que nous pouvions convaincre les gens sur le fond, mais que nous ne pouvions pas faire changer leur vote. J'ai retenu la leçon !

Nous voterons, bien sûr, ce sous-amendement, et nous verrons si vous avez la volonté de suivre la position unanime adoptée par le Sénat l'année dernière. Ensuite, nous voterons, bien entendu, contre l'amendement de Robert del Picchia, parce que nous sommes hostiles à ces tests de langue, qui ne sont qu'un obstacle supplémentaire dans la course au regroupement familial.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le sous-amendement n° 211, présenté par Mme M. André et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Remplacer le second alinéa du 3° de cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour.

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le sous-amendement n° 211 reprend l'amendement n° 137 rectifié sur lequel la commission avait émis un avis favorable : il rétablit la disposition qui a été votée à l'unanimité par le Sénat l'année dernière et qui a été inscrite dans la loi de 2006.

Comme l'amendement n° 191 rectifié sera vraisemblablement adopté, par cohérence, la commission émet un avis très favorable sur ce sous-amendement. D'ailleurs, on comprend bien les raisons pour lesquelles on ne renvoie pas dans leur pays les conjoints étrangers qui sont déjà en France.

Monsieur le ministre, vous avez totalement raison, sur le plan administratif, les préfectures n'ont pas su faire. Mais que l'on s'organise et que l'administration fasse son travail !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 211, ce qui suppose que l'on puisse se retrouver sur l'amendement n° 191 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je veux juste confirmer que je me réjouis de voir revenir l'amendement « Pelletier » dans le dispositif, même si nous regrettons que la commission n'ait pas été suivie. Dont acte ! Nous voterons, bien entendu, ce sous-amendement.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix l'amendement n° 191 rectifié, modifié.

L'amendement est adopté. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé et les amendements n°s 9, 134, 135, 136, 52, 93, 137 rectifié et 180 n'ont plus d'objet.

J'indique à nos collègues socialistes qui s'étonnaient de l'heure de suspension de séance que, lorsqu'ils ont eu à procéder à des élections internes dans leur formation politique, nous avions suspendu la séance.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.