Intervention de David Assouline

Réunion du 3 octobre 2007 à 15h00
Immigration intégration et asile — Article 1er

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

C'est un droit inaliénable. En le restreignant, vous vous attaquez à l'immigration légale, à la femme ou aux enfants qui veulent rejoindre un travailleur migrant séjournant légalement en France.

Vous savez bien que, pour une femme qui souhaite retrouver son mari et qui réside dans un village situé à deux cents kilomètres du lieu où auront lieu le test puis le stage d'apprentissage de notre langue et des valeurs de notre République, le dispositif sera totalement dissuasif. Ainsi, vous allez alimenter les réseaux mafieux, qui deviendront le seul recours possible pour les gens de bonne foi désirant rejoindre leur conjoint, puisque les moyens honnêtes et légaux leur seront inaccessibles. Certains n'hésitent pas à franchir des mers. La famille et l'amour sont des valeurs fondamentales que vos restrictions n'arrêteront pas facilement.

Dès lors, les conjoints qui, malgré leur bonne foi, n'auront pas trouvé les moyens de suivre cette formation n'auront d'autres choix, pour venir « légalement » en France, que de contourner la loi et de chercher à obtenir des fausses attestations auprès de réseaux mafieux, qui ne manqueront pas de se spécialiser dans cette voie. Et ceux qui ne pourront même pas obtenir ces fausses attestations viendront sans papiers et alimenteront l'immigration clandestine.

Dans ces conditions, quelle signification faudra-t-il donner à l'évaluation du taux d'intégration ? Vous le savez, l'intégration dans notre pays, cela passe d'abord par une situation régulière par rapport au droit et, donc, par la possibilité de bénéficier des droits fondamentaux. Tout cela est impossible sans papiers, lorsqu'il faut se terrer chez soi, se cacher et se faufiler systématiquement, lorsqu'il faut faire semblant de ne pas exister par rapport à ses propres enfants qui sont scolarisés, lorsqu'il est impensable d'aller à la soupe populaire de peur d'être arrêté par la police et expulsé. Pour s'intégrer, il faut pouvoir bénéficier des droits.

Monsieur le ministre, avec cette mesure, vous alimentez encore davantage les sans-droits.

Ma collègue l'a dit, il est permis de douter de l'efficacité de ce test de français, même s'il ne porte que sur les rudiments de la langue. Rien à voir, donc, avec la venue dans le pays, laquelle est un élan qui vaut bien les deux cents heures de français consacrées à un tel apprentissage. Vous le savez bien, monsieur le ministre, lorsque vous séjournez dans un pays étranger pour les vacances, même si vous ne maîtrisez pas la langue, les quinze jours sur place vous apprennent beaucoup plus que les heures passées à lire les guides et à retenir les mots essentiels.

En d'autres termes, l'initiation aux mots courants que vous proposez, ce n'est rien d'autre qu'un « Guide du routard » !

Or, tous les professionnels de l'alphabétisation insistent sur la nécessité d'alphabétiser d'abord les personnes dans leur langue d'origine afin de permettre, ensuite, un meilleur apprentissage de la langue française. Voilà quel devrait être notre vrai sujet de préoccupation, car, bien souvent, les familles, notamment les femmes, n'ont même pas été alphabétisées dans leur langue d'origine. Mais je n'épilogue pas, vous êtes suffisamment informés pour savoir tout cela : simplement, vous avez décidé que ce n'était pas votre problème.

Par ailleurs, s'agissant des valeurs de la République, qu'allez-vous donc leur apprendre ?

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