Intervention de Richard Yung

Réunion du 3 octobre 2007 à 15h00
Immigration intégration et asile — Article 4

Photo de Richard YungRichard Yung :

L'article 4 traduit une certaine gradation dans le dispositif.

Nous avons vu, lors de l'examen de l'article 1er, les difficultés supplémentaires que devait surmonter tout étranger souhaitant venir en France.

Avec l'article 4, nous avançons d'un cran, puisque sont concernés les « étrangers » qui auront épousé un Français. La situation est donc différente et assez originale : cela participe de la stigmatisation des mariages binationaux !

Je représente les Français établis hors de France ; j'ai moi-même vécu trente-cinq ans à l'étranger, dans une quinzaine de pays ; la plupart de mes amis sont des couples binationaux, et de toute nationalité. Personnellement, j'ai toujours considéré, dans la très grande majorité des cas, que cela constituait une richesse non seulement pour eux, mais aussi pour notre pays, sur le plan culturel, du fait des croisements de valeurs, etc.

Avec cet article 4, nous nous heurtons à un vrai problème de stigmatisation des mariages binationaux, puisque la France indique clairement qu'elle tourne le dos à ce qui, pendant de nombreuses années, a pourtant été sa vocation.

Cet article comporte deux mesures.

La première est la mise en place d'un parcours d'intégration avant l'installation en France pour les conjoints de Français. Le principe qui consiste à obliger les conjoints à apprendre la langue française avant leur venue sur le territoire est tout à fait critiquable. Bien sûr qu'il est préférable de connaître notre langue ! Ayant vécu dans de nombreux pays, je sais, par expérience, qu'il vaut mieux parler la langue du pays dans lequel on se trouve ; c'est même un facteur important. Mais, dans certains cas, le temps manque pour faire l'apprentissage de la langue avant l'installation dans le pays. Ce n'est pas parce que l'on est marié à un Français que l'on a eu le temps, à l'étranger, d'apprendre la langue ! Par conséquent, l'obligation d'une connaissance linguistique pour les conjoints ne devrait pas constituer une condition d'entrée sur le territoire national. Cela ne devrait s'appliquer - et encore ! - que dans le cas d'une demande de nationalité.

Le mariage avec un citoyen français est, en soi, de la part du conjoint, le signe d'une volonté d'intégration sur le plan linguistique et sur le plan des valeurs républicaines. Il faut donc laisser le temps aux étrangers, conjoints ou conjointes de Françaises ou de Français, une fois leur arrivée en France, d'apprendre à la fois la langue et nos valeurs.

De plus, une telle obligation est discriminatoire. Nous avons déjà défendu ce point de vue ; aussi, je ne m'étendrai pas. Dans un certain nombre de pays, en effet, de grandes distances séparent les personnes concernées des structures adaptées pour l'apprentissage de la langue française, ce qui imposera à ces dernières à la fois des dépenses et des contraintes inutiles.

Vers qui les étrangers vont-ils se retourner ?

On a parlé de l'ANAEM, mais elle ne compte que six centres pour environ 190 pays !

Les Alliances françaises ? Ce n'est pas vraiment leur travail ; elles sont faites pour développer la culture française et enseigner le français aux ressortissants du pays.

Les consulats ? Nous connaissons bien leur situation : ils ne sont pas en mesure de prendre en charge de manière sérieuse et efficace cette évaluation et cette formation. Ou alors, encore une fois, ils le feront au détriment du temps qu'ils doivent consacrer à nos compatriotes. Vous allez me rétorquer que c'est une attitude corporatiste, mais défendre les Français établis hors de France fait partie de notre mandat ! Les consulats sont en quelque sorte nos mairies et nos préfectures à l'étranger. Enseigner, par exemple, la teneur du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux futurs conjoints de Français est un tout autre travail !

L'article 4 constitue une dérive qui est mauvaise. De plus, il ne débouchera sur rien, car les consulats sont, chaque année, « étranglés » davantage. Le résultat sera donc forcément mauvais.

La seconde mesure - M. Louis Mermaz en a dit un mot - consiste à supprimer une disposition qui partait pourtant d'une très bonne idée - cela arrive de temps en temps ! -, à savoir permettre au conjoint qui avait séjourné six mois en France de n'avoir pas à repartir, à Nouakchott ou à Bangkok par exemple, pour demander un visa. En effet, une fois dans son pays, l'étranger doit attendre le certificat de nationalité. Dix-huit mois sont au minimum nécessaires avant qu'il puisse revenir en France. Qui fait vivre sa famille pendant cette période ?

Pourquoi supprimer ce qui constituait pour une fois, me semble-t-il, une mesure logique, de bon sens ? En raison des très grandes difficultés pratiques de mise en application du fait de la vérification à distance de l'état civil de l'étranger. Mais la loi est en vigueur depuis à peine six mois et l'on ne dispose pour l'instant d'aucun bilan ! Encore une fois, c'est bien une mesure de vexation, d'ostracisme contre les mariages binationaux.

Pour toutes ces raisons, nous défendrons la suppression de cet article inique.

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