La loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 dispose que l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou être mené dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Or l'article que nous examinons aurait pour effet de rendre banal et normal pour les étrangers ce que nous nous accordons tous à considérer comme grave et exceptionnel pour les Français.
Cette mesure est inutile, discriminatoire et moralement intolérable.
Inutile d'abord, puisqu'elle ne concernerait finalement que très peu de cas. En 2006, seuls 8 600 mineurs ont obtenu des visas au titre du regroupement familial, ce qui ne représente que 5 % du flux migratoire.
Discriminatoire ensuite, car, en pratique, cet article, s'il était adopté, susciterait des différences de traitement entre les demandeurs de regroupement familial. En effet, il ne fait aucun doute que les dossiers incluant un test ADN seraient traités en priorité et avec bien plus de bienveillance que ceux qui en seraient dépourvus, ce qui reviendrait à favoriser l'accès aux visas des étrangers qui pourraient payer ces tests.
Il ne fait pas de doute non plus que le prétendu volontariat de ces tests ne serait qu'un leurre grossier. En pratique, les consulats n'accorderont de visa qu'aux demandeurs qui se seront pliés à ces tests.
Surtout, cet article est moralement et éthiquement inacceptable. Il viole, je le répète, les principes les plus fondamentaux de notre droit de la filiation. Il donne de la famille une définition purement biologique, au mépris de la tradition française ; il fait peser la suspicion sur les enfants adoptés, sur les familles recomposées ; bref, il fait peser le soupçon sur les liens d'amour, qui sont essentiels dans une famille.
Je tiens aussi à souligner, comme l'a fait Louis Mermaz, l'impact déplorable qu'aurait cette mesure sur nos relations avec les pays visés, notamment en Afrique francophone.
Je me fais ici l'interprète du président du groupe d'amitié France-Algérie. La semaine dernière, en effet, j'ai réalisé avec ce dernier un voyage d'amitié en Algérie, et nos interlocuteurs ont exprimé leur vive émotion face à ce projet, alors même qu'en vertu des accords bilatéraux, dits accords d'Évian, les Algériens ne seraient pas concernés. Bien entendu, nous ne pouvons nous permettre de renvoyer au monde une telle image de la France.
Cet article 5 bis illustre la conception que certains se font de l'immigration, mais il faut aujourd'hui cesser de politiser ce débat : l'immigration n'est pas un filon électoral qu'il suffirait d'exploiter régulièrement !
Même si, aux dernières nouvelles, il semble que cet article ait été vidé de tout contenu, ce qui est heureux, grâce à l'éthique d'un certain nombre de nos collègues de la majorité, que je salue, nous ne pourrons le voter, en raison de son principe même.