La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 94 tendant à insérer un article additionnel après l'article 4, appelé en priorité.
L'amendement n° 94, présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie d'une entrée régulière, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne sais pas quel sort vous réserverez à cet amendement, mes chers collègues, mais, même si la question est quasiment réglée, je suis certaine qu'il est très bon !
Sourires
J'ai appris, par des voies détournées, que nous allions passer directement à l'article 5 bis, mais je vais quand même défendre l'amendement n° 94.
Cet amendement, dont l'objet est similaire à celui de l'amendement n° 93, vise à établir un régime plus favorable que celui qui existe à l'attention de tous les conjoints de Français, afin qu'ils ne soient plus soumis à l'obligation de retourner dans leur pays d'origine pour demander un visa long séjour.
En l'espèce, nous souhaitons modifier l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin, d'une part, que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » soit délivrée de plein droit à l'étranger qui, marié avec un Français, justifie d'une entrée régulière et, d'autre part, que ne soit pas opposable à ce même étranger la condition de production d'un visa long séjour prévue par l'article L. 311-7 du même code.
Notre amendement vise à supprimer l'un des obstacles auxquels sont aujourd'hui confrontés les étrangers qui veulent tout simplement vivre avec leur conjoint. Nous souhaitons que n'existe plus de distinction entre les conjoints de Français se trouvant encore dans leur pays d'origine et ceux qui sont déjà présents sur le territoire. Quelle que soit leur situation géographique, le droit à vivre une vie familiale normale doit s'appliquer à tous ces étrangers mariés à un Français. Autrement dit, ils ne doivent pas être obligés de se séparer de leur conjoint.
Par ailleurs, le retour dans le pays peut présenter des risques de persécution qu'il ne faut pas négliger.
Le Gouvernement ne cesse de répéter que les étrangers doivent s'intégrer à la société française. Au lieu de les soumettre à de multiples tests et formations ou de leur faire signer moult contrats d'accueil et d'intégration, mieux vaut leur envoyer, pour favoriser leur intégration, un message de confiance, en leur permettant de vivre au quotidien aux côtés de leur conjoint français.
Mes chers collègues, il eût été préférable d'adopter cet amendement.
Compte tenu de l'adoption de l'amendement n° 191 rectifié modifié, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement « Pelletier » ayant été rétabli, cet amendement n'a plus lieu d'être.
Eu égard au vote qui est intervenu tout à l'heure, cet amendement n'a en effet plus d'objet.
Monsieur le président, le Gouvernement demande que l'article 5 bis soit examiné par priorité.
I. - L'article L. 111-6 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, par dérogation à l'article 16-11 du même code, le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, solliciter son identification par ses empreintes génétiques afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec au moins l'un des deux parents. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli.
« L'examen des empreintes génétiques prévu à l'alinéa précédent est réalisé aux frais du demandeur. Si le visa est accordé, les frais exposés pour cet examen lui sont remboursés par l'État.
« Un décret en Conseil d'État définit les conditions d'application des examens d'empreintes génétiques et notamment la liste des pays concernés et les conditions dans lesquelles sont habilitées les personnes autorisées à procéder à ces examens. »
II. - Dans le premier alinéa de l'article 226-28 du code pénal, après les mots : « procédure judiciaire », sont insérés les mots : «, ou de vérification d'un acte d'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».
III. - Le présent article s'applique jusqu'au 31 décembre 2010.
Une commission en évalue annuellement les conditions de mise en oeuvre. Son rapport est remis au Premier ministre. Il est rendu public. La commission comprend :
1° Deux députés ;
2° Deux sénateurs ;
3° Le vice-président du Conseil d'État ;
4° Le premier président de la Cour de cassation ;
5° Le président du Comité consultatif national d'éthique ;
6° Deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre.
Son président est désigné, parmi ses membres, par le Premier ministre.
Monsieur le ministre, il faut retracer l'historique de la disposition qui suscite tant de controverses, car elle ne figurait pas dans le projet de loi initial.
En dépit du fait que la commission des lois l'ait rejeté, vous avez décidé de défendre bec et ongles, dans cet hémicycle, un amendement, déposé par les élus les plus radicaux, je dirai même les plus extrémistes, de l'UMP, ...
... qui porte gravement atteinte à l'un des fondements de notre identité républicaine et, au-delà, de notre conception même de la famille.
Dans son rapport présenté au Tribunat, dans sa séance du 28 ventôse an XI, le député de la Gironde Lahary exposait que les dispositions du projet de code civil relatives à la paternité et à la filiation faisaient de l'acte de naissance « le titre certain, authentique et irréfragable de la filiation ».
Depuis plus de deux cents ans, cette conception de la filiation, qui veut que « c'est par l'inscription sur les registres publics que l'on fait son entrée dans le monde ; c'est à la faveur de ce passeport que l'on peut être admis et reconnu dans une famille », a toujours été reconnue par nos lois civiles, et constitue ainsi l'un des fondements de notre ordre juridique et, par là, de l'identité de la République. C'est un patrimoine commun que nous avons tous ici, sénateurs de la majorité, comme de l'opposition.
C'est en garant de cet esprit de notre droit que le législateur a délibéré de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, qui introduit un article 16-10 au code civil n'autorisant l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique et sous réserve du consentement exprès, écrit et préalable de la personne.
La tentative de remettre ici en cause ce qui est actuellement inscrit à l'article 310-3 du code civil, à savoir : « La filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état », en autorisant l'identification de la filiation de candidats au regroupement familial par le relevé de leurs empreintes génétiques, constitue - n'ayons pas peur du mot ! - une véritable indignité de la part d'un gouvernement qui défend une telle disposition et se veut, par ailleurs, garant de l'ordre républicain.
Monsieur le ministre, en ne freinant pas les plus extrémistes de vos amis, tentés, au travers de l'amendement « Mariani », de ficher génétiquement les immigrés, vous menez une opération de basse politique destinée à une certaine partie de votre électorat, plutôt que de prendre la responsabilité de rappeler nos principes républicains à M. Mariani et à ses comparses.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
M. David Assouline. Nous avons été heureux de constater que certains d'entre vous ne partageaient pas cette conception. Lorsque le débat est devenu public, nous avons vu que toutes les associations qui cherchent à aider les immigrés, à les accueillir, à réfléchir philosophiquement sur la question, s'opposent à cet amendement.
M. Josselin de Rohan brandit
Vous prétendez vouloir aider les pauvres malheureux qui se verraient refuser l'entrée sur notre territoire à prouver leur identité par un autre moyen que la production d'un acte d'état civil. Mais pourquoi vouloir à ce point faire leur bonheur ?
Même en nous proposant probablement tout à l'heure encore une modification de cet amendement, la mesure restera, d'un point de vue technique, difficilement applicable, et ne concernera qu'une partie de plus en plus réduite de la population. En effet, le regroupement familial n'a jamais été le fait d'immigrés qui voulaient faire venir en masse leurs enfants sur le sol français, parce qu'ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Et pour conclure d'un mot, si nous devions faire subir un test ADN à l'amendement « Mariani », le laboratoire sollicité nous répondrait que l'article 5 bis de ce projet de loi n'a aucune filiation avec la ire, la iie, la iiie, la ive ou la ve République : il n'appartient pas au patrimoine génétique des cinq générations de la République française. Il est tout simplement - et je mesure mes mots - indigne !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais m'exprimer très calmement et sereinement sur cette disposition, dont il faut rappeler qu'elle est apparue lors du débat à l'Assemblée nationale et qu'elle ne faisait pas partie du projet de loi présenté par le Gouvernement. Par conséquent, ce texte n'a pas été soumis pour avis au Conseil d'État : l'instance chargée de vérifier sa constitutionnalité n'a pu procéder à cet examen, et c'est donc à nous de prendre cette responsabilité.
Je vous le rappelle, nous ne sommes pas aujourd'hui confrontés à un vide juridique. En matière de regroupement familial, le droit qui s'applique est le droit civil commun : à défaut de lien de filiation prouvé par des actes d'état civil, c'est le régime de ce que l'on appelle en droit français la possession d'état qui est en vigueur.
Autrement dit, faute de document écrit, le lien de filiation est attesté, ou non, à l'aide d'un faisceau d'éléments concordants, tels que le comportement des parents, les liens qu'ils établissent avec l'enfant, les témoignages de tous ceux qui les entourent dans la vie tant familiale que sociale. Cette règle existe aujourd'hui dans notre droit positif.
Pas plus tard que la semaine dernière, le 28 septembre 2007, le Conseil d'État saisi en référé a rendu une ordonnance qui portait justement sur un cas de regroupement familial : un homme établi en France souhaitait faire venir des enfants qui se trouvaient dans un pays africain, et il fallait donc établir s'il était véritablement le père desdits enfants.
Qu'a décidé le juge des référés, c'est-à-dire le Conseil d'État ? Qu'à l'occasion d'une demande de visa la filiation d'un enfant pouvait être établie par tout moyen, autrement dit par tous les moyens que, dans la loi, la jurisprudence et la doctrine on reconnaît constituer les critères de la possession d'état.
Lors d'un référé du 13 juillet dernier, le Conseil d'État avait déjà pris la même position à propos d'une situation matrimoniale : il a conclu que les contacts étroits entre les parents et les enfants présumés, l'état matrimonial supposé et l'absence de contestation claire de ces liens par tous les membres du voisinage et de la famille prouvaient l'existence d'un lien de parenté malgré le doute « relatif à la véracité des actes de mariage et de naissance du conjoint ».
Comme vous le voyez, mes chers collègues, le juge administratif n'éprouve aujourd'hui aucune difficulté à se prononcer sur ce genre de questions. Il n'a besoin ni de test ADN...
...ni d'éléments juridiques nouveaux. Il s'appuie sur ce qui constitue, depuis toujours, la tradition juridique française en matière de droit civil et de droit de la filiation.
Or, aujourd'hui, on nous affirme qu'en cas de doute il faudrait introduire des tests ADN.
Je n'entrerai pas dans les mérites comparés des différents amendements, sous-amendements et interprétations diverses qui se sont accumulés depuis quelques jours. Je soulignerai simplement que le droit français, notamment la loi relative à la bioéthique, a établi des règles claires : il cantonne l'examen des caractéristiques génétiques aux seules fins médicales ou de recherche scientifique ou, à défaut, l'autorise dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire.
Cela signifie que, pour toutes les personnes se trouvant sur le territoire de la République française, il n'est pas possible de recourir aux tests génétiques afin d'établir la filiation, en dehors des cas que je viens de citer.
On recourt donc à l'état civil ou, à défaut, aux critères qui sont ceux de la possession d'état.
Eu égard à cette réalité du droit positif, le texte qui nous est présenté aujourd'hui a fait l'objet, ouvertement ou mezza voce, de multiples contestations sur l'ensemble des travées.
Il existe aujourd'hui deux façons de le remettre en cause.
La première solution consiste à reconnaître, tout simplement, sans s'énerver, que ce texte est une erreur. Il vaut mieux attendre tranquillement le moment où la loi sur la bioéthique sera remise à plat, à une date pas très éloignée, d'ailleurs, puisque ce réexamen aura lieu dans dix-huit mois ; d'ici là, nous aurons eu le temps d'appliquer toutes les autres dispositions de ce projet de loi, que nous voterons. Il s'agit donc de nous en tenir au droit d'aujourd'hui et d'écarter un texte qui, visiblement, n'est pas prêt et qui, de toute façon, ne fait pas consensus.
La seconde solution, évidemment plus classique du point de vue parlementaire, consiste à noyer ce texte sous un flot d'amendements et de sous-amendements afin qu'il devienne incompréhensible et donc inapplicable.
Personnellement, au nom de la clarté, je préfère la première solution.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Je partage en tout point la démonstration de M. Hugues Portelli ; aussi, je ne répéterai pas les propos qu'il a magnifiquement tenus. J'ajouterai simplement un élément, qui tient au contexte politique.
Partout en Afrique, nous enregistrons aujourd'hui des manifestations d'émotion intenses et il s'agit là, me semble-t-il, d'un élément qui doit aussi être pris en considération.
Au sein de cette assemblée, je suis certain que nous avons tous le souci de la grandeur française ; n'ayons pas peur du mot ! Or celle-ci ne tient pas simplement à ce qui se passe à l'intérieur de l'Hexagone. Elle est aussi liée à l'amitié, aux relations internationales, à la réputation de la France. Elle tient au maintien des liens qui nous unissent, au travers de la francophonie et des échanges divers, à des pays avec lesquels nous avons si longtemps entretenu des relations profondes, parfois tumultueuses, et qui, aujourd'hui, gardent la trace et le souvenir de ce que nous avons fait ensemble.
Au nom de cette amitié désormais séculaire, il faut, me semble-t-il, se garder de blesser ces pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie M. Portelli de son courage. Je reprends entièrement à mon compte ses propos, et comme je ne suis pas capable d'exprimer mon indignation avec ses mots, je le ferai avec les miens.
Avec cet article, nous franchissons un nouveau palier dans la criminalisation de l'immigration et dans la démagogie. De façon purement discriminatoire, et alors que les lois de bioéthique ont placé sous le strict contrôle du juge l'usage des tests ADN comme moyen de preuve de la filiation, on nous propose de confier cette responsabilité à l'administration pour les seuls étrangers.
Cette mesure proposée par Thierry Mariani, mais à laquelle, monsieur le ministre, vous semblez vous accrocher comme si vous l'aviez vous-même suggérée
Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
La loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 dispose que l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou être mené dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Or l'article que nous examinons aurait pour effet de rendre banal et normal pour les étrangers ce que nous nous accordons tous à considérer comme grave et exceptionnel pour les Français.
Cette mesure est inutile, discriminatoire et moralement intolérable.
Inutile d'abord, puisqu'elle ne concernerait finalement que très peu de cas. En 2006, seuls 8 600 mineurs ont obtenu des visas au titre du regroupement familial, ce qui ne représente que 5 % du flux migratoire.
Discriminatoire ensuite, car, en pratique, cet article, s'il était adopté, susciterait des différences de traitement entre les demandeurs de regroupement familial. En effet, il ne fait aucun doute que les dossiers incluant un test ADN seraient traités en priorité et avec bien plus de bienveillance que ceux qui en seraient dépourvus, ce qui reviendrait à favoriser l'accès aux visas des étrangers qui pourraient payer ces tests.
Il ne fait pas de doute non plus que le prétendu volontariat de ces tests ne serait qu'un leurre grossier. En pratique, les consulats n'accorderont de visa qu'aux demandeurs qui se seront pliés à ces tests.
Surtout, cet article est moralement et éthiquement inacceptable. Il viole, je le répète, les principes les plus fondamentaux de notre droit de la filiation. Il donne de la famille une définition purement biologique, au mépris de la tradition française ; il fait peser la suspicion sur les enfants adoptés, sur les familles recomposées ; bref, il fait peser le soupçon sur les liens d'amour, qui sont essentiels dans une famille.
Je tiens aussi à souligner, comme l'a fait Louis Mermaz, l'impact déplorable qu'aurait cette mesure sur nos relations avec les pays visés, notamment en Afrique francophone.
Je me fais ici l'interprète du président du groupe d'amitié France-Algérie. La semaine dernière, en effet, j'ai réalisé avec ce dernier un voyage d'amitié en Algérie, et nos interlocuteurs ont exprimé leur vive émotion face à ce projet, alors même qu'en vertu des accords bilatéraux, dits accords d'Évian, les Algériens ne seraient pas concernés. Bien entendu, nous ne pouvons nous permettre de renvoyer au monde une telle image de la France.
Cet article 5 bis illustre la conception que certains se font de l'immigration, mais il faut aujourd'hui cesser de politiser ce débat : l'immigration n'est pas un filon électoral qu'il suffirait d'exploiter régulièrement !
Même si, aux dernières nouvelles, il semble que cet article ait été vidé de tout contenu, ce qui est heureux, grâce à l'éthique d'un certain nombre de nos collègues de la majorité, que je salue, nous ne pourrons le voter, en raison de son principe même.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reprendrai pas non plus les propos de Hugues Portelli ; je salue son raisonnement juridique et moral s'agissant de ce problème.
Je vous lirai simplement l'un des multiples textes que j'ai reçus ces derniers jours de la part de Français qui résident à l'étranger, pas nécessairement d'ailleurs dans des pays africains :
« Nous sommes des citoyens français résidant à l'étranger et sommes particulièrement interpellés et choqués par l'amendement Mariani [...] contraire aux principes de notre droit établissant que la filiation est basée sur la reconnaissance et non sur des critères purement biologiques. [...]
« [Il] nie l'évolution des familles contemporaines, liées fréquemment par d'autres liens que ceux du sang et ayant [...] droit à la dénomination de famille vivant ensemble.
« Même si nous ne sommes pas directement concernés par la loi, nous refusons qu'elle soit appliquée à des étrangers qui travaillent légalement en France, participent à la vie de notre pays et sont désireux d'y faire venir leur famille ! »
J'ajouterai seulement que je connais très bien les insuffisances de l'état civil dans certains pays d'Afrique. Je sais fort bien qu'il existe nombre de documents frauduleux, de « vrais-faux papiers », tout simplement parce qu'il n'y a pas d'état civil du tout. C'est pourquoi nous devons absolument nous contenter de la possession d'état. C'est d'ailleurs sur cette base que nous avons résolu nombre de problèmes de nationalité concernant des Français en Afrique subsaharienne.
Il est un cas auquel personne ne semble penser, celui des enfants qui sont subrepticement introduits dans une fratrie pour y servir, en quelque sorte, d'esclaves domestiques. Ce problème, qui apparaît lors de l'arrivée en France des enfants, ne sera nullement résolu par un test génétique !
Si, monsieur Pasqua, cela a quelque chose à voir, parce que ce phénomène existe !
Certaines fratries comptent des enfants adoptés, des enfants reconnus, des enfants qui sont élevés par un membre de la famille. Il arrive que des manoeuvres soient organisées afin d'y introduire un enfant qui sera au service des autres.
Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Ce phénomène existe en France ! Quelle était la nationalité des Thénardier et de Cosette ?
Exclamations sur les mêmes travées.
Dans ces cas, qui sont sensibles, douloureux, et que nous connaissons bien, il n'est nul besoin de tests ADN. Nous devons nous fier à nos services sociaux et être vigilants, mais il n'est absolument pas nécessaire d'« ouvrir une brèche » dans la loi de bioéthique, pour reprendre l'expression de Claude Huriet.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'interviens dans ce débat sur l'article 5 bis, car il m'a paru préférable de m'exprimer ce soir, à un moment où étaient rassemblés ceux qui allaient examiner précisément ce volet, plutôt qu'à l'occasion de la discussion générale hier.
En ouverture de mon propos, je formule le voeu que notre discussion se déroule dans le climat préconisé par Jack Lang
Murmures sur les travées de l'UMP.
Je souhaite, en ce qui me concerne, que nous débattions dans ce climat de sérénité et je remercie ceux qui sont intervenus d'y avoir contribué.
Je voudrais rappeler - car il faut sans cesse le faire - de quoi il est question. Il s'agit - et je rejoins en cela ce que vient de dire Mme Monique Cerisier-ben Guiga - des cas où l'état civil n'existe pas ou n'est pas fiable. Cela arrive. La solution la plus simple consisterait à considérer que les candidats au regroupement familial qui ne pourraient pas faire la preuve de leur filiation resteraient dans les limbes ou dans les aléas de la jurisprudence, à laquelle mon excellent ami et vénérable professeur Hugues Portelli faisait allusion. Mais il sait aussi bien que moi - peut-être pas aussi bien que moi, parce que les avocats savent cela mieux que les professeurs !
Sourires
En l'absence de règles de droit positif, il serait donc très facile, surtout pour un fonctionnaire qui serait dans la posture négative que vous nous reprochez d'avoir, de refuser de faire bénéficier les enfants du regroupement familial. Voilà le problème !
Or, ce texte prévoit plutôt d'encadrer, d'accompagner, de valoriser le regroupement familial...
...et de le rendre moins automatique. Je n'aime pas le verbe « durcir », qui se trouve dans le rapport. Il s'agit là, au contraire, d'un dispositif d'ouverture, qui prévoit une solution pour les personnes sans état civil, au lieu de les condamner à rester chez elles - ce qui aurait été plus simple. En cela, cette démarche est louable.
L'Assemblée nationale a cru résoudre ce problème en adoptant l'amendement Mariani. Mais cet amendement, la commission des lois l'a évacué ! Il existe encore dans vos rangs, chers collègues de l'opposition, puisque la plupart des interventions ou réflexions que je viens d'écouter, les réactions en Afrique dont Louis Mermaz a parlé, sans qu'on en sache plus d'ailleurs, s'y réfèrent.Il n'en reste pas moins que, à parler concrètement, il n'y a plus d'amendement Mariani !
S'il y a bien quelqu'un qui s'est insurgé - et en quels termes ! - devant M. Brice Hortefeux, quand celui-ci a été reçu par la commission des lois, et le lendemain, au sein de cette même commission, contre cet amendement, c'est bien moi ! Je n'en puis donc que plus facilement vous dire que cet amendement n'existe plus.
M. Pierre Fauchon. Nous devons maintenant examiner une démarche toute nouvelle, dont le président de la commission des lois, avec la sagesse qui le caractérise
Applaudissements sur les travées de l'UMP
Le schéma qui vous est soumis est le suivant. Pour résoudre le problème de l'absence d'état civil autrement qu'en refusant d'accueillir le candidat au regroupement familial, il faut prendre en compte la possession d'état. M. Hugues Portelli l'a rappelé, c'est le droit commun pour les Français de France, mais il ne s'applique pas encore automatiquement dans le cas qui nous occupe. Aussi faut-il le préciser dans la loi.
Tout le monde sait de quoi il s'agit : la possession d'état, c'est la situation de fait concrète, variable selon les situations, les cultures, les milieux, etc. ; c'est un instrument d'appréciation qui, parce qu'il s'appuie sur une réalité tangible, est tout à fait apte à lever les obstacles que nous évoquons depuis tout à l'heure.
Le sous-amendement que je propose à l'amendement de Jean-Jacques Hyest a donc pour objet d'apporter une solution, quand la possession d'état n'a pu être établie.
M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.
Vous avez le rire facile, monsieur Mélenchon ! Ce n'est pas amusant du tout !
Ecoutez de bonne foi un homme qui vous parle de bonne foi. Il peut arriver qu'on ait du mal à établir la possession d'état dans les bidonvilles. Peut-être ai-je tort, mais il se peut aussi que ce soit vous qui vous trompiez. Cela peut arriver : tenez-en compte dans vos réflexions !
Dans les pays horriblement dévastés par les guerres, les guérillas, les troubles, la possession d'état peut être insaisissable ou très difficile à déterminer. Dans ce cas, le recours au test ADN se révèle être le seul moyen pour une mère - je suis tout à fait opposé à cette recherche pour un homme -...
M. Pierre Fauchon. ...de sauver son enfant et de l'arracher à la situation difficile et pénible qui est la sienne, pour le faire bénéficier du regroupement familial.
Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Nous proposons donc une solution équilibrée, qui correspond à notre droit : il n'y a là nulle innovation. Certains ont soutenu qu'on ajoutait de nouvelles dispositions au droit existant, mais l'article 16-11 du code civil prévoit déjà que, « en matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation ».
Il s'agit d'établir un lien de filiation, qui entre tout à fait dans le cadre de cet article. C'est tout au plus une extension, en aucun cas une innovation.
Je le répète, il s'agit d'une démarche non pas de fermeture ou de contrôle policier, mais au contraire d'ouverture, ...
...qui vise à résoudre des cas qui ne sont sans doute pas très nombreux mais qui peuvent se présenter.
Qui osera dire à une femme qui veut faire venir son enfant en France et le faire bénéficier du regroupement familial, alors qu'il n'a pas de papier et que la possession d'état ne peut être établie, que c'est impossible, car on lui refuse d'apporter la preuve qu'elle se propose de fournir ?
M. Pierre Fauchon. Je refuse, pour ma part, de prendre une telle responsabilité et je souhaite qu'il en soit de même pour nous tous ici !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mme Éliane Assassi. Je ne peux pas aborder la discussion sur l'article 5 bis sans poser une question fondamentale : pourquoi ce projet de loi ?
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Beaucoup s'accordent à dire qu'il s'agit là d'une véritable déclaration de guerre aux étrangers...
Il va de soi que cet électorat doit rester dans le camp gagnant, notamment à l'aube d'échéances importantes comme les élections municipales et cantonales.
Je partage ces points de vue, qui ne se réduisent pas à de simples manifestations affectives. À quoi sert l'amendement Mariani, qui introduit les tests ADN ? Il a tout simplement pour objet de cristalliser les débats sur cette mesure honteuse et de nous faire oublier les autres dispositions. Pour notre part, nous nous battrons sur chacun des articles du projet de loi et nous opposerons à ce texte dans sa globalité.
Après son adoption par l'Assemblée nationale, cet amendement, qui est devenu l'article 5 bis, a investi le débat public. Il a fait surgir des protestations indignées d'abord à gauche, puis chez des parlementaires de droite, dans le monde de la culture, de la science, de la recherche, en France, mais aussi à l'étranger, à l'instar de la colère exprimée par le président de la Commission de l'union africaine, qui juge les tests ADN inconcevables du point de vue des droits de l'homme. Et je ne m'étendrai pas ici sur le silence éloquent de quelques ministres du Gouvernement...
Certains pourraient être leurrés par cette judicieuse tactique qui consiste aujourd'hui à donner l'impression de faire preuve de mansuétude et de sagesse en acceptant d'aménager l'article 5 bis à coup d'amendements et de sous-amendements, souvent commandés par le Gouvernement lui-même ! Ne nous y trompons pas : malgré des ajustements juridiques, les trois lettres ADN resteront dans le texte.
On nous exhorte à l'envi à être réalistes : cette mesure viserait simplement à empêcher la fraude en matière d'état civil. Or cela fait quatre ans que vous durcissez toujours davantage les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers. Cela signifie-t-il que toutes les lois adoptées en 2003 et en 2006 ne servent à rien ?
La sévérité des précédentes réformes ne vous a pas suffi, pas plus que la multiplication des reconduites à la frontière ou les récents drames humains touchant des adultes et des enfants sans papiers, capables de se défenestrer et préférant mourir plutôt que de retourner dans leur pays !
Le Gouvernement repousse encore les limites. Avec cet article 5 bis, il touche à un principe fondamental, celui de la dignité de la personne humaine, dans l'unique but d'empêcher la fraude. Mais que représente cette fraude au regard de la brèche qui est en train d'être ouverte dans notre conception de la famille et des valeurs qui l'entourent ? La disproportion entre le but affiché et les moyens déployés est incompréhensible, tout comme l'est l'acharnement du Gouvernement à faire adopter l'article 5 bis.
Nous refusons avec la plus grande véhémence que soit inscrite dans ce texte une mesure discriminatoire et humiliante - les mots sont faibles ! - pour les familles, et particulièrement pour les femmes étrangères. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nul ne peut en disconvenir, cette question des tests ADN suscite un profond malaise.
La grande majorité des parlementaires ici présents doit reconnaître qu'il eût mieux valu que cela ne fût jamais inscrit dans ce texte, que cet amendement n'existât point. Mais il est là. Deux solutions s'offrent maintenant à vous : ou bien admettre une erreur, ou bien considérer qu'il est impossible de reculer sur un sujet comme l'immigration, car cela aurait des conséquences politiques néfastes.
Nonobstant ce malaise, je constate que l'acharnement à inscrire ces trois lettres ADN dans le projet de loi perdure, selon des modalités telles que, nous explique-t-on, ces tests ne s'appliqueront que de manière rarissime, que cette mesure n'aura pas vraiment d'effet et qu'il ne faut donc pas s'inquiéter. Si tel est le cas, pourquoi vouloir l'adopter à tout prix ?
J'ai réfléchi à cette question et je me suis demandé si cette volonté et cette obstination ne traduisaient malheureusement pas un état d'esprit plus profond.
Je me souviens du rapport du député Ginesti, puis d'un rapport de l'INSERM, enfin de la position d'un ancien ministre de l'intérieur, qui trouvaient qu'il serait intéressant, utile, nécessaire de dépister chez les très jeunes enfants, de un ou deux ans, les gênes porteurs d'une délinquance future.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, de tels propos ont bel et bien été tenus et le dépistage précoce dès l'enfance, voire la petite enfance, a bien été préconisé. Je n'invente rien !
De la même manière, je tiens à rappeler en cet instant un débat qui a été publié dans la revue Philosophie auquel participait Michel Onfray et au cours duquel Nicolas Sarkozy a soutenu que la criminalité et, plus précisément, la pédophilie avaient des sources génétiques.
Selon vous, mon cher collègue, il n'y aurait pas de rapport. Pour ma part, je pense que, à la fin des fins, cette obsession manifestée à l'égard de la génétique mérite d'être analysée.
Mes chers collègues, le déterminisme génétique, c'est la philosophie la plus conservatrice qui soit, parce que c'est le contraire de l'humanisme
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.
Les tests ADN dont il est question s'appliqueraient aux étrangers et non aux Français. Je veux, mes chers collègues, vous citer un philosophe, Paul Ricoeur, selon lequel la démarche éthique consiste à se penser « soi-même comme un autre ». L'un d'entre vous peut-il justifier qu'il soit juste d'imposer de tels tests à des étrangers et non à des Français ? Quelle en est la raison ? Quel est le fondement philosophique ? Où est l'humanisme ? Existe-t-il des réponses à ces questions ?
Si tel est le cas, il faut nous les donner !
En tout cas, sur le fond, la mesure proposée est très importante. Ne pensez pas qu'il s'agisse d'un détail, d'une disposition accessoire. L'idée selon laquelle le fondement de la famille est génétique constitue une rupture par rapport à l'ensemble de notre droit et de notre conception humaniste.
Je termine mon propos en citant Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'INSERM, qui a déclaré : « Toute approche qui risque d'enfermer la personne dans sa seule identité biologique pose, en termes de respect de la dignité humaine, un problème éthique majeur. » Nous sommes confrontés à ce problème éthique majeur et chacun d'entre nous est face à lui-même.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues, il faut que vous vous fassiez à l'idée que ce débat va durer un certain temps ! Pour ce qui me concerne, je n'ai pas abusé de mon droit à la parole.
Nous vivons un moment important. L'opinion suit avec attention nos débats. Elle va y trouver des arguments pour fonder son propre point de vue, car nombre de personnes n'ont pas une idée arrêtée sur le sujet dont nous débattons ce soir.
Pour ma part, au lieu de vous répéter de raisons politiques qui ont déjà été avancés, je voudrais vous inviter à réfléchir à partir de l'argument que nous a exposé M. le ministre. Acceptons-le un instant.
Il s'agit, selon M. le ministre, non pas d'empêcher les étrangers de venir en France mais de leur faciliter la vie. Les tests ADN seront proposés dans les cas où il est impossible d'établir la filiation.
Partons de ce postulat. Où est le problème ? Il n'y en a pas pour établir les filiations en droit positif, et cela a déjà été démontré dans cette enceinte.
Nombre d'entre vous, mes chers collègues, ont été troublés par le texte adopté à l'Assemblée nationale. Un amendement a donc été déposé au Sénat, tendant à rendre -disons les choses telles qu'elles sont - quasi inapplicable ou tout à fait secondaire la mesure proposée.
On peut se demander, dès lors, pourquoi s'obstiner ainsi. D'autres ont apporté une réponse à cette question mais, pour ma part, je ne veux pas y répondre. Mon intention est de vous convaincre à partir non pas de ce qui nous sépare, mais de ce qui nous réunit, et dont nous avons parlé à plusieurs reprises, à savoir les valeurs républicaines. Attardons-nous un instant sur ce point.
Si nous établissons, même d'une manière seconde, annexe, qu'il est légitime d'établir la filiation par la voie génétique, nous changeons profondément le système existant. D'aucuns nous disent que d'autres pays procèdent ainsi. Mais nous ne sommes pas obligés de les suivre.
Dans notre pays, la filiation est déclarative. Que signifie ce principe ? Lorsque quelqu'un se présente et affirme que tel enfant est le sien, jusqu'à preuve du contraire, on ne peut pas nier cette affirmation.
Mon cher collègue, souvenez-vous de la possession d'état !
Jusqu'à ce que l'on démontre le contraire, lorsqu'une femme revendique la filiation d'un enfant, ce dernier est reconnu comme étant le sien. Comment le savons-nous ? Eh bien, la démonstration inverse peut être faite. Ainsi, une femme peut affirmer que l'enfant qu'elle vient de mettre au monde n'est pas le sien : cela s'appelle « accoucher sous X ». En effet, dans notre tradition - c'est le résultat des Lumières -, le lien social est premier, alors que le lien biologique est second. Cette grande avancée de l'esprit humain est le résultat de longs siècles de réflexion.
Certes, tous les autres peuples n'ont pas le même jugement que nous. Dans un autre domaine, mais tellement concomitant, dans certains pays, la nationalité est fixée par le droit du sang. Nous, Français, avons tendance à considérer cela comme barbare, même si, par correction, nous ne le disons pas. Pour notre part, depuis François 1er, nous pratiquons le droit du sol. De ce fait, en toute circonstance, les Républicains affirment que ce qui décrit le rapport entre les individus, c'est le lien social, le lien politique. C'est le fondement de la République.
Certes, la mesure proposée ne correspond pas à ce que nombre d'entre vous ont craint, pour des raisons éminentes et patriotiques, y compris M. Pasqua, qui n'a pas la réputation de se laisser emporter par la sensiblerie.
Sourires
Chemin faisant, quelqu'un s'est dit : si la filiation est établie par la paternité, certaines découvertes risquent de troubler des familles. Un esprit simple a donc estimé qu'il serait plus aisé de procéder à des recherches génétiques sur les femmes.
Tout le monde a alors trouvé naturel que l'on établisse la filiation matrilinéaire. Un tel événement serait entériné, de fait. La primauté serait accordée, d'une part, au lien biologique et, d'autre part, au lien matrilinéaire. Croyez-vous qu'il s'agisse d'une décision seconde ? Pas du tout !
D'aucuns soutiennent : « monsieur Mélenchon, vous êtes un peu naïf et angélique ; vous oubliez que, parmi une nombreuse fratrie, on peut ?glisser? un enfant qui n'est pas celui des supposés parents. » Tout à l'heure, je vous ai fait remarquer, mes chers collègues, qu'il suffisait d'affirmer qu'un enfant est le sien pour que tel soit le cas.
Mais que l'on y réfléchisse : on reprocherait à ces personnes d'intégrer, du fait de leur culture, davantage d'enfants qu'ils n'en conçoivent. Pour notre part, n'avons-nous pas, souvent, plus de parents que l'état civil ne nous en a donnés ? N'avons-nous pas des familles recomposées ? Le Président de la République « trierait-il » entre ses propres enfants et ceux de son épouse ? Procéderais-je moi-même de la sorte ? Non, ils sont tous nos enfants. Ils disposent de deux pères, de deux mères, tout comme moi.
Mes chers collègues, n'en démordez pas.
Ce n'est pas une plaisanterie et je ne veux être blessant envers personne.
Restez-en aux principes que nous avons en commun. Il ne s'agit d'humilier ni un gouvernement ni un parlementaire ou de mettre en défaut une majorité. Il s'agit de plaider pour les valeurs auxquelles nous croyons et qui nous distinguent : nous sommes le peuple des Lumières et de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Le débat que nous avons dans cette enceinte depuis cet après-midi est passionnant, intéressant et donne tout son sens à l'institution parlementaire. Sur ce point essentiel, je souhaite vous faire part, mes chers collègues, de ce que pensent un certain nombre de membres de mon groupe.
Les liens de la filiation font partie de ce qu'il y a de plus sacré dans notre civilisation. On ne peut pas les modifier pour de simples motifs de commodité ou d'efficacité. Les règles existantes en la matière constituent un socle qui participe au fondement même de notre nation. Selon nous, c'est à partir de ce socle, et non en dehors, que l'on peut établir des mesures nouvelles.
L'immigré durablement installé sur notre sol a le droit de vivre avec sa famille. S'il appartient au Gouvernement et au Parlement de réguler les flux migratoires, ils ne peuvent le faire qu'en respectant les règles, connues, de notre droit civil. Selon moi, les familles d'immigrés doivent être soumises aux mêmes lois que les familles françaises. Des régimes différents ne peuvent pas s'appliquer aux uns et aux autres.
C'est en fonction de ces principes que nous devons considérer la situation.
J'ai trouvé très intéressants les différents propos qui ont été tenus. Mais je voudrais que l'on s'attarde quelques instants sur la façon dont les Français peuvent prouver leur lien de filiation. En effet, en tant que parlementaire, je veux que les immigrés puissent avoir les mêmes moyens et les mêmes droits que les Français, pas moins, pas plus. C'est simple, clair et net.
Toutes les règles applicables figurent dans le code civil, aux articles 16-11, 312 et 312-1, qui établissent les caractéristiques du droit français de la filiation.
L'article 312, que nous connaissons tous, pose la vieille règle que l'on tire du droit romain et que les juristes de la Révolution ont réintroduit dans notre droit. Il s'agit de la présomption de paternité : pater is est quem nuptiae demonstrant, l'enfant né pendant le mariage a pour père le mari. C'est clair et net, même si la société évolue et qu'il faut en tenir compte.
Les dispositions de l'article 311-1 sont plus intéressantes et visent ce que l'on appelle, en termes juridiques, la possession d'état. On peut toujours arguer qu'il s'agit d'affaires de juristes, mais ce n'est pas vrai. La possession d'état est ce qu'il y a de plus vivant, de plus quotidien, de plus remarquable, au sens initial du terme. Il s'agit de la façon dont se comportent les parents vis-à-vis d'un enfant qui les reconnaît en tant que père et mère. Ils doivent lui fournir des aliments, s'occuper de son éducation, de sa santé. Il convient d'assurer la filiation dans la continuité du quotidien.
Voilà quelques années, nous avons instauré un nouveau moyen de prouver le lien de filiation. Peut-être n'avons-nous pas fait suffisamment attention à l'époque ! Tout le monde ne s'en souvient peut-être pas. Mais tel n'est pas mon cas puisque, à l'époque, j'avais voté contre la disposition. Quoi qu'il en soit, tel est notre droit positif.
Nous avons donc adopté l'article 16-11 du code civil aux termes duquel en matière civile, l'identification d'une personne ne peut être recherchée par une analyse génétique qu'en vue d'établir un lien de filiation.
Nous avons donc ouvert cette possibilité voilà quelques années, en l'encadrant.
En quoi consiste cet encadrement ? Chacun, un beau matin, ne peut pas décider de faire un test ADN, du type de ceux qui sont offerts sur Internet, par exemple, où l'on trouve des milliers de propositions ! Cela se solderait par des problèmes sans fin au moment des successions ou du choix de garder ou non un enfant.
Selon le droit civil, seul le juge peut décider d'une telle action en établissement de la filiation à partir d'un test génétique.
Ces trois modes de preuve de la filiation et d'identification sont ouverts aux familles françaises. Tel est notre droit. Je souhaite que ce soient les mêmes lois - pas plus, pas moins - le même cadre, les mêmes garanties, les mêmes barrières qui soient appliqués aux familles d'immigrés. En effet, l'une des façons de les intégrer consiste à les traiter comme les familles françaises.
Je suis intimement persuadé que si nous sommes capables, tous ensemble, au Sénat, malgré nos différences d'approche, bien compréhensibles - la commission des lois a, bien entendu, eu raison de voter contre l'amendement Mariani, qui se situe en dehors du système que je préconise - de dire que l'immigré qui est légalement, durablement venu travailler dans notre pays a le droit d'y vivre avec sa famille, laquelle est soumise aux mêmes lois que la famille française, nous aurons réalisé un grand progrès. Cela ne veut pas dire que tout sera réglé, mais nous aurons fait les choses comme elles doivent être faites, dans le respect de l'être humain, de notre philosophie et de notre spécificité nationale. Tel est, en tout cas, ce que nous proposerons tout à l'heure par l'entremise de M. Pierre Fauchon.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées de l'UMP.
Qu'il me soit permis, à moi qui suis un médecin attaché à l'éthique, ce qui m'a conduit à voter pour le texte présenté par M. Badinter prônant la suppression de la peine de mort, de faire entendre ma voix dans un débat qui honore le Sénat et qui justifie, me semble-t-il, le bicamérisme !
L'amendement Mariani nous a conduits, dans cette enceinte, à rappeler un certain nombre d'éléments de base auxquels nous croyons profondément ; disant cela, je parle sous le contrôle de mes collègues, qui l'ont exposé clairement.
Il n'a jamais été question, pour nous, de transformer les liens de filiation en des liens génétiques. Personne ne conteste le fait que la filiation peut revêtir de multiples formes. Aujourd'hui, je me réjouis que la commission des lois ait repris des propositions qui ne concernent que les mères, des mères qui n'ont pas de doutes quant à la filiation de leur enfant, mais qui ne peuvent pas la prouver, faute de code civil dans leur pays et parce qu'elles ne disposent pas des éléments pour ce faire. Ces propositions visant à leur offrir la possibilité, sous contrôle du juge, de demander elles-mêmes un test ADN, ...
...afin de permettre à leurs enfants de bénéficier de cette prise en charge nouvelle et pour que leur famille soit reconnue et jouisse des mêmes droits qu'une famille française. C'est bien de cela qu'il s'agit.
Il n'est pas question de dire que les tests ADN sont des tests obligatoires de filiation, ni de résumer cette dernière à une filiation génétique ; il s'agit de permettre à une mère qui sait ce dont elle parle de le prouver.
J'avais proposé au bureau de l'UMP...
... de résumer cette disposition à une possibilité offerte aux mères de démontrer la véracité de ce qu'elles disent. Monsieur Portelli, elles n'ont pas de doutes, elles !
Elles sont en situation particulière de demande ; cela ne remet pas en cause la réalité des filiations multiples et ne prive personne de liberté.
Cet amendement permet de donner de réelles chances à ces mères parfois désespérées...
M. Jacques Blanc. ... quand elles ne trouvent pas, dans leur propre pays, les éléments qui démontrent la véracité de ce qu'elles disent.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Mes chers collègues, ne tombons dans aucun excès ! Il aurait été excessif de laisser entendre que c'était le test génétique qui définissait toutes les filiations, mais cela l'aurait été aussi de priver des mères de la possibilité de démontrer le bien-fondé de ce qu'elles affirment.
Nous ne remettons pas en cause les principes fondamentaux qui règlent la vie de nos familles, non plus que ces fabuleux liens affectifs qui peuvent se développer en dehors de toute filiation naturelle. Nous permettons à des femmes de rendre service à leurs enfants et à des familles en situation difficile de se regrouper, en ayant les mêmes droits que les familles françaises.
Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.
... et pleurnichard n'est absolument pas de mise ici !
L'article 5 bis a maintenant une histoire.
Monsieur Fauchon, il est tout de même assez extraordinaire de vous entendre dire qu'il n'y a plus ni test ADN ni article 5 bis ! Je sais bien que les sénateurs pensent diriger le Parlement, mais, mon cher collègue, vous semblez oublier que l'Assemblée nationale a voté l'amendement Mariani !
La commission des lois du Sénat a eu la sagesse, se fondant, d'ailleurs, sur des discussions et des réflexions antérieures, nées, notamment, de l'examen des lois dites de bioéthique, de trouver que cela posait problème.
Cela en pose un au point de vue du principe : introduire, de façon nouvelle par rapport à notre législation, le recours à la génétique pour établir l'état civil, et ce précisément dans une loi concernant les étrangers, n'est absolument pas anodin.
La commission des lois a eu la sagesse - je le répète - de refuser, pour ne pas alimenter les suspicions de fraude, une telle disposition, étant entendu que les plus grandes précautions ont été prises par le législateur pour encadrer, dans tous les cas de figure, l'utilisation des tests génétiques.
D'ailleurs, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, il faut bien constater que notre pays a toujours manifesté, à l'égard de la génétique et d'un certain nombre de problèmes afférents, une certaine prudence.
Ce n'est pas la peine, chers collègues de la majorité, d'essayer, depuis hier, de nous démontrer le contraire, grâce à des subterfuges et à diverses contorsions ! Nous avons très bien compris, parce que nous ne sommes pas idiots, que vous vouliez conserver l'amendement Mariani, soutenu par le Gouvernement, par M. le ministre, ici présent, et par le Président de la République, nonobstant l'opposition d'un certain nombre de personnalités, la dernière en date étant M. Balladur, qui - cela tombe à pic ! - est en train de réfléchir sur nos institutions et sur le rôle du Parlement.
Je n'attache pas spécialement d'importance aux déclarations des uns et des autres, mais il n'empêche que la communauté scientifique, ainsi que les dirigeants des pays africains, qui se sentent particulièrement visés - on comprend bien pourquoi ! -, se prononcent contre et estiment qu'il n'est absolument pas normal d'introduire les tests génétiques à l'égard des étrangers, ce qui conduirait à les stigmatiser. Chacun sait que les règles de la filiation et l'éducation des enfants ne sont pas les mêmes en Europe ou dans les pays africains, au Maghreb, etc.
En dépit de toutes ces voix qui protestent, au nombre desquelles celles de personnalités éminentes qui avaient été consultées lors de l'élaboration des lois dites de bioéthique - je pense à Axel Khan, par exemple, à l'époque membre du Comité national d'éthique - M. le Président de la République et M. le ministre, donc le Gouvernement - encore que se posent quelques problèmes - veulent absolument que, dans une loi concernant les étrangers, soit introduit le recours aux tests génétiques.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Ceux de mes collègues qui en sont partisans se contorsionnent pour pouvoir contredire la majorité de la commission des lois et prétendent qu'il faut, malgré tout, conserver cet amendement, mais en l'assortissant de tout un arsenal de conditions, ce qui, finalement, nous ramènerait au droit actuel.
Ils veulent appliquer le droit actuel aux étrangers comme aux Français sur notre territoire ; mais c'est déjà la règle dans notre République !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, l'article 16-11 du code civil s'appliquant aux Français et aux étrangers, nul n'est besoin d'introduire, dans un texte sur les étrangers, les tests génétiques d'une façon ou d'une autre, qui plus est concernant les femmes, ce qui entraînerait une discrimination supplémentaire.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Ne voulant pas allonger le débat, je me bornerai à présenter deux constatations.
D'une part, introduisons-nous l'ADN dans la filiation ? La réponse est non. En effet, c'est déjà fait, aux termes de l'article 16-11 du code civil. Par conséquent, il n'y a pas de novation philosophique dans le débat qui est en cours.
D'autre part, j'admire le confort intellectuel de quelques-uns de nos collègues qui manipulent un certain nombre de concepts adaptés à la situation française, notamment celui de la possession d'état.
La France est une nation organisée, où l'administration fonctionne bien, où l'état civil existe ; un certain nombre de pays du tiers monde, plus précisément ceux dont est issue l'immigration, sont dans la même situation. Ainsi, ce n'est pas uniquement, me semble-t-il, à cause des traités existant entre nos deux pays que cette mesure ne s'appliquerait pas à l'Algérie. En effet, l'administration et l'état civil y tiennent leur rôle. De ce côté-là, il n'y a donc pas de problèmes.
En revanche, il existe un certain nombre de quasi-États à travers le monde au sein desquels ces notions élémentaires auxquelles nous sommes habitués n'existent pas et où, par conséquent, il n'est ni absolument inutile, ni absolument odieux - c'est même plutôt sympathique - d'offrir une possibilité d'appel à ceux qui sont dans une situation difficile, du fait de l'inexistence de l'état civil et des scrupules, voire de la lourdeur, de notre administration française, parfois exagérément tatillonne.
Pour ma part, j'ai vu dans une telle ouverture une possibilité d'appel offerte à un certain nombre d'immigrés. Étant favorable à la mise en place d'une procédure d'appel lorsque la situation est bloquée, je voterai l'amendement présenté par M. Hyest.
Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux que la commission des lois ait voté contre l'article 5 bis.
Dans cette enceinte, lorsque j'ai défendu, en tant que rapporteur, la proposition de loi relative au nom patronymique émanant de l'Assemblée nationale, j'avais posé le principe juridique suivant : est père celui qui donne son nom, qui se reconnaît comme père et qui agit en tant que tel, la paternité ne se déterminant pas uniquement en fonction de critères purement biologiques.
C'est la raison pour laquelle je m'oppose à tout principe qui lierait la filiation à de tels critères. Je dois le dire, je me suis retrouvé dans les propos de M. Mermaz. En effet, les étrangers dont nous parlons, notamment africains, sont peut-être les descendants des spahis algériens, des tabors marocains ou des tirailleurs sénégalais, et nul ne sait si le soldat inconnu qui repose sous l'Arc de triomphe est français par le sang reçu ou par le sang versé.
Par conséquent, il faut aborder ces questions avec beaucoup de pudeur. À cet égard, les propositions contenues dans plusieurs amendements et sous-amendements me donnent satisfaction.
Je félicite notamment M. Fauchon d'avoir suggéré la possibilité d'établir la filiation par la possession d'état. M. Hyest propose, pour sa part, de prendre en considération uniquement le lien entre l'enfant et la mère. Il convient alors d'appliquer les dispositions de l'article 311-1 du code civil, aux termes desquelles la possession d'état s'établit notamment lorsque l'enfant est effectivement traité comme un enfant et qu'il est pourvu à son éducation : en pareil cas, la mère supposée doit être reconnue comme mère.
Finalement, tout cela nous conduit à un concept pour le moins curieux, voire paradoxal : dans la mesure où la possession d'état n'est pas reconnue à une femme qui est supposée ne pas s'être occupée de son enfant et l'avoir abandonné, seule cette dernière aurait le droit de faire appel et de demander un test biologique. Malgré tout, je veux bien admettre que, dans des situations extrêmement marginales, une telle situation puisse se produire.
En outre, le Gouvernement, pardon, je voulais dire M. Hyest
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC
... propose la saisine du président du tribunal de grande instance, par le biais d'une procédure respectant un certain parallélisme avec celle qui figure à l'article 16-11 du code civil, lequel prévoit la saisine du tribunal de grande instance uniquement en cas de contestation ou de revendication de paternité, et non pour permettre à une personne d'affirmer sa paternité.
Or, à partir du moment où, dans une situation extrême, un test ADN réalisé dans le cadre des dispositions de l'article 16-11 du code civil s'avère nécessaire pour établir le lien de filiation, si l'on se réfère à la rédaction de l'amendement, il y a tout lieu de croire qu'il suffirait de saisir le président du tribunal de grande instance, compétent en matière de filiation, par voie de requête, mais sans débat contradictoire. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un sous-amendement afin de préciser que c'est au tribunal de grande instance d'être saisi et de se prononcer après débat contradictoire, une fois que toutes les parties auront pu s'exprimer.
Monsieur le ministre, j'espère que vous soutiendrez ma proposition. Certes, choisir, c'est souffrir ! Si votre amendement devait être repoussé, ...
Rires
... la législation reposerait alors sur le texte de l'Assemblée nationale, qui est un véritable scandale. Dans la rédaction que nous proposons, nous donnons le dernier mot au tribunal de grande instance, gardien de tous nos principes évoqués tout à l'heure : il ne statuera qu'après débat contradictoire, à l'issue d'une procédure permettant à la fois de protéger l'enfant par un conseil et de représenter toutes les parties concernées.
Dans ces conditions, l'apaisement serait général et tout le monde devrait obtenir satisfaction. Je pourrais alors voter ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ampleur de l'assistance et la qualité des intervenants montrent l'importance du sujet. En matière législative, étant moi-même « une vieille moustache », je tiens à faire remarquer que j'ai rarement vu, depuis vingt-cinq ans, un amendement d'origine parlementaire soulever autant d'émotion et de réactions. Nous allons, dans un instant, le faire passer de vie à trépas, mais, pour le moment, il existe encore !
Je me suis interrogé sur le sens de cet amendement, car personne ne peut croire sérieusement que l'intention de son auteur était de favoriser le regroupement familial !
Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
En effet, il n'existe pas, dans notre droit, de sujets qui suscitent une inquiétude plus vive et plus justifiée que le recours aux tests génétiques. Chacun le sait, ces derniers sont naturellement indispensables dès lors qu'il s'agit de lutter contre le crime ; ils ont permis d'énormes progrès dans l'identification des criminels. Il est donc légitime de poursuivre dans cette voie.
Pour autant, en droit civil, notamment en matière de filiation, le législateur, par la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, dont la révision est prévue en 2009, est parvenu à trouver un équilibre juste et parfaitement satisfaisant. Chacun mesure les dangers du recours aux tests ADN, car, avec une certitude d'environ 99, 9 %, ils peuvent faire jaillir une vérité biologique qui n'est pas nécessairement conforme à la réalité affective.
Certes, la filiation biologique existe, mais il y a aujourd'hui, dans notre droit et dans nos moeurs, bien d'autres modes de filiation, qui ne se limitent plus à la vénérable adoption ou à l'insémination artificielle : avec les familles recomposées, les enfants recueillis ou l'homoparentalité, la panoplie est complète !
À mon avis, au xxie siècle, on s'intéressera plus au lien de filiation « affectif », celui qui repose sur l'amour dont la possession d'état n'est que l'expression juridique, qu'au lien génétique direct.
Le recours aux tests ADN s'avérera alors périlleux. Pour la mère, d'abord, dans la mesure où la révélation, car c'est bien de cela qu'il s'agit, après des années de mariage ou de vie commune, que le père légal n'est pas le vrai père va la contraindre à reconnaître ce qu'elle a fait et tu. Pour l'enfant ou pour l'adolescent, surtout, pour qui il n'y pas de coups plus durs que d'apprendre brutalement que sa mère a menti et que son père n'est pas son père.
Il s'agit non pas de préserver l'équilibre des familles comme on l'entendait au début du xxe siècle, mais de souligner la nécessité d'agir avec une prudence infinie. Et c'est bien pour cette raison que nous sommes parvenus à un tel équilibre.
L'émotion suscitée par cet amendement a une double origine.
Premièrement, on a jeté d'un seul coup par-dessus bord certains principes de notre droit acquis de longue date et reconnus par tous, s'agissant des étrangers demandant un regroupement familial. On les contraint désormais à établir une filiation par des moyens que la loi française interdit.
Reconnaissons-le, il y avait tout de même de quoi susciter une large émotion, bien au-delà des seuls juristes, car les conséquences humaines d'une telle décision sont désastreuses. Je ne parle pas de l'amendement de M. Hyest, droit je salue la virtuosité, et sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Je fais référence au texte élaboré à l'Assemblée nationale, car il faut bien avoir conscience que l'amendement en question a été voté par la majorité de nos collègues députés, avec le soutien de M. le ministre.
Deuxièmement, on a créé une inégalité inouïe, justement parce qu'elle est d'ordre financier. À ceux dont les documents d'état civil sont considérés comme sans valeur, notamment les ressortissants de certains pays africains, on impose de régler leur situation en ayant recours à un test ADN, comme cela se pratique chez les Britanniques, mais qu'ils doivent eux-mêmes payer : deux cent cinquante euros par personne, soit mille euros pour une famille de quatre enfants.
Imaginez ce que cela représente pour un Malien d'avoir à avancer une telle somme §
... alors même qu'il n'aurait pas la certitude d'être remboursé, puisque les frais ne sont pris en charge qu'après la délivrance du visa, lequel peut être refusé pour bien d'autres raisons que le défaut de filiation.
Autrement dit, la voie est barrée. Il s'agit d'une inégalité flagrante, qui, sur le plan constitutionnel, entraînerait une sanction.
Monsieur le président, je pense, sans doute de façon immodeste, que mes propos peuvent intéresser nos collègues. Je vous saurais donc gré de m'accorder quelques minutes supplémentaires.
C'est ce que pourraient dire tous vos collègues ! Pour ma part, je suis obligé de faire respecter le règlement !
Monsieur le président, il ne s'agit pas de faire deux poids deux mesures. Je vous ai vu tout à l'heure très ouvert aux propos de mon ami Pierre Fauchon. Je ne demande donc qu'à poursuivre le mien, mais très brièvement, car j'interviendrai de nouveau lors de l'examen de l'amendement de M. Hyest afin d'expliquer les raisons pour lesquelles, malgré les avancées indiscutables qu'il comporte, il ne me satisfait pas.
Il s'agit d'être très précis. Nos collègues députés ont notamment fait l'erreur, à laquelle il n'est pas remédié, de contredire non seulement les principes en matière d'établissement de la filiation, mais aussi, beaucoup plus largement, les principes du droit international français privé.
Il existe en effet des règles de conflits. En l'occurrence, nous sommes en présence non pas de Français, mais d'étrangers, et le code civil est formel : la preuve de la filiation est établie en appliquant les procédés reconnus par la loi nationale du pays de la mère, et non du père, chacun aura compris pourquoi. Nous sommes donc loin des considérations sur la bonne tenue ou non de l'état civil.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous mets au défi de me trouver une disposition précise d'un droit étranger applicable dans un pays où l'état civil ne serait pas suffisamment probant. Bien évidemment, cela concerne certains pays africains et non les États du nord de l'Europe ni le Québec.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Dans ce cas-là, vous en reviendrez toujours au seul mode de preuve valable : à défaut d'état civil, c'est la possession d'état qui joue, ...
M. Robert Badinter. ... car elle atteste l'amour et le lien de filiation réel. Nous devons, à la fois, observer les principes de notre droit civil dans ce domaine et respecter les règles de droit international privé que nous nous sommes données.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.
Je m'étonne que nous ayons entamé une nouvelle discussion générale, empiétant sur le débat que nous devrions avoir sur chaque amendement.
Chaque orateur évoque, en effet, textes qui n'ont pas été présentés par leurs auteurs. Ce débat est surréaliste et il conviendrait de mieux l'organiser !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mon cher collègue, je ne peux pas couper la parole à un orateur, quel qu'il soit.
Je dois, en revanche, rappeler que tous les sénateurs sont égaux dans cet hémicycle et que le temps de parole de chaque intervenant est limité à cinq minutes.
M. Gérard Delfau. Je souhaite revenir sur l'intervention du président Mercier.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
J'ai écouté l'intervention de M. Mercier avec attention, car elle était argumentée et fondée sur une vision du code civil que je n'approuve pas, mais dont je comprends la rationalité. Selon moi, elle repose cependant sur une fausse évidence.
Mon cher collègue, le fond de votre argumentation consiste à dire : faisons en sorte que les étrangers soient encore plus français que les Français.
Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.
Mais il s'agit, avec ce projet de loi, non pas de savoir de quels droits peuvent bénéficier des étrangers devenus français sur notre territoire, mais bien de réduire l'immigration par tous les moyens possibles.
Votre raisonnement étant fondé sur cette base, nous ne pouvons pas vous suivre.
S'agissant, par ailleurs, de l'inscription d'une filiation génétique pour les Français, je suggère à notre commission des lois de travailler à son encadrement le plus rapidement possible. Je rappelle que c'est sur la base de cet article du code civil qu'un juge a décidé d'exhumer le cadavre d'Yves Montand, une personne ayant revendiqué un lien de filiation.
J'ai eu honte, à l'époque, pour ce juge et j'ai regretté que le Sénat ait laissé passer un tel texte.
En conclusion, je souhaite faire une simple remarque. Mes chers collègues, en vous écoutant soutenir par avance cet amendement « que nous ne connaissons pas », comme le dit notre collègue Gélard,
brouhaha sur les travées de l'UMP
En vous écoutant, donc, j'imaginais un avenir ubuesque, ou kafkaïen, dans lequel des femmes originaires de tel ou tel pays d'Afrique souhaitant bénéficier d'un regroupement familial légitime - c'est un droit sacré, comme l'a rappelé M. Mercier à juste titre ! - devront saisir le juge d'instance de Nantes.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pour compléter le tableau, un de nos collègues vient de nous expliquer que les deux parties pourront plaider !
Vous rendez-vous compte de ce que nous sommes en train d'imaginer ? Je pense, pour ma part, que nous ne voterons pas cela.
Enfin, mes chers collègues, je vous prie de ne pas vous méprendre pas sur la profondeur du trouble qui a saisi une partie de la nation !
Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.
M. Gérard Delfau. ... d'autres débats et d'autres lois viendraient forcément infirmer cette mauvaise décision.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Je souhaite vous faire part d'une impression. Cela fait plus d'une heure et demie que nous discutons du même point. Or, plus les interventions sont nombreuses sur les travées de la majorité, plus le débat devient confus. Je vous rappelle que nos concitoyens nous regardent, en direct ou en différé !
Mes chers collègues, vous me faites penser à un animal qui serait pris dans un filet.
Mme Catherine Tasca. Plus cet animal bouge, plus le filet s'emmêle et se resserre.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Plus nombreuses sont vos interventions et plus nous avons l'impression que vous cherchez à inventer de nouveaux arguments à l'appui de votre choix. Soyez plus paisibles !
Vous ne nous convaincrez pas de la nécessité du recours aux tests ADN et vous ne parviendrez pas à camoufler la nocivité de cette initiative par rapport à notre droit et à l'image de notre pays dans le monde.
Les mots employés à propos de cette initiative législative, ce matin, par Alfa Oumar Konaré, ancien président du Mali, qui a réussi une très belle transition démocratique dans son pays, devraient tout de même réveiller un certain nombre de réflexes !
Plus vous prenez la parole et plus nous prenons la mesure de votre embarras, de votre impossibilité à justifier véritablement le recours aux tests ADN. Il s'agit d'un choix idéologique : portez-le et n'essayez pas de nous embrouiller !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je serai brève, cet article ayant été longuement commenté et discuté sur un plan tant éthique que politique.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pour des raisons diverses, des collègues parlementaires, des représentants d'associations, des scientifiques et des intellectuels se sont soulevés contre ce texte.
Je souhaite revenir sur un point fondamental, qui a été peu traité, sauf par M. Badinter : l'incompatibilité de l'article 5 bis avec les règles du droit international privé.
En droit international privé, pour savoir quelle règle est applicable en matière d'établissement de la filiation, il faut consulter la loi de la nationalité de la mère. Si ce texte dispose que la filiation est établie par reconnaissance ou par adoption, comme c'est le cas en France, seuls ces moyens pourront être reconnus.
En France, le droit familial, en particulier celui de la filiation, n'est pas fondé sur la génétique.
Protestations sur les travées de l'UMP.
La filiation est fondée sur la reconnaissance et repose sur la possession d'état. Elle peut donc être établie uniquement par cette reconnaissance spontanée et volontaire.
À travers l'article 5 bis, on demande aux étrangers qui veulent entrer en France d'établir le lien de filiation par un moyen biologique.
Les rédacteurs de ce texte s'étant focalisés sur les aspects éthiques de la disposition, ils ont complètement oublié l'article 47 du code civil, qui dispose de manière impérative : « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi ».
Vous utilisez également l'argument de la défiance à l'égard des états civils étrangers. Je tiens à dire au ministre du co-développement que l'article 5 bis n'aidera pas les pays tiers à concevoir un meilleur état civil. Il aurait mieux valu donner à ces pays les moyens d'améliorer le fonctionnement de leurs services administratifs plutôt que de dresser des barrières en utilisant la génétique.
L'article 5 bis renverse également la charge de la preuve. Dorénavant, les actes sont présumés faux. Il revient donc à l'étranger de prouver que ces documents sont authentiques et non à la France de prouver qu'ils sont faux. Ce dispositif est très pernicieux. On nous parle de démarche volontaire, mais on sait très bien que l'étranger n'aura pas d'autre moyen que de recourir au test ADN.
Vous l'avez souvent dit, ou susurré, l'étranger est par nature fraudeur. Quant aux autorités étrangères, elles sont bien entendu sous-développées et incapables d'établir des documents d'état civil, tout au moins les actes authentiques !
Protestations sur les travées de l'UMP.
Vous recourez donc, entre autres, à la génétique et, ce faisant, vous oubliez le droit international, qui repose aussi sur la réciprocité.
Pourquoi la France a-t-elle refusé, lors de la discussion de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, de recourir aux tests ADN pour établir la filiation, alors que le projet de loi initial tendait à le généraliser ? Aujourd'hui, on souhaite généraliser cette pratique, mais seulement pour les étrangers !
Pourquoi est-il nécessaire de faire appel à un juge pour obtenir le test ADN, alors qu'aux termes de la loi relative à la bioéthique cette pratique nécessite un encadrement et une procédure judiciaire ? Pourquoi oblige-t-on l'étranger à fournir une preuve génétique de la filiation en l'absence de toute procédure judiciaire ? Cette disposition, totalement inégalitaire, est inacceptable.
L'article 5 bis est révélateur de votre défiance vis-à-vis des étrangers, mais aussi à l'égard du droit international privé et des autres États. Il est aussi, malheureusement, l'expression d'un état d'esprit indigne de notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Buffet au nom de la commission.
L'amendement n° 99 est présenté par Mme Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 140 est présenté par Mme M. André, MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari, M. S. Larcher, Mme Printz, Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 179 est présenté par MM. Fauchon, Mercier et Zocchetto, Mme Gourault, MM. Arnaud, Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11.
Beaucoup a été dit au cours des heures qui viennent de s'écouler, ce qui me permettra d'être bref.
La commission des lois a eu à connaître de l'article 5 bis la semaine dernière : inutile de dire que les débats ont été presque aussi nourris qu'aujourd'hui ! De nombreuses questions ont été soulevées, notamment sur les incidences d'une telle disposition au regard de notre droit positif et sur sa compatibilité avec les lois bioéthiques, ainsi que sur les résultats des tests ADN et leurs conséquences.
Des arguments ont, naturellement, été développés en faveur de cet article, car il faut bien trouver un moyen pour permettre le regroupement familial des immigrants qui n'ont pas d'état civil dans leur pays d'origine. C'est aussi l'un des objectifs de cet article.
J'ai, quant à moi, proposé à la commission d'encadrer un peu plus encore le dispositif, déjà sous-amendé par le Gouvernement, en prévoyant notamment de soumettre le projet de décret au comité consultatif national d'éthique et en limitant le délai d'expérimentation à dix-huit mois à compter de la publication dudit décret.
Le débat ayant eu lieu, le texte a été mis aux voix et la commission a majoritairement décidé la suppression de l'article.
Pour autant, les choses ont évolué au cours de la semaine : hier, un nouvel amendement a été déposé devant la commission par son président. Il appartient à M. Hyest, et à lui seul, de le présenter ; tout à l'heure, je dirai ce que la commission a décidé.
Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même ayant défendu cet amendement de suppression dans nos prises de parole sur l'article, je me contenterai de faire un petit retour en arrière.
En 1994 - un gouvernement de droite dirigeait notre pays -, M. Méhaignerie, garde des sceaux, s'exprimait ainsi devant le Sénat : « Moyen quasi parfait d'identifier les individus les uns par rapport aux autres, la méthode suscite un engouement qui appelle plus que jamais une double réponse, éthique et juridique. Elle n'est pas simple, il faut en convenir.
« Au-delà de nos frontières, les tests d'identification peuvent être librement pratiqués chez plusieurs de nos voisins. Devons-nous, pour autant, suivre la même voie ? Je ne le crois pas. Les répercussions sociales d'un recours non contrôlé aux tests d'identification génétique ne sauraient être mésestimées. Que resterait-il des règles qui régissent notre droit de la famille, fondé tout autant sur les sentiments affectifs et la paix des ménages que sur la vérité du sang ? Que resterait-il de l'intérêt de l'enfant s'il pouvait se voir imposer, à tout moment, des révélations biologiques qu'il préférerait ignorer, car, ne l'oublions pas, l'identification génétique peut être réalisée à l'insu même de l'intéressé ? »
Ces propos ont treize ans, mais ils sont toujours d'actualité, car ils ont pour fondement la dignité humaine. Je vous invite, mes chers collègues, à les méditer avant de voter.
Tout ce qui devait être dit l'a été et je serai brève.
Nous sommes, naturellement, pour la suppression de l'article 5 bis.
Je veux seulement rappeler que la loi de 1994, dite loi bioéthique, qui n'a pas été modifiée sur ce point lors de sa révision en 2004, pose pour principe que l'identification d'un individu ou la détermination d'une filiation grâce aux empreintes d'ADN ne peut être entreprise qu'en vertu d'une saisine judiciaire.
Cette précision était liée à la réflexion sur la nature des familles humaines, ce qui m'amène à citer Axel Khan et Didier Sicard, anciens membres du comité consultatif national d'éthique : « Une femme et un homme désirent avoir ensemble des enfants, les élever et les aimer, leur permettre de se construire psychiquement et d'acquérir leur pleine autonomie. En règle générale, les enfants procèdent biologiquement de la mère et du père. Cependant, il n'en est pas toujours ainsi. La femme peut être inséminée avec un sperme de donneur ; les enfants peuvent être adoptés ; le père légal peut être différent du père biologique sans que cela remette en question le lien familial. Les généticiens savent que tel est le cas, suivant les régions, de 3% à 8 % des enfants français de souche. On peut être père ou mère de coeur, par le désir, par la transmission des valeurs, sans avoir rien légué de ses gènes à ses enfants. »
Telles sont les raisons qui ont motivé les rédacteurs des lois bioéthiques. En droit français, la filiation ne repose donc pas sur la génétique et c'est pourquoi, au-delà des questions de morale et d'éthique que nous avons déjà longuement développées, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter la suppression de cet article.
L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Mercier est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 111-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, solliciter son identification en invoquant sa possession d'état telle que définie par l'article 311-1 du code civil. »
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Cet amendement constitue - je m'en suis déjà expliqué tout à l'heure - ma contribution essentielle au débat.
On a cherché à résoudre le problème que pose l'absence d'état civil en procédant à une transposition directe des dispositions existantes du code civil qui autorisent, en cas de difficultés pour établir une filiation, et sous certaines conditions, le recours à des tests ADN, en limitant ces derniers à la mère.
Je propose de prévoir qu'en amont de ce dispositif, qui constituerait l'ultime recours, l'identification pourra être établie dans le cadre du mécanisme classique de la constatation de la possession d'état.
La possession d'état est une situation de fait qui se caractérise par trois éléments : porter le nom des parents, avoir vécu dans la famille et être considéré comme appartenant à celle-ci par l'entourage. Sa constatation relève d'une appréciation concrète, ce qui signifie que les autorités saisies apprécient la réalité de la situation par des témoignages, des constats photographiques, ou tout autre élément de preuve puisque, et c'est le grand avantage de ce système, la possession d'état peut être prouvée par tous moyens.
En somme, on le disait tout à l'heure, c'est l'affection traduite en termes juridiques. D'ailleurs, l'évolution de notre droit au cours des vingt dernières années nous conduit de plus en plus à considérer comme l'enfant celui qui est traité comme tel par ses parents et qui se sent tel vis-à-vis d'eux : comme dans la chanson, est l'enfant celui que ses parents prennent par la main. Voilà le bon critère, et c'est aussi le bon moyen de résoudre le problème posé par l'absence d'état civil.
Je présente cette proposition par deux fois : l'une sous la forme d'un amendement, l'autre sous la forme d'un sous-amendement qui viendra se greffer à l'amendement de M. Hyest et qui n'est qu'un simple rajout dans cet amendement. C'est cette dernière forme que je préfère, mais je présente mon amendement « autonome » au cas où, par malheur, la proposition de M. Hyest ne serait pas adoptée.
L'amendement n° 203, présenté par M. Hyest est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - L'article L. 111-6 du même code est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, par dérogation à l'article 16-11 du même code, le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, solliciter son identification par ses empreintes génétiques afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli.
« Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le président du tribunal de grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.
« Si le président estime la mesure d'identification nécessaire, il désigne une personne chargée de la mettre en oeuvre parmi les personnes habilitées dans les conditions prévues au dixième alinéa.
« La décision du président et, le cas échéant, les conclusions des analyses d'identification autorisées par celui-ci, sont communiquées aux agents diplomatiques ou consulaires.
« Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Comité consultatif national d'éthique, définit :
« 1° les conditions de mise en oeuvre des mesures d'identification des personnes par leurs empreintes génétiques préalablement à une demande de visa ;
« 2° la liste des pays dans lesquels ces mesures sont mises en oeuvre, à titre expérimental ;
« 3° la durée de cette expérimentation, qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de la publication de ce décret ;
« 4° les modalités d'habilitation des personnes autorisées à procéder à ces mesures. »
II. - Dans le premier alinéa de l'article 226-28 du code pénal, après les mots : « procédure judiciaire », sont insérés les mots : «, ou de vérification d'un acte d'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le cadre des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».
III. - Une commission évalue annuellement les conditions de mise en oeuvre du présent article. Son rapport est remis au Premier ministre. Il est rendu public. La commission comprend :
1° deux députés ;
2° deux sénateurs ;
3° le vice-président du Conseil d'État ;
4° le Premier Président de la Cour de cassation ;
5° le président du Comité consultatif national d'éthique ;
6° deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre ;
Son président est désigné, parmi ses membres, par le Premier ministre.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
...et je remercie ceux qui ont pu contester cette paternité de me la rendre !
Sans refaire l'« histoire » de l'amendement Mariani tel qu'il a été perçu dans l'opinion publique, force est de reconnaître que nos grands penseurs de toute sorte ont pour caractéristique de parler de ce qui les intéresse, mais sans nécessairement se référer aux textes ni tenir compte de leurs éventuelles évolutions ! À ce dernier égard, il sera d'ailleurs intéressant d'observer si la presse, qui a fait ses gros titres sur la position du Sénat, continue d'avancer les arguments - justifiés - contre l'amendement voté par l'Assemblée nationale même si notre assemblée adopte ce soir d'autres dispositions.
Pour en revenir à nos grands penseurs, il a par exemple été dit que les lois bioéthiques interdisaient « l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ». Or, ce sont les termes exacts de l'article 16-11 du code civil, qui, dans son deuxième alinéa, autorise, sous certaines conditions, le recours aux tests ADN pour établir - ou, d'ailleurs, pour contester - un lien de filiation, comme l'ont rappelé Pierre Fauchon et quelques-uns de nos collègues. Certes, nombre d'entre nous se sont refusé à voter cette disposition, mais il n'en reste pas moins qu'elle existe et, pour avoir longuement débattu de ces questions lors de la révision des lois bioéthiques, nous le savons tous.
Un des inconvénients de l'article 5 bis tient précisément à ce qu'il ne se rattache pas aux dispositions du code civil. À l'évidence, c'était une première raison de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Deuxièmement, l'article 5 bis vise la « preuve d'une filiation avec au moins l'un des deux parents », c'est-à-dire également avec le père, solution que, eu égard au principe, très important dans notre droit, de la présomption de paternité, il nous a paru impossible d'accepter. Certes, dira-t-on, si un père est sûr de sa paternité... Mais peut-on jamais l'être à 100 % ? Dès lors, on courrait le risque de remettre en cause tous les fondements de la famille à l'occasion de cet article, qui devait donc également être modifié sur ce point.
Troisièmement, il nous est apparu que, pour rentrer dans le cadre du code civil, il fallait que le contrôle d'une autorité judiciaire s'exerce. C'est pourquoi l'amendement n° 203, utilement complété par une contribution de Pierre Fauchon, prévoit la saisine du président du tribunal de grande instance de Nantes, puisque c'est le tribunal qui a la compétence du contentieux de l'état civil, dans des conditions déterminées par le code de procédure civile et, cela va de soi mais il me paraît néanmoins indispensable de le préciser, avec un débat contradictoire.
J'indique par ailleurs que l'identification par empreintes génétiques peut être sollicitée « par dérogation à l'article 16-11 » mais, en fait, nous nous situons pratiquement dans le cadre du deuxième alinéa de cet article.
Incontestablement, l'article 5 bis pouvait apparaître au départ comme la restriction d'un droit et c'est ainsi qu'il a été compris, du moins par les médias.
Cependant, si M. Mariani a présenté son amendement comme une réponse au problème de la fraude documentaire et cité à ce propos le rapport d'Adrien Gouteyron intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas, il me paraît très important d'insister, comme vous l'avez vous-même fait, monsieur Gouteyron, tant dans votre rapport qu'en séance publique, sur le fait que, dans de nombreux cas, les regroupements familiaux sont refusés pour défaut ou carence de l'état civil.
Bien sûr, il y a la possession d'état, mais, quand bien même elle se prouve par tous moyens sur la base d'un faisceau de critères, elle est complexe - voire impossible - à établir par les services consulaires. Dans de tel cas, quelle issue reste-t-il, si ce n'est une identification par des tests génétiques ?
C'est d'ailleurs pourquoi j'estime que nous avons une bonne loi et que nous ne devons pas changer de cadre, car il est protecteur. Dans de nombreux pays, je vous le rappelle, mes chers collègues, rien n'interdit de procéder à des tests génétiques, car il n'y a pas de législation en la matière, mais, et c'est là qu'est le paradoxe, à quoi peut servir un test si, quelque soit son résultat, il n'a pas valeur de preuve ?
Refuser de prendre en compte les tests génétiques alors que la preuve de la possession d'état peut être faite « par tous moyens » va, en somme, à l'encontre des principes généraux de notre droit.
Monsieur le président, je me réjouis de la qualité du débat, qui est loin d'avoir été médiocre.
Si elle demeure, la pratique de l'identification d'une personne par le biais d'un test ADN, qui peut permettre à certains demandeurs de visa d'être fixés quand toutes les autres démarches - état civil, possession d'état, etc. - ont échoué, doit être encadrée par la législation en vigueur dans notre pays et effectuée sous le contrôle du juge, afin d'être en conformité avec l'article 16-11 du code civil.
Permettez-moi d'ajouter une précision importante : l'état civil est considéré comme valable. Certes, il peut y avoir des fraudes, mais c'est un autre problème ! Il faut savoir que l'état civil ne peut être contesté lorsque l'identification provient d'une autorité responsable et que le document est authentique. Je pense à l'Algérie, à la Tunisie, au Maroc, ou encore à beaucoup d'autres pays où le problème ne se pose pas, où il n'est donc pas nécessaire de procéder à des tests : l'état civil vaut par convention, ce qui limite les cas !
J'ai pourtant entendu à ce propos des exemples qui sont faux et des déclarations enflammées qui sont tout à fait surprenantes et qui ne correspondent, d'ailleurs, pas toujours à la réalité. Mais nous sommes habitués à ce genre de détournement, quelquefois volontaire, de notre action, afin de nous faire passer pour des « méchants » qui ne respectent pas les droits de l'homme...
Monsieur le ministre, avant de prendre un décret, il serait intéressant d'établir une concertation préalable avec les pays qui ne sont pas considérés comme ayant un état civil stable. La liste pourrait d'ailleurs être déterminée par les services consulaires. Une telle concertation est même absolument indispensable si l'on veut améliorer la situation.
Des coopérations judiciaires sont déjà établies avec un certain nombre de pays ; je pense en particulier au Viêt Nam, qui dispose d'un très bon état civil. Il est vrai qu'en matière de droit civil notre coopération avec ce pays est ancienne.
Cela éviterait qu'on nous oppose encore des visées néocolonialistes ou je ne sais quelle autre vieille notion, alors que telle n'est pas la volonté du Gouvernement, ni celle du Parlement.
Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais reconnaissez que, en général, je n'abuse pas de la parole ! Toutefois, dans ce cas particulier, il convenait d'expliciter les raisons du dépôt de cet amendement, enrichi désormais de quelques sous-amendements.
Celui du Gouvernement instaure la gratuité - bien sûr, monsieur le ministre, nous avons approuvé cette disposition - et pas seulement si le test est positif. Les sous-amendements de MM. Pierre Fauchon et. Henri de Richemont complètent eux, le dispositif en accordant notamment la priorité à la possession d'état, ce qui donne un équilibre à l'ensemble.
Honnêtement, autant que d'autres, je suis attaché à des valeurs éthiques et je n'aime pas généraliser. Mais je me dis que ce débat a permis de clarifier les choses et d'éviter de donner à penser que l'on empêchera des regroupements familiaux par le recours aux empreintes génétiques. Au contraire, grâce à notre amendement, et même si les cas ne sont pas très nombreux, nous permettrons, avec l'utilisation de cette procédure, des regroupements familiaux qui autrement n'auraient pu avoir lieu.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Le sous-amendement n° 207, présenté par MM. Fauchon et Mercier, est ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° 203 :
Le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du même code, demander que son identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée.
II. - Rédiger ainsi le début du quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :
Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande Instance de Nantes...
III. - Rédiger ainsi le début du cinquième alinéa de l'amendement n° 203 :
Si le Tribunal estime...
IV. - Rédiger ainsi le début du sixième alinéa de l'amendement n° 203 :
La décision du Tribunal et, le cas échéant...
V. - Compléter le 3° du I de l'amendement n° 203 par les mots :
et qui s'achève au plus tard le 31 décembre 2009
VI. - Après la première phrase du premier alinéa du III de l'amendement n° 203, insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle entend le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes.
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Je considère qu'il a été exposé. Je ne voudrais pas abuser de la patience de notre assemblée, qui a maintenant tout entendu !
Le sous-amendement n° 205 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
I - Dans la première phrase du troisième alinéa de l'amendement n° 203, supprimer les mots :
, par dérogation à l'article 16-11 du même code,
II - Après les mots :
de celui-ci,
rédiger comme suit la fin de la même phrase :
apporter la preuve, par tout moyen, d'une filiation déclarée avec l'un des deux parents ou invoquer sa possession d'état telle que définie par l'article 311-1 du code civil.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans la mesure où le Gouvernement et la commission ont décidé de s'affranchir des règles du code civil en matière d'établissement de la filiation, ...
Vives exclamations sur les travées de l'UMP.
... je vous propose une solution logique, qui consiste à aller encore plus loin en permettant au demandeur d'un visa d'apporter la preuve par « tout moyen » - c'est l'expression consacrée par le droit - de sa filiation à l'égard de l'un de ses deux parents.
Cette solution me semble tout à fait conforme à l'objectif de l'article 5 bis, tout en supprimant des mots qui n'ont rien à faire dans la loi. En effet, le test ADN serait un moyen parmi tant d'autres, puisque certains le réclament, nous dit-on, même si ce n'est pas la panacée !
En effet, non seulement la fiabilité de ces tests est douteuse, mais, en plus, ils font obstacle à la reconnaissance, dans de nombreux cas de figure, de la filiation, lorsque le gène est exclu. Je pense, notamment, aux enfants adoptés, à ceux dont les parents sont morts, qui ont fait l'objet d'une tutelle, c'est-à-dire d'une prise en charge par un autre membre de la famille, et qui voudraient rejoindre, par exemple, leur tuteur.
Tous ces cas étant exclus du dispositif, le fait de reconnaître aux demandeurs de visa la possibilité d'apporter la preuve de la filiation par tout moyen pourrait être une solution.
Il conviendrait de préciser seulement que, pour établir la filiation, les demandeurs procèdent à l'identification par le moyen qu'ils souhaitent. Ainsi, nous « chasserions » de ce projet de loi les mots affreux d'« empreinte génétique ».
Laissons l'étranger libre de choisir le moyen de prouver sa filiation !
Le sous-amendement n° 206 rectifié, présenté par M. de Richemont, est ainsi libellé :
I - Rédiger comme suit le quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :
Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles et après débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.
II - Dans les cinquième et sixième alinéas de l'amendement n° 203, remplacer le mot :
Président
par le mot :
Tribunal
La parole est à M. Henri de Richemont.
Les agents diplomatiques ou consulaires doivent saisir sans délai non le président du tribunal de grande instance de Nantes, comme il est indiqué dans l'amendement n° 203 de M. Hyest, mais le tribunal de grande instance de Nantes lui-même.
Par ailleurs, ce sous-amendement vise à préciser que le tribunal décidera, après un débat contradictoire, s'il est nécessaire d'accéder à la demande du demandeur de visa ou de son représentant légal. Il s'agit d'assurer le respect des droits du demandeur.
Il est, en effet, fondamental et tout à fait indispensable que les enfants mineurs puissent être représentés d'une manière utile et efficace dans le débat contradictoire qui aura lieu devant le tribunal de grande instance.
Le sous-amendement n° 204 rectifié, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa de l'amendement n° 203 par une phrase ainsi rédigée :
Ces analyses sont réalisées aux frais de l'État.
La parole est à M. le ministre.
Ce sous-amendement a pour objet de prévoir que les tests ADN seront réalisés aux frais de l'État.
Plusieurs sénateurs se sont émus du coût de tels tests, pensant notamment aux demandeurs de visa qui n'auraient pas les moyens de les financer. Par ailleurs, nous avons observé les pratiques d'autres pays.
L'amendement n° 184, présenté par MM. Fauchon et Mercier est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
au moins l'un des deux parents
par les mots :
la mère du demandeur de visa
La parole est à M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, je demande la priorité pour l'amendement n° 203 et les sous-amendements y afférents.
La commission est favorable au sous-amendement n° 207, mais peut-être notre collègue Pierre Fauchon devrait-il le rectifier pour y introduire la précision figurant dans le sous-amendement n° 206 rectifié ?
Cela me semble tout à fait normal ! Je rectifie donc mon sous-amendement en ce sens, monsieur le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. Fauchon et Mercier, et ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° 203 :
Le demandeur d'un visa pour un séjour de longue durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences peut, en cas d'inexistence de l'acte d'état civil, ou lorsqu'il a été informé par les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci, qui n'a pu être levé par la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du même code, demander que son identification par ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée doit être préalablement et expressément recueilli. Une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure leur est délivrée.
II. - Rédiger ainsi le quatrième alinéa de l'amendement n° 203 :
Les agents diplomatiques ou consulaires saisissent sans délai le Tribunal de Grande instance de Nantes, pour qu'il statue, après toutes investigations utiles et un débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification.
III. - Rédiger ainsi le début du cinquième alinéa de l'amendement n° 203 :
Si le Tribunal estime...
IV. - Rédiger ainsi le début du sixième alinéa de l'amendement n° 203 :
La décision du Tribunal et, le cas échéant...
V. - Compléter le 3° du I de l'amendement n° 203 par les mots :
et qui s'achève au plus tard le 31 décembre 2009
VI. - Après la première phrase du premier alinéa du III de l'amendement n° 203, insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle entend le Président du Tribunal de Grande Instance de Nantes.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
Le sous-amendement n° 205 rectifié supprime le recours à des tests ADN et y substitue la preuve d'une filiation par tout moyen ou l'invocation de la possession d'état. Toutefois, il maintient le reste du dispositif, qui fait référence à l'identification des empreintes génétiques. Ce sous-amendement n'ayant pas paru très clair à la commission, celle-ci a émis un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 206 rectifié est, en principe, satisfait par le sous-amendement n° 207 rectifié. J'en demande donc le retrait.
Monsieur Henri de Richemont, considérez-vous que votre sous-amendement est satisfait ?
M. Henri de Richemont. Tout à fait, monsieur le président, et je le retire !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Le sous-amendement n° 206 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
La commission est favorable au sous-amendement n° 204, qui met à la charge de l'État l'ensemble des frais engendrés par les tests ADN.
La commission a effectivement eu à connaître de l'amendement n° 203 hier. Le débat a évolué par rapport à la semaine dernière. Mais, n'ayant pas réussi à trancher et les votes étant partagés, elle n'a pas émis d'avis.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 203, présenté par M. Hyest, ainsi qu'au sous-amendement n° 207 rectifié de M. Fauchon.
Il souhaite le retrait du sous-amendement n° 205 rectifié, satisfaits par le sous-amendement n° 207 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 207 rectifié.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Ce n'est pas nous qui avons demandé une longue interruption de séance !
Sur le plan pratique, la disposition en question est parfaitement inapplicable : voilà une espèce d'usine à gaz que personne ne pourra utiliser ! Son seul avantage est de permettre au Gouvernement de sauver la face. Mais nous n'aurons peut-être pas complètement perdu notre temps, puisqu'un certain nombre de nos collègues de l'UMP auront fait tout ce qu'ils pouvaient pour limiter la casse !
Cependant, la matière qui nous préoccupe ce soir ne concerne pas simplement des problèmes pratiques. Il ne s'agit pas seulement d'éviter à une famille de sombrer dans le désespoir parce qu'un défaut de filiation aurait été révélé.
Le problème qui nous est posé est d'ordre symbolique : qu'est-ce qui, dans notre société, et ce depuis très longtemps, fonde la filiation ? C'est le fait d'attribuer à l'enfant une place non seulement dans une famille, mais aussi dans la société. Il s'agit d'interposer une institution entre l'enfant et ses géniteurs. Cette place est symbolique, ce qui est tout à fait fondamental. C'est le contraire de ce que le philosophe Pierre Legendre appelle « la conception bouchère de la filiation ».
Oui, c'est très intéressant, bien qu'un peu compliqué ; vous devriez lire ses ouvrages, mon cher collègue !
Il s'agit de ne pas réduire, ce que l'on tend d'ailleurs à faire de plus en plus - mais peut-être notre civilisation est-elle en train de « foutre le camp » ? -, la filiation à la biologie.
Tout à l'heure, M. Jean-Jacques Hyest l'a évoqué, la modification du code civil a permis de franchir une première étape. Nous en franchissons maintenant une seconde.
M. Pierre-Yves Collombat. Jusqu'à quand ? Jusqu'au moment où l'on réalisera qu'il est trop tard ? J'ai une pensée particulière pour ceux qui, aujourd'hui, de bonne foi, pensent faire oeuvre utile et qui s'apercevront plus tard que tel n'est pas le cas.
M. Jean Desessard applaudit.
J'ai bien écouté l'argumentation de mes collègues Michel Mercier, président de mon groupe, et Pierre Fauchon, selon laquelle on s'intéresserait uniquement au cadre fixé par la loi relative à la bioéthique et certains articles du code civil.
Je suis d'accord avec eux pour dire que les étrangers doivent être soumis à la même loi que les Français. C'est la raison pour laquelle je voterai contre le sous-amendement n° 207 rectifié. En effet, je ne vois pas en quoi les dispositions qu'il prévoit sont nécessaires, puisqu'elles existent déjà dans la loi française. En outre, le fait d'inscrire de telles mesures dans un projet de loi relatif à l'immigration constituerait un mauvais signe.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, cela fait maintenant plus de deux heures que vous présidez ce débat, au cours duquel chacun a pu intervenir. Je pense qu'il est temps de revenir non seulement sur un certain nombre de principes essentiels, mais aussi et surtout sur les objectifs qui sont les nôtres.
Je souhaite simplement souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il ne doit pas y avoir d'ambiguïté entre les nouvelles dispositions prévues par le sous-amendement n° 207 rectifié et ce qui vient d'être présenté par Hyest. Il me semble également utile de vous rappeler un certain nombre de vérités.
Tout d'abord, personne ne propose je ne sais quel fichage génétique.
Marques d'incrédulité sur les travées socialistes et du groupe CRC.
Sourires
Enfin, personne ne propose de contraindre des étrangers à se soumettre, contre leur volonté, à un test ADN.
Il s'agit simplement de répondre à une réalité simple : chaque année, des demandeurs de bonne foi ne peuvent obtenir de visa pour notre pays parce qu'ils ne parviennent pas à prouver concrètement leurs liens de filiation, faute de disposer d'un état civil fiable.
Je l'ai dit tout à l'heure, ne faisant ainsi que reprendre ce qu'a écrit M. Gouteyron : dans certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, 30 % à 80 % des actes d'état civil sont frauduleux.
Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés - j'insiste sur ce point, car peut-être tout le monde n'y a-t-il par prêté attention - a relevé que, dans ce cas, les « tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen d'établir les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial ». Ce n'est pas nous qui le disons !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviens pas sur le fait que douze pays européens, dont certains sont dirigés par des gouvernements socialistes ou socio-démocrates, pratiquent ou s'apprêtent à pratiquer ces tests. La réalité est simple, et je ne comprends pas pourquoi elle vous gêne : il s'agit tout simplement de donner un droit nouveau aux étrangers de bonne foi, dans un cadre offrant toutes les garanties de respect des principes de notre droit, tels qu'ils sont définis dans le code civil.
Je partage vos préoccupations, et j'estime que ces garanties doivent effectivement être précisées et hiérarchisées. Très rapidement, j'en citerai six.
La première des garanties est le volontariat : c'est sur l'initiative de l'étranger qui demande un visa que le test ADN sera effectué. Le sous-amendement n° 207 rectifié de M. Pierre Fauchon répond sur ce point à toutes les interrogations.
La deuxième garantie est la limitation au lien de maternité : seule la filiation avec la mère pourra être prouvée par le test ADN.
Cette très sage limitation évitera, je l'ai très souvent entendu rappeler, de créer des situations tragiques ! Je pense notamment aux cas de viol. La paternité continuera donc à être prouvée selon les règles de l'état civil.
La troisième garantie est la gratuité, qui est prévue dans le sous-amendement n° 204 du Gouvernement. Le remboursement du test ADN par l'État est nécessaire, afin de ne pas pénaliser ceux qui seraient incapables de le financer.
La quatrième garantie est la décision d'un juge civil. Les tests ADN effectués par des étrangers dans le cadre d'une demande de visa doivent, en effet, être encadrés par des règles identiques dans leurs principes à celles des tests ADN actuellement proposés aux Français dans le cadre du code civil. Sur ce point, il n'existe aucune discrimination entre Français et étrangers, ce qui signifie que le cadre posé par les lois de bioéthique est totalement respecté.
Par ailleurs, monsieur de Richemont, je ne vois pas d'obstacle à ce que la loi mentionne le tribunal de grande instance de Nantes, et non pas uniquement son président.
La cinquième garantie, proposée par M. Fauchon, est le recours à la notion bien connue, dans notre droit civil, de possession d'état. Cette notion était d'ailleurs présente dans le sous-amendement n° 205 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery, mais à titre exclusif, ce qui explique la position adoptée par le Gouvernement.
Enfin, nous souhaitons que ce dispositif - je le rappelle, car c'est une précaution utile - ait un caractère expérimental. Il n'est pas question de le figer pour des décennies. Il est donc proposé que, dix-huit mois après la publication du texte, un bilan du dispositif soit dressé par la commission d'évaluation. Ce bilan ne sera donc pas renvoyé aux calendes grecques, puisqu'il s'inscrit dans un cadre bien précis.
Volontariat, limitation à la maternité, gratuité, décision du juge, recours à la notion de possession d'état, expérimentation, voilà autant d'avancées qui, en fait, mettent en place un droit nouveau qui sera utile aux demandeurs de visa de bonne foi, tout en respectant les principes de notre droit et, au-delà, les principes éthiques qui nous guident.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Le sous-amendement est adopté.
En conséquence, le sous-amendement n° 205 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 204.
Le sous-amendement est adopté.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 203.
Permettez, mes chers collègues, qu'un élu de la Seine-Saint-Denis, où je vis depuis toujours, puisse s'exprimer.
En effet, comme M. le ministre l'a dit lors de la dernière réunion de la commission, trois régions posent problème en France pour le regroupement familial. Il ne les a pas citées, mais la Seine-Saint-Denis est manifestement concernée, compte tenu d'un certain nombre de possibilités d'accueil des étrangers : bien que cet accueil ne soit pas glorieux, les étrangers ne sont pas rejetés !
Même si nous adoptons l'amendement n° 203, qui modifie bien évidemment considérablement le texte adopté par la droite à l'Assemblée nationale, et bien que vous vous en défendiez, mes chers collègues, ce texte sera manifestement vécu comme une tyrannie génétique
Protestations sur les travées de l'UMP
Permettez-moi de vous dire que ce qui peut apparaître comme une fraude au regroupement familial, dans mon département, me semble être extrêmement marginal. Vous nous l'avez dit, 8 700 cas en tout ont été recensés ! Ce n'est pas beaucoup ! Notre pays a-t-il besoin de tant d'heures de discussion pour essayer de sauver les apparences d'une majorité divisée ?
Bien sûr que non !
De surcroît, vous nous affirmez qu'il faut être loyal et appliquer les mêmes dispositions aux Français qu'aux étrangers.
Étant maire depuis longtemps, j'ai eu de nombreuses occasions de célébrer des remariages de couples français et j'ai pu constater l'extrême facilité avec laquelle le nouveau conjoint adopte des enfants dont il n'est pas le père génétique.
Vous nous proposez maintenant le recours aux tests ADN uniquement pour la mère. Permettez-moi de souligner que, si cette disposition était retenue, nous serions confrontés à un vide juridique.
Par exemple, M. X, dont les enfants se trouvent en Afrique subsaharienne, souhaite effectuer un regroupement familial. Je prends le cas simple d'une famille monogame, en plus...
M. Jacques Mahéas. Cette personne effectue les démarches nécessaires, mais la mère de ses enfants décède. Devenu veuf, que peut-il faire ? Quelle possibilité lui donnons-nous ? C'est un cas douloureux, vous le comprenez bien !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Ces enfants n'auront plus de famille du tout ! Vous ne pouvez pas évacuer ces questions d'un revers de main ! D'autant que de tels cas seront peut-être plus nombreux que les demandes de test ADN !
M. Jacques Mahéas. Dites-moi alors où figure, dans le texte qui nous est soumis, cette possibilité de regroupement familial ?
M. le secrétaire d'État proteste.
Présentez donc un sous-amendement ! Agissez pour remédier au moins à ce vide juridique !
J'ajoute que la génétique ne fonde pas un lien familial.
M. Jacques Mahéas. Dans ce cas, trouvez la solution ! Trouvons-la, par exemple, pour ce veuf !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Cela vous paraît très facile, parce que vous n'avez jamais eu à connaître de tels cas !
Exclamations sur les mêmes travées.
Nous le sommes aussi : il n'y a pas que la Seine-Saint-Denis en France !
Protestations sur les travées de l'UMP.
À part des bruissements et des exclamations, je n'entends aucun d'entre vous répondre correctement à ma question !
Peut-être sa réponse satisfera-t-elle tout le monde ?
Quoi qu'il en soit, je considère que les gens de gauche et les républicains ne peuvent voter ce texte peu glorieux pour le pays des droits de l'homme ! Je vous le dis : « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ! »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.
J'ai écouté tous les orateurs avec intérêt et, au terme de ce débat, vous comprendrez, bien sûr, que mon vote sera négatif.
Nous ne pouvons voter cet amendement ce soir sans avoir conscience de l'accueil qui peut lui être réservé par nos amis, par vos amis africains.
Avec les moyens de communication modernes dont nous disposons, vous avez eu connaissance, comme moi, de dépêches faisant état des déclarations du président de l'Union africaine, M. Alpha Oumar Konaré, et du président du Sénégal, M. Abdulaye Wade.
Le premier indique : « Ces tests ADN sont inconcevables. En toute chose, il y a une limite, sinon c'est le désordre, l'inacceptable. »
Le président Wade, quant à lui, sans doute plus proche de vous que de nous, déclare, en substance, qu'il vaut mieux que les Français disent : « Vous ne rentrez pas chez nous ; nous sommes souverains » et qu'on n'en parle plus ! Il ajoute « Maintenant, c'est l'ADN, mais à quel test va-t-on encore nous soumettre, pour savoir si les chromosomes de nos arrière-grands-pères comportaient je ne sais quoi ? »
En vous relatant ces propos, je ne prétends pas vous convaincre, car vous avez fait votre choix. Je ne vous fais pas de procès d'intention ! Nous intervenons en conscience. Mais ne feignons pas de croire que ce qui sera décidé n'aura pas de conséquences.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez été le premier orateur à vous exprimer sur l'amendement du président de la commission, Jean-Jacques Hyest, puisque vous l'avez commenté à la tribune avant même qu'il ait été présenté au Sénat. Vous en avez apprécié tous les détails, exerçant une sorte une paternité adoptive, ce qui ne nous choque pas, puisque nous ne sommes pas pour une filiation biologique !
Sourires
Vous êtes comblé par cet amendement que vous avez appelé de vos voeux, alors que vous aviez accepté celui de M. Mariani, à l'Assemblée nationale.
Le but réel de ce projet de loi étant de faire obstacle au regroupement familial - celui des étrangers à l'article 1er, celui des étrangers mariés à des Français à l'article 2 -, vous avez réussi à ajouter l'article 5 bis, destiné non pas à faciliter la vie familiale des étrangers qui sont en situation régulière dans notre pays, mais à agiter le spectre de l'immigration clandestine, votre fonds de commerce. C'est un point de vue que nous ne pouvons partager avec vous !
Voilà pourquoi cet amendement, bien que meilleur que celui qui a été adopté à l'Assemblée nationale, reste détestable, comme l'ensemble du projet de loi, et contraire à nos convictions. Nous ne le voterons donc pas.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur Frimat, je retiens de vos propos le qualificatif de « meilleur » concernant l'amendement du président Jean-Jacques Hyest.
Pour la clarté des débats, permettez-moi de préciser que, s'agissant des dépêches que vous avez évoquées, le commentaire du président du Sénégal, M. Wade, s'appliquait à l'amendement qui a été voté à l'Assemblée nationale.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
L'ambassadeur du Sénégal ayant eu connaissance, par mon intermédiaire - je l'ai appelé -, de la proposition du président de la commission des lois, il m'a indiqué que, dès lors que les citoyens français et les étrangers faisaient l'objet d'un traitement similaire, la rédaction proposée ne soulevait pas d'objection de sa part. Je regrette que vous n'ayez pas vu la deuxième dépêche qui est tombée sur ce sujet.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je n'aurais certainement pas voté l'amendement Mariani, inique et insupportable.
En revanche, celui qui est proposé par le président Hyest me semble acceptable.
Toutefois, je reste inquiet quant au sort de cette disposition lors de la commission mixte paritaire. Monsieur le ministre, vous engagez-vous à y défendre la position du Sénat ?
Je ne pensais plus intervenir après les propos tenus, avec éloquence, par Jacques Mahéas et Bernard Frimat, qui ont fait entendre les sentiments de ceux auxquels va s'appliquer la disposition, car c'était là l'essentiel.
Il fallait, en effet, que nous mesurions ce que ressentiront nos amis africains en France, demandeurs de regroupement familial, et il était important de rappeler les propos de chefs d'État africains.
Ne nous leurrons pas, cette disposition ne sera pas perçue comme une faveur ou une preuve d'amitié à l'égard des populations africaines !
Je ne serais pas revenu sur ce point, si M. le ministre n'avait pas précisé que, après la réaction du président Wade -que, par parenthèse, je connais fort bien, puisque c'est un camarade d'agrégation ! -, l'amendement présenté par la commission visant à mettre sur le même plan Français et étrangers avait satisfait nos amis sénégalais.
Or, je me dois de rappeler que Français et étrangers ne sont pas mis sur le même plan ! Le droit français exclut le recours à l'ADN en matière d'établissement de filiation, sauf dans le cas où il s'inscrit dans un domaine très précis que nous connaissons tous, à savoir la contestation ou la recherche de paternité, dans le cadre d'un conflit familial.
En l'occurrence, vous introduisez le test ADN à des fins de police de l'immigration, de police des étrangers, ce qui n'est plus la même chose !
à propos de l'enfant, mais de la nécessité de prouver que vous êtes bien le fils ou la fille de votre mère et de votre père.
Vous faites de la discrimination. La réaction des étrangers sera de dire : « On utilise à notre égard ce que l'on ne peut utiliser contre les Français. »
Ce que nous faisons là est une erreur !
M. le ministre a expliqué à quel point le texte que M. Hyest a présenté est préférable au texte initial. Je m'étonne qu'il ait fallu attendre l'arrivée du projet de loi au Sénat pour se rendre compte de ces évidences, et je me réjouis que la Haute Assemblée les ai découvertes !
Cependant, il demeure que notre nation, notre pays, notre État, nous-mêmes, ne tirerons aucun bénéfice de ce texte par rapport au regroupement familial et à son retentissement en Afrique et dans d'autres pays. Le résultat sera totalement négatif !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je veux retenir un point positif dans notre débat.
Entre l'amendement Mariani, qui a été défendu à l'Assemblée nationale, approuvé par le ministre et voté, et les arguments qui ont été développés au Sénat en faveur de votre amendement, monsieur Hyest, - notamment le fait que la disposition Mariani était contraire à l'éthique, qu'elle devait être encadrée juridiquement et banalisée pour établir une règle d'égalité entre les Français et les étrangers -, je me dis qu'il est heureux que des députés de l'opposition se soient battus au palais Bourbon, que le débat soit arrivé dans la société et qu'il ait été relayé par le Sénat.
Il ne faudrait pas que, en fin de compte, M. le ministre nous fasse passer pour de mauvais coucheurs et qu'il prétende avoir toujours défendu l'idée selon laquelle ces tests génétiques devaient être gratuits et ordonnés par la justice au terme d'une procédure contradictoire.
Ensuite, monsieur Hyest, dès lors que les tests génétiques sont encadrés de la sorte, pourquoi ne pas simplement inscrire dans la loi que ce sont les règles du code civil français en matière de recherches en filiation qui s'appliqueront aux enfants mineurs dans le cadre du regroupement familial ? Si tel était le cas, il ne serait plus fait référence aux tests ADN, référence qui a provoqué tant de remous dans l'opinion.
Si j'en crois les propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, cette mention se suffirait à elle-même. On réparerait ainsi les dégâts qui ont été commis dans nos banlieues et à l'étranger, et on sortirait par le haut de ce débat, de surcroît par un vote unanime. Or, plutôt que d'adopter cette attitude, vous donnez l'impression de ne chercher qu'à sauver la face. La référence aux tests génétiques, qui a suscité tant d'émotion, ne disparaît pas du projet, même si sont modifiées les conditions dans lesquelles il peut y être recouru.
En réalité, vous persistez dans votre démarche. Voulons-nous continuer à adresser ce signe négatif et restrictif, ce signe que la France se « bunckerise » par tous les moyens, y compris les tests ADN, ou voulons-nous au contraire, unanimement, lever un malentendu et toute mauvaise interprétation ? C'est cette question que nous trancherons tout à l'heure par notre vote.
Pour votre part, vous persistez dans ce premier choix. Pour notre part, comme l'a expliqué Bernard Frimat, nous ne pouvons nous prêter à cette opération. En dépit de vos manoeuvres de diversion, vous verrez que l'émotion restera intacte.
Contrairement à ce que vos propos donneraient à penser, en fait, vous avez très bien compris, mon cher collègue, l'objet de mon amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. Occupez-vous donc du parti socialiste ! Il y a beaucoup plus de travail !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur Assouline, j'ai dit qu'il fallait adapter le code civil, et ce pour deux raisons.
D'une part, le deuxième alinéa de son article 16-11 dispose que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par un juge, et non sur la base du seul volontariat.
Quant à nous, nous souhaitons nous en tenir à cette seule base du volontariat. On n' »exige » pas un test génétique !
D'autre part, dans le cas d'espèce qui nous intéresse, les tests seraient ordonnés par le tribunal de grande instance de Nantes.
Il nous paraissait très important de rappeler, comme l'a fait Pierre Fauchon, que le test génétique, quand bien même il serait volontaire, devient inutile dès lors que peut être prouvée la possession d'état.
Bien entendu, mais il faut qu'un faisceau de preuves attestent cette possession d'état. Si cela est impossible, la loi autorise alors de recourir aux tests génétiques.
Mon amendement est très différent de celui de M. Mariani. Les membres de la commission des lois savent tous que je ne l'aurais jamais voté, d'une part, parce qu'il était largement contestable au plan juridique, d'autre part, parce qu'il n'était pas pertinent, enfin, parce qu'il pouvait laisser accroire qu'il avait pour objet d'empêcher le regroupement familial.
Je dis bien qu'il pouvait laisser accroire. Je n'ai jamais fait de procès d'intention !
Parce qu'il nous semblait maladroit, nous avons simplement tenté de lui redonner un sens et de le rendre pertinent. J'en suis plutôt fier.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Le fond de l'amendement de M. Mariani, en dépit des quelques conditions que le Gouvernement a mises à son adoption et malgré les nombreux amendements qui ont été déposés au Sénat, demeure difficilement inacceptable pour nous.
Ses défenseurs présentent le recours aux tests ADN comme une liberté qui serait offerte aux étrangers désireux d'aller plus vite, comme un outil supplémentaire, moderne et simple d'utilisation, de surcroît utilisé par de nombre de nos voisins.
Mais ce n'est parce que certains pays y ont recours que nous devons faire de même.
Ce n'est pas parce qu'elle est simple et moderne que nous devons adopter cette mesure, quand bien même elle ne viserait plus que les seules mères, et non plus les pères pour éviter les tragédies que nous avons évoquées.
Enfin, ce n'est pas parce que c'est une faculté qui sera expérimentée pendant deux ans que nous devons nous abstenir d'en examiner les incidences.
De fait, on ne sait plus très bien maintenant, compte tenu de tous les amendements qui ont été déposés tendant à le complexifier, si le dispositif tel qu'il sera voté par la Haute Assemblée ce soir répondra encore à l'objectif qui était initialement visé.
Surtout, il faut en revenir à l'essentiel, c'est-à-dire aux principes. À mon sens, cet amendement ne change rien au fond de l'affaire : les tests ADN, s'ils sont maintenus, modifieront profondément la conception que nous nous faisons de la famille.
À l'instar de M. Portelli, de M. Mercier ou de M. Badinter, au-delà de nos divergences d'appréciation, au-delà, éventuellement, de nos différences partisanes, nous avons tous réaffirmé notre attachement à une conception plus large, plus humaine et plus respectueuse des liens affectifs qui se tissent entre les êtres.
En droit français, la filiation n'est pas biologique ; elle est fondée sur la reconnaissance. Or cette mesure, même encadrée juridiquement, remet en cause notre conception de la famille et crée une discrimination entre les familles françaises et les familles étrangères.
La brèche ainsi ouverte par voie d'amendement dans un projet de loi sur l'immigration, sans que notamment le Comité consultatif national d'éthique ait été consulté, est contraire à la lettre et à l'esprit de notre droit.
Aussi, au nom d'une certaine idée que je me fais non seulement de la République, mais aussi de l'enfant, qui pour moi ne saurait se résumer à un génome, je suis, à l'image de nombre de mes collègues, hostile à cette mesure dans son principe. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. M. Gérard Delfau applaudit également.
Monsieur le ministre, alors même que le projet de loi initial ne contenait aucune disposition relative aux tests génétiques, vous vous êtes empressé de soutenir l'amendement de M. Mariani. Vous vous justifiez maintenant en prétendant que ce test génétique n'aurait pour seul objet que de permettre à des personnes qui ne pourraient le faire par la production de documents d'état civil de prouver le lien de filiation qui les unit aux enfants qu'elles veulent faire venir en France.
On a peine à le croire. Il est difficile d'imaginer que tel était l'objectif de M. Mariani. Si l'on s'en tient au fond de ce projet de loi et au contexte dans lequel il est examiné, il est légitime de penser qu'il s'agit encore une fois de restreindre le regroupement familial et de limiter la venue d'enfants étrangers sur le territoire français.
C'est étonnant dans la mesure où le regroupement familial ne concerne chaque année qu'entre 6 000 et 8 000 enfants, chiffre assez dérisoire - je ne parle pas de ceux qui n'ont pas de papiers d'état civil en règle.
La commission des lois du Sénat s'est opposée au principe même qui voulait qu'un texte relatif à l'immigration, à l'intégration et à l'asile fasse référence à la génétique, prenant ainsi le contre-pied de l'amendement Mariani, soutenu par vous-même, monsieur le ministre.
Or, en dépit de toutes les fioritures qui l'enrobent, tout le monde aura évidemment compris que l'amendement de M. Hyest n'a d'autre objet que de permettre à vous-même, monsieur le ministre, au Président de la République, qui l'a approuvé, et, enfin, aux députés de la majorité, qui l'ont voté, de ne pas se déjuger.
Certes, l'amendement que propose Jean-Jacques Hyest modifie substantiellement les termes de l'amendement Mariani, ...
À considérer non seulement le contexte dans lequel ce projet de loi est examiné, mais encore l'ensemble des dispositions qu'il contient- l'amendement Mariani ayant focalisé l'attention, elles sont hélas ! passées quelque peu inaperçues, ce qui était peut-être le but recherché -, il est à craindre que la génétique, compte tenu de l'utilisation qui en sera probablement faite, ne soit surdéterminante pour restreindre le droit des enfants à entrer sur le territoire national.
Prouver sa filiation par la génétique évoque pour certains dans ce pays - peut-être pas pour tout le monde - des souvenirs très douloureux et très pénibles. Dans le doute, abstiens-toi ! Pour cette raison, ainsi qu'en avait décidé majoritairement la commission des lois, il faut absolument refuser d'introduire toute référence à la génétique dans ce projet de loi.
Aussi, nous voterons évidemment contre l'amendement Hyest.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
M. Louis Mermaz. « Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire. » Cette sentence valant aussi pour l'éloquence, je serai bref.
Sourires
On parle beaucoup des droits du Parlement. Ce soir, chacun est face à sa conscience, chacun est libre de son vote.
Les droits du Parlement consistent parfois à savoir dire non au Gouvernement. Or, de tout temps, quelles que soient les majorités en place, les gouvernements ont généralement presque toujours obtenu d'elles ce qu'ils voulaient. Je parle en historien d'une période récente. Pour notre part, nous n'étions pas forcément meilleurs que vous lorsque nous détenions la majorité !
Au fond, il y a fort longtemps que nous sommes dans un régime de type plus ou moins consulaire. Se dirige-t-on aujourd'hui carrément vers un pouvoir à caractère personnel ? On verra si ce risque est avéré.
Quant à moi, je considère que l'amendement Mariani, dont presque personne n'a voulu ici, a été « habillé » par MM. Hyest, Fauchon et bien d'autres !
L'amendement de M. Hyest est la copie du précédent : c'est l'amendement Mariani honteux !
Votre référence à la possession d'état, à la gratuité du test et à la limitation à 18 mois de son caractère expérimental n'y change rien : nous discutons du droit.
Regardons un peu au-delà de ces lieux et considérons la mise en oeuvre du dispositif : rien de tout cela n'est fait pour fonctionner, monsieur Othily ! Vous me direz que ce n'est pas très important. En réalité, ça l'est, parce que nos amis africains sont scandalisés.
Protestations sur les travées de l'UMP
Songez à la mère de famille au fin fond du Mali qui sera volontaire pour subir un test. Pour vous, tout est simple : elle devra s'adresser au tribunal de grande instance et un débat sera organisé. Mais c'est complètement irréaliste ! Comment voulez-vous que, du Burkina Faso à Nantes, ce système puisse fonctionner ? En revanche, c'est une véritable insulte faite aux Africains, raison pour laquelle, du fond du coeur, je demande à tous ceux qui se sentent libres de leur vote, sur quelque travée qu'ils siègent, d'avoir le courage de voter contre cette chose !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Mme Jacqueline Gourault applaudit également.
Je formulerai trois réflexions.
Tout d'abord, je ferai observer à mon collègue et ami Robert Badinter qu'il me semble faire une lecture un peu superficielle de l'article 16-11 du code civil quand il nous dit que, en matière civile, le recours aux empreintes génétiques est prévu uniquement en cas de contestation du lien de filiation. C'est oublier que le texte vise aussi l'établissement de ce lien.
Relisons ensemble le début du deuxième alinéa : « En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation ...».
Nous n'avions donc pas tort, et il y a même quelque chose d'assez remarquable d'en trouver la confirmation dans un texte qui n'avait pas été élaboré en vue de notre débat et qui comporte cependant cette expression d'« établissement ».
Nous sommes donc - admettons-le - dans une démarche non pas de dérogation, mais bien d'extension d'un texte existant dans un certain contexte à un autre domaine qui concerne les regroupements familiaux.
Et, pour la même raison, je me permets de dire à ceux qui ont avancé que ce dispositif figurait déjà dans le droit civil - le droit entre les Français - et qu'il était inutile de l'introduire de nouveau, ...
...que, pour l'appliquer au système du regroupement, qui concerne, lui, les étrangers, encore faut-il voter tout à l'heure l'amendement en question.
Ensuite, mes chers amis, ce n'est pas une bonne chose de vous réfugier dans une caricature de ce que nous sommes en train de faire. J'ai entendu des propos, entre nous soit dit, tout à fait excessifs. Quand vous les relirez dans le Journal officiel, vous n'en serez pas spécialement fiers.
Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Oui, madame Borvo Cohen-Seat, on est allé jusqu'à dire qu'il s'agissait finalement d'un texte restrictif qui tendait à limiter le regroupement familial des enfants. Mais enfin, soyons de bonne foi ! Ce texte essaie de remédier à la situation fâcheuse...
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Nous, nous avons la conviction que le problème est réel. La facilité aurait été de considérer que, puisque les demandeurs ne peuvent pas produire de documents d'état civil, nous ignorons leur démarche et nous en restons là. C'est cela qui eût été inhumain. Or ici nous cherchons une solution.
Vous dites que la formule que nous avons trouvée est une usine à gaz. Non, simplement elle comprend deux possibilités d'établir le lien en cas de défaut d'état civil : la possession d'état et, à défaut, in extremis, en quelque sorte, et uniquement pour les femmes, l'identification génétique.
Mes chers collègues, nous essayons de résoudre des problèmes humains avec un système qui n'a rien d'une usine à gaz.
Ce système est certes un peu complexe, mais comme dans toute législation moderne. Cela tient au fait que les réalités de la vie sont elles-mêmes complexes.
Nous devons donc penser à ces personnes qui n'ont pas de documents d'état civil et qui ne peuvent pas bénéficier de la possession d'état. Et n'y en aurait-il que quelques-unes dans ce cas, n'y aurait-il que quelques mères qui souhaiteraient tout de même un regroupement familial pour leurs enfants, encore une fois, je ne vois pas au nom de quoi on le leur refuserait.
Enfin, on a prophétisé de nombreux malheurs. Permettez-moi de vous citer un joli proverbe anglais - je vous le livre en français, mon anglais n'est pas très bon - : « Il est facile de prophétiser, excepté pour l'avenir ».
Sourires
Alors, ne prophétisez pas. Nous ferons le bilan dans un an et demi et, si nous nous sommes trompés, ...
M. Pierre Fauchon. ...nous serons prêts à le reconnaître. Mais je pense que ce ne sera pas le cas et que nous aurons bien fait de voter ce dispositif.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Quelle est la situation actuelle ? Nous avons indiscutablement amélioré le texte de l'Assemblée nationale. Encore faut-il que, en commission mixte paritaire, nous ayons gain de cause.
Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
En tout cas, nous avons bien travaillé et apporté des améliorations au projet de loi, M. le ministre l'a précisé.
Que se passe-t-il actuellement, donc sans ces dispositions ? C'est l'administration qui gère le problème. Désormais, l'autorité judiciaire sera compétente. C'est une grande différence, et cela constitue une avancée considérable.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Chers collègues, pour maintenir ces lettres « ADN » dans le texte, et vous y tenez plus que tout, on arrive à une totale absurdité...
...et à un dispositif dont tout le monde peut constater qu'il n'est pas applicable.
La situation est très simple.
Imaginons, monsieur Girod, une personne qui se trouve en Afrique, en Océanie ou en Asie, à 1 000 ou 2 000 kilomètres d'un consulat, et qui fait une demande de regroupement familial. Les autorités françaises sur place s'intéresseront à l'état civil et, s'il pose des problèmes, à la possession d'état. En cas de doute, elles pourront s'adresser au tribunal de grande instance de Nantes. Ce tribunal, mes chers collègues, en vertu de ce que certains d'entre vous s'apprêtent à voter, procédera à des « investigations », terme qui suppose, s'il est inscrit dans la loi, que ledit tribunal cherchera à savoir ce qui se passe à 15 000 kilomètres de Nantes.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Pour revenir à mon hypothèse, comment le tribunal agira-t-il ? J'imagine qu'il disposera de moyens et pourra envoyer des personnes sur place pour enquêter.
Mais le tribunal a-t-il les moyens de financer ces déplacements ?
Ensuite, monsieur Fauchon, il y aura un débat contradictoire entre, d'un côté, les représentants de l'administration, du ministère des affaires étrangères, du consulat - j'ignore d'ailleurs comment ils seront choisis - et, de l'autre côté, une personne représentant les intérêts de l'enfant concerné, lequel pourra être à 3 000 kilomètres du consulat, en Asie, en Océanie ou en Afrique. Comment et par qui cet avocat sera-t-il désigné ? Installera-t-on la visioconférence là-bas, à l'autre bout du monde ?
Mes chers collègues, je suis sûr et certain que tous ceux qui m'ont écouté auront compris qu'il s'agit d'une palinodie. Un tel dispositif n'est pas applicable. En réalité, on fait n'importe quoi pour sauver le test ADN. C'est inacceptable !
Je vous remercie donc de ne pas voter une disposition aussi absurde dans son principe que dans ses modalités.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mes chers collègues, comme vous tous, depuis quelques heures, j'ai entendu les uns et les autres parler de la femme. Je déplore d'autant plus que personne ne soit intervenu ce soir au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Je souhaiterais que Mme Gautier s'exprime au moins une fois...
Je mets aux voix l'amendement n° 203, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 8 :
Nombre de votants323Nombre de suffrages exprimés314Majorité absolue des suffrages exprimés158Pour l'adoption176Contre 138Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
En conséquence, l'article 5 bis est ainsi rédigé et les amendements identiques n° 11, 99, 140 et 179 ainsi que les amendements n° 185 rectifié et 184 n'ont plus d'objet.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif au parc naturel régional de Camargue.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 10, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, de lutte contre la contrefaçon.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 9, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert - Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3647 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Hubert Haenel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens (n° 473, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n°3 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Hubert Haenel un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens (n° 474, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n°4 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jacques Peyrat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives (n° 205, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n°6 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (n° 443, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 11 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean Arthuis un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le suivi des travaux de la Cour des comptes relatifs à l'établissement public d'aménagement de la Défense, EPAD.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 7 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mme Marie-France Beaufils un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative à la gestion et à l'efficacité des remboursements et dégrèvements d'impôts.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 8 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Louis de Broissia un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la crise de la presse.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 13 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Marc Juilhard un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur la démographie médicale.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 14 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Léonce Dupont un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens (n° 474, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 5 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Francis Grignon un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens (n° 474, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 12 et distribué.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 4 octobre 2007 :
À dix heures :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 461, 2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.
Rapport (n° 470, 2006-2007) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
À quinze heures :
2. Question d'actualité au Gouvernement.
Délai limite d'inscription des auteurs de questions : jeudi 4 octobre 2007, à onze heures.
3. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le « Grenelle de l'environnement ».
Le soir :
4. Suite de l'ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 4 octobre 2007, à zéro heure quarante-cinq.