Le fond de l'amendement de M. Mariani, en dépit des quelques conditions que le Gouvernement a mises à son adoption et malgré les nombreux amendements qui ont été déposés au Sénat, demeure difficilement inacceptable pour nous.
Ses défenseurs présentent le recours aux tests ADN comme une liberté qui serait offerte aux étrangers désireux d'aller plus vite, comme un outil supplémentaire, moderne et simple d'utilisation, de surcroît utilisé par de nombre de nos voisins.
Mais ce n'est parce que certains pays y ont recours que nous devons faire de même.
Ce n'est pas parce qu'elle est simple et moderne que nous devons adopter cette mesure, quand bien même elle ne viserait plus que les seules mères, et non plus les pères pour éviter les tragédies que nous avons évoquées.
Enfin, ce n'est pas parce que c'est une faculté qui sera expérimentée pendant deux ans que nous devons nous abstenir d'en examiner les incidences.
De fait, on ne sait plus très bien maintenant, compte tenu de tous les amendements qui ont été déposés tendant à le complexifier, si le dispositif tel qu'il sera voté par la Haute Assemblée ce soir répondra encore à l'objectif qui était initialement visé.
Surtout, il faut en revenir à l'essentiel, c'est-à-dire aux principes. À mon sens, cet amendement ne change rien au fond de l'affaire : les tests ADN, s'ils sont maintenus, modifieront profondément la conception que nous nous faisons de la famille.
À l'instar de M. Portelli, de M. Mercier ou de M. Badinter, au-delà de nos divergences d'appréciation, au-delà, éventuellement, de nos différences partisanes, nous avons tous réaffirmé notre attachement à une conception plus large, plus humaine et plus respectueuse des liens affectifs qui se tissent entre les êtres.
En droit français, la filiation n'est pas biologique ; elle est fondée sur la reconnaissance. Or cette mesure, même encadrée juridiquement, remet en cause notre conception de la famille et crée une discrimination entre les familles françaises et les familles étrangères.
La brèche ainsi ouverte par voie d'amendement dans un projet de loi sur l'immigration, sans que notamment le Comité consultatif national d'éthique ait été consulté, est contraire à la lettre et à l'esprit de notre droit.
Aussi, au nom d'une certaine idée que je me fais non seulement de la République, mais aussi de l'enfant, qui pour moi ne saurait se résumer à un génome, je suis, à l'image de nombre de mes collègues, hostile à cette mesure dans son principe. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.