Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 3 décembre 2008 à 10h30
Loi de finances pour 2009 — Enseignement scolaire

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis :

Je regrette toutefois la forme que prend cet intérêt. Permettez-moi de le préciser, mes fortes réserves tiennent non pas à l’existence du baccalauréat professionnel en trois ans, mais aux risques que fait courir sa généralisation.

Pour certains élèves, capables de suivre un tel rythme, ce sera un parcours de réussite. Les expérimentations l’ont d’ailleurs montré.

Cependant, elles démontrent également que la grande majorité des élèves n’est pas capable de suivre un tel cursus. Près de 50 % des lycéens concernés ne parviennent pas jusqu’au diplôme et quittent le lycée sans aucune qualification.

C’est, au demeurant, logique. Les élèves qui fréquentent l’enseignement professionnel ont souvent connu des difficultés scolaires. II faut leur laisser le temps de reprendre confiance et de construire de nouveaux parcours de réussite.

C’est pourquoi l’enseignement professionnel était jusqu’ici caractérisé par une grande diversité. Le CAP, certificat d’aptitude professionnelle, se préparait en une, deux ou trois années. Le BEP, brevet d’études professionnelles, pouvait être passé la même année que le CAP. Les cursus de BEP et de baccalauréat professionnel pouvaient être fondus en des parcours de trois ans. C’est cette diversité qui est menacée par la généralisation.

Pour répondre aux inquiétudes, vous avez souhaité maintenir le BEP, qui sera passé en fin de deuxième année. Vous souhaitez ainsi garantir à tout élève l’obtention d’une qualification minimale. Cependant, quelle valeur aura-t-elle ?

Passé essentiellement sous la forme de contrôle en cours de formation, préparé dans des conditions plus ou moins rocambolesques, ce BEP sera une forme de « bac-1 » et ne jouira plus de la reconnaissance qui était la sienne jusqu’à présent.

Cette reconnaissance était effectivement bien plus forte qu’on ne le croit généralement.

Il est vrai que le BEP n’a jamais totalement éclipsé le CAP, essentiellement parce que le BEP, à la différence du CAP, était tout à la fois un diplôme propédeutique et une qualification professionnelle. Certains secteurs sont donc restés très friands du CAP et méfiants à l’endroit du BEP.

Cependant, les chiffres sont là. L’insertion des titulaires d’un BEP est supérieure à celle des titulaires d’un CAP. Dès lors, pourquoi prendre le risque de faire disparaître une formation qualifiante ? Pourquoi le faire au profit d’un diplôme, le CAP, qui donne de moins bons résultats pour l’insertion et qui permet moins facilement de poursuivre des études ?

C’est pourquoi cette généralisation hâtive m’inquiète, d’autant que cette expérimentation n’a jamais été conduite dans l’optique d’une généralisation.

C’est d’ailleurs pour cela que ni les référentiels ni les programmes des nouveaux baccalauréats professionnels ne sont encore prêts.

Comme l’immense majorité des interlocuteurs que j’ai rencontrés, je crains les conséquences de cette généralisation. Pour qu’elle ne pénalise pas les élèves, je ne vois qu’une solution, monsieur le ministre : mettre fin à l’orientation par l’échec, qui fait de l’enseignement professionnel une voie de remédiation tout autant que de qualification.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion