La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.
Je souhaite profiter de la présence de M. le ministre de l’éducation nationale pour lui faire part de notre vive émotion à la suite des événements qui se sont produits hier à Marciac.
Comme vous le savez, des forces de gendarmerie ont pénétré dans un collège de la ville en compagnie de chiens policiers. Des élèves ont fait l’objet de fouilles au corps et certaines petites filles ont même été « palpées », ce qui a suscité, vous le comprendrez, l’indignation du corps enseignant et des parents d’élèves.
Ces faits sont totalement scandaleux ! Personne ne pensait que de tels actes étaient possibles, notamment dans le cadre d’une opération dite de « prévention » !
Je voudrais donc émettre une vive protestation, monsieur le ministre.
Monsieur Renar, je me suis déjà exprimé sur le sujet hier soir.
Je partage votre sentiment. La manière dont les événements se sont déroulés – mes services n’ont même pas été véritablement prévenus – n’est pas conforme aux usages et ne répondait à aucune nécessité.
D’ailleurs, les conventions départementales qui existent entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale, et il y en a une dans le Gers, imposent d’organiser des discussions entre les services concernés avant de décider d’une éventuelle opération. En l’occurrence, ces conventions n’ont pas été respectées.
L’émotion soulevée par cette affaire est d’autant plus justifiée que nos enseignants fournissent au quotidien un travail remarquable pour développer une pédagogie de la prévention.
Je m’en tiendrai donc là, mais je comprends votre émotion, monsieur Renar.
Mon rappel au règlement n’a pratiquement plus d’objet, puisqu’il portait sur le même sujet, monsieur le ministre.
Je voulais également exprimer notre émotion à la suite de ces événements. Avec mes collègues et amis du groupe socialiste, nous souhaiterions savoir ce qui s’est réellement passé.
Certes, je n’attends pas que vous me répondiez instantanément, monsieur le ministre. Mais je pense que nous sommes en droit de demander des comptes, tant les méthodes qui ont été employées sont éloignées des pratiques éducatives normales.
Mon propos n’est pas d’accuser qui que ce soit. Je souhaite simplement que la situation soit tirée au clair.
Monsieur Domeizel, je pense que je serai bientôt en mesure de vous apporter des éléments de réponse, puisque j’ai ordonné une enquête.
L’inspecteur d’académie du Gers a fait l’objet d’une convocation au ministère, et il sera reçu ce matin même par des membres de mon cabinet.
Nous essayons de comprendre le déroulement exact des événements. C’est une décision de justice qui a entraîné l’intervention de la gendarmerie. Nous souhaitons obtenir toutes les précisions qui s’imposent.
Pour ce qui relève de ma responsabilité, je vous apporterai toutes les explications nécessaires.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter le rapport spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur deux aspects très différents de la politique scolaire.
Dans une première partie, je souhaite aborder la dimension strictement budgétaire de votre action, monsieur le ministre.
Sur les 60 milliards de crédits affectés à la mission « Enseignement scolaire », qui est la première mission du budget de l’État, 93 %, soit 55, 7 milliards d’euros, correspondent à la rémunération des personnels, notamment des enseignants.
De ce point de vue, nous constatons une volonté d’adapter les effectifs de l’éducation nationale aux évolutions démographiques, tout en maintenant un taux d’encadrement des élèves par enseignant acceptable, supérieur aux normes constatées dans les grands pays de l’OCDE.
Il s’agit d’une diminution significative. Pour la première fois, le nombre d’enseignants passe sous la barre du million. Cette année, il sera très exactement de 977 863, soit une réduction de 22 891 postes en équivalent temps plein.
Dans le même temps, les crédits de personnel augmentent de 1, 5 %, en raison de la hausse des pensions liée aux nombreux départs en retraite. D’ailleurs, nous souhaitons de longues et heureuses retraites aux personnes concernées.
Sourires
Pour autant, monsieur le ministre, vous vous êtes efforcé de maintenir des capacités d’enseignement adaptées aux élèves. La commission des finances y est sensible.
Ainsi, vous avez décidé de sédentariser 3 000 des 11 376, 5 équivalents temps plein consacrés aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED. Cette mesure, qui pose problème à certains de nos collègues, est intéressante. Elle mériterait d’être mieux expliquée et détaillée. Je rappelle qu’elle permet de récupérer 3 000 postes.
En outre, vous avez annoncé la création d’une « agence du remplacement » pour améliorer la gestion des 24 000 professeurs remplaçants. Cela permettra d’assurer une meilleure présence des enseignants face aux élèves. Nous y sommes sensibles.
De même, vous souhaitez limiter les mises à disposition dont bénéficie le corps enseignant. Certes, cela peut poser des problèmes au monde associatif. Mais, et chacun peut le comprendre, le rôle d’un professeur est d’abord d’enseigner, surtout dans une période de pénurie budgétaire.
Vous vous attaquez également au problème récurrent des enseignants sans élève dans des disciplines où la demande a fortement diminué. Là encore, nous attendons des précisions de votre part, monsieur le ministre. Nous savons que l’évolution est favorable, mais nous ne l’avons pas quantifiée cette année.
Je voudrais insister sur la solution que vous avez privilégiée pour maintenir une présence d’enseignants devant les élèves tout en diminuant globalement les effectifs : le recours aux heures supplémentaires. Désormais, celles-ci représentent près de 3, 3 % de la masse salariale, soit 1, 2 milliard d’euros, qu’il s’agisse des heures supplémentaires annuelles, les HSA, ou des heures supplémentaires effectives, les HSE. Les heures supplémentaires représentent à la fois une augmentation du pouvoir d'achat pour les enseignants qui travaillent plus et une charge significative pour le budget du ministère de l’éducation nationale.
Par ailleurs, toute une série de postes, près de 100 000, concourent directement ou indirectement à l’enseignement. Cela va de l’accueil aux enfants handicapés jusqu’aux fonctions de soutien. Cela représente un coût de 1, 2 milliard d’euros, hors masse salariale dans les budgets d’intervention du ministère de l’éducation nationale. Il s’agit d’une somme significative qui représente, elle aussi, environ un peu plus de 3 % de la masse salariale. Pour la commission des finances, il s’agit d’une formule adaptée à la fois aux besoins des établissements scolaires et des élèves et à un moment de la carrière d’un certain nombre d’étudiants ou de futurs enseignants.
Je voudrais évoquer plusieurs autres aspects quantitatifs.
Vous avez retenu le principe de parité entre l’enseignement privé et l’enseignement public. C’est un principe de paix et de sérénité. Correspond-il – nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau lorsque nous aborderons la carte scolaire – à la réalité de la demande des enseignants ? Assurément non ! Mais, dans la période actuelle de contraintes des moyens, nous ne pouvons pas raisonnablement l’écarter, même s’il crée un certain nombre de frustrations et de déceptions.
De même, en matière de mobilisation des moyens dont vous disposez, vous avez cherché à insister sur l’aspect qualitatif.
Pour ma part, je suis extrêmement sensible à la création des 300 postes annuels d’infirmières ou d’infirmiers. Ces personnels assurent une présence de nature différente dans les établissements scolaires. Leur rôle ne se limite pas à prodiguer des soins.
Les infirmières et les infirmiers ont une fonction d’accueil spécifique, d’accompagnement, voire de soutien psychologique, ce qui peut aider à la résolution d’un certain nombre de problèmes. Comme nous le savons en tant que parents ou grands-parents, l’adolescence est une période sensible de l’existence.
Vous avez également choisi de créer des postes dans les zones les plus difficiles économiquement et socialement, ce qui constitue une réponse intéressante et courageuse au problème de la carte scolaire.
Ainsi que nous le demandions dans la majorité, vous avez accepté d’assouplir la carte scolaire. Il y a, nous le constatons, des déplacements. Cependant, nous observons que la plupart des demandes peuvent être satisfaites. Vous souhaitez non pas affaiblir les établissements les moins demandés, mais leur permettre, par un meilleur encadrement, de retrouver un niveau d’attractivité susceptible d’inciter les familles à y inscrire de nouveau leurs enfants.
En tant qu’élu régional, j’évoquerai le succès de la décentralisation de la gestion des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé, les personnels ATOSS, vers les départements ou les régions.
Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous préciser le pourcentage significatif de personnels ayant choisi le statut départemental ou régional, afin de répondre aux inquiétudes soulevées par certains lors de l’adoption de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Monsieur le ministre, un employeur public près des réalités est parfois plus apprécié que la rue de Grenelle, employeur public de grande qualité, mais parfois trop éloigné du terrain pour gérer des effectifs d’exécution ou d’application.
Comme je le soulignais à l’instant, une telle évolution des effectifs a permis de traiter l’assouplissement de la carte scolaire sans conflit majeur.
Monsieur le ministre, des progrès ont également pu être accomplis en matière d’accueil des élèves handicapés. Je vous en remercie au nom des familles concernées, même s’il s’agit d’une situation extrêmement tendue, qui demande une attention de tous les instants, notamment compte tenu de la carte des établissements pouvant ou non accueillir ce type d’élèves.
Je terminerai cette première partie sur l’adaptation des effectifs aux besoins exprimés par les établissements en évoquant le problème des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED.
Nous observons une réaffectation significative des maîtres spécialisés, 3 000 sédentarisations sur 11 000, c’est-à-dire environ un quart des effectifs. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur cette évolution, qui est pertinente, mais qui mérite d’être expliquée.
Le soutien nomade aboutit à un effort éducatif de grande qualité. Dans un groupe scolaire moyen, de cent vingt-cinq élèves, répartis en cinq classes, les trois titulaires de postes à temps plein mobilisés dans un RASED n’arrivent à suivre que sept élèves sur cent vingt-cinq.
La formule que vous proposez permet toujours de traiter les cas difficiles, mais elle permet également de suivre trente-six élèves sur cent vingt-cinq, c’est-à-dire près de cinq fois plus qu’auparavant.
Les cas lourds restent suivis par le psychologue, plus orienté par sa formation et par sa compétence vers des cas, certes marginaux, mais qui méritent d’être pris en considération.
En revanche, plus d’élèves en difficulté peuvent bénéficier d’un soutien personnalisé après l’école grâce à la suppression du samedi matin.
Nous avons besoin dans cette adaptation quantitative, de ne pas négliger les efforts qualitatifs qui ont été faits avec beaucoup de bonne volonté par les enseignants et dont les résultats sont souvent appréciés par les parents d’élèves.
Je voudrais dans une deuxième partie, et très brièvement, monsieur le président, évoquer des problèmes ponctuels.
Tout d’abord, la commission des finances insiste sur la difficulté de suivre des réformes qui sont pertinentes, mais annoncées parfois en cours d’année, et dont les incidences en termes de projets annuels de performances, pour reprendre la terminologie de la LOLF, ne sont pas connues, parce que les coûts ne sont pas indiqués.
Ensuite, elle attend, presque désespérément, le décret créant les établissements publics d’enseignement primaire.
Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez rattrapé par une proposition de loi présentée par nos collègues députés MM. Apparu, Reiss et Geoffroy. Sur ce point, nous attendons une réponse.
Pour ce qui est des problèmes spécifiques à l’enseignement du second degré, j’éprouve de l’incompréhension devant l’évolution de certains crédits.
Les crédits de remplacement augmentent de 35 %, tant mieux, mais ils s’accompagnent d’une diminution de 27 % des crédits de formation des enseignants.
Ces évolutions sont spectaculaires, elles expriment sans doute une politique volontariste. On comprend en général assez facilement les augmentations, mais plus difficilement les diminutions. Vous nous les expliquerez, monsieur le ministre, je vous en remercie d’avance.
En outre, je voudrais signaler la difficulté de rendre compatibles les heures de soutien dans l’enseignement primaire et secondaire et l’obligation de transports scolaires dans de nombreux départements.
Ces nouveaux horaires modifient les circuits de ramassage et rendent dans certains cas le soutien scolaire irréalisable dans les écoles et les collèges en milieu rural.
J’évoquerai enfin la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées de notre collègue Jean-Claude Carle, qui sera examinée le 10 décembre prochain et qui mettra fin à un débat complexe, sur lequel je ne reviendrai pas. Je me réjouis simplement qu’un texte qui semble faire l’objet d’un consensus puisse être adopté par le Parlement.
En terminant, je dirai que nous examinerons avec attention le budget du ministère de l’agriculture, qui participe à cette mission de l’enseignement scolaire, mais dans des conditions budgétaires légèrement équivoques.
Je veux dire par là que le ministère de l’agriculture n’a manifestement pas les moyens budgétaires de rattraper le retard qu’il a pris au sujet des accords qu’il a conclus avec l’enseignement technique agricole sous toutes ces formes, qu’il s’agisse de temps plein ou de temps adapté, et qu’il compte sur l’enthousiasme des parlementaires pour obtenir en séance ce qu’il n’a pas obtenu en arbitrage intergouvernemental.
Monsieur le ministre, cela veut dire en fait qu’il va vous faire payer ce qu’il ne veut pas prendre sur les crédits de son ministère. Tels sont les faits ; nous ne sommes pas dupes !
Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a présenté un amendement qui aura l’immense mérite de traiter ce problème.
Ou bien le ministère de l’agriculture assume sa mission, qui sans doute est quantitativement marginale, mais qui est belle et appréciée et qui répond à un véritable besoin, ou bien il ne l’accepte pas, mais alors, qu’il ne transfère pas sa responsabilité sur le seul Parlement !
Si, dans notre majorité, nous sommes attentifs à cette forme d’enseignement, nous souhaiterions néanmoins que les problèmes gouvernementaux soient réglés en interne plutôt que par un prélèvement sur votre budget, qui, monsieur le ministre, n’est pas extensible indéfiniment !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Gérard Longuet vous a présenté les principales observations que la commission a portées sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je n’y reviendrai donc pas
Le présent rapport est fait au nom de votre commission des finances. Je voudrais donc redire ici que je ne partage pas les objectifs du Gouvernement, ni les conclusions de votre commission tendant à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Le budget de l’enseignement scolaire nous est présenté, monsieur le ministre, alors que le malaise est profond dans la communauté éducative.
Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous l’avez préparé dans une logique comptable, une logique de réduction des dépenses publiques. La suppression de postes, massive, continue.
Après les 11 200 postes en moins cette année, 13 500 seront supprimés l’année prochaine, et 40 000 le seront dans les trois années à venir.
Centrer cette politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires, en taillant grossièrement dans les effectifs est une orientation catastrophique, qui se traduit, sur le terrain, par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté.
Les classes se retrouvent souvent surchargées. Il existe des menaces de fermeture pour la scolarisation en petite section à l’école maternelle, dont la mission est d’ailleurs remise en cause.
Les enseignants, vous le savez, ne sont pas remplacés, et ce sur des périodes de plus en plus longues. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la mission « Enseignement scolaire » en est l’inscription budgétaire.
On a choisi l’éducation comme variable d’ajustement d’une politique qui n’est pas bonne. Alors, bien entendu, le Gouvernement prétend que le soutien scolaire permettra d’aider les élèves en difficulté.
On veut faire croire que les deux heures de soutien hebdomadaires compenseront la suppression de l’école le samedi matin, et que cela remplacera l’aide personnalisée des enfants en grande difficulté.
En réalité, il n’en est rien. Le démantèlement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, aura des conséquences désastreuses sur la résorption de l’échec scolaire.
Les professionnels des RASED travaillent en équipe et abordent des problèmes sociaux et relationnels qu’on ne peut pas traiter en classe.
Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit pas d’heures de soutien scolaire Ces enseignants spécialisés s’occupent de ces enfants en dehors de la classe.
En substance, on dit aux enseignants de faire du soutien, mais sans l’appui des personnels compétents et spécialisés ! En réalité, ils se retrouvent face à l’échec.
On le voit bien, réaffecter 3 000 maîtres spécialisés, sur les 9000 ou 10 000 existants, dans des classes entières n’est pas conciliable avec l’objectif affiché de division par trois de l’échec scolaire, qui est particulièrement lourd en primaire.
Laisser tomber ces enfants jugés irrécupérables est un véritable abandon. D’ailleurs, la réunion du 16 octobre dernier au ministère a bien scellé la mort en trois ans des RASED.
Cette décision est dramatique pour les enfants, pour les parents et également pour les enseignants, qui n’en peuvent plus et qui le disent !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Ce matin, ils manifestent d’ailleurs devant le Sénat. Mais cette décision est dramatique aussi pour les maires, qui n’en peuvent plus de supporter tout cela ! Tout à l’heure, l’une de mes collègues m’en a apporté la confirmation.
Voilà ce que je voulais dire dans cette première partie, en rappelant que le Président de la République a récemment déclaré que les fonctionnaires qui manifestent ne se rendaient pas compte de la gravité de la crise.
Non, monsieur le ministre, au contraire, je pense qu’ils ont trop bien compris dans quel monde nous vivons.
Et d’ailleurs, ils ne sont pas seuls ! Ainsi 70 % des Françaises et de Français soutiennent leur mouvement !
C’est écrit dans la presse, des sondages ont été faits. Si vous les utilisez, pourquoi n’en ferais-je pas état ? C’est une réalité nationale.
Il faut rappeler, monsieur le ministre, que ce projet de budget de l’éducation nationale est une vitrine, excusez-moi le mot, de l’ingratitude et du dédain du Gouvernement.
Il est le reflet de dogmes financiers, qui conduisent à vouloir faire de l’école une machine à sélectionner, un système à la carte renforçant les inégalités, un prétexte au commerce périscolaire et un dispositif de formation précoce des travailleurs.
En même temps, vous le savez, notre pays a la chance de disposer d’un grand service public, le service public de l’éducation.
Alors qu’il devrait être une priorité nationale, pour les familles et le développement, il pâtit, et on le voit à travers ce budget, d’arbitrages qui, bien sûr, ne sont pas bons.
L’école doit avoir pour objectif la réussite de chacun, tout le monde le dit.
Mais je pense que cet objectif devrait passer par l’arrêt des suppressions de poste, le remplacement des enseignants, le recrutement et la formation des personnels accompagnants nécessaires. Il faut remplacer les personnels qui manquent, notamment les surveillants, les médecins et infirmières scolaires, mais aussi les agents pour la scolarisation des enfants handicapés.
Cet objectif devrait également passer par la mise en place d’une programmation pluriannuelle des postes et l’arrêt du développement de la précarité, par l’élargissement de la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et non de 6 à 16 ans aujourd’hui, et par le développement de disciplines comme les sciences sociales, qui sont remises en cause dans le cadre de la réforme des lycées.
Cet objectif devrait enfin passer par la mise en place d’un plan ambitieux de développement de la formation des maîtres, d’un plan de recherche en éducation et aussi par la création d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires, permettant d’aller vers la gratuité effective de la scolarité.
Tout cela, je ne le retrouve ni dans le rapport, ni dans le projet de budget. C’est pourquoi ma position est contraire à l’avis de la commission des finances, rapporté par notre collègue il y a quelques instants.
Bien sûr, toutes ces mesures que je viens d’évoquer, monsieur le ministre, demandent un engagement financier important, mais tout est question de priorités.
Le budget de l’éducation nationale pourrait être porté à 7 % du PIB, par exemple. Je crois savoir que son montant par rapport au PIB est le même qu’il y a vingt-cinq ou trente ans.
Je pense que la France en a les moyens. Cette année, le bénéfice des entreprises du CAC 40 représente ainsi le double du budget de l’éducation nationale.
On nous parle de la crise. Mais, en temps de crise, monsieur le ministre, les Françaises et les Français recherchent de la cohésion sociale dans les valeurs sûres. Le service public de l’éducation est l’une d’elles.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que je souhaitais formuler ce matin à l’occasion de l’examen de ce projet de budget.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, en consultant mon éphéméride, j’ai vu que c’était aujourd'hui la Saint-Xavier. À cette occasion, permettez-moi de vous souhaiter, en mon nom et en celui de mes collègues, s’ils m’y autorisent, une bonne fête !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, une fois de plus, le projet de loi de finances pour 2009 fait de l’école la première des priorités nationales, envoyant ainsi à l’ensemble de la communauté un signal très clair : demain, comme aujourd’hui, la nation sera rassemblée derrière son école et est prête à lui donner les moyens dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, et à affecter ces moyens prioritairement envers celles ou ceux qui en ont le plus besoin.
En 2009, le budget de la mission « Enseignement scolaire » franchira ainsi, en autorisations d’engagement, la barre symbolique des 60 milliards d’euros. Même additionnés, ces trois autres poids lourds de notre budget que sont les missions « Sécurité », « Défense » et « Écologie » ne suffisent pasà égaler l’effort de la nation pour son école.
C’est donc un honneur pour moi que de rapporter les crédits de cette mission, prioritaire entre toutes.une lourde tâche, d’autant plus qu’elle était exercée avec brio, encore récemment, par notre collègue Philippe Richert.
Pour accomplir au mieux cette tâche, j’ai souhaitéde la communauté éducative à la préparation de ce rapport.
À mes yeux, notre réflexion repose sur quatre piliers, tous consacrés par la loi « Fillon » sur l’école : les personnels de l’éducation nationale, les familles, les collectivités territoriales et, enfin, le monde socio-économique.
J’ai rencontré tous ces partenaires et je souhaite aujourd’huime faire aussi leur porte-parole, leurs réflexions ayant éclairé mes travaux et ceux de la commission.
Ces réflexions, je pourrais les résumer en trois mots : investissement, évaluation et partenariat. Ces trois mots sont aussiles trois clefs de l’avenir de notre école. Permettez-moi, mes chers collègues, de m’y arrêter un instant.
Investissement, tout d’abord : trop longtemps, nous sommes restés prisonniers du combat sans fin qui opposait deux logiques également néfastes, l’une prônant l’augmentation des moyens à tout prix et refusant toute réforme, l’autre ne voyant dans l’écolequ’un coût à maîtriser au prix d’économies parfois excessives.
Grâce à vous, monsieur le ministre, ainsique dessine la promotion d’une logique d’investissement.
Investir, c’est préparer l’avenir en acceptant de faire un effort aujourd’hui pour en tirer les fruits demain ; c’est miser sur le savoir faisant partie de ces biens qui ne s’épuisent pas en se partageant, maisque le partage même fait grandir. Car je crois, comme l’a dit le député Henri Nayrou, président de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, que « l’école est un acte de foi, d’espérance et d’engagement ».
Investir, c’est tirer le meilleur parti des moyens disponibles pour pouvoir, comme vous le faites cette année, enrichir l’offre éducative à moyens quasi constants.
Investir, c’est accepter de consacrer près de 60 milliards d’eurosde la promotion sociale et de l’épanouissement de chacun.
Investir, c’est accepter de consentirqu’il nous oblige par son ampleur même.
Car la communauté nationale ne peut dépenserpour améliorer l’efficacité de nos politiques éducatives.
Sans évaluation, il n’y a pas d’investissement possible et pérenne. Sur ce point, le consensus règne et tous nos interlocuteurs, sans exception monsieur le ministre, ont souligné la nécessité d’accentuer encore l’effort d’évaluation au sein de votre ministère.
D’ores et déjà, des progrès remarquables ont été accomplis. Dès votre arrivée, vous avez tenu à associer des objectifs chiffrés à chacune de vos réformes et vous le pouviez d’autant plus efficacement que ces réformes elles-mêmesétaient fondées sur des constats objectifs et précis.
La refondation de l’école primaire en témoigne, puisqu’elle est tout entièreassise sur les résultats des enquêtes internationales PIRLS – Progress in international reading literacy study – et PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – et sur le rapport particulièrement clair et fouillé du Haut conseil de l’éducation.
Cet effort d’évaluation, que je tiens à saluer, à la fois sur le passé et sur le présent et fixant des objectifs pour l’avenir.
Il en va de mêmepour les prévisions qui déterminent le calibrage définitif du budget. C’est un exercice difficile, voire hasardeux, que de prévoir. Pourtant, il est important et même décisif que ces estimations soient aussi précises et solides que possible.
Sans évaluation, il ne peut y avoir de certitudes partagées avec l’ensemble des partenaires de l’école. L’évaluation claire, transparente et effectuée par une autorité qui ne soit ni juge ni partie est donc l’une de clefs du partenariat que, tout comme vous, j’appelle de mes vœux.
Vous l’avez démontré à de multiples reprises ces derniers mois, monsieur le ministre, en signant un nombre important de protocoles d’accord et de discussion.
Cet effort de concertation doit être salué, caril est unique dans l’histoire récente de ce ministère : jamais autant de chantiers n’avaient été ouverts en même temps, jamais ils n’avaient été conduits avec autant de volonté et, en même temps, d’ouverture. Cela mérite d’être souligné : il n’est pas une seule de vos actions dans laquelle un syndicat de personnels au moins ne vous accompagne.
de l’école pourra se transformer.
C’est pourquoi je suis convaincu que des partenariats pourraient être noués avec l’ensemble des membres de la communauté éducative, que j’ai tenus à recevoir.
Un partenariat pourrait être établi avec tous les personnels de l’éducation nationale, qui ne souhaitent qu’une chose, voir leur travail au service des élèves pleinement reconnu. Avec la revalorisation du métier d’enseignant, comme avec le protocole d’accord sur le métier d’inspecteur, vous avez témoignéde cette reconnaissance. Dès 2009, 188 millions d’euros seront consacrés aux mesures catégorielles, sans compter les crédits liés aux heures supplémentaires, qui portent le montant total de ces revalorisations à plus de 300 millions d’euros.
Les personnels de l’éducation nationale, ce sont aussiNe serait-il toutefois pas temps de nouer des conventions avec le secteur libéral pour garantir aux élèves qu’ils bénéficieront effectivement de cette aide dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit ?
Sur ces questions de personnels, permettez-moi toutefoishésitent à partir dès maintenant. Pouvez-vous les rassurer sur ce point ?
Ce partenariat pourrait également lier plus étroitement encore l’école aux familles.et plus particulièrement les familles modestes, qui pouvaient rarement offrir à leurs enfants les cours de soutien, les stages de langue ou les activités culturelles et sportives dont bénéficiaient nombre d’élèves.
Avec l’accompagnement éducatif, avec les heures de soutien au primaire, avec les stages offerts gratuitement à tout niveau, ces inégalités inacceptables seront réduites, et je suis convaincu que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous ne pourrons que nous en réjouir.
Pour autant, que vous aurez à cœur de continuer à le mener.
Permettez-moi également, mes chers collègues, d’insister un instant sur le cas des familles qui font le choix de scolariser leurs enfants dans le privé sous contrat, car c’est sur elles que retombe la charge financière des engagements que l’État prendet qu’il ne tient pas toujours avec toute la célérité voulue.
Il serait donc bon que toute revalorisation ne fasse pas l’objet d’un lissage systématique, a fortiori lorsqu’était intervenu un accord préalable ; je pense en particulier à la revalorisation du forfait « élève ».
Au cœur de ce partenariat, se situent également les collectivités territoriales. En quelques années, elles sont devenues le second partenaire financier de l’école après l’État, puisqu’elles acquittentà elles seules 22 % de la dépense publique d’éducation.
Elles ont donc vocationelles n’y sont pas opposées par principe, mais elles s’interrogent sur leurs modalités d’application. Vous pourriez donc les rassurer sur ce point.
Enfin, cette culture du partenariatEt je sais, monsieur le ministre, qu’elle recueille l’approbation du monde socio-économique.
Celui-ci pourrait toutefois s’exprimer plus encore, notamment à l’échelon régional. C’est déjà le cas lors de l’élaboration du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF. Il ne manque à ce dernier que d’avoir valeur d’engagement pour tous les partenaires concernés
Je souhaite vivementque la réforme de la formation professionnelle voulue par le Président de la République concerne aussi bien le segment de la formation continue que celui de la formation initiale.
Tous ces partenariats vous permettront de mener à leur terme et dans les meilleures conditions les réformes extrêmement ambitieuses que vous avez engagées.
Car cela ne fait aucun doute : le visage de notre école est en train de changer, en offrant désormais à chaque élève, à côté du temps de classe, un accompagnement individualisé synonyme de réussite.
Il était donc logique de réaffecter une partie des maîtres spécialisés des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté dans les classes. Ils pourront ainsi faire bénéficier leurs élèves, mais aussi leurs collègues, de leur expérience particulière en matière de remédiation.
et de redonner comme point de repère à l’école sa vocation républicaine d’institution de promotion sociale
Un seul point en témoigne, le non-renouvellement de 13 500 postesles moyens humains dont dispose le ministère.
Le rapporteur que j’ai été de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l’éducation nationale voilà quelques annéesêtre optimisé. Vous en avez eu le courage, monsieur le ministre, et cela méritait d’être souligné.
C’est pourquoi la commission des affaires culturelles a souhaitédans cette démarche.
d’un amendement de notre collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Cet enseignement est souvent la voie de la réussite pour des jeunes en situation d’échec scolaire. C’est lui qui répond le mieux
Je souhaite donc que le Gouvernement s’engage dans ce domaine et qu’il le fasse sur des crédits réels, qui ne seront ni gelésni affectés ailleurs en cours d’année. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vos engagements en la matière.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà huit années que la commission des affaires culturelles me fait l’honneur et le plaisir de me confier l’examen du budget de l’enseignement agricole et, sur cette période, je n’ai jamais connu une déception aussi forte qu’aujourd’hui.
Voilà un an, je rapportais devant vous le budget pour 2008 en faisant un double constat.
D’abord, les moyens prévus pour 2008 étaient extrêmement justes. Ensuite, des engagements avaient été pris afin de présenter, pour 2009, un budget plus ambitieux, condition nécessaire pour insuffler le nouveau souffle dont l’enseignement agricole avait besoin.
Un an plus tard, ce nouveau souffle est bien là et il prend la forme d’un cinquième schéma des formations en préparation, qui permettra sans doute – et je l’espère tout particulièrement, puisque j’ai eu l’opportunité de participer aux premiers stades de son élaboration – de donner un nouvel élan à l’enseignement agricole.
Si le projet est là, les moyens n’y sont pas.
Pour toute la communauté éducative que rassemble l’éducation agricole, c’est une immense déception. Pour la première fois, j’ai le sentiment que tous ceux qui font vivre cette exception remarquable sont au bord du découragement, voire, si rien n’est fait, du renoncement.
Cette année, tous m’ont dit l’impossibilité de continuer dans la direction indiquée par le projet de loi de finances, qui ne permettra ni de mettre en œuvre la rénovation prévue par le cinquième schéma, ni de maintenir en l’état l’offre éducative. Des suppressions massives de classes sont prévisibles. Selon certaines projections, officieuses, mais crédibles, elles pourraient concerner l’année prochaine soixante à quatre-vingt classes.
En apparence, ce budget peut pourtant paraître satisfaisant : il progresse en effet de 0, 64 %, alors que d’autres régressent ; il intègre quelques avancées, comme le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire pour accueillir plus de jeunes handicapés ; il prévoit un effort sur le remplacement de courte durée dans le public, grâce au recrutement centralisé de cinquante contractuels.
Cependant, ce budget n’est en réalité pas soutenable. Le seul chiffre de l’évolution de la masse salariale hors contribution de pension le démontre. La masse salariale régresse effectivement de plus de 1, 60 %. De ce point de vue, l’enseignement agricole, particulièrement l’enseignement agricole public, est clairement entré en récession.
En fait de récession, je devrais parler d’un krach : en deux années, les moyens humains de l’enseignement agricole public ont diminué de 6, 01 %. La raison en est simple : comme tous les ministères, celui de l’agriculture doit appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cela conduit mécaniquement à des coupes sévères dans les ressources humaines du ministère.
Bien entendu, mes chers collègues, la maîtrise de la dépense publique revêt un caractère impératif et nous ne pouvions continuer indéfiniment à accumuler des dettes supplémentaires aux dépens des générations à venir. Cependant, si l’effort de maîtrise doit être systématique, il ne peut être aveugle. Comme chacun de nous le sait bien, l’enseignement agricole ne faisait pas partie des services publics où les gains de productivité potentiels étaient légion.
Il s’agit d’un service public rural, mis en œuvre dans des lycées publics où règne un esprit particulier ainsi que dans des établissements privés qui n’ont cessé, depuis des années, de prélever sur leur propre trésorerie, c’est-à-dire sur les familles, les crédits qui leur manquaient. Or ces familles sont souvent celles d’élèves boursiers : dans l’enseignement agricole, plus d’un élève sur trois est effectivement boursier.
Du côté du privé, qui, pour des raisons historiques, est très présent dans l’enseignement agricole, la situation n’est pas meilleure, et ce pour chacune de ses composantes.
Les établissements du temps plein, tout d’abord, ne sont toujours pas parvenus à obtenir de l’État qu’il respecte ses engagements. Outre les salaires des enseignants qu’il prend à sa charge, l’État leur verse une subvention de fonctionnement calculée sur la base des dépenses de fonctionnement des lycées agricoles publics. Tous les cinq ans, le coût de l’élève dans le public doit donc être réactualisé, pour revaloriser en conséquence la subvention. Cette actualisation revêt néanmoins les apparences d’une épopée : le plus souvent, l’enquête quinquennale prévue par le code rural sur le coût de l’élève n’est pas menée et, lorsqu’elle l’est, sa prise en compte devient un véritable feuilleton.
Tel est à nouveau le cas depuis 2006 : une enquête a été réalisée – ce fut déjà l’objet de rudes négociations – et ses résultats ont été publiés en 2007. Le ministère, qui aurait dû en tenir compte en 2008, s’y est refusé faute de crédits, tout en promettant de le faire en 2009.
Ce ne sera évidemment pas le cas : la première tranche de crédits de paiement est prévue pour 2010, le reste étant versé en 2011, puis en 2012. En 2012, la subvention de fonctionnement sera donc calquée sur ce qu’elle était, en 2006, dans le public. À l’évidence, cela n’a rien de sérieux.
C’est pourquoi les établissements du temps plein ont, après deux années de négociations infructueuses, décidé d’engager une action contentieuse, qu’ils gagneront : les règles fixées par le code rural sont très claires, elles s’appliqueront mécaniquement et l’État sera condamné. Nul ne le conteste au demeurant.
Pour éviter ce contentieux, il aurait suffi de verser la première tranche de la revalorisation dès 2009 et de l’achever en 2011. Je m’interroge, mes chers collègues, sur les raisons qui ont pu conduire le ministère du budget à refuser, lors des négociations budgétaires, une mesure qui aurait évité à l’État une condamnation rétroactive pour manquement à ses obligations légales et réglementaires.
Quant à la troisième composante de l’enseignement agricole, l’enseignement dit « du rythme approprié », c’est-à-dire en alternance, sa situation n’est plus avantageuse qu’en apparence.
La subvention de fonctionnement versée au temps approprié a effectivement fait l’objet d’un rattrapage de 19 millions d’euros étalé sur quatre ans – la dernière tranche est versée cette année. En échange de ce rattrapage, les établissements ont été contraints de déclarer des effectifs d’élèves accueillis inférieurs à ce qu’ils sont en réalité et d’assumer la charge de l’éventuelle différence. Bon gré mal gré, la subvention du rythme approprié n’en a pas moins nettement progressé depuis trois ans. Il faut dire qu’elle partait de très loin. Cela dit, comme souvent avec l’État, les chiffres inscrits en loi de finances sont bien différents des sommes effectivement versées.
Entre-temps, le gel budgétaire a fait des ravages. Il affecte particulièrement l’enseignement agricole privé pour deux raisons.
D’une part, n’étant pas des dépenses dites de titre II, c’est-à-dire de personnel, les subventions versées à l’enseignement privé se voient appliquer un taux de mise en réserve en début d’année extrêmement important. Il s’élève à près de 10 % pour le rythme approprié et de 20 % pour le temps plein.
D’autre part, le ministère de l’agriculture doit, en cours d’année, faire face à des intempéries et calamités agricoles diverses, qui justifient moult plans d’action et d’urgence financés par voie d’annulation de crédits sur les autres lignes du ministère. Or que fait le ministre du budget lorsqu’il doit annuler des crédits ? Il supprime définitivement les crédits gelés en début d’année. Les subventions au privé s’en trouvent chaque année plus que rabotées et les reports de charge se multiplient.
Le résultat en est simple : l’effet de la mise à niveau de la subvention du temps approprié sur quatre ans est annulé chaque année. Cette revalorisation équivaut à un peu moins de 20 millions d’euros versés sur quatre ans. Or, chaque année, entre 20 et 25 millions d’euros ne sont pas versés au rythme approprié pour cause de gels, puis d’annulations.
Par ailleurs, étant endémiques, ces gels conduisent à l’accumulation, année après année, de nouveaux reports de charge. Au total, ils pourraient atteindre en 2009 le montant – rendez-vous compte – de 58, 52 millions d’euros, dont 46 millions concernent les seules subventions versées à l’enseignement privé.
À l’évidence, tout cela n’est pas de bonne gestion. Il est temps de remettre à niveau l’enseignement agricole dans son ensemble : toutes ses composantes souffrent, qu’elles soient publiques ou privées. Toutes doivent être aidées pour retrouver un nouveau souffle.
C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires culturelles un amendement, qu’elle a adopté à l’unanimité. Il permettrait de remettre à niveau les crédits de l’enseignement agricole une fois pour toutes, en lui attribuant les 51 millions d’euros dont il a besoin, notamment pour annuler l’effet des suppressions d’emplois dans un enseignement public désormais exsangue, pour tenir les engagements pris par l’État vis-à-vis des établissements du temps plein et pour combler le déficit creusé dans la trésorerie des établissements du rythme approprié par le « découvert sans frais » que l’État s’est autorisé via les reports de charges.
Compte tenu des contraintes de l’article 40 de la Constitution, c’est par voie de prélèvement sur le budget de l’éducation nationale que cette remise à niveau doit se faire. Permettez-moi de vous le dire d’emblée, ce prélèvement ne représentera pas grand-chose pour elle, puisque 50 millions d’euros équivalent à 0, 08 % de ses crédits.
J’en suis d’autant plus convaincue qu’il existe, si ce n’est dans les structures, du moins dans les faits, une vraie complémentarité entre les deux formes d’enseignement.
Ainsi l’enseignement agricole assure-t-il, dans les territoires ruraux, une indiscutable mission de remédiation : ses classes de quatrième et de troisième remettent souvent sur pied des élèves que l’Éducation nationale n’a pas su faire progresser. Ces élèves sont très souvent des boursiers – c’est le cas d’un élève sur trois dans l’enseignement agricole, alors que la proportion d’élèves boursiers n’est que d’un quart dans l’enseignement en général. Enfin, l’insertion des diplômés de l’enseignement agricole est remarquable. Une enquête commune aux deux ministères montre que le taux moyen d’insertion à 7 mois des diplômés de l’enseignement agricole est supérieur de près de 9 % à celui des élèves formés dans les établissements dits « classiques ».
Je crois donc qu’il nous incombe, de manière parfaitement cohérente avec la logique de résultats de la LOLF, de revenir sur des arbitrages gouvernementaux manifestement erronés en donnant aujourd’hui à la complémentarité existant entre ces deux formes d’enseignement le visage de la solidarité.
À long terme, la gestion budgétaire du programme devra toutefois changer – je rejoins sur ce point Gérard Longuet, rapporteur spécial. C’est pourquoi l’amendement que je vous propose d’adopter aujourd’hui est bien un amendement pour solde de tout compte. À cet égard, je veux être très claire ; c’est la dernière fois, je m’y engage, que je vous propose d’intervenir sur le budget de l’enseignement agricole.
Au nom de la commission, j’adresse au ministre de l’agriculture et de la pêche un message particulièrement explicite : il vous reviendra à l’avenir de faire les arbitrages budgétaires nécessaires à la survie de l’enseignement agricole. La commission souhaite que vous preniez des engagements très clairs à ce sujet pour que, tant en autorisation qu’en exécution, le budget de l’enseignement agricole ne soit pas la victime expiatoire des arbitrages opérés par ailleurs.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Au vu de l’ensemble de ces éléments, vous comprendrez donc, mes chers collègues, que j’aie recommandé à la commission des affaires culturelles de donner un avis défavorable à l’adoption en l’état des crédits de la mission. Elle m’a fait l’honneur de me suivre à l’unanimité et a subordonné tout avis favorable à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai ce matin.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement professionnel est sous les feux de l’actualité avec la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans.
S’il n’y avait que la notoriété soudaine dont il bénéficie désormais, la généralisation serait une excellente nouvelle pour l’enseignement professionnel. À cet égard, je salue, monsieur le ministre, l’intérêt que vous témoignez à cette forme d’enseignement. Faute d’une dignité suffisante aux yeux de l’opinion publique, la voie professionnelle a effectivement trop souvent été reléguée au deuxième plan.
Je regrette toutefois la forme que prend cet intérêt. Permettez-moi de le préciser, mes fortes réserves tiennent non pas à l’existence du baccalauréat professionnel en trois ans, mais aux risques que fait courir sa généralisation.
Pour certains élèves, capables de suivre un tel rythme, ce sera un parcours de réussite. Les expérimentations l’ont d’ailleurs montré.
Cependant, elles démontrent également que la grande majorité des élèves n’est pas capable de suivre un tel cursus. Près de 50 % des lycéens concernés ne parviennent pas jusqu’au diplôme et quittent le lycée sans aucune qualification.
C’est, au demeurant, logique. Les élèves qui fréquentent l’enseignement professionnel ont souvent connu des difficultés scolaires. II faut leur laisser le temps de reprendre confiance et de construire de nouveaux parcours de réussite.
C’est pourquoi l’enseignement professionnel était jusqu’ici caractérisé par une grande diversité. Le CAP, certificat d’aptitude professionnelle, se préparait en une, deux ou trois années. Le BEP, brevet d’études professionnelles, pouvait être passé la même année que le CAP. Les cursus de BEP et de baccalauréat professionnel pouvaient être fondus en des parcours de trois ans. C’est cette diversité qui est menacée par la généralisation.
Pour répondre aux inquiétudes, vous avez souhaité maintenir le BEP, qui sera passé en fin de deuxième année. Vous souhaitez ainsi garantir à tout élève l’obtention d’une qualification minimale. Cependant, quelle valeur aura-t-elle ?
Passé essentiellement sous la forme de contrôle en cours de formation, préparé dans des conditions plus ou moins rocambolesques, ce BEP sera une forme de « bac-1 » et ne jouira plus de la reconnaissance qui était la sienne jusqu’à présent.
Cette reconnaissance était effectivement bien plus forte qu’on ne le croit généralement.
Il est vrai que le BEP n’a jamais totalement éclipsé le CAP, essentiellement parce que le BEP, à la différence du CAP, était tout à la fois un diplôme propédeutique et une qualification professionnelle. Certains secteurs sont donc restés très friands du CAP et méfiants à l’endroit du BEP.
Cependant, les chiffres sont là. L’insertion des titulaires d’un BEP est supérieure à celle des titulaires d’un CAP. Dès lors, pourquoi prendre le risque de faire disparaître une formation qualifiante ? Pourquoi le faire au profit d’un diplôme, le CAP, qui donne de moins bons résultats pour l’insertion et qui permet moins facilement de poursuivre des études ?
C’est pourquoi cette généralisation hâtive m’inquiète, d’autant que cette expérimentation n’a jamais été conduite dans l’optique d’une généralisation.
C’est d’ailleurs pour cela que ni les référentiels ni les programmes des nouveaux baccalauréats professionnels ne sont encore prêts.
Comme l’immense majorité des interlocuteurs que j’ai rencontrés, je crains les conséquences de cette généralisation. Pour qu’elle ne pénalise pas les élèves, je ne vois qu’une solution, monsieur le ministre : mettre fin à l’orientation par l’échec, qui fait de l’enseignement professionnel une voie de remédiation tout autant que de qualification.
Le mal vient de loin. C’est au collège que se construit l’échec scolaire, qui conduit à l’orientation vers la voie professionnelle. Si le collège unique n’a tenu qu’une part de ses promesses, c’est qu’il est resté un collège général. À l’issue de la troisième, il n’y a, en effet, qu’un débouché naturel : la seconde générale et technologique.
Les élèves à qui cette forme d’enseignement ne convient pas sont donc orientés par l’échec. Ce constat, nul ne le conteste. Pourtant, rien ne change.
Vous aviez annoncé l’année dernière la création du « parcours de découverte des métiers et des formations ». Au premier abord, la mesure semblait ambitieuse. Le dispositif devait permettre de dissiper les préjugés qui alimentent l’orientation par l’échec, et ce de deux manières.
Tout d’abord, il était prévu que, pour préparer son orientation, chaque élève visiterait un lycée général et technologique, un lycée professionnel et un centre de formation d’apprentis, un CFA. Ce projet a fait long feu : la circulaire sur les parcours de découverte s’est réduite à la visite d’un des trois types d’établissements au choix. Il n’y a rien de nouveau donc, puisque c’était déjà le cas. L’« entre-soi » continuera à prédominer et la découverte n’aura pas lieu.
Ensuite, les premières annonces sur ce parcours de découverte laissaient espérer également un contact plus régulier avec la diversité des métiers, via des stages, des visites, des rencontres. Au final, il ne s’agit que de dix journées sur quatre années – ce qui est peu –, passées en entreprise ou en relation avec des professionnels. Là encore, la découverte n’aura pas lieu.
Ce dispositif était pourtant nécessaire. De plus en plus nombreux sont, en effet, les étudiants qui, après quelques années, se découvrent une vocation pour un métier qui n’a rien à voir avec la formation générale qu’ils ont suivie.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, il vous faut vous emparer de cette nécessité impérieuse : l’école doit aussi faire naître des vocations et ne plus laisser jouer à plein les inégalités scolaires et sociales, qui font que le fils d’ouvrier s’imagine en ouvrier et le fils de cadre en cadre. Il faut ouvrir les esprits.
Cela suppose un véritable engagement, bien sûr, mais aussi des personnels pour guider ce travail de découverte et d’orientation.
Or, pour l’heure, nul n’est vraiment responsable de l’orientation dans le système éducatif. Le code de l’éducation précise, d’ailleurs, que l’orientation est du ressort de l’ensemble de la communauté éducative.
Au final, personne ne s’investit pleinement dans cette mission, à l’exception des conseillers d’orientation-psychologue, qui ne sont que 5 000 environ pour plus de 7 000 établissements du second degré.
C’est pourquoi, je veux vous faire la proposition d’attribuer à chaque élève un adulte référent. Ce dernier serait chargé de le suivre, de le rencontrer régulièrement, de l’aider à réfléchir à son avenir, à trouver un stage utile pour son projet, en un mot, de l’aider à s’orienter.
Bien entendu, il faudrait former ces adultes référents. À coût quasi constant, monsieur le ministre, il y aurait ainsi moyen de changer les choses et de donner un peu de chair à « l’éducation à l’orientation » dont parlent les textes, mais qui, pour l’heure, ne recouvre pas grand-chose !
Je formulerai, enfin, une dernière suggestion : il faut continuer à recruter des conseillers d’orientation-psychologue et leur confier pour mission de coordonner l’action de ces adultes référents.
Ces derniers adresseraient aux conseillers d’orientation-psychologue les élèves qui en ont besoin et viendraient chercher auprès d’eux toutes les informations nécessaires.
Les conseillers d’orientation-psychologue pourraient également gérer des banques de stage, proposées par les familles. Ce stage de troisième pourrait alors être un vrai moment de découverte et d’ouverture aux métiers, et non plus un stage de confort, fait avec ses parents ou avec des amis de la famille.
En faisant enfin de l’orientation une véritable priorité, en ouvrant les élèves à la diversité des métiers, l’orientation par l’échec pourrait enfin cesser d’être une réalité.
Pour cela, il faut des moyens. Or je m’interroge, monsieur le ministre : pourquoi l’enseignement professionnel sous statut scolaire ne sera-t-il pas relativement préservé en 2009, comme le sera, à vous entendre, le lycée général et technologique ?
Cela fait beaucoup d’incertitudes. C’est pourquoi je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire », auxquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un amendement rééquilibrant les crédits de l’enseignement agricole.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux groupes UMP, socialiste, UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : question, deux minutes trente ; réponse, deux minutes trente ; réplique éventuelle, une minute.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de l’enseignement scolaire.
Derrière les chiffres couchés sur les 360 pages de ce budget, se joue une partie de l’avenir de milliers d’écoliers, de collégiens et de lycéens. Or il ressort de leur lecture – je devrais dire de leur « décryptage » – une bien étrange impression : celle d’un terrible décalage entre ce que vous annoncez, monsieur le ministre, en préambule de ce budget et la réalité des chiffres qui le composent.
Ce budget donne l’impression d’une insincérité – le mot n’est pas trop fort – qu’il est impossible de taire tant les mesures que vous multipliez depuis deux ans visent à déconstruire notre système public de l’éducation.
C’est ce qu’a bien compris la communauté éducative, qui s’est mobilisée en force le 20 novembre dernier.
Vous nous parlez de « nouveaux services » à destination des élèves et de leurs familles. Comment expliquer alors que l’action intitulée « Accueil et service aux élèves », dans le programme « Vie de l’élève », où l’on devrait justement retrouver cet effort de l’État, ne représente plus que 0, 7 % de ce programme contre 20, 3 % l’année dernière ?
Dans le secondaire, petit à petit, vous videz les établissements de tous les adultes qui contribuent à la vie scolaire des élèves : surveillants, conseillers principaux d’éducation, conseillers d’orientation-psychologue, et je ne parle pas des infirmières, dont le recrutement pose problème !
Bientôt, ce sera aux enseignants d’assumer toutes ces tâches. Comment tiendrez-vous, dans ces conditions, les objectifs que vous annoncez dans la présentation de ce programme ?
Je veux dire un mot sur l’accueil des élèves handicapés. Vous prétendez accroître leur accueil. Mais, en comparant les chiffres de cette année avec ceux de l’année dernière dans le premier degré, l’école a, en réalité, accueilli moins d’élèves handicapés, soit 1 401 élèves handicapés de moins.
Vous nous parlez d’enseignants « mieux payés » et « mieux formés ».
Les enseignants sont-ils mieux payés ? Les suppressions de postes n’ont pas permis aux enseignants de gagner plus. Elles ont compensé pour partie le coût du vieillissement des corps, qui, à lui seul, explique que vous nous présentiez un budget en hausse.
Les enseignants sont mieux payés à condition, donc, qu’ils acceptent d’allonger leur temps de travail en faisant des heures supplémentaires. Vous consacrez de nouveau d’importants moyens aux heures supplémentaires – près de 1 milliard d’euros – sans justifier de l’efficacité de ce choix : votre budget ne comporte aucune indication sur leur consommation ni sur leur utilisation. Comment, dès lors, mesurer et garantir la performance de cette politique, qui vise à institutionnaliser les heures supplémentaires comme seul mode de gestion ?
Les enseignants sont-ils mieux formés ? Les crédits et les moyens de formation sont en baisse. En deux ans, dans le premier degré, 3 670 postes de stagiaires seront supprimés.
Avec la disparition programmée des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, et la « mastérisation », on peut légitimement s’interroger sur les moyens qui seront consacrés à la formation des enseignants, notamment à leur formation initiale, et ce d’autant que ce budget, monsieur le ministre, indique clairement vouloir renforcer la forte contribution qu’y apporte le milieu scolaire. En clair, les enseignants se formeront directement sur le terrain devant les élèves.
Je m’interroge également sur la question des effectifs. Cette année, sont prévues 11 200 suppressions de postes et 13500 en 2009, qui s’ajoutent aux 35 000 postes détruits depuis 2003.
Dans le second degré, vous justifiez une partie de ces 13 500 suppressions de postes par la poursuite de la baisse du nombre d’élèves en 2008. Cette baisse est pourtant ralentie dans les collèges. Ils accueilleront 8 000 élèves de plus en 2009. Il suffit de se reporter à l’évolution des effectifs en primaire – en hausse continue depuis 2004 – pour prévoir que ceux du second degré repartiront irrémédiablement à la hausse.
Dans quelles conditions seront accueillis ces futurs collégiens et lycéens alors que vous continuez à supprimer en masse les postes d’enseignants stagiaires – plus de 3 000 postes ont été supprimés en deux ans dans le secondaire – et que vous ne remplacez pas les départs en retraite ? Comment, dès lors, garantir que le taux d’encadrement des élèves ne sera pas remis en cause ?
Dans le primaire, pour la première fois, une hausse des effectifs se traduit par une baisse des postes. En 2009, 14 000 enfants de plus sont attendus dans les écoles par rapport à 2008, et le solde des emplois affiche 5 500 postes de moins.
Parallèlement, votre schéma d’emplois mentionne la création, « à caractère provisionnel », de 500 postes de personnels administratifs pour accompagner la création des futurs établissements publics du premier degré. Mais la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale n’a même pas été votée !
À l’inverse, vous justifiez la suppression de 500 postes administratifs par les économies induites par le déploiement du logiciel de gestion Chorus. Or, selon Bercy, le déploiement de ce logiciel pour votre ministère n’est pas à l’ordre du jour en 2009 !
Avec cette logique, on comprend mieux votre décision de « sédentariser » 3 000 postes de réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED : 3 000 postes, c’est justement le nombre d’enseignants partant à la retraite qui ne seront pas remplacés en 2009. Quel tour de magie !
Sinon comment expliquer cette décision ? S’explique-t-elle par le manque de performance des RASED ? Encore aurait-il fallu les évaluer. Or leur action n’a pas été évaluée nationalement depuis 1996.
S’explique-t-elle par la mise en place des deux heures d’aide personnalisée ? L’aide personnalisée et l’aide spécialisée sont deux choses bien distinctes. Surestimer les possibilités de la première et dénigrer la seconde, c’est nier le besoin d’une réponse spécifique pour les élèves confrontés à une difficulté durable et globale.
Tous les enseignants, mais aussi les parents d’élève qui ont bénéficié du soutien des RASED le savent, d’où leur forte mobilisation. J’y reviendrai lors des questions.
Quant à la mise en place de cette aide personnalisée rendue possible par la suppression de l’école le samedi, il faudra évaluer son efficacité et ses conséquences sur l’organisation du temps scolaire, notamment parce qu’elle revient à allonger les journées de classe et à les concentrer sur quatre jours.
Il est vrai que vous n’avez rien imposé en la matière. Cependant, la rapidité de la mise en œuvre de cette mesure a pris de cours les équipes pédagogiques comme les collectivités territoriales. J’insiste, cette année encore, sur la question de l’évaluation tant revendiquée, mais si discrète dans les faits.
Pour le primaire, vous avez créé deux nouveaux outils d’évaluation en CE1 et CM2. Connaîtront-ils le même sort que les indicateurs de performances censés évaluer en fin de troisième la maîtrise du socle commun institué par la loi Fillon ?
Cette année encore, ces indicateurs ne sont quasiment pas renseignés. Les résultats de ces évaluations nationales du primaire seront-ils rendus publics et comment le seront-ils ?
Tout cela demande à être clarifié, car je m’interroge sur l’interprétation de ces informations dans un contexte de suppression de la carte scolaire, et ce d’autant qu’une étude, non publiée par votre ministère, réalisée en 2007 par deux inspecteurs de l’éducation nationale sur les premiers assouplissements de la carte scolaire pointe du doigt le risque accru de « ghettoïsation » de certains établissements.
La même méthode est appliquée pour la maternelle et la scolarisation des enfants de deux ans. L’école maternelle est un lieu d’apprentissage, un lieu où les enseignants apprennent aux enfants à apprendre, un lieu déterminant pour effectuer le repérage des premières difficultés. L’école maternelle est donc utile, et elle a besoin de moyens en personnels ainsi qu’en formation.
C’est pourquoi je vous demande de nouveau de rendre l’école maternelle obligatoire dès trois ans et de ne pas fermer la porte de l’école aux enfants de deux ans.
Décidément, monsieur le ministre, chaque budget qui passe démontre combien l’affirmation de qualité fondée sur le dogme de la réduction des moyens est inconciliable avec le maintien d’un véritable service public de l’éducation, laïque et gratuit. Oui, le système éducatif a besoin de réformes, mais ces réformes ont besoin de se fonder sur une réelle concertation. Ce n’est pas le cas aujourd'hui.
La communauté éducative se mobilise depuis deux ans, non pas pour défendre le statu quo, ni pour refuser le principe d’une réforme, ni encore parce qu’elle serait guidée par une « culture de la grève ».
Vous réduisez de fait cette forme d’expression démocratique qu’est la grève à l’expression étroite d’intérêts particuliers, ce qui revient à disqualifier la parole que portent ces enseignants, ces personnels de l’éducation, de la recherche, ces parents d’élèves, ces lycéens.
Des réformes similaires, pareillement guidées par la feuille de route fixée en 2000 par la stratégie dite de Lisbonne, rencontrent aussi une vive protestation en Italie, où les universités sont occupées par les étudiants.
J’évoquerai brièvement le service minimum.
La pratique a démontré l’impossibilité pour de très nombreuses communes de le mettre en place, faute de personnels. Aujourd’hui, des communes se retrouvent assignées en référé devant les tribunaux administratifs.
Monsieur le ministre, la communauté éducative n’a pas besoin que vous lanciez des appels pour la surveiller. Elle a besoin d’être écoutée, entendue et associée dans sa volonté de faire progresser notre système éducatif, d’assurer la réussite de tous les élèves, en refusant la fatalité de l’échec et la reproduction des inégalités.
C’est pourquoi, loin de nous en tenir à la seule question des postes, nous proposons un ensemble de dispositions et de démarches pour répondre aux exigences actuelles, au premier rang desquelles figure la lutte contre les inégalités. Je pense, notamment, à la création immédiate d’observatoires des scolarités et d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires.
Cela suppose bien sûr de développer la recherche en éducation et de mener une rénovation du recrutement et de la formation professionnelle des personnels.
Pour l’ensemble des raisons que je viens de citer, mon groupe émettra un vote négatif sur les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est présenté illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire.
Avec 60 milliards d’euros de crédits en 2009, l’enseignement reste très légitimement le premier budget de l’État.
Mais, au-delà de cette réalité, je veux souligner que l’effort en faveur de l’enseignement se mesure également par le choix assumé de poursuivre l’ambitieuse politique de réforme en faveur de l’éducation voulue par le Président de la République.
Depuis dix-huit mois, cette politique a été menée à un rythme soutenu, sans équivalent depuis bien longtemps, ce qui correspond à l’urgence de la situation et à l’attente des Français.
Ceux-ci, viscéralement attachés à l’éducation nationale, véritable socle de notre pacte républicain, se lamentaient de voir, depuis de trop longues années, l’école presque dans l’incapacité de se moderniser.
Les réformes actuellement mises en œuvre sont absolument nécessaires pour la sauvegarde du service public de l’éducation nationale, car les résultats de notre système éducatif ne sont plus satisfaisants, au regard de l’investissement budgétaire de la nation et de l’investissement du corps enseignant.
On évalue à 15 % la proportion des élèves qui entrent au collège sans maîtriser la lecture, l’écriture ou le calcul : cette réalité inacceptable exige une action forte des pouvoirs publics. Le budget pour 2009 donne précisément les moyens de prolonger et d’amplifier les réformes de fond engagées.
Je pense d’abord à la réforme de l’école primaire, qui vise à favoriser la réussite scolaire de tous avec l’objectif de diminuer par trois le nombre d’élèves en grande difficulté.
Cela se traduit en particulier par de nouveaux programmes plus clairs et recentrés sur les apprentissages fondamentaux mais également par une meilleure prise en charge des élèves en difficulté grâce aux deux heures dégagées par la suppression des cours le samedi matin.
Le budget pour 2009 illustre également les efforts déployés pour aider les enfants issus de familles modestes à réussir. Il concrétise l’objectif d’égalité des chances par un engagement financier marqué en faveur de l’éducation prioritaire.
Les stages gratuits de remise à niveau pendant les vacances pour les élèves sont un véritable succès.
Le programme de réussite éducative s’ajoute aux autres dispositifs.
Il faut donner les moyens d’amplifier ce mouvement que vous avez initié, monsieur le ministre. Toutes ces mesures prouvent bien votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire et de renforcer les chances de réussite de chaque élève, quel que soit son milieu d’origine.
Je tiens également à souligner les mesures prises pour la modernisation du secondaire, en particulier pour la mise en œuvre sur trois ans de la réforme du lycée d’enseignement général et pour la poursuite de la rénovation de la voie professionnelle, avec la généralisation à partir de l’an prochain du baccalauréat professionnel en trois ans.
Dans ce contexte, certains s’empressent déjà de demander pourquoi il faudrait réformer le lycée alors qu’il a permis à des milliers de Français d’accéder au baccalauréat, puis aux études supérieures. Les Français sont fiers de leur lycée et ils ont raison de l’être.
Depuis plusieurs décennies, le lycée a connu des bouleversements et a dû accueillir des populations d’élèves toujours plus nombreuses et toujours plus diverses avec pour mission l’accès au baccalauréat.
Toutefois, il ne faut pas que le lycée demeure figé dans son modèle actuel ; il doit franchir une nouvelle étape pour s’adapter à la société du XXIe siècle.
La réforme que vous souhaitez engager, monsieur le ministre, permettra aux lycées d’assurer une meilleure préparation aux études supérieures et d’offrir de nouveaux services aux élèves des lycées généraux et technologiques pour leur permettre de mieux s’orienter.
Ainsi, la nouvelle classe de seconde qui sera mise en place à la rentrée 2009 se caractérisera par une meilleure organisation du temps scolaire dans l’année et dans la semaine.
L’année scolaire comportera deux semestres et quatre rendez-vous annuels avec l’élève au lieu de trois aujourd’hui : deux conseils de mi-semestre et deux conseils de fin de semestre, où sera notamment abordée l’orientation de l’élève.
Cette nouvelle organisation s’accompagnera d’un soutien scolaire adapté, d’une aide méthodologique, d’un conseil d’orientation, d’un travail interdisciplinaire et, pour ceux qui le souhaitent, d’un travail d’expertise. C’est une conception totalement nouvelle de la classe de seconde qui va être mise en œuvre.
La nouvelle semaine scolaire comportera trois grands ensembles : des enseignements généraux de tronc commun sur une durée totale de vingt et une heures, auxquels s’ajouteront six heures d’enseignements complémentaires proposés sous forme de modules, ainsi qu’un accompagnement personnalisé de trois heures hebdomadaires.
Pour mettre fin à certaines polémiques, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier certains points, à savoir : d’une part, les répercussions budgétaires qu’entraînera la réforme du lycée et, d’autre part, la question du niveau d’encadrement des classes par le personnel enseignant et non enseignant.
Sur un plan pratique, pourriez-vous, monsieur le ministre, préciser les orientations de la nouvelle classe de seconde, notamment le dispositif de « droit au changement » des élèves, s’il s’avère qu’ils se sont manifestement trompés dans leur choix ?
Concrètement, comment un élève qui souhaiterait changer d’orientation pourrait-il rattraper les enseignements qu’il n’aurait pas suivis au cours du premier semestre ? La communauté éducative attend une réponse rapide de manière que le projet ne soit pas mis en œuvre dans l’urgence.
Pour conclure, je veux souligner que le budget qui nous est présenté traduit bien une véritable politique de réforme et de modernisation de l’éducation nationale, qui bénéficie à toute la communauté éducative : élèves, familles et enseignants.
Vous pouvez donc compter sur le soutien du groupe UMP, monsieur le ministre, pour accompagner le profond et nécessaire mouvement de modernisation que vous avez engagé.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, notre collègue Jean-Claude Carle vous a tout à l'heure souhaité une bonne fête mais je pense qu’en tant que ministre de l’éducation nationale vous êtes à la fête tous les jours !
Sourires
Les enseignants font en sorte que vous soyez toujours à la fête, mais sachez que nous sommes à vos côtés pour vous aider.
Je ne ferai pas de commentaires sur ce budget. Je voudrais simplement appeler votre attention sur quelques points, en adoptant, à l’instar de mon collègue Gérard Longuet, un style un peu cursif afin de respecter mon temps de parole et nous permettre d’examiner ce budget dans le délai imparti.
Le premier sujet sur lequel je souhaite obtenir de votre part quelques assurances est celui des expérimentations qui ont été mises en place pour l’enseignement précoce des langues étrangères dès la maternelle.
Le département dont je suis élu est actuellement concerné par une telle expérimentation, et je me réjouis que votre ministère ait accepté de signer une convention tripartite avec la structure intercommunale que je préside et le conseil général. Je voudrais toutefois savoir si seront reconduits les moyens humains permettant la poursuite de cette expérimentation.
Le ministère a-t-il prévu le fléchage des enseignants dans les groupements qui expérimentent l’enseignement précoce ?
Le ministère entend-il toujours privilégier les natifs de la langue ? Nous savons en effet que les chances de réussite sont meilleures lorsque cet enseignement est assuré par des natifs de la langue.
Le ministère procède-t-il assez régulièrement à une évaluation de ces expérimentations et entend-il en tirer des enseignements afin de généraliser l’enseignement précoce des langues dès la maternelle dans l’enseignement public ? Actuellement, cet enseignement n’est assuré qu’à raison de trois quarts d’heure par semaine à partir du CE1 ou du CE2 mais ne l’est pas à la maternelle.
Une question revient régulièrement dans la bouche des parents d’élèves : pourquoi ne privilégie-t-on pas l’enseignement de l’anglais, dont certains considèrent, à tort sans doute, qu’il est devenu la langue universelle ?
Il me semble utile de donner des explications à l’opinion publique sur la volonté du Gouvernement de ne pas privilégier une langue plutôt qu’une autre. Chacun sait que l’acquisition d’au moins deux langues étrangères permet d’en acquérir plus facilement une troisième ou une quatrième.
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est le service minimum.
Monsieur le ministre, sur la question du service minimum, le recteur de l’académie de Créteil, qui était présent au congrès des maires de France, a été un peu malmené.
Le Président de la République est ensuite intervenu pour donner quelques assurances. Le recteur a fait valoir que vous étiez en conseil des ministres à trois heures de l’après-midi et, en même temps, que vous étiez à Bruxelles ! Cela n’a pas été très bien vécu par les maires au congrès, et cela a créé certains mouvements, mais ce n’est pas l’objet de mon intervention.
Il s’agissait du conseil des ministres européen !
Il aurait dû, dans ce cas, être plus précis.
À l’époque où nous avons discuté du texte sur le service minimum, j’ai fait valoir que je ne comprenais pas pourquoi nous n’avions pas adopté pour l’école un dispositif similaire à celui qui a été mis en place dans les transports publics.
On m’a alors répondu qu’il y avait une différence fondamentale entre les deux dispositifs : à la SNCF, le service est assuré tandis qu’à l’école il s’agit simplement d’accueillir les enfants et d’en assurer la garde.
Or, pourquoi les enseignants, tout en n’assurant pas les cours puisque c’est la grève, ne pourraient-ils pas garder eux-mêmes les enfants ? Le personnel de l’éducation nationale est quand même le premier responsable de ses élèves. Cela, en tout cas, faciliterait la tâche des maires.
Cela étant, c’est un point de vue personnel et j’admets volontiers que ce n’est pas facile à mettre en œuvre.
Permettez-moi de lister rapidement les problèmes rencontrés.
En tant que président d’une association départementale de maires, j’ai eu vent des difficultés auxquelles ceux-ci sont confrontés. J’en ai fait part à Jacques Pélissard, le président de l’Association des maires de France, et j’ai cru comprendre que le Président de la République avait l’intention, avec vous, monsieur le ministre, de les prendre en considération.
Le premier problème qui se pose aux maires, c’est le délai de quarante-huit heures. Ce délai est trop bref, notamment pour les mairies des petites communes rurales qui n’ont pas de permanence quotidienne pour assurer la réception des mails transmis par l’inspection d’académie.
La deuxième difficulté est liée à l’établissement des listes de volontaires. Selon les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, juridiquement, leur statut ne leur permet pas d’assumer cette fonction de garde. J’aimerais donc qu’on lève cette ambiguïté, parce que c’est un élément qui est mis en avant pour ne pas assurer le service.
Un autre problème se pose également avec les agents territoriaux, qui affirment que cette mission n’est pas de leur compétence et ne correspond pas à leur statut.
La réquisition de ces agents ne peut être que le fait du préfet, non celui du maire. On risque d’être confronté, en outre, à une grève généralisée de ces agents eux-mêmes.
Je pointe ces difficultés pour montrer que, pour un maire d’une petite commune rurale, il n’est pas évident, même s’il y est favorable, de mettre en place ce service minimum.
Au-delà du problème de l’encadrement des enfants et de la qualification des intervenants, se pose la question de la responsabilité pénale des maires, qui sera invoquée si des enfants sont confiés à une personne qui n’a pas les compétences requises.
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, laissez-moi terminer, parce que j’ai déjà dépassé de quarante-cinq secondes mon temps de parole !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Enfin, pour s’assurer de la neutralité financière du coût du service minimum, pourquoi ne pas suivre la méthode adoptée par Mme la ministre de l’intérieur pour les passeports biométriques. Elle a en effet demandé à M. Jacques Pélissard d’en évaluer le coût de gestion pour les communes ? Nous pourrions en tirer des enseignements.
Monsieur le ministre, voilà les quelques points sur lesquels je souhaitais attirer votre attention. Je n’aborde pas la question des RASED, d’autres l’ont évoqué, mais il serait intéressant de mesurer les conséquences du nouveau dispositif pour les enfants en difficulté. Je n’en doute pas, vous saurez apaiser nos inquiétudes sur ce point.
Monsieur le ministre, vous avez beaucoup de mérite à exercer cette fonction. Je vous en félicite !
Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, n’est- ce pas un tableau bien noir que vous dressez pour l’avenir de l’enseignement scolaire en nous proposant d’adopter ce projet de budget pour 2009 ?
L’enseignement scolaire, qui est au cœur de notre socle républicain, est pourtant un pari sur l’avenir, un investissement qui doit préparer nos enfants à relever les défis de la société de la connaissance et de l’information virtuelle.
L’éducation nationale, son bras armé, est l’un des derniers services publics régaliens de l’État. Elle doit garantir l’égalité d’accès à l’enseignement de tous les enfants sur l’ensemble du territoire et leur assurer un socle commun de connaissances qui leur permette de devenir des citoyens avisés, dotés d’un sens critique suffisamment aiguisé pour ne pas céder aux sirènes de notre société de consommation. Elle doit aussi faire de ces enfants des acteurs à part entière de notre société, capables de s’assumer financièrement quelle que soit leur origine sociale.
Selon l’expression consacrée, trop de réforme tue la réforme.
Après la suppression de la carte scolaire, le vote de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ou encore le service minimum d’accueil, voici la réforme des lycées, de l’enseignement professionnel, de l’IUFM, et donc du recrutement des enseignants ; la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires ; la nouveauté concernant l’accueil des jeunes enfants ; et, j’ai gardé le meilleur pour la fin, la sédentarisation de 3 000 enseignants des réseaux d’aide spécialisé aux enfants en difficulté.
Comment comptez-vous réussir ce tour de force, sans y mettre ni la forme ni les moyens ?
Monsieur le ministre, je reviens sur la question du service minimum d’accueil délégué aux communes. Vous remettez en cause, dans un seul élan, à la fois le droit de grève des enseignants et la sécurité des élèves puisque, devant la difficulté de mise en œuvre de cette mesure, aucune garantie n’a été exigée quant au niveau des compétences des personnels d’encadrement qui pallieront l’absence des grévistes. Qui plus est, comme pour l’article 89, vous transférez des charges financières supplémentaires aux collectivités locales. Il en sera de même, je suppose, pour les structures chargées d’accueillir les enfants âgés de deux à trois ans.
Avec cet ensemble de mesures, vous remettez en cause les fondements qualitatifs de notre système éducatif. Quelles en seront les conséquences à long terme ? Que deviendra notre école laïque unique, celle qui doit aplanir les différences, et non les accentuer, liées au milieu familial ou à la richesse de la commune d’habitation ?
Je m’associe à l’inquiétude unanime des professionnels du secteur face à l’absence de concertation et d’évaluation préalables aux réformes.
Prenons l’exemple de la réforme des lycées : elle paraît justifiée par le taux élevé d’échecs ou d’abandons des étudiants inscrits en licence. C’est pourquoi vous proposez une scolarité sous forme de modules disciplinaires.
Ce choix pédagogique me semble pertinent, sous réserve que deux conditions soient remplies : l’éventail des matières proposées aux élèves doit rester très diversifié et ne doit pas être réduit à la seule logique d’entreprise – il faut que vivent les arts, la philosophie et les langues étrangères ; il convient de mettre en place un programme de formation pour les enseignants pour accompagner ce dispositif.
Mais pourquoi réformer si rapidement ? Avez-vous évalué les incidences réelles sur la vie des lycées ? Y aura-t-il plus d’adultes pour entourer et accompagner les jeunes dans leurs choix et les aider à tirer le meilleur parti de cette nouvelle façon d’enseigner ? Ou bien est-ce encore les meilleurs élèves qui tireront profit de la diversité des modules et les moins bons qui seront très vite dépassés et laissés pour compte ?
Concernant l’enseignement professionnel, réduire la durée de préparation du « bac pro » à trois ans peut attirer de vraies vocations si les collégiens ont accès, durant leur scolarité, à un parcours de découverte des métiers et à des formations de qualité. En revanche, il paraît difficile d’inciter des élèves en grande difficulté à suivre le même cursus sans être sûrs d’obtenir, à mi-parcours, un diplôme de type CAP ou BEP.
C’est pourquoi il me paraîtrait utile de développer davantage de passerelles entre la filière générale, la filière professionnelle et les entreprises. Il doit y avoir une souplesse dans l’orientation d’un élève qui envisagerait de changer de voie ou qui ne réussirait pas dans celle qu’il a choisie.
Enfin, pour dissiper l’image péjorative de l’enseignement professionnel, il faudrait développer une campagne d’information interne dès le collège qui serait principalement axée sur les débouchés de ces cursus en matière d’emploi, sans oublier de revaloriser l’image des enseignants de ces lycées.
En ce qui concerne l’enseignement agricole, véritable modèle pédagogique, je rejoins la position exprimée par Mme Férat, rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement, au nom de la commission des affaires culturelles, pour que le ministère de l’agriculture et de la pêche vienne en soutien du ministère de l’éducation nationale pour financer les 51 millions d’euros manquants.
C’est plutôt l’inverse !
À défaut, il reviendra à votre ministère d’assumer ces dépenses. Eh oui, monsieur le ministre, la pédagogie de qualité a un coût !
Sans revenir en détail sur l’ensemble des lignes budgétaires qui nous sont présentées aujourd’hui, je ne peux passer sous silence les nombreuses suppressions de poste ou leur non-renouvellement, ce qui, à moyen terme, revient au même.
Est-il raisonnable de justifier ces décisions par une vision partielle de l’évolution démographique ? En effet, ne croyez-vous pas que, si le nombre d’élèves est plus important aujourd’hui dans le premier degré, cela se répercutera directement sur le second degré dans les prochaines années ? Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi avez-vous décidé de stopper les concours de recrutement dans certaines disciplines ?
Dans la même logique, comment justifiez-vous la réduction drastique de 1 500 postes ? Cette décision conduit à une remise en cause directe de la pérennité du travail effectué par les nombreuses associations de proximité du mouvement d’éducation populaire, dont l’action complète celle de l’éducation nationale en assurant, notamment aux enfants des familles en difficulté, une ouverture à laquelle ils n’auraient pas accès dans le secteur privé en termes notamment d’accompagnement scolaire et d’activités périscolaires.
Vous affirmez de surcroît que le financement de ces associations doit désormais répondre à une logique de projet. Mais c’est déjà le cas depuis le début de l’année 2007, avec les conventions pluriannuelles d’objectifs !
Je terminerai mon analyse en évoquant le devenir des réseaux d’aide aux enfants en difficulté. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le soutien scolaire ne peut pas remplacer la spécificité et la qualité du travail effectué par ces personnels spécialisés. Les 3 000 enseignants qui seront sédentarisés dans des classes ne pourront pas y tenir le rôle de référents au sein d’une équipe pédagogique, comme vous voulez nous le faire croire.
Avez-vous prévu que leur classe ait un effectif très réduit, au même titre qu’une classe d’intégration scolaire ? Peut-être avez-vous prévu, pour profiter au mieux de leurs nombreuses compétences, des classes « ghettos » de 28 élèves en difficulté ? Ou bien avez-vous envisagé, par mesure d’économie, leur retour pur et simple dans une classe banalisée ?
Comment justifiez-vous alors que ces personnels soient affectés à des classes standard, avec leurs bons et moins bons éléments, alors qu’ils ont obtenu leur spécialisation après une formation de plusieurs années financée par l’État ? Ce dernier aurait-il investi à fonds perdus ?
Qui s’occupera finalement des élèves en grande difficulté ? Qui accompagnera leurs familles ? Qui prendra le temps de créer le climat de confiance indispensable pour restaurer l’image de l’école et permettre les apprentissages ? Les centres médico-psycho-pédagogiques, avec leurs six mois d’attente, ou les professionnels du privé, n’auront pas la vision globale de la problématique et, en cette période de baisse du pouvoir d’achat, ils ne sont pas à la portée de tous.
Vous confirmez ainsi votre choix de valider l’école à plusieurs vitesses.
Mon collègue François Fortassin, ainsi que l’ensemble des membres du groupe RDSE partagent ces interrogations et une terrible incompréhension en la matière.
Nous rêvons tous d’un projet ambitieux pour l’éducation nationale ; cependant, rien ne nous oblige à légiférer dans la précipitation, comme vous nous invitez à le faire aujourd’hui.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous conditionnons notre vote à l’engagement de votre part de mener une évaluation régulière des réformes engagées, qui conduise à des ajustements, voire à des modifications, et ce pour le bien des élèves, en concertation avec les professionnels concernés et les parents.
Applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, je ne passerai pas en revue les différentes lignes budgétaires de la mission « Enseignement scolaire », mais je m’attacherai à quelques thèmes phares de la politique éducative que vous menez afin de mettre en exergue votre conception de l’école, sur laquelle le Parlement a, en définitive, peu d’occasion de se prononcer.
Nous avons ressenti très fortement sur le terrain que la communauté éducative a dépassé le stade de l’inquiétude et qu’elle finit par être écrasée sous le poids de ce qui lui tombe sur la tête et par un climat malsain, que votre gestion ministérielle a largement contribué à développer. À la gestion comptable de notre système scolaire, vous ajoutez la défiance et le mépris envers les enseignants, que vous attaquez dans leur identité professionnelle même.
En effet, c’est bien ce que véhiculent, même si vous vous en défendez, à la fois vos annonces intempestives et votre manière de faire. Votre méthode consiste à noyer la communauté éducative sous un flot de réformes et de déclarations tapageuses pour rendre les enseignants atones, pour segmenter la communauté éducative par des mesures sectorielles ciblées et pour essayer de saper à la base toute réaction collective organisée.
Même les rapporteurs spéciaux de la commission des finances s’y perdent et déplorent que la multiplication des annonces ministérielles puisse « nuire au bon suivi et au contrôle des crédits de la présente mission, qui constitue pourtant le premier poste de dépenses de l’État. Ces mesures, le plus souvent annoncées en cours d’année, ne font en effet généralement pas l’objet d’une présentation au sein des projets annuels de performances et leur impact budgétaire reste mal connu. »
Monsieur le ministre, vous ne pourrez vous dispenser encore longtemps d’un réel dialogue avec les représentants de la communauté éducative. Il est regrettable qu’il ait fallu une mobilisation forte, telle que celle du 20 novembre dernier, pour que vous sembliez faire marche arrière, en annonçant tout récemment être prêt à recevoir les syndicats. Il y a pourtant une méthode simple pour saisir l’état de l’opinion : savoir écouter et accepter d’entendre. C’est bien plus économique que de mobiliser 200 000 euros pour faire de la veille d’opinion, surtout en ces temps de crise, pendant lesquels le Gouvernement est très prompt à réduire la dépense publique sur des postes essentiels. Les enseignants auront peine à y voir autre chose qu’une provocation supplémentaire !
Le soutien individualisé devient l’axe central de votre politique éducative. En réalité, ce n’est qu’un paravent : il vous permet d’affirmer que vous vous mobilisez pour les élèves en difficulté et que vous leur offrez les conditions de la réussite. Mais ce qui se joue dans la classe, les situations d’apprentissage habituelles, ne sont, quant à elles, pas du tout remises en question.
Quant aux conditions de travail des élèves au quotidien, elles sont détériorées par une politique des ressources humaines strictement comptable, qui, avec le projet de loi de finances pour 2009, atteint son paroxysme. La sédentarisation ou banalisation de 3 000 emplois de maîtres E et G exerçant dans les RASED en est l’illustration frappante. C’est bien pourquoi la communauté éducative s’est mobilisée fortement contre cette mesure. Vous voulez faire croire que ces enseignants spécialisés seront plus efficaces s’ils sont chargés d’une classe. Mais comment pourront-ils faire du suivi individualisé en gérant quotidiennement une classe hétérogène d’une trentaine d’élèves ? Et comment pourront-ils également venir en appui à leurs collègues ?
Les professionnels des RASED eux-mêmes ont réalisé, grâce à une enquête de terrain, un bilan de leurs propres pratiques et fonctionnements, en vue d’optimiser le dispositif.
Au lieu d’utiliser ce travail, ce capital d’expériences, pour doter les RASED de conditions de fonctionnement réellement meilleures, vous allez casser complètement ces réseaux, car cette première tranche de suppression devrait être poursuivie en 2010 et 2011 pour aboutir, à terme, à la suppression de l’ensemble des 8 000 emplois exerçant au titre des RASED.
Si ce n’était que par souci d’économie, ce serait une erreur, mais nous sommes confrontés à la mise en application d’un parti pris idéologique fondé sur une conception restrictive de la « remédiation » scolaire, ce qui constitue à nos yeux une faute politique grave.
Déjà, dans des écoles maternelles franciliennes, qui comportent un fort taux d’enfants non francophones, les équipes enseignantes ont été informées que les élèves qui bénéficieraient des deux heures hebdomadaires d’accompagnement, ne pourraient pas parallèlement être pris en charge par les RASED. Monsieur le ministre, dans votre conception des choses, comme dans les faits, l’un remplace donc l’autre, ce qui revient à faire entrer dans le même moule difficulté scolaire et échec scolaire, à traiter pareillement deux situations différentes.
Le soutien scolaire individualisé, qui permet de revenir sur ce qui n’a pas été compris en classe, n’est pas de même nature et ne peut s’adresser aux mêmes publics. Traiter l’échec scolaire demande une prise en charge globale des élèves en grande difficulté par une équipe pluridisciplinaire, dans un cadre spécifique.
Vous créez ainsi les conditions pour laisser sur le bord du chemin les élèves qui ont décroché, parce que votre dispositif ne peut fonctionner que pour des élèves en difficultés passagères.
Pour les élèves qui sont en situation d’échec, ou de fait hors-jeu du système scolaire, nous avons besoin d’une palette de prises en charge différenciées par des personnels spécialisés pour leur permettre de se réapproprier l’école et de pouvoir entrer dans l’apprentissage. Sans cela, vos mesures renforceront le refus scolaire de ces enfants les plus éloignés du système, ceux qui ne saisissent pas le sens de l’école.
Nous considérons que c’est une faute politique grave. Tout miser sur des heures supplémentaires de soutien scolaire, c’est mettre les moyens sur les seuls élèves, certes en difficulté, mais les moins éloignés de l’apprentissage, pour essayer de faire du chiffrable le plus rapidement possible dans l’espoir de pouvoir afficher une légère baisse du taux d’élèves ne maîtrisant pas les apprentissages fondamentaux et justifier ainsi votre gestion. Et tant pis pour les autres, ce seront les victimes collatérales du quantifiable !
Ce faisant, c’est la conception même de l’école républicaine fondée sur l’éducabilité de chacun qui est remise en cause. C’est là que réside la faute politique grave.
Vous cassez également les fondements et les réseaux institutionnels de la réflexion et de la culture pédagogique, les instruments de l’innovation pédagogique, de l’adaptation des pratiques éducatives à des situations d’apprentissage de plus en plus complexes.
C’est le retour au seul face à face enseignant-enseigné, dans un souci de productivité de la classe, et l’affaiblissement du travail collectif dans le traitement de la grande difficulté scolaire. De quel dispositif, de quel soutien pourront disposer les enseignants démunis face à des situations difficiles ou à des cas complexes ? Ce qui se profile, c’est un véritable gâchis de compétence. Votre politique éducative tourne le dos à la généralisation des bonnes pratiques.
Pour ce qui concerne les rythmes scolaires, nous avions déjà la journée scolaire la plus longue du monde avec cinq heures et demie de temps pédagogique. Aucun enfant d’école primaire ne peut être attentif sur un temps journalier aussi long, même entrecoupé de pauses. Et vous l’augmentez encore en affectant les heures résultant de la suppression du samedi aux quatre jours restants pour le soutien scolaire ! Si l’objectif poursuivi avait été l’intérêt des enfants, la priorité n’aurait pas été donnée à la réorganisation de la semaine scolaire, mais à celle de la journée.
La première heure à huit heures trente, la mi-journée et le temps post-scolaire à partir de seize heures trente sont les périodes de la journée les moins propices aux activités pédagogiques. Ce sont pourtant sur ces deux dernières plages horaires qu’est majoritairement organisé le soutien scolaire. Est-ce pour le bien des enfants ?
Restons sur le premier degré.
L’école maternelle, initialement par le biais de la scolarisation précoce, fait l’objet depuis quelques mois d’une offensive généralisée de la part de la majorité gouvernementale : avec le rapport Tabarot tout d’abord, autour de l’idée de jardins d’éveil pour les deux-trois ans dans les structures existantes et les écoles maternelles, avec tarification en fonction des revenus, ce qui est considéré comme la première étape de la mise en œuvre du droit de garde opposable à partir de 2012 ; avec vos propos outrageants ensuite, monsieur le ministre, sur la pré-scolarisation et avec l’utilisation orientée du rapport de la Cour des comptes par M. Longuet.
Et n’oublions pas le rapport de nos collègues Monique Papon et Pierre Martin, qui plaide pour un nouveau service public d’accueil des jeunes enfants, dans la droite ligne du rapport Tabarot !
Tout cela, faut-il le préciser, n’est accompagné d’aucun bilan sérieux avec suivi de cohortes des classes adaptées à l’accueil des moins de trois ans : les dispositifs passerelles existants impulsés sous le gouvernement Jospin.
Tous ces éléments mis en perspective inquiètent grandement les acteurs de l’école maternelle, qui se demandent ce que leur prépare encore le Gouvernement. À quoi préparez-vous donc l’opinion publique, monsieur le ministre, à travers cette stratégie de communication tous azimuts contre la maternelle ?
J’en viens maintenant à la formation des enseignants, qui est l’un des derniers sujets passés à la moulinette de votre obsession réformatrice.
Je crois que, s’il existe un consensus sur les améliorations indispensables à la formation initiale actuelle, il porte sur la formation pratique, l’exigence accrue de professionnalisation, de mises en situation. Et que fait le Gouvernement ? Il supprime justement l’année de professionnalisation !
Les futurs enseignants ont besoin de plus de simultanéité entre le savoir d’un côté et la formation professionnelle de l’autre, d’allers-retours tout au long de leur parcours universitaire, et d’allers-retours progressifs : stages d’observation d’abord, de pratiques accompagnées ensuite, en responsabilité enfin, pour pouvoir mettre au fur et à mesure leur propre pratique en question et y apporter des réponses concrètes mobilisables en classe, au quotidien, tout en enrichissant leur pratique des apports de la recherche en éducation !
Sur ce sujet, pourtant essentiel, c’est le flou total. Dans la présentation de la charte signée avec les présidents d’université et les directeurs d’IUFM, il est fait mention de la possibilité de stages comme dans tout master. C’est totalement insuffisant. Mme Pécresse, lors de son audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat, a évoqué l’idée d’une formation en alternance. Qu’en est-il en réalité ?
À nouveau, vous vous êtes engagé de manière tout à fait précipitée, et en dehors de toute concertation, sur un sujet capital pour l’avenir de notre pays pour aboutir à des solutions bancales, si ce n’est contre-productives. La formation des enseignants doit être conçue comme un continuum entre formation initiale et continue.
J’arrête là, car le temps me manque pour passer en revue toutes les annonces auxquelles vous vous êtes livré cette année, monsieur le ministre. Vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera résolument contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire », parce qu’ils portent une vision de l’école que nous refusons.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2009 traduisent les priorités du Gouvernement dans le secteur de l’éducation. Ils s’inscrivent dans un contexte de réforme particulièrement marqué, qui répond aux deux priorités que vous vous êtes fixées : l’amélioration des résultats de notre système éducatif et la mise en place de dispositifs nouveaux pour les élèves afin de combattre et de réduire l’échec scolaire, qui reste l’une des faiblesses de notre école. C’est bien de manière structurelle qu’il faut s’atteler à cette tâche.
La stabilité budgétaire de cette mission, qui demeure le premier budget de l’État, avec près de 60 milliards d’euros, est à noter dans un contexte particulièrement difficile de nécessaire maîtrise des comptes publics. Elle traduit l’importance que notre pays accorde à l’école, et ces dépenses doivent être considérées comme un investissement pour l’avenir.
Cet effort financier permet en outre – c’est un point que je tiens à souligner – de préserver la qualité du taux d’encadrement et de présence des enseignants dans les classes compte tenu de la baisse des effectifs scolaires. Ce qu’on appelle le « face à face » pédagogique progressera même dans l’enseignement primaire grâce à l’ouverture de 500 classes supplémentaires.
Sur cette question particulièrement sensible de la baisse des effectifs enseignants, on ne saurait appliquer dans le système éducatif une logique purement comptable, au moment où l’on fait de la lutte contre l’échec scolaire la priorité. À cet égard, si nous approuvons les objectifs que vous fixez à la politique éducative – généralisation de l’accompagnement éducatif et du soutien personnalisé, poursuite des efforts engagés en vue de la scolarisation des enfants handicapés, et dieu sait s’il y a à faire dans ce domaine ! – et les moyens qui leur sont alloués, nous souhaitons néanmoins évoquer le sort des RASED.
En effet, je m’interroge sur la réforme prévue dans ce budget de la sédentarisation de 3 000 postes affectés aux RASED. Il a beaucoup été question de ce sujet ces dernières semaines ; plusieurs intervenants l’ont évoqué à la tribune ce matin.
La décision d’affecter 3 000 enseignants des réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté dans des écoles sur les 11 000 postes existants suscite des inquiétudes légitimes de la part des sénateurs de mon groupe. Chacun d’entre nous s’est tellement investi localement qu’il a été directement et à juste titre interpellé. La crainte est qu’« un affaiblissement de ces équipes constituerait un grave préjudice pour les élèves en grande difficulté », comme l’ont dit les inspecteurs de l’éducation nationale.
Comme cela a déjà été rappelé, les RASED ont pour mission de fournir des aides spécialisées à des élèves en difficulté dans les classes ordinaires des écoles primaires, à la demande des enseignants de ces classes, dans ces classes ou hors de ces classes.
J’ai bien entendu les arguments que vous avez avancés en commission, monsieur le ministre : les nouveaux dispositifs de soutien scolaire mis en place à l’école primaire, l’inadaptation de l’action des RASED ou le recentrage de leur action sur les écoles en zone difficile, ce qui peut d’ailleurs être justifié. Pour autant, les inquiétudes demeurent, notamment en ce qui concerne les élèves des autres écoles. En effet, aucun bilan de leur action n’a été effectué avant de prendre cette décision.
Les enseignants spécialisés des RASED, de par leurs compétences et leurs formations, ont de vraies dispositions dans le repérage et le traitement des difficultés scolaires. Celles-ci ne sont pas uniquement concentrées sur certaines écoles, elles peuvent aussi, et c’est souvent le cas, être liées à des difficultés psychologiques ou sociales.
Il me semble donc que les missions qu’ils remplissent, centrées sur des enfants aux difficultés scolaires beaucoup plus profondes que de simples difficultés d’apprentissage, sont utiles et ne peuvent être traitées par des enseignants sans formation spécifique.
S’il m’a semblé utile de rappeler les priorités du Gouvernement en matière scolaire, c’est parce que le nombre de réformes annoncées ou mises en œuvre en 2008 est élevé. Ce rythme peut parfois donner le tournis, notamment aux enseignants et aux parents, qui ont du mal à s’y retrouver.
On ne saurait trop insister sur la nécessaire concertation. Il faut faire œuvre de pédagogie afin que les réformes soient comprises et acceptées par les personnels enseignants, les parents ou les élus qui sont mis à contribution dans leur mise en œuvre. Je reviendrai tout à l’heure sur ce point pour ce qui concerne les élus locaux.
Ainsi, la réforme des lycées nous semble aller dans le bon sens, notamment en ce qui concerne les rythmes scolaires et le recentrage des enseignements sur les connaissances fondamentales. Mais j’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’inquiétude des enseignants et des parents au sujet des modalités pratiques de mise en œuvre, dès la prochaine rentrée scolaire, de l’organisation de la seconde en semestres et en modules, telle que vous nous l’avez d’ailleurs présentée en commission.
Parmi les actions prioritaires du Gouvernement, je souhaite maintenant m’arrêter un instant sur les mesures de revalorisation du métier d’enseignant, dont on voit la traduction dans ce projet de budget.
Nous savons tous en effet que les débuts de carrière de nos jeunes enseignants sont difficiles. C’est pourquoi la création d’une prime d’entrée dans les métiers de l’enseignement, de l’éducation et de l’orientation d’un montant de 1 500 euros est particulièrement bienvenue.
Dans la même logique, l’annonce récente par le ministre d’un prêt immobilier à taux zéro dont bénéficieraient les professeurs qui obtiennent une mutation me semble une excellente mesure.
C’est également dans cette logique qu’a été créée une prime spéciale de 500 euros liée aux heures supplémentaires pour les enseignants qui assurent au moins trois heures supplémentaires hebdomadaires dans l’enseignement secondaire. En complément de mesures renforçant l’attractivité des heures supplémentaires, cette prime vient valoriser les enseignants qui s’investissent particulièrement dans leur métier.
Ces différentes mesures permettent d’augmenter substantiellement le pouvoir d’achat des enseignants, notamment de ceux qui sont en début de carrière. Elles participent à l’amélioration de leur situation matérielle et morale et contribuent à une meilleure reconnaissance de leur métier. Nous ne pouvons donc qu’y être favorables.
Ces mesures ont pour corollaire la question de la formation initiale et continue des enseignants, qui est l’une des questions les plus importantes pour l’avenir du métier.
Lors de l’examen du projet de loi sur l’école, j’avais insisté sur la nécessité de profiter du renouvellement sans précédent des personnels enseignants pour traiter la question de leur formation. La commission présidée par Marcel Pochard sur la redéfinition du métier d’enseignant a engagé ce chantier.
Une première étape a été enclenchée avec la réforme du recrutement et de la formation des futurs enseignants, qui entrera en vigueur en 2010.
L’intégration des IUFM aux universités, prévue par la loi sur l’école de 2005, doit permettre de mieux recruter et de mieux préparer les futurs enseignants. Il faut en effet favoriser le plus en amont possible la présence des futurs enseignants dans les classes et les établissements pour les préparer au mieux aux réalités du terrain.
Tel est, si j’ai bien compris, l’objectif de cette réforme. Il est en effet important que, dès leur première année d’exercice, les lauréats des nouveaux concours soient mis en situation d’enseignement à temps plein avec l’aide et le soutien des professeurs expérimentés, comme vous l’avez évoqué, monsieur le ministre.
Il ne faut pas non plus oublier de repenser la formation continue, élément indispensable pour s’adapter à un monde qui bouge. Les enseignants doivent pouvoir enrichir constamment leur pratique pédagogique.
Il faut enfin réfléchir aux possibilités d’évolution ou de reconversion pour les enseignants « usés » par des années d’enseignement. Il faut leur permettre de s’ouvrir à de nouvelles perspectives en offrant à ceux qui le souhaitent de nouvelles missions et en jetant des passerelles vers d’autres métiers.
Je veux terminer mon propos sur les difficultés qu’éprouvent les collectivités locales à mettre en œuvre les décisions prises par le ministère. Je pense à la suppression de l’école le samedi matin et au service minimum d’accueil en cas de grève.
Lors de l’examen de ce projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, les sénateurs, en prise direct avec les élus locaux et les réalités du terrain, ont insisté sur les difficultés juridiques et pratiques que poserait ce texte, notamment en milieu rural.
Les maires revendiquaient et revendiquent toujours plus de souplesse et de garanties dans la mise en place de ce dispositif, certes attendu par les familles, mais particulièrement difficile à mettre en œuvre, notamment pour l’organisation de l’accueil des élèves dans leurs communes. Ils ont du mal à accepter ce dégagement de la responsabilité de l’État sur leurs communes alors qu’ils estiment déjà assumer leurs responsabilités. Aussi, nous vous demandons de prendre en compte la réalité des petites communes qui n’auraient pas le personnel nécessaire et qualifié pour assurer ce service. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit lors de la dernière grève.
Chacun aura entendu le Président de la République dans son discours de clôture du congrès des maires annonçant des assouplissements possibles de la loi instaurant ce service minimum, notamment pour les petites communes. Le Président de la République a ainsi tenu compte des difficultés rencontrées par les communes et fait un pas en direction des maires.
En expliquant que l’on « ne peut pas demander la même obligation au maire d’un secteur rural » qu’aux maires des grandes villes, il a répondu aux interrogations des maires, choqués de voir leurs collègues traînés devant les tribunaux par les préfets, non parce qu’ils ne veulent pas appliquer la loi, mais parce qu’ils ne le peuvent pas faute de moyens humains mobilisables.
Le groupe centriste attend donc avec impatience des aménagements à cette loi pour les communes rurales et sera attentif, comme il l’a été lors de l’examen du projet de loi, à celles que vous proposerez, monsieur le ministre. M. Yves Détraigne interviendra d’ailleurs à ce sujet tout à l’heure. En attendant, peut-être pouvez-vous nous indiquer les pistes sur lesquelles vous travaillez.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, avant que Xavier Darcos ne prenne la parole, je suis heureux d’intervenir brièvement, en écho à vos réflexions, à vos interrogations, mais aussi à vos critiques sur le secteur de l’enseignement agricole, les maisons familiales et rurales, les collèges et lycées agricoles, dont j’ai l’honneur d’avoir la responsabilité.
L’enseignement agricole qui devrait être rattaché à l’éducation nationale…
J’en reparlerai d’ailleurs ce soir, en vous présentant le projet de budget de mon ministère pour 2009. J’ai la conviction que ce qui se fait avec intelligence, avec ouverture, avec modernité dans l’ensemble de notre enseignement agricole constitue l’un des fondements du modèle d’agriculture et de pêche durables auquel nous travaillons, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le budget de l’enseignement agricole représente, en autorisations d’engagement, 25 % des crédits de mon ministère. Il en constituait 17, 78 % en 2006. Depuis mon arrivée, voilà dix-huit mois, à la tête de cette administration, j’ai constamment soutenu la place du programme 143 « Enseignement technique agricole » dans les crédits budgétaires.
Pour 2009, la dotation de ce programme – y compris les crédits du titre 2 – est en augmentation de 0, 4 %, soit 4, 7 millions d’euros en crédits de paiement. Cette augmentation est d’autant plus significative que la classe d’âge est en diminution.
S’agissant de l’enseignement technique agricole, les moyens de l’enseignement public seront confortés, en particulier afin d’augmenter le nombre d’assistants d’éducation dans les établissements – plus 1, 7 million d’euros en 2009 – et de lancer un programme de travaux de mise aux normes des lycées des collectivités d’outre-mer et du Centre d’enseignement zootechnique de Rambouillet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais souligner, dans cette brève intervention, que je continuerai de veiller à l’équilibre entre les différentes formes d’enseignement.
Il reste, bien sûr, des difficultés, des insuffisances, des besoins que vous avez rappelés, les uns et les autres. Nous pourrions aller plus loin. J’ai entendu vos remarques et vos attentes. Mais, je vous le dis franchement, nous sommes entre élus responsables : mon ministère prend sa part de l’engagement national de maîtrise des dépenses publiques.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2009 nous permet de répondre aux priorités, de conforter l’enseignement agricole dans ses missions de développement et d’animation des territoires, d’insertion sociale et professionnelle.
Je veillerai, dans les quelques regroupements indispensables, à maintenir la capacité de formation de l’enseignement sur tous les territoires. Ces mutualisations seront objectivement conduites en concertation avec les acteurs locaux.
Enfin, ce budget nous permet d’envisager sérieusement le futur. Le futur, ce sont les orientations qui viennent d’être fixées dans le cinquième schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole, que j’ai présenté le 7 octobre dernier. Vous me permettrez, à ce titre, de remercier Mme Françoise Férat, qui a réalisé, avec la ténacité, la vigilance et la franchise que nous lui connaissons, un travail compétent et passionné qui a été unanimement salué. C’est d’ailleurs ce schéma, auquel elle a beaucoup contribué, qui fixe la feuille de route de notre enseignement agricole pour les prochaines années.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, comme à l’accoutumée, la présentation du budget de l’éducation nationale a donné lieu aux expressions les plus diverses. J’aimerais dire en préambule que les réformes que nous conduisons – elles sont nombreuses et suscitent, de fait, beaucoup d’animation – ont pour seule ambition de rendre service aux élèves. Que n’ai-je entendu sur ma prétendue volonté de nuire aux élèves en difficulté, de martyriser les pauvres, de favoriser une logique comptable, …
…moi qui ai consacré toute ma vie à l’école de la République ! Ces propos sont de l’ordre de la caricature.
Le budget que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui devant la Haute Assemblée, le premier budget de l’État, est le signe de la confiance que la nation accorde à son école. Les 58, 7 milliards d’euros qui lui sont consacrés doivent également favoriser la mise en place de nouveaux services aux enfants et à leurs familles, et contribuer à la revalorisation de la condition enseignante.
Notre premier objectif, c’est d’assurer et de favoriser le face-à-face entre les élèves et les enseignants.
Comme vous le savez, 13 500 départs à la retraite ne seront pas remplacés à la rentrée prochaine, mais j’affirme que cela ne se traduira en aucun cas par un renoncement à notre ambition pour l’école. Les mesures du schéma d’emploi se traduisent en effet partout par le maintien du face à face avec les élèves, grâce à une meilleure utilisation des moyens dont nous disposons, y compris, madame Gonthier-Maurin, pour les handicapés. À cet égard, madame le rapporteur pour avis, les données que vous avez citées me surprennent beaucoup, puisque les élèves handicapés accueillis à l’école étaient 162 000 à la rentrée 2007, mais plus de 170 000 à la rentrée 2008, soit 8 000 élèves supplémentaires.
Ainsi, 1 500 enseignants qui sont aujourd’hui mis à la disposition de structures éloignées des missions de l’école seront réaffectés devant les élèves.
C’est ainsi qu’une agence nationale de remplacement va être mise en place, monsieur Gérard Longuet. Cette structure souple, composée au maximum d’une vingtaine de personnes, pilotera mieux la politique de remplacement. La gestion se faisant évidemment au plus près du terrain, ce seront toujours les inspections académiques qui traiteront au quotidien de cette épineuse question.
Le schéma d’emplois pour l’année 2009 se traduit aussi par une amélioration du face à face avec les élèves lorsque cela s’avère nécessaire. Pour vous citer deux exemples concrets, l’ouverture de 500 classes supplémentaires est prévue dans le premier degré…
…ainsi que la mobilisation de 600 postes sur des projets dans les établissements difficiles du second degré. Dans le même ordre d’idées, je reviendrai tout à l’heure sur la partielle sédentarisation de quelques maîtres E et G actuellement organisés en réseau.
Notre second objectif, c’est de proposer à toutes les familles des services que seules les plus aisées pouvaient s’offrir.
De ce point de vue, notre détermination demeure inchangée. Je rappelle que le budget que je vous présente prévoit l’extension de l’accompagnement éducatif à tous les collèges ainsi qu’aux écoles de l’éducation prioritaire. Un million de collégiens bénéficient d’ores et déjà d’un accompagnement éducatif. Combien étaient-ils deux ans auparavant ? Zéro !
Ce budget prévoit aussi la mise en place de stages de remise à niveau gratuits pendant les vacances scolaires pour les élèves qui le souhaitent, de même que des stages d’anglais intensifs pour les lycéens.
Les réformes que nous avons menées sont nombreuses, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous l’avez noté. M. Lagauche dénonçait mon obsession réformatrice, mais le monde change et l’école doit accompagner des mutations très importantes, notamment sur le plan social. Toutes ces réformes n’ont qu’un seul but : réduire l’échec scolaire.
La réorganisation de la semaine scolaire à l’école primaire en réinvestissant les deux heures dégagées le samedi matin au profit des élèves en difficulté est un moyen de réduire l’échec scolaire. Il s’agit d’une aide individualisée en petits groupes.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué ce dispositif de soutien dans le premier degré. Les analyses fines que nous réalisons, je tiens à le souligner, montrent qu’une grande partie des familles et des enfants en sont satisfaits et que nous apportons un véritable soutien. Nous luttons ainsi contre l’échec scolaire.
M. Xavier Darcos, ministre. Il ne peut pas y avoir de bilan puisque ce soutien n’a réellement commencé que depuis quelques semaines. Mais « la grande maison » sait ce qui se dit dans les écoles.
Sourires
La rénovation de la voie professionnelle participe également à la réduction de l’échec scolaire. Mme Brigitte Gonthier-Maurin a beaucoup insisté sur l’orientation positive vers ces filières. C’est précisément ce que nous voulons mettre en œuvre.
La rénovation de la voie professionnelle vise à accroître le niveau général de qualification et à limiter le nombre de sorties sans qualification, en apportant des réponses appropriées aux besoins du monde économique.
Pour ce faire, Jean-Claude Carle l’a évoqué, nous devons être attentifs à l’évaluation de nos politiques et au bénéfice qu’en tirent les élèves. Nous comptons beaucoup sur les évaluations réalisées en CE1 et en CM2 pour vérifier l’efficacité du dispositif que nous mettons en place.
Enfin, la réussite de nos réformes réside dans le soutien que la nation apporte à ses enseignants.
Pour que les enseignants aillent bien, il faut que nous les aimions, que nous les soutenions, que nous les considérions, que les propos que je tiens ne soient pas caricaturés et présentés comme insultants ou méprisants à leur égard. J’ai évidemment de l’estime pour les enseignants et pour leur métier, que j’ai d’ailleurs exercé toute ma vie !
Au-delà des mots, il faut revaloriser leur condition. Mme Morin-Desailly l’évoquait, cette revalorisation est concrète puisque 410 millions d’euros de pouvoir d’achat ont déjà été redistribués aux enseignants. D’autres mesures suivront, dans le cadre des réformes que nous poursuivons.
Je tiens par ailleurs à rassurer M. Jean-Claude Carle sur la question du départ à la retraite des mères de trois enfants ayant effectué quinze années d’activité dans la fonction publique : nous n’avons nullement l’intention de remettre en cause ni de restreindre ce droit.
Au sein de ce projet de loi de finances, mesdames, messieurs les sénateurs, quatre questions vous ont préoccupé plus particulièrement. Je vais tenter d’y répondre, dans le cadre solennel de cette discussion budgétaire devant la Haute Assemblée.
Tout d’abord, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, promulguée le 20 août dernier, a permis d’organiser l’accueil des enfants dans 10 000 des 12 000 communes concernées lors de la dernière grève, …
Pour autant, je ne méconnais pas les difficultés qu’ont pu rencontrer certains maires, notamment les maires de petites communes rurales, …
…en cherchant à appliquer, de bonne foi, la loi de la République.
C’est pourquoi, dans les prochains mois, nous allons essayer de mieux concilier l’intérêt des familles à bénéficier du droit d’accueil les jours de grève et les contraintes auxquelles peuvent faire face certains maires chargés par la loi de l’organisation de ce service. À cette fin, nous organiserons une collaboration plus étroite entre l’État et les communes sur la mise en œuvre de la loi, que ce soit au niveau national ou au niveau local.
L’État aidera en outre les communes, notamment les plus petites d’entre elles, à dimensionner correctement le service d’accueil par une meilleure prévision du nombre des enseignants grévistes et des enfants à accueillir, ainsi que pour constituer la liste du vivier des personnes susceptibles d’être mobilisées par les communes.
Enfin, comme je l’ai annoncé hier à la suite d’une rencontre avec le président de l’Association des maires de France, les recours engagés par les préfets seront maintenus pour les communes ayant manifesté publiquement leur intention de ne pas appliquer la loi, mais nous mettrons fin aux actions de contentieux engagées à l’encontre des communes qui ont rencontré des difficultés à appliquer la loi.
Le deuxième thème que vous avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, est la mise en place d’un dispositif cohérent de lutte contre l’échec scolaire.
De fait, grâce à la réforme, chaque élève en difficulté reçoit désormais une réponse adaptée à sa situation.
Tout d'abord, les deux heures libérées le samedi matin sont réinvesties au profit des élèves en difficulté, sous la forme d’une aide personnalisée. Désormais, dans toutes les écoles, et non plus seulement dans certaines d’entre elles, comme c’était le cas auparavant, tous les élèves reçoivent, s’ils le souhaitent, une aide de leurs enseignants leur permettant de surmonter les difficultés qu’ils rencontrent.
Des stages de remise à niveau en français et en mathématiques sont également proposés aux élèves de CM1 et de CM2, pendant les vacances scolaires, par petits groupes et à raison de trois heures par jour durant une semaine.
Le sort des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, agite beaucoup l’opinion en ce moment, ce que je comprends d'ailleurs
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
… car il s'agit d’une question technique, difficile à expliquer aux Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le recours aux RASED a montré les limites d’une prise en charge trop ponctuelle de la difficulté scolaire.
En effet, les problèmes scolaires des enfants ne peuvent être réglés en quarante-cinq minutes par un intervenant extérieur, quelle que soit sa compétence d'ailleurs, que je ne discute pas ! Il est nécessaire de mener un travail continu, à raison de deux heures chaque semaine, avec des enseignants mobilisés spécifiquement pour cette tâche.
C’est pourquoi les RASED ne sont pas supprimés : 8000 maîtres spécialisés et structurés par ces réseaux vont continuer à s’investir particulièrement pour résoudre les difficultés comportementales et psychologiques des élèves, là où le besoin s’en fait sentir.
Comme l’a très bien expliqué tout à l'heure M. Gérard Longuet, avant la réforme, dans une école type, 7 élèves sur 125 recevaient un soutien à un moment ou à un autre de leur scolarité. Avec le dispositif que nous proposons, les psychologues scolaires étant conservés, 70 % des RASED étant maintenus, une aide individualisée par les maîtres étant instituée à raison de deux heures par semaine, des stages de remise à niveau étant prévus, ce sont 36 élèves sur 125 qui recevront, toute l’année, un soutien approprié !
C’est pour cette raison aussi que les 3000 maîtres spécialisés des RASED seront réaffectés dans des écoles et continueront à traiter de façon continue et professionnelle la difficulté scolaire. Je rencontrerai cette semaine les syndicats pour évoquer cette question et définir les ajustements nécessaires.
En outre, un plan national de formation au traitement de la difficulté scolaire, destiné à 40 000 enseignants sur cinq ans, sera annoncé très bientôt. Il sera ouvert aux professeurs des écoles qui souhaiteraient s’occuper spécifiquement de cette difficulté ou qui éprouveraient le besoin de se former dans ce domaine.
Cet effort considérable permettra de doter chaque école ou groupe d’écoles d’un maître-ressource en la matière.
Ces différentes mesures permettront de traiter la difficulté scolaire dans toutes les classes, car je n’oublie pas que les maîtres sont les premiers à faire face aux difficultés scolaires de leurs élèves.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes interrogés également sur l’école maternelle, et c’est le troisième sujet que je souhaiterais aborder.
Je veux répéter ici, de façon solennelle, que je crois profondément à l’utilité de l’école maternelle et que je respecte infiniment tous ceux qui y enseignent, et qui sont des professeurs. Monsieur Foucaud, aucun projet d’aucune sorte ne vise, de quelque manière que ce soit, à remettre en cause l’école maternelle !
Les enseignants de maternelle jouent un rôle essentiel pour permettre aux élèves d’acquérir les règles, les notions et le vocabulaire qui leur seront indispensables pour réussir à l’école élémentaire.
Et c’est précisément parce que la maternelle constitue une véritable école, qui accueille d’ailleurs la quasi-totalité des enfants à partir de l’âge de trois ans, et parfois même plus tôt, que, lors de la réforme entrée en vigueur lors de la dernière rentrée, elle a été dotée à son tour de véritables programmes.
Je regrette que l’on ait considéré que je portais atteinte au travail des professeurs de maternelle lorsque j’ai affirmé, en réponse à une question portant sur la scolarisation des enfants de dix-huit mois, qu’il ne fallait pas confondre école maternelle et puériculture.
Je regrette vivement cette interprétation, car elle ne correspond ni à mon intention ni aux propos que j’ai tenus. Et si j’ai blessé les professeurs de maternelle parce qu’on a déformé ma pensée, je leur exprime mes regrets et leur présente mes excuses.
Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Pourquoi expérimentez-vous d’autres structures pour accueillir les enfants ?
M. Xavier Darcos, ministre. J’affirme donc avec force que l’école maternelle continuera à accueillir 100 % des enfants âgés de trois à six ans. Qu’on cesse de faire croire que mon ministère voudrait porter atteinte à l’école maternelle !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Toutefois, un problème n’a pas encore été réglé, et ce n’est pas être polémique, provocateur ou destructeur que de le rappeler : nous n’avons pas tranché en France de manière claire, définitive et explicite la question de la scolarisation des très jeunes enfants âgés de deux à trois ans.
Des rapports ont été rédigés sur ce thème, que l’on présente d'ailleurs comme ayant été suscités par moi alors que, je le rappelle, je n’y suis pour rien, même si j’en approuve les conclusions.
Au Sénat même, Monique Papon et Pierre Martin ont envisagé dans un rapport d’information conjoint une prise en charge spécifique des deux-trois ans, sous la forme de jardins d’éveil.
Une telle orientation doit être étudiée avec intérêt mais, je le répète, mon ministère assurera ses responsabilités afin d’accueillir la totalité des enfants tant que la question des deux-trois ans ne sera pas réglée globalement. Il n’y aura aucun recul dans ce domaine de la part du ministère de l’éducation nationale !
Le quatrième et dernier sujet que je voudrais aborder concerne le nouveau lycée ou, plus exactement, la nouvelle classe de seconde.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les problèmes qui se posent à nous ? Pourquoi voulons-nous réformer le lycée ? Tout à l'heure, un intervenant soutenait que tout allait très bien et demandait pourquoi nous y touchions !
Le lycée doit avant tout donner à nos jeunes les savoirs intemporels qui constituent le socle de notre culture commune. L’exigence intellectuelle, qui a toujours fait la force de notre lycée, demeure plus que jamais nécessaire.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, le monde change ! C’est le cas pour ce qui concerne les langues, le numérique, l’orientation professionnelle, l’adaptation au monde du travail, la culture économique et sociale, entre autres. À l’évidence, le savoir commun des lycéens doit évoluer également. Nous ne pouvons continuer à le construire selon un modèle conçu sous Napoléon Ier !
Le nouveau lycée républicain que nous voulons bâtir doit permettre aux jeunes de comprendre les enjeux d’aujourd’hui et de répondre aux défis de demain.
Comment faire face aux nouvelles problématiques de l’économie sans posséder les fondamentaux de cette science ? Comment participer à l’extraordinaire internationalisation des échanges culturels sans disposer d’une maîtrise effective des langues étrangères ?
Comment penser le travail des lycéens de demain sans réfléchir, dès aujourd'hui, à leur appropriation raisonnée des technologies de l’information et de la communication ? Comment imaginer de nouveaux modes de gouvernance adaptés à une société globalisée sans revoir l’organisation même de nos établissements scolaires ? Telles sont les questions qui trouveront des réponses dans le cadre du nouveau lycée.
Si je renonçais à cette réforme, si je considérais qu’il ne faut pas voir le monde bouger autour de nous, vous pourriez à bon droit me faire le reproche d’être inconséquent !
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes déterminés à avancer, non par obsession réformiste, par agitation désordonnée ou par volonté de donner à tout prix une impression de mouvement, mais parce que le tout est cohérent.
Les mesures que nous prenons pour l’école primaire, le collège et le lycée s’inscrivent dans une seule et même politique.
Nous voulons offrir à tous les élèves l’essentiel en matière de culture : les fondamentaux à l’école primaire, le socle commun au collège, le tronc commun au lycée. Mais nous voulons aussi leur donner à tous des services personnalisés, individualisés, leur permettant de surmonter leurs difficultés scolaires et de résister à la pression sociale qui, parfois, s’exerce sur eux. De là le soutien à l’école primaire, l’accompagnement éducatif au collège ou les trois heures qui, au lycée, seront consacrées au soutien et à l’approfondissement à partir de la rentrée prochaine.
Enfin, nous voulons les aider lorsqu’ils souffrent de difficultés particulières en raison de leur famille, de leur milieu social et des déterminismes qu’ils subissent. Nous leur offrons gratuitement ce que les familles fortunées paient dans les officines spécialisées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous défendons l’école de la République !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.