Le mal vient de loin. C’est au collège que se construit l’échec scolaire, qui conduit à l’orientation vers la voie professionnelle. Si le collège unique n’a tenu qu’une part de ses promesses, c’est qu’il est resté un collège général. À l’issue de la troisième, il n’y a, en effet, qu’un débouché naturel : la seconde générale et technologique.
Les élèves à qui cette forme d’enseignement ne convient pas sont donc orientés par l’échec. Ce constat, nul ne le conteste. Pourtant, rien ne change.
Vous aviez annoncé l’année dernière la création du « parcours de découverte des métiers et des formations ». Au premier abord, la mesure semblait ambitieuse. Le dispositif devait permettre de dissiper les préjugés qui alimentent l’orientation par l’échec, et ce de deux manières.
Tout d’abord, il était prévu que, pour préparer son orientation, chaque élève visiterait un lycée général et technologique, un lycée professionnel et un centre de formation d’apprentis, un CFA. Ce projet a fait long feu : la circulaire sur les parcours de découverte s’est réduite à la visite d’un des trois types d’établissements au choix. Il n’y a rien de nouveau donc, puisque c’était déjà le cas. L’« entre-soi » continuera à prédominer et la découverte n’aura pas lieu.
Ensuite, les premières annonces sur ce parcours de découverte laissaient espérer également un contact plus régulier avec la diversité des métiers, via des stages, des visites, des rencontres. Au final, il ne s’agit que de dix journées sur quatre années – ce qui est peu –, passées en entreprise ou en relation avec des professionnels. Là encore, la découverte n’aura pas lieu.
Ce dispositif était pourtant nécessaire. De plus en plus nombreux sont, en effet, les étudiants qui, après quelques années, se découvrent une vocation pour un métier qui n’a rien à voir avec la formation générale qu’ils ont suivie.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, il vous faut vous emparer de cette nécessité impérieuse : l’école doit aussi faire naître des vocations et ne plus laisser jouer à plein les inégalités scolaires et sociales, qui font que le fils d’ouvrier s’imagine en ouvrier et le fils de cadre en cadre. Il faut ouvrir les esprits.
Cela suppose un véritable engagement, bien sûr, mais aussi des personnels pour guider ce travail de découverte et d’orientation.
Or, pour l’heure, nul n’est vraiment responsable de l’orientation dans le système éducatif. Le code de l’éducation précise, d’ailleurs, que l’orientation est du ressort de l’ensemble de la communauté éducative.
Au final, personne ne s’investit pleinement dans cette mission, à l’exception des conseillers d’orientation-psychologue, qui ne sont que 5 000 environ pour plus de 7 000 établissements du second degré.
C’est pourquoi, je veux vous faire la proposition d’attribuer à chaque élève un adulte référent. Ce dernier serait chargé de le suivre, de le rencontrer régulièrement, de l’aider à réfléchir à son avenir, à trouver un stage utile pour son projet, en un mot, de l’aider à s’orienter.
Bien entendu, il faudrait former ces adultes référents. À coût quasi constant, monsieur le ministre, il y aurait ainsi moyen de changer les choses et de donner un peu de chair à « l’éducation à l’orientation » dont parlent les textes, mais qui, pour l’heure, ne recouvre pas grand-chose !
Je formulerai, enfin, une dernière suggestion : il faut continuer à recruter des conseillers d’orientation-psychologue et leur confier pour mission de coordonner l’action de ces adultes référents.
Ces derniers adresseraient aux conseillers d’orientation-psychologue les élèves qui en ont besoin et viendraient chercher auprès d’eux toutes les informations nécessaires.
Les conseillers d’orientation-psychologue pourraient également gérer des banques de stage, proposées par les familles. Ce stage de troisième pourrait alors être un vrai moment de découverte et d’ouverture aux métiers, et non plus un stage de confort, fait avec ses parents ou avec des amis de la famille.
En faisant enfin de l’orientation une véritable priorité, en ouvrant les élèves à la diversité des métiers, l’orientation par l’échec pourrait enfin cesser d’être une réalité.
Pour cela, il faut des moyens. Or je m’interroge, monsieur le ministre : pourquoi l’enseignement professionnel sous statut scolaire ne sera-t-il pas relativement préservé en 2009, comme le sera, à vous entendre, le lycée général et technologique ?
Cela fait beaucoup d’incertitudes. C’est pourquoi je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire », auxquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un amendement rééquilibrant les crédits de l’enseignement agricole.