Intervention de Yves Fréville

Réunion du 27 juin 2006 à 22h30
Règlement définitif du budget de 2005 — Débat de contrôle de l'exécution des crédits de la défense

Photo de Yves FrévilleYves Fréville, rapporteur spécial :

Il s'agit enfin d'une dernière, mes chers collègues, au sens où nous disons aujourd'hui un adieu définitif à l'ordonnance organique de 1959.

Désormais, les dépenses militaires ne seront plus isolées au sein de l'article d'équilibre du budget. Nous allons donc indiquer pour la dernière fois leur part dans le budget de l'État : en 2005, après transferts, les dépenses militaires représentaient 11, 27 % des dépenses du budget général.

Toutefois, ce satisfecit général mérite d'être nuancé. Pour ma part, je m'en tiendrai aux questions financières, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées apportant de la matière aux arêtes financières que je vais décrire.

S'agissant des dépenses en capital, j'évoquerai deux questions. Comment l'augmentation des dépenses a-t-elle été compatible avec la régulation budgétaire ? Par ailleurs, comment l'exécution du budget satisfait-elle aux exigences définies par la loi de programmation militaire ?

S'agissant de la contrainte liée à la régulation budgétaire, vous aviez à faire face à un grave problème, madame le ministre. En effet, au cours des années passées, nous avions laissé se constituer une « bosse de reports de crédits » de 2, 8 milliards d'euros, qui a atteint son maximum en 2004, et un report de charges inquiétant puisque des factures pour un montant de 3 milliards d'euros n'avaient pas été payées en fin d'année et avaient donné lieu, pour un certain nombre d'entre elles, au paiement d'intérêts moratoires.

La première cause de cet état de choses est bien connue. Je vous la rappelle pour mémoire, mes chers collègues, il s'agit de la sous-budgétisation des OPEX ; mais nous y avons apporté une solution un peu différente cette année.

La seconde cause est plus fondamentale : elle tient au fait que, dans un budget d'équipement en croissance rapide, les dépenses d'équipement s'étalent dans le temps. Ainsi, les engagements pris voilà deux, trois ou quatre années se répercutent sur la dépense de l'année en cours. Or, il est toujours difficile de calibrer deux ans ou trois ans auparavant les dépenses d'une année. C'est là une spécificité du budget de la défense.

Naturellement, il n'est pas possible de tout financer, et la régulation budgétaire est la contrainte supplémentaire qui n'est pas inscrite au titre des crédits budgétaires !

Mes chers collègues, la commission des finances est très attachée au fait que les dépenses de l'année ne doivent pas dépasser le montant de l'autorisation initiale prévu dans la loi de finances. En cas de reports, se pose donc la question de la régulation budgétaire.

Certes, je constate que la situation est en voie d'amélioration puisque les reports de crédits ont été ramenés de 2, 8 milliards d'euros à quelque 2 milliards d'euros, à la fin de l'année 2005, soit une baisse considérable de 800 millions d'euros.

Ce résultat a pu être atteint tout d'abord grâce à l'annulation de 611 millions d'euros de reports de crédits non engagés en provenance de l'ancienne loi de programmation militaire, ce qui a été relativement facile. Ensuite, madame le ministre, vous avez dû obtenir l'autorisation de dépasser la norme de dépense de quelque 200 millions d'euros.

La question se pose maintenant de savoir si l'on pourra continuer à l'avenir à diminuer les reports de crédits.

Quant aux reports de charges, ils ont été réduits, par voie de conséquence, de plus de 900 millions d'euros, et ont ainsi été ramenés à 2, 14 milliards d'euros à la fin de 2005. Il faudra naturellement apurer cette dépense au début de l'année 2006. À partir du 1er janvier 2006, une notion plus précise sera mise en place, celle des « charges à payer ». La commission des finances sera particulièrement attentive au montant de ces charges qui figurera au bilan d'ouverture de l'État au 31 décembre 2005.

Par ailleurs, nous vous en donnons acte, madame le ministre, les conséquences néfastes des retards de paiement pour les entreprises, et notamment les PME, ont été atténuées en début d'année par la mise en place d'un mécanisme de cession par les entreprises des créances non payées à des organismes financiers rémunérés par les intérêts moratoires dus par l'État. Cette intermédiation financière est une solution quelque peu curieuse, à laquelle j'espère voir mis un terme au cours des années à venir.

J'évoquerai maintenant la seconde question : l'exécution de la loi de programmation militaire est-elle satisfaisante ?

Si certaines critiques ou certains doutes voient le jour quant à la qualité de l'exécution de la loi de programmation militaire, il convient de les replacer dans un cadre temporel. En effet, certaines critiques portent sur le passé, d'autres sur le présent, et d'autres encore sur le futur.

Pour ce qui concerne le passé, l'objectif à atteindre reste l'exécution du modèle d'armée 2015. Toutefois, entre 1995 et 2002, soit avant votre entrée en fonctions, madame le ministre, un certain retard a été pris, qui a atteint la somme de 12 milliards d'euros, soit une annuité des dépenses. Cet écart sera difficile, voire impossible, à rattraper.

Pour ce qui concerne le présent, globalement, la loi de programmation militaire actuelle est correctement exécutée, sous réserve de l'utilisation des 2 milliards d'euros de reports de crédits. Je sais que la décision a été prise de supprimer ces reports de crédits d'ici à 2008. Cela signifie que le ministère de la défense aurait le droit de dépasser, dans des proportions assez considérables, la norme de régulation budgétaire que j'ai évoquée tout à l'heure. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions en la matière, madame le ministre.

Par ailleurs, pour le présent, certains soulignent que l'exécution de la loi de programmation ne correspond pas exactement à ce qui était prévu par l'annexe de cette loi et évoquent des « bourrages » et des « glissements de crédits ».

Personnellement, de tels glissements de crédits ne me paraissent pas absurdes dans l'optique du financement de la recherche duale, de la recapitalisation de DCN ou de GIAT Industries. Un tel choix peut être nécessaire par rapport à d'autres opérations moins urgentes, et je ne vous en fais donc pas le reproche.

En ce qui concerne le futur immédiat, la gestion de 2005 se clôt avec près de 9 milliards d'euros d'autorisations de programme non engagées. Ces dernières se divisent en deux catégories : d'une part, 6 milliards d'euros d'autorisations de programme affectées et non engagées, dont le report ne devrait pas poser de difficulté ; d'autre part, 3, 4 milliards d'euros d'autorisations de programme ni engagées ni affectées, et qui, n'étant plus « éternelles », devraient donc normalement disparaître.

Mais qu'en sera-t-il alors du programme Barracuda, qui est gagé à hauteur de 1, 1 milliard d'euros sur ces crédits ? Dans quelle mesure le ministre des finances vous autorisera-t-il à utiliser ce volant de 1, 1 milliard d'euros de crédits ?

Reste maintenant le futur plus lointain, pour lequel les problèmes les plus délicats se posent.

La montée en puissance de la loi de programmation militaire et l'allongement de la durée des programmes se conjuguent pour accroître les perspectives de dépenses au-delà de l'horizon 2008.

En effet, le montant des restes à payer au 31 décembre 2005, c'est-à-dire la différence entre les engagements pris et les paiements déjà effectués, s'élève à 45 milliards d'euros. Étant donné l'allongement des programmes, 40 % de cette somme sera à payer sur les crédits futurs, soit au-delà de l'année 2008.

Le problème est donc le suivant : au vu de cette contrainte de paiement pour l'avenir, dans quelles conditions se préparera la future loi de programmation militaire ?

Je sais, madame le ministre, que vous avez arrêté au début de l'année, dans un délai très bref, ce dont je vous félicite, la version actualisée du référentiel 2006, ou VAR 2006. Je serais heureux que vous puissiez nous indiquer quelles solutions vous préconisez.

Mes chers collègues, l'année prochaine, le budget d'équipement éclatera en trois programmes : les recherches en amont iront dans le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », le « gros » du développement et de la construction ira dans le programme « Équipement des forces », et le maintien en condition opérationnelle, le MCO, ira dans le programme « Préparation et emploi des forces terrestres, navales et aériennes » - et je ne parle pas de l'infrastructure.

J'ose espérer que la synthèse entre ces programmes, qui dépendra naturellement des votes du Parlement, laissera très clairement transparaître les choix que vous avez continué à faire en faveur des recherches en amont et du MCO.

Mes chers collègues, je laisserai à François Trucy le soin de conclure et de vous donner l'avis de la commission des finances

Je dirai simplement qu'en matière d'équipement nous remontons la pente, et ce non seulement parce que la loi de programmation militaire est exécutée correctement, mais aussi, madame le ministre, parce que la gouvernance, la gestion de votre ministère, avec la recherche du moindre coût, s'inscrit dans la continuité d'une véritable stratégie de réforme.

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